Le phénomène des cuisines collectives est maintenant solidement ancré au Québec ; un regroupement en atteste la vitalité et la diversité territoriale. Lucie Fréchette et son équipe témoignent ici de cette richesse et en explorent le sens. L’auteure s’est inspirée de ses propres données mais aussi d’une littérature abondante qui tantôt explore le phénomène, tantôt montre ses liens avec d’autres dimensions du développement social. Le livre comporte deux sections principales : la première présente les cuisines collectives, leur histoire, leur mode d’opération ; deux analyses de cas complètent cette partie. La seconde est une réflexion sur les conditions de développement de ces cuisines, trois chapitres traitant des conditions psychosociales, socio-économiques et sociopolitiques. L’auteure analyse les cuisines collectives à l’aide du concept de groupe d’entraide dont elle propose une définition et des caractéristiques à partir de Orford, auteur connu pour son travail en psychologie communautaire. Puis, elle adopte un modèle écologique « de lecture des cuisines collectives pour en déceler le potentiel qui en fait des milieux d’intervention où les pratiques d’entraide se situent au carrefour du psychosocial et du communautaire » (p. 95). La perspective est large et se situe dans le vaste mouvement des pratiques communautaires. Ces pratiques sont apparues au Québec en même temps que des expériences similaires en Amérique du Sud. Les Latino-Américains ont beaucoup influencé les pratiques communautaires québécoises. Nous pensons à la théologie de la libération qui continue d’inspirer des pratiques associées au militantisme catholique et à Paolo Freire dont l’actualité reste grande. D’entrée de jeu, l’auteure discute les concepts de pauvreté, d’exclusion et d’insécurité alimentaire et les situe dans un contexte social, économique et politique, où le problème de la faim demeure directement lié à la pauvreté en se conjuguant « avec l’affaiblissement du réseau relationnel et avec l’affaiblissement des compétences sociales » (p. 6). Les cuisines collectives constituent une réponse aux services d’aide alimentaire traditionnels et y « priment l’entraide active et des dispositifs d’éducation populaire et de prise en charge » (p. 9). Mais elles vont plus loin en permettant à leurs membres d’expérimenter la participation active. Les cuisines offrent un espace favorable à la socialisation et à la requalification sociale. La première partie de l’ouvrage présente la petite histoire des cuisines collectives au Québec, ce qu’elles sont, et comment elles se sont mises en réseau. La première cuisine est apparue en 1985, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, grâce à l’initiative de résidentes. Ce sont principalement les CLSC, les organismes communautaires et les paroisses qui ont par la suite contribué à lancer d’autres projets semblables à travers le Québec, tant en milieu rural qu’en milieu urbain. De petite organisation informelle et utilitaire, la cuisine collective est devenue rapidement une organisation visant l’entraide et la résolution de problèmes favorisant la prise en charge par les participantes. Le fonctionnement des cuisines collectives est relativement semblable d’un quartier ou d’une localité à l’autre. Il s’agit d’un petit groupe de personnes qui se réunissent généralement deux fois par mois, la première pour assurer la planification et la seconde, pour cuisiner les plats. C’est dans leur structure que les cuisines expriment une partie de leur diversité. Les cuisines autonomes se constituent sous forme d’organisme communautaire alors que d’autres font partie de la programmation d’un organisme, ou sont affiliées à un organisme paroissial alors que certaines logent dans des institutions publiques ou parapubliques, par exemple les CLSC. Leur diversité se manifeste également au niveau des intervenantes. Des bénévoles, des animatrices et des professionnelles de la santé et des services sociaux gravitent autour de ces organisations. La fréquence et la durée de leur intervention varient selon la structure des cuisines …
Appendices
Bibliographie
- D’Amours Martine, 1993 Tous les moyens du bord. Les Centres de femmes : des chantiers économiques, Montréal, L’R des centres de femmes du Québec.
- Deslauriers Jean-Pierre, 1997 Les cuisines collectives, c'est plus que la cuisine ! L'expérience du CLSC de Hull, Hull, Département de travail social, Université du Québec à Hull.
- Leroux Richard, William A. Ninacs et Sonia Racine, 2000 L'empowerment et l'action des cuisines collectives des Bois-Francs, Victoriaville, Coopérative de consultation en développement La Clé et Moisson Québec.
- Racine Sonia, avec la collaboration de Elaine Côté, 1995 Santé mentale et pauvreté : les cuisines collectives, une alternative ?, Québec, Rapport de recherche, Moisson Québec.
- Tremblay, Esther, 1995 Portrait des cuisines collectives de la région de Québec, Sainte-Foy, Université Laval. (Mémoire de maîtrise en médecine.)