La Révolution tranquille a inauguré, entre autres, une transformation de la gouvernance québécoise. Comparativement au reste de l’Amérique du Nord, le Québec a mis au point un gros appareil gouvernemental, a adopté une conception keynésienne du rôle du gouvernement dans le domaine économique, en plus de définir et d’encourager les secteurs de pointe. Il a également mis en place un code du travail typiquement généreux envers les travailleurs, assuré la croissance d’une fonction publique professionnelle axée sur le mérite, développé une tradition d’encouragement de l’entrepreneurship, plus particulièrement là où l’on retrouve des entrepreneurs francophones, et a de plus en plus façonné ses politiques par des concertations comportant des sommets avec un groupe élargi de partenaires sociaux. Il est clair que les auteurs de ce livre considèrent ces transformations comme étant bénéfiques. Dès le début du livre, ils déplorent que le dernier gouvernement formé par le Parti québécois se soit déplacé vers la droite et qu’avant, le gouvernement libéral de Robert Bourassa ait flirté avec le néo-conservatisme. Cependant, les auteurs perçoivent que les changements inaugurés par le gouvernement libéral de Jean Charest constituent une rupture décisive par rapport au passé. Ils regrettent vivement ces changements et déploient maints efforts afin de persuader le lecteur qu’il devrait faire de même. Les éléments de leur argument sont les suivants. Les politiques du gouvernement Charest s’inspirent de l’école de pensée du nouveau management public, une école de pensée qu’ils considèrent d’être d’une qualité intellectuelle médiocre. La politique établissant les partenariats public-privé (PPP), occupant une place primordiale dans le Plan de modernisation 2004-2007 de Monique Jérôme-Forget, comporte des risques de toutes sortes. Finalement, le mandat du gouvernement Charest n’a pas la crédibilité requise pour introduire les réformes radicales qui ont été décrétées ou proposées. Nous examinerons ces trois éléments. Les problèmes dans les finances publiques constituent une justification de premier plan pour Le nouveau management public et pour la réingénierie qui s’ensuit. Une inquiétude prévaut selon laquelle plusieurs services sont assez pauvrement fournis par le service public et que la technologie de l’information permet de réduire les coûts de service et d’améliorer la qualité du service. Le nouveau management public s’appuie ainsi sur les trois « E » : économie, efficience et efficacité. Pas si vite, disent Rouillard et al. Ces derniers endossent les prétentions d’une littérature critique de la réingénierie, après l’avoir examinée, telles : les affirmations que celle-ci mène à l’amélioration de la performance reposent sur une évidence de piètre qualité (p. 59) ; les suppositions faites sur la nature humaine sont très limitées : « la nature humaine est encore considérée comme statique. L’individu, croit-on, réagit de manière mécaniste aux stimulus économiques et psychologiques qui lui sont envoyés » (p. 60) ; la réingénierie mène à l’intensification du travail et aux licenciements (p. 62-63) ; et, de façon plus générale, la réingénierie ne convient pas dans le service public puisque ses critères plus limités d’efficience réduisent les citoyens à de simples clients ; de plus, « [d]’apparence simple et vertueuse, l’orientation clientéliste de l’administration publique est au contraire pernicieuse, d’autant plus que la possibilité même d’évaluer la qualité du service reçu par le client, quel qu’il soit, est toujours limitée, souvent même nulle » (p. 78-79). Voilà pour le nouveau management public ! Que dire des PPP, du Plan de modernisation 2004-2007 ? Ils sont suggérés comme un moyen d’offrir de meilleurs services à un coût moindre en exploitant la flexibilité du secteur privé. Ce plan d’action suggère que les gouvernements sont en mesure de contrôler la performance de leurs partenaires du secteur privé de façon efficace. Rouillard et al. y font …
Appendices
Bibliographie
- Arbour, Pierre, 1993 Québec Inc. et la tentation du dirigisme, Montréal, L’Étincelle Éditeur.
- Bourque, Gilles L., 2000 Le modèle québécois de développement : de l’émergence au renouvellement, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec.
- Commission d’enquête sur la Société Papiers Gaspésia, 2005 Rapport d’enquête sur les dépassements de coûts et de délais du chantier de la Société Papiers Gaspésia de Chandler, Québec, Publication du Québec.
- Palda, Filip (dir.), 1994 L’État interventionniste : le gouvernement provincial et l’économie du Québec, Vancouver, Fraser Institute.