Note critique

Une méconnaissance butée des sociétés autochtonesNelson-Martin Dawson, Feu, fourrures, fléaux et foi foudroyèrent les Montagnais. Histoire et destin de ces tribus nomades d’après les archives de l’époque coloniale, Québec, Septentrion, 2005, 263 p.[Record]

  • Denys Delâge

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  • Denys Delâge
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Nelson-Martin Dawson propose une synthèse de l’histoire montagnaise des XVIIe et XVIIIe siècles avec, comme thèse centrale, la disparition de premiers Montagnais et leur remplacement par une population cosmopolite sans lien avec la première, mais portant le même ethnonyme. Dawson réitère ici, pour les Montagnais, une thèse identique à celle qu’il avait déjà soutenue à propos des Attikamekw. Le territoire concerne, pour l’essentiel, celui de l’ancien Domaine du Roi, c’est-à-dire ce territoire que les rois de France puis d’Angleterre s’étaient réservé comme monopole pour la traite des fourrures et qui recouvre le bassin du Saguenay et la Côte-Nord jusqu’à la rivière Moisie. Nous avons, dans cette note critique, de lourdes critiques à formuler en ce qui concerne à la fois la méthode employée, l’utilisation des sources et la thèse générale du livre. Le livre est tiré d’un rapport de recherche commandé et financé par Hydro-Québec. Affirmant que ce financement est analogue à une subvention du FQRSC ou du CRSH, l’auteur dit avoir joui d’une parfaite liberté professionnelle. Nous n’en doutons pas. Cependant, il entretient ici une confusion. Il est faux de prétendre que sont analogues, d’un côté les contextes de production des recherches commanditées à des fins judiciaires par des organismes privés ou publics (Hydro-Québec, Conseils de bande, etc.) ayant des intérêts dans les résultats livrés, et d’un autre côté, ceux résultant des organismes subventionnaires de recherches évaluées et sélectionnées par des pairs. Dans le premier cas, les commanditaires recherchent des candidats favorables à leurs intérêts, ce qui ne vaut pas dans le second cas. Comme le sous-titre le suggère, la recherche est tirée d’un dépouillement systématique des archives coloniales. Il y a là une manière polémique d’affirmer que l’histoire fondée sur les archives mérite d’exister et qu’elle offre, à elle seule, hors de tout apport des sciences sociales, un point de vue qui vaudrait bien celui des anthropologues, ceux-ci ayant d’ailleurs trop longtemps monopolisé le champ de l’histoire des Amérindiens. L’auteur affirme encore avoir volontairement refusé de s’engager dans une étude comparatiste des « aspects touchés » dans son livre. Même refus de confrontation de ses hypothèses aux « travaux archéologiques et ethnolinguistiques, même s’il propose un argument linguistique pour soutenir sa thèse (p. 14). Pas de recours non plus à la tradition orale jugée trop fragile et trop sélective ; il s’agira plutôt d’un investissement systématique dans une « exploitation maximale des sources » qui, écrit-il, par-delà leur « empreinte d’esprit capitaliste » nous livrent de précieux témoignages pourvu que l’historien sache en faire rigoureusement la critique interne et externe. Nous ne voyons pas, pour notre part, comment le même principe qui s’applique à la documentation écrite ne vaudrait pas pour la tradition orale et pourquoi il faudrait l’écarter d’office. De surcroît, jamais dans ce livre la critique des documents ne fait appel à une connaissance de la société amérindienne qui en est l’objet. L’auteur proclame son droit à une écriture à l’encontre de la rectitude politique ambiante promue, à son dire, par les anthropologues principalement qui consisterait à chercher davantage à défendre les Indiens qu’à dire la vérité. Rappelons ici l’enjeu majeur des résultats du rapport de recherche devenu le livre de Dawson à un moment où le ministère de la Justice du Québec et Hydro-Québec exploraient l’hypothèse d’un bris de filiation entre les Indiens contemporains et les premiers occupants pour démontrer en cour qu’était caduque toute revendication en vertu des droits ancestraux. Cette approche, comme l’explique Michel Morin, se fonde partiellement sur l’arrêt Sioui de la Cour suprême du Canada qui reconnaissait aux Hurons des droits sur les terres du Parc des Laurentides en …

Appendices