Le bilan démographique annuel que publie depuis maintenant plusieurs années le démographe Louis Duchesne de l’Institut de la statistique du Québec mérite un examen attentif, car on y découvrira une mine de renseignements factuels qui intéresseront les spécialistes de la société québécoise, notamment des tableaux très détaillés et standardisés dans la deuxième partie de l’ouvrage, aussi disponibles sur le site internet de l’Institut. Retenons au hasard quelques découvertes statistiques à titre d’illustration. « Peu de femmes nées dans la seconde moitié du XXe siècle auront une famille nombreuse : 7 % ou 8 % des générations auront quatre enfants ou plus, tandis que c’était le cas de plus de 40 % des femmes des générations 1921-1931 » (p. 82). L’auteur ajoute une précision importante souvent oubliée : l’infécondité (ne pas confondre avec la stérilité) des femmes a été plus importante dans la première moitié du XXe siècle que dans la seconde. Ainsi, au Recensement de 1991, le quart des femmes âgées de 70 ans ou plus ont-elles déclaré ne jamais avoir eu d’enfant. La moitié des divorces au Québec n’implique pas d’enfants à charge. Dans le cas où il y en a (d’après les décisions prises par le tribunal), l’âge moyen des enfants est de 10,9 ans. La garde des enfants varie selon leur âge. Ainsi, la garde partagée (en forte hausse depuis l’an 2000) touche-t-elle maintenant un enfant sur quatre impliqués dans la rupture de l’union conjugale, mais la mère obtient encore la garde dans 62 % des cas et le père, dans 13 %. La proportion de la garde confiée à la mère monte même à 70 % dans le cas des très jeunes enfants. Lorsque le divorce survient plus tard dans le cycle de vie, le quart des pères obtiennent la garde des adolescents (25 %). Les causes de mortalité sont ventilées selon le sexe, ce qui fait apparaître quelques différences intéressantes à noter. En 2003, 111 hommes sont décédés du SIDA en regard de 14 femmes. Avant d’atteindre l’âge de soixante ans, les hommes meurent davantage sur les routes et se suicident plus que les femmes, qui décèdent de leur côté plus fréquemment de tumeurs. L’ouvrage fourmille aussi de renseignements à caractère socioculturel, et son intérêt déborde largement la démographie. Ainsi, on y apprend que trois enfants sur quatre nés en 2003 portent uniquement le nom de famille du père, une proportion en hausse depuis l’année 1990. « Il est évident que la mode des noms doubles est en train de décliner » (p. 126) soutient Duchesne. Depuis quelques années, le rapport annuel sur la situation démographique au Québec contient un essai à caractère sociographique. Celui de l’édition 2004 porte sur la diffusion des naissances hors mariage depuis 1950. Celles-ci sont en hausse continue depuis les années 1960, indépendamment des cycles économiques, des variations du niveau général de fécondité ou encore des changements législatifs en matière d’état civil survenus en 1981, selon Duchesne. La courbe de la proportion de naissances hors mariage est lisse et fortement orientée vers le haut depuis quarante ans et l’auteur affirme que « […] l’évolution du phénomène des naissances hors mariage est assez indépendante des vicissitudes de la vie économique et sociale » (p. 23). Il me semble que l’auteur avance trop vite que les changements législatifs de 1981 n’ont pas eu un effet d’entraînement, car l’accélération de la proportion des naissances hors mariage s’est produite précisément à partir de cette année-là, d’après le graphique publié dans le rapport. Fait à noter, la courbe québécoise a nettement dépassé ces dernières années celles qui caractérisent les États du Nord de …
Louis Duchesne, La situation démographique au Québec. Bilan 2004, Québec, Institut de la statistique du Québec, 2004, 356 p. (Démographie.)[Record]
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Simon Langlois
Département de sociologie,
Université Laval.