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Né à Ottawa, Pierre Galipeau a fait ses études de sociologie à l’Université Laval. Il amorce une carrière d’enseignement en 1969, au titre de professeur assistant, pour occuper l’année suivante un poste à l’Université de Sudbury et regagner son alma mater en 1972. Il accepte ensuite une mission à Butaré, comme professeur de sociologie à l’Université nationale du Rwanda (1976-1978). Au retour, il enseigne moins d’un an au Collège Saint-Jean, puis il s’établit à Québec, où il oeuvre comme coordonnateur des services sociaux au CLSC de la Jacques-Cartier jusqu’en janvier 1993. Il est décédé à Québec le 6 décembre 2006 au terme d’une longue maladie.

Pierre Galipeau a rédigé sa thèse de maîtrise dans le cadre du grand projet de recherche sur l’analyse des idéologies au Canada français alors en cours à l’Institut supérieur des sciences humaines de l’Université Laval. Il a tiré de son travail une étude intitulée « La Gazette des campagnes », publiée par Recherches sociographiques dans le numéro spécial « Les idéologies au Canada français, 1850-1900 » (volume X, numéro 2-3, 1969 : 294-322). Sous une idéologie ultramontaine de la plus belle facture se trouvait « un projet culturel pour une classe sociale », mis au jour par l’interprète. Ce magistral exemple d’herméneutique sociologique deviendra un classique dans l’enseignement de la méthodologie qualitative au Département de sociologie de Laval.

Pierre Galipeau a été assistant de recherche dans le cadre d’un projet dirigé par Claude Corriveau et Jean-Paul Montminy sur le développement du syndicalisme au Québec ; avec Gérard Bouchard, il a interviewé pendant deux étés des anciens aumôniers des syndicats catholiques sur le développement du syndicalisme au Québec. Ce projet se voulait une critique de la sociologie du travail d’alors (Touraine, etc.). D’origine populaire et détenteur d’une carte de compétence dans les métiers de la construction – qu’il exerçait occasionnellement – Pierre Galipeau concevait la sociologie à la fois comme une culture, un métier et une pédagogie. Durant sa brève carrière professorale, il a enseigné notamment Talcott Parsons, les méthodes qualitatives et l’introduction à la sociologie. Il a aussi donné un séminaire sur la condition féminine (avec Michel de Sève), bien avant que cet objet d’étude ne soit institutionnalisé, et certaines féministes de l’époque avaient alors protesté contre le fait que cet enseignement ait été confié à des hommes.

On le considérait unanimement comme un grand pédagogue. Il avait une vision très personnelle de la sociologie de Parsons, alors au faîte de sa renommée, dont il décortiquait la pensée devant ses étudiants. Dans ses différents cours, il ramenait ceux-ci aux observations de terrain ou encore à l’actualité, aimant à rappeler qu’il avait appris de Jean-Luc Pepin, son professeur à l’Université d’Ottawa, à lire les journaux de fin de semaine avec un oeil de sociologue, l’oeil de l’interprète. Ses étudiants, à l’époque tous issus des collèges classiques, se souviennent qu’il leur a fait découvrir l’édition du dimanche du New York Times, alors vendue à la bien connue Tabagie Giguère dans le Vieux-Québec ou à celle de la Jonction de Sillery, plus proche du campus universitaire de Sainte-Foy, dont il aimait commenter les articles dans ses échanges informels avec eux.

Pierre Galipeau était très apprécié des intervenants en travail social qu’il supervisait car il leur apportait un soutien éclairé par sa formation théorique. Il avait le souci de mettre à profit ses talents d’analyste des questions sociales pour dépasser la conception bureaucratique de l’offre de services. Ainsi, il n’hésitait pas à accompagner les travailleurs de terrain en milieu d’intervention. Concurremment, il faisait figure de modèle de sociologue d’action auprès des étudiants de sociologie, qui le sollicitaient fréquemment pour une conférence ou un atelier informel. Nonobstant son bref passage, il restera une figure marquante dans l’histoire de la sociologie à l’Université Laval.