L’American Association of Teachers of French s’intéresse de près à la société québécoise pour de bonnes raisons car leurs membres trouvent dans la belle province une littérature qui exprime les réalités nord-américaines en français, des manuels scolaires adaptés à l’Amérique, des produits culturels qui les touchent et même, parfois, des cousins éloignés pour ceux qui ont des racines canadiennes-françaises. Marie-Christine Weidmann Koop, alors présidente de cette association et professeure au Département de langues et littératures étrangères de la University of North Texas, a réuni à l’intention du public cultivé américain qui s’intéresse à la société québécoise contemporaine les contributions de huit Québécois et de neuf Américains, présentées à un séminaire de formation sur les institutions, l’histoire, la littérature et les aspects sociaux du Québec contemporain, tenu à l’Université McGill. Si le livre s’adresse d’abord à un public américain, il intéressera aussi les personnes peu familières avec la société québécoise et il faut souligner la grande qualité de la majorité des contributions. On y trouvera un article synthèse intéressant de Chantal Maillé qui souligne le divorce existant entre le mouvement des femmes au Québec et la réflexion théorique qui se fait en milieu universitaire. Éric Bédard analyse l’historiographie de la période canadienne-française de 1840 à 1960. Il déplore que l’étude de la pensée québécoise d’avant la Révolution tranquille ait été à ce point négligée. L’étude de l’antagonisme libéral-ultramontain est maintenant délaissée au profit de l’analyse du libéralisme économique et, plus marginalement, de l’analyse du projet de modernisation de l’ancien Canada français. Ce projet a été occulté par les intellectuels des années 1960 et 1970 qui ont par ailleurs noirci exagérément cette période de l’histoire afin de mieux mettre en évidence leur propre contribution à la modernisation contemporaine. Bédard plaide – à la suite d’autres chercheurs de sa génération comme E.-Martin Meunier et Jean-Philippe Warren – pour une relecture du passé récent à partir de l’intentionnalité des acteurs canadiens-français et en particulier pour un réexamen du rôle de l’Église et des mouvements progressistes en son sein, notamment les mouvements de jeunes et de l’action catholique militante. Le chapitre de Éric Gourdeau propose une synthèse bien informée sur l’histoire et la situation actuelle des Autochtones. Il insiste autant sur la question des traités et des négociations entre les nations amérindiennes et le gouvernement du Québec que sur les enjeux économiques, culturels et sociaux auxquels sont confrontées les premières nations. Il manque cependant à ce texte – comme d’ailleurs à bien d’autres écrits sur la question amérindienne – ce qu’on pourrait appeler une perspective inclusive. Gourdeau y traite des relations avec les Autochtones comme s’ils étaient extérieurs au Québec, étrangers dans leur propre pays pour reprendre les mots de Rémi Savard, alors qu’ils font partie du « Québec total » dont parle Louis-Edmond Hamelin depuis des années. Les contributions des intellectuels américains sont de très bonne tenue. Ce constat mérite attention, car il arrive souvent que les analyses de certains experts étrangers qui s’intéressent au Canada ou au Québec se limitent à énoncer des lieux communs ou, au mieux, à proposer une synthèse d’idées connues. Tous ceux et celles qui ont déjà fréquenté les colloques tenus à l’étranger en études canadiennes (ou en études québécoises) verront immédiatement ce à quoi je fais référence. Mais rien de tel dans le présent ouvrage. Les contributions de plusieurs Américains mettent même avec intelligence le doigt sur certains enjeux contemporains, ce qui aura l’heur de surprendre agréablement le lecteur. Pascale Dewey donne une vue d’ensemble bien informée de la politique au Québec, en remarquant que ce dernier est le sixième fournisseur des États-Unis et elle souligne que son …
Marie-Christine WeidmannKoop (dir.), Le Québec aujourd’hui. Identité, société et culture, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2003, 309 p.[Record]
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Simon Langlois
Département de sociologie,
Université Laval.