Au milieu de l’année 2002, l’Assemblée nationale du Québec adoptait la loi 104 qui permettait de modifier certains éléments de sa Charte de la langue française. L’objectif principal du projet de loi était de corriger une incohérence au texte de la Charte qui, dans sa forme originale, pouvait permettre à un enfant qui fréquentait l’école anglaise non subventionnée d’avoir accès, l’année suivante, à l’école anglaise publique québécoise. Dans la foulée de ce projet de loi, le gouvernement en profitait pour opérer une restructuration importante des organismes de protection de la langue française qui dorénavant relèvent tous de l’Office québécois de la langue française dont l’un des mandats est de « surveiller l’évolution de la situation de la langue française au Québec ». C’est dans cet esprit que l’Office a lancé une collection intitulée « Suivi de la situation linguistique » dont les deux titres qui font l’objet de ce compte rendu représentent les deux premiers produits. Ces deux ouvrages ont été réalisés par deux spécialistes de ce qu’il est convenu de nommer la démographie linguistique. Michel Paillé, démographe et agent de recherche à l’Office, s’est intéressé à l’analyse des tendances que l’on retrouve dans le premier document alors que Charles Castonguay, mathématicien de l’Université d’Ottawa, s’est principalement intéressé aux indicateurs relatifs aux transferts linguistiques. Le premier des deux documents est particulièrement riche et me semble fort original en ce sens qu’il se consacre à l’examen des tendances de 1991-2001 à partir de 22 indicateurs différents. Un tel document, bourré de statistiques, de graphiques et de tableaux, aurait pu en rebuter plusieurs. Dans un style simple et avec des encadrés qui résument les principaux résultats, il se présente plutôt comme un ouvrage de référence accessible à quiconque veut obtenir un portrait détaillé et rapide des tendances récentes à partir des indicateurs courants dans le domaine des usages des langues (langues maternelles, langues parlées à la maison, maîtrise des langues officielles, etc.). Certaines des principales conclusions confirment les tendances déjà observées, notamment que la population de langue maternelle française est en perte de vitesse au Québec alors que celle de langue maternelle anglaise a perdu de ses effectifs au cours de la décennie 1991-2001. Évidemment, ces deux tendances se font parallèlement à une forte augmentation des populations issue de l’immigration dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais. Ceci étant, les auteurs du Fascicule 1 observent « des gains encourageants pour les francophones » puisqu’en 2001, le français était parlé à la maison par près de 9 Québécois sur 10. Mais l’une des conclusions les plus intéressantes concerne l’importance du multilinguisme que révèle le dernier recensement. On apprend en effet qu’en 2001 près d’un million de Québécois « affirment utiliser le plus souvent ou régulièrement au moins deux langues au foyer » (p. 91). Le second document, beaucoup plus technique et rédigé par Charles Castonguay, s’intéresse à la mesure de ce que l’auteur nomme la vitalité des langues au Québec, élaborée à partir cette fois des données des recensements de 1971 à 2001. L’auteur montre que les transformations opérées dans les outils de collecte conduisent à une rupture de la comparabilité des données démo-linguistiques en 1991 et 2001. En effet, des changements dans le libellé des questions sur la langue, le remodelage du questionnaire de même que l’ordre d’apparition des modalités de réponses ont pu avoir des effets sur les déclarations et Charles Castonguay est fort convaincant dans sa démonstration. Il en conclut que « le questionnaire remodelé, introduit en 1991, a gonflé artificiellement de quelque 20 000 à 30 000, respectivement, les substitutions nettes des allophones en faveur du …
Office québécois de la langue française, Les caractéristiques linguistiques de la population du Québec : profil et tendances 1991-2001, Québec, Office québécois de la langue française, 2005, 101 p. (Suivi de la situation linguistique, fascicule no1.)Charles Castonguay, Les indicateurs généraux de vitalité des langues au Québec : comparabilité et tendances 1971-2001, Québec, Office québécois de la langue française, 2005, 45 p. (Suivi de la situation linguistique, étude no 1.)[Record]
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Richard Marcoux
Département de sociologie,
Université Laval.