Au terme d’une carrière universitaire bien remplie à titre de professeur à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal et de chercheur en histoire de la culture au Québec, Marcel Lajeunesse trace en quelque sorte un bilan de ses travaux de recherche depuis un quart de siècle. Son recueil, Lecture publique et culture au Québec. XIXe et XXe siècles, renferme dix essais sur un sujet qui lui tient à coeur, soit « l’émergence et l’évolution de la bibliothèque publique au Québec, ou plutôt, de l’histoire de la lecture publique au Québec ». Ces essais, parus pour la plupart dans des publications scientifiques au Québec, au Canada anglais et aux États-Unis, ne figurent pas ici dans l’ordre chronologique de leur parution. Ils sont présentés plutôt dans un ordre qui permet au lecteur de suivre l’évolution diachronique du phénomène des bibliothèques québécoises, d’hier à aujourd’hui. Nous apprenons, par exemple, que la bibliothèque publique, dans sa forme actuelle, a mis du temps à s’implanter au Québec, qu’elle a revêtu plusieurs formes et porté plusieurs appellations (circulante, parlementaire, associative, paroissiale, municipale) et qu’elle a servi les intérêts de plusieurs groupes (juridiques, politiques, sociaux, religieux) avant de devenir le « temple de la lecture » que nous connaissons aujourd’hui. Pendant longtemps, le seul ouvrage synthétique sur le sujet était celui du bibliothécaire Antonio Drolet, Les bibliothèques canadiennes, 1604-1960, une publication qui date de 1965. Marcel Lajeunesse promène un nouveau regard, celui de l’historien de formation, sur ce vaste domaine de la lecture qui était autrefois une chasse gardée des bibliothécaires. Il tente de renouveler les connaissances en examinant de près les acteurs et les conditions qui ont donné naissance à divers types de bibliothèques au Canada français. Cette démarche l’amène à identifier les principaux promoteurs (groupes et individus) de cette forme de lecture publique, à scruter la situation québécoise par rapport aux autres provinces, l’Ontario en particulier et, enfin, à s’interroger sur la politique gouvernementale au sujet des bibliothèques au vingtième siècle. En attendant la grande synthèse qui présentera une vue d’ensemble du phénomène de la lecture publique dans toutes ses ramifications, M. Lajeunesse fournit des matériaux utiles pour un tel travail à partir d’une série de coups de sonde qui délimitent déjà le champ d’investigation. Sa méthode d’analyse s’inspire de celle de l’histoire socioculturelle, fondée sur la recherche de faits, d’événements et de dates qui fourniraient des indices quant à la nature même des bibliothèques, incluant leur naissance, leurs besoins particuliers, les problèmes qu’elles rencontrent et les solutions proposées. Cette approche a l’avantage d’offrir de nouvelles pistes de recherche pour d’autres chercheurs, notamment ceux qui s’intéressent à l’histoire littéraire ou à l’histoire du livre au Québec. Les quatre premiers essais traitent surtout des XVIIIe et XIXe siècles et des conditions politiques, sociales et religieuses qui ont donné naissance aux bibliothèques collectives. Avec le premier article, intitulé « Les bibliothèques québécoises : les avatars de leur rôle social à travers les âges », l’auteur met la table, pour ainsi dire. Dans ce survol plutôt exploratoire, il présente les diverses formules utilisées pour donner accès aux livres. Il remonte à la conquête britannique, aux premières circulating libraries commerciales dans la colonie, à la bibliothèque bilingue du gouverneur Frédéric Haldimand (1779) accessible aux sociétaires seulement. Dans ce contexte, la population francophone éprouve généralement de la difficulté à s’approvisionner en livres. Il faut attendre l’Union des provinces (1840) et l’ascension fulgurante de l’Église catholique par la suite pour voir comment le clergé s’y prend pour contrôler la lecture par la création de bibliothèques de « bons …
Marcel Lajeunesse, Lecture publique et culture au Québec. XIXe et XXe siècles, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2004, 227 p.[Record]
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Kenneth Landry
Université Laval.