Massif par son volume, le Traité de la culture, dirigé par Denise Lemieux, a aussi des proportions bibliques par l’étendue de la présentation qu’on y fait de la culture québécoise, sous presque toutes les coutures, et il constitue en même temps une véritable somme par la rigueur de l’écriture. La culture, selon qu’on accepte une définition anglo-saxonne ou française, comporte soit les activités, idées, valeurs, croyances et connaissances qui forment la base partagée de l’action sociale (Collins English Dictionary), soit « l’ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, une nation. » (Le Petit Robert). L’équipe, dirigée pendant plus de quatre ans par Mme Lemieux (on connaît ses travaux sur la famille, les femmes et les relations intergénérationnelles), analyse la culture québécoise selon une définition anthropologique de la culture (les mentalités), tout en étudiant la représentation qui s’en dégage (les produits culturels). La culture se soumet ici et avec profit à l’analyse d’une soixantaine d’universitaires spécialistes d’autant de domaines et qui fournissent un regard d’ensemble sur la création et la production culturelle québécoises durant le dernier quart du XXe siècle. Ce travail est doublement important, autant pour les acteurs principaux de la culture québécoise que pour ceux qui suivent de loin et avec intérêt et admiration la production académique au Québec. Il s’inscrit très naturellement dans la lignée des travaux publiés par l’IQRC depuis 1979, institut qui a continué à apporter une contribution importante aux études culturelles depuis son intégration dans l’INRS en 1994. Avec ce Traité la culture québécoise post-Révolution tranquille atteint véritablement sa majorité et mérite toutes les félicitations d’usage. Dans « Avant-propos » du Dictionnaire universel des littératures (Presses Universitaires de France, 1994, 3 vols, vol. 1, p. vii-xxii), Béatrice Didier rappelle que les dictionnaires et les encyclopédies ont tendance à voir le jour lors de périodes d’incertitude idéologique, par exemple au XVIIIe siècle en France quand les idées et systèmes de discours du siècle précédent ont commencé à s’écrouler. Par contre, durant les époques marquées par des convictions solides on constate une tendance à produire des traités savants ainsi qu’une interprétation solide de l’histoire. L’ordre alphabétique des dictionnaires et encyclopédies laisse le lecteur décider et évite ainsi de structurer les connaissances ; tandis qu’avec le traité le contraire est vrai car on y propose une analyse claire, voire irréfutable. Le traité exprime ainsi une conception réfléchie et mûrie qui est difficile à démentir. On ne trouvera pas dans ce volume une conception élitiste de la culture : bien au contraire, ressort des différentes études l’existence de liens complexes entre les cultures dites « savante » et « populaire ». Parmi les cinquante-cinq chapitres individuels, écrits selon le même modèle, où la pensée évolue graduellement de paragraphe en paragraphe, plusieurs retiennent l’intérêt pour des raisons diverses. « De la chanson à la musique populaire » de Roger Chamberland retrace l’évolution de l’objet culturel en question depuis « la chansonnette canadienne » jusqu’à la chanson québécoise. Ce chapitre, d’excellente pédagogie, traite également de l’histoire de la chanson, du rapport avec les mouvements sociopolitiques, du rôle des plus grandes vedettes et du rapport avec la technologie et l’économie. Malgré le commentaire péjoratif de Bourdieu sur la chanson (« le sous-champ de production restreinte »), Chamberland communique clairement la dimension humaine, esthétique, sociale et technique d’un phénomène culturel qui à un moment donné était indissociable de la recherche identitaire québécoise. L’analyse rappelle ici la célèbre chanson de Georges Dor, J’suis Québécois, créée en 1972, et dont le titre est devenu Je suis Québéquoi en 1991. La normalisation de la forme verbale s’accompagne …
Denise Lemieux (dir.), Traité de la culture, Québec, Les Éditions de l’IQRC, 2002, 1 089 p.[Record]
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Pádraig Ó Gormaile
Ollscoil na hÉireann, Gaillimh,
(Irlande).