Comptes rendus

Maurizio Gatti, Littérature amérindienne du Québec. Écrits de langue française, préface de Robert Lalonde, Montréal, Hurtubise HMH, 2004, 271 p. (Cahiers du Québec littérature.)[Record]

  • Isabelle St-Amand

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  • Isabelle St-Amand
    Candidate au doctorat en études littéraires,
    Université du Québec à Montréal.

Peu institutionnalisée et peu diffusée, la littérature amérindienne de langue française du Québec se développe pourtant avec dynamisme, comme l’indique la pluralité des contes et légendes, poèmes, romans, théâtre, récits et témoignages rassemblés dans la toute première anthologie donnant à entendre les voix d’une cinquantaine d’auteurs issus de diverses nations. Le recueil compilé par Maurizio Gatti est destiné autant au grand public qu’aux chercheurs, qui y trouveront un instrument de référence fiable, complémenté d’une bibliographie et de profils d’auteurs détaillés. S’écartant de la perspective historique ou anthropologique à laquelle on aurait pu s’attendre, M. Gatti privilégie une interprétation littéraire et une appréciation esthétique des productions écrites amérindiennes, qu’il situe à juste titre dans le processus d’établissement d’une littérature minoritaire émergente. Il propose aussi une réflexion pertinente sur la notion d’auteur amérindien, sur le rôle des auteurs dans la transmission et le renouvellement identitaires, de même que sur l’épineuse question de l’identité culturelle, qui apparaît constamment dans l’expression écrite issue des auteurs amérindiens. L’identité amérindienne fait effectivement l’objet de tiraillements incessants : alors même qu’elle voit sa survie menacée, elle exerce un attrait mythique et spirituel indéniable, en plus de posséder un intérêt stratégique déterminant au sein d’enjeux politiques de taille, notamment les revendications territoriales. Dans un tel contexte, note M. Gatti, les auteurs amérindiens qui s’approprient la littérature écrite contribuent à affranchir graduellement leurs communautés des limites créées par une mise en réserve géographique – et imaginaire – découlant de la colonisation et de la Loi sur les Indiens. De fait, les auteurs agissent sur le monde pour le transformer, à la manière du jeune héros de Bernard Assiniwi, qui « s’était levé de lui-même, dans la puissance de sa parole » et « venait de créer un précédent » (p. 131). Le recueil rassemble non seulement des textes d’auteurs relativement connus, comme Bernard Assiniwi ou Georges Sioui, mais aussi de nombreux textes inédits découverts par M. Gatti au fil de ses recherches dans les communautés, ainsi qu’un récit posthume de Jean-Paul Joseph racontant l’émeute dont il a été témoin lors de sa détention dans un pénitencier fédéral. Produit d’une littérature orale, la fiction amérindienne fait place au théâtre et aux poèmes, genres étroitement liés à la performance et à la musicalité. Si les thématiques généralement abordées comptent le déchirement entre tradition et modernité, le rapport au colonisateur, la quête identitaire et le rapport privilégié avec la nature, certains textes, dont le roman policier de Julian Mahikan, explorent des voies différentes. L’anthologie vise entre autres à aider les écrivains amérindiens du Québec à se connaître et à échanger davantage sur leur travail au sein d’un réseau littéraire, à l’instar des auteurs amérindiens anglophones du Canada qui s’efforcent de constituer un discours critique sur leur littérature et de développer des instruments d’analyse à partir de la culture, des traditions et des critères d’esthétique amérindiens.