Le festschrift est un genre littéraire qui a ses avantages et ses désavantages. L’un des inconvénients tient au fait que le point commun entre les essais est la relation personnelle qu’entretiennent les auteurs avec l’universitaire honoré plutôt qu’un même objet d’étude partagé. En conséquence, il y a peu ou pas de fil conducteur entre les essais et, puisque les relations personnelles sont à la base du choix des auteurs, la qualité des essais devient une question secondaire. Un avantage est que le collectif d’essais produit de chaleureux sentiments entre le célébré et les célébrants. Aussi, les festschrift constituent-ils parfois des documents culturels importants, puisqu’ils donnent un aperçu des contacts informels et intellectuels entre des chercheurs plus ou moins éminents. Le festschrift Reclaiming Democracy souffre des deux désavantages mentionnés ci-dessus, tout en ayant ses avantages : il a probablement donné lieu à des sentiments chaleureux chez les gens concernés, et il donne un aperçu dans une culture académique. L’ouvrage rend hommage aux universitaires Gregory Baum et Kari Polanyi Levitt. Tous deux ont passé la première partie de leur vie en Europe, ils ont terminé leur carrière à McGill et ils ont une sensibilité de gauche. Mais là s’arrête la ressemblance. Baum est un théologien plutôt influencé par la théologie de libération, alors que Levitt est une économiste du développement, connue pour son ouvrage SilentSurrender (1970), qui propose un examen critique des effets des multinationales sur le Canada, ainsi que pour ses travaux sur l’économie des Caraïbes. La première partie du livre contient des essais sur la morale, la religion et la démocratie, écrite en l’honneur de Baum. Ursula Franklin plaide que l’on devrait considérer que les moyens sont aussi importants que les fins. Denis Goulet est d’avis que la religion peut être utilisée pour distinguer le développement authentique du développement inauthentique. Le développement authentique est celui « that a society provides, in the being mode, optimal life sustenance, esteem, and freedom to all its members » (p. 29), alors que le développement inauthentique, je suppose, ne le fournit pas. Arvind Sharma prône l’intérêt d’ajouter la dignité humaine au discours des droits de la personne, associant cette dignité à la culture asiatique. Carolyn Sharp écrit de façon enthousiaste sur deux symboles du catholicisme de gauche au Québec, soit le Carrefour de pastorale en monde ouvrier et le Centre justice et foi. Cette première moitié du livre se termine par un essai de Baum, qui combine quelques références bibliographiques dans le but d’établir un parallèle entre, d’une part, le développement d’une théorie critique inspirée de Marx, et d’autre part, la religion prophétique qui remet en question l’ordre social, établi dans l’ancien testament hébraïque des prophètes et celui de Jésus. La deuxième moitié du livre concerne Levitt. Best et Levitt produisent une histoire économique des Caraïbes, mettant l’accent sur le rôle de l’imposition coloniale des plantations. Écrit durant les années 1960, leur essai semble avoir eu un impact intellectuel important sur les universitaires et décideurs des Caraïbes, même s’il n’a pas été publié à ce jour. Best fournit une discussion intéressante sur l’étude de l’organisation des idées. Norman Girvan exprime quelques réserves polies sur les modèles développés dans ce Magnum opus [non publié]. Michael Witter s’inquiète des effets sociaux des politiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Samir Amin y fait une analyse marxiste laborieuse du développement, type d’analyse qui a émergé en France dans les années 1970 et que certains souhaitaient disparues pour toujours. Mel Watkins fait l’éloge de Silent Surrender et prend l’opportunité de critiquer la profession économique canadienne et tous ceux qui ont adopté une …
Marguerite Mendell (dir.), Reclaiming Democracy. The Social Justice and Political Economy of Gregory Baum and Kari Polanyi Levitt, Montréal & Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2005, 176 p.[Record]
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Michael R. Smith
Département de sociologie,
Université McGill.