Comptes rendus

Gilles Sénécal, Jacques Malézieux et Claude Manzagol (dirs), Grands projets urbains et requalification, Sainte-Foy et Paris, Presses de l’Université du Québec et Publications de la Sorbonne, 2002, 264 p. (Géographie contemporaine.)[Record]

  • Louis Guay

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  • Louis Guay
    Département de sociologie
    Université Laval

Les grandes villes industrielles ont subi au cours des 30 ou 40 dernières années des transformations majeures. Des quartiers entiers ont été décimés par les changements économiques et technologiques : usines désuètes fermées et abandonnées, espaces urbains laissés en friche, délabrement des équipements, appauvrissement des quartiers résidentiels adjacents, bref, un paysage urbain inédit et peu attrayant. Les planificateurs urbains ne pouvaient rester indifférents ; le besoin de requalifier, de revitaliser et de faire revivre ces espaces, quoique sous des formes différentes et nouvelles, s’est fait sentir. Les interventions ont mis un certain temps à venir, mais, prenant appui sur l’économie du savoir et des services et, dans certains cas, sur la redécouverte de la centralité urbaine, on a commencé à aménager ces espaces et à retisser graduellement une trame urbaine pleine et continue. Les textes réunis examinent des exemples de grands projets. Ils sont pris au Québec et en France, à Montréal, surtout, et Québec, à Paris, Lyon, Lille, incluant une comparaison, pour les cités du multimédia, avec des villes américaines. Ils sont de nature urbanistique (tout un quartier, comme la Cité du multimédia à Montréal, le quartier Saint-Roch à Québec, la Cité internationale de Lyon, le quartier Bercy à Paris), architecturale (la Grande bibliothèque du Québec, le stade de France, par exemple), mais aussi environnementale (le projet Grand Montréal bleu et le réseau vert montréalais, le canal de la Deûle à Lille) ; ils sont aussi parfois centrés sur les infrastructures, comme l’enfouissement des lignes de transport d’électricité et des télécommunications dans la région de Montréal, décision consécutive à la tempête du verglas de 1998. Il reste toutefois que les grands projets poursuivent une gamme d’objectifs de front : un projet environnemental peut aussi avoir des fins urbanistiques et donner lieu à une oeuvre architecturale. Le stade de France, par exemple, visait aussi à requalifier tout un quartier, voire une ville de taille moyenne. La Grande bibliothèque du Québec sera logée dans un quartier, partie francophone commerciale de Montréal, qui semble encore avoir besoin d’être revitalisée, malgré les précédents grands projets comme l’Université du Québec à Montréal et l’édifice de Radio-Canada. La Cité du multimédia à Montréal, comme les interventions dans le quartier Saint-Roch à Québec, ne contiennent pas de grands équipements, ni de bâtiments monumentaux, comme un stade ou une bibliothèque nationale ; ils sont le fruit d’une politique soutenue sur plusieurs années, comme à Québec, et d’une volonté de promouvoir la nouvelle économie du savoir, tout en restaurant un ancien quartier à peu près abandonné. Même les projets environnementaux combinent des objectifs multiples. Réhabiliter un canal ou une rivière urbaine, c’est aider à faire renaître, voire à construire de toutes pièces, un quartier résidentiel environnant. La mise en terre des lignes électriques et téléphoniques a longtemps répondu à des considérations esthétiques et techniques, mais elle peut aussi répondre à des exigences de sécurité, comme le montrent les projets dans la région de Montréal. Les études de cas qui forment ce livre sont certes intéressantes et représentatives des interventions urbaines, mais demeurent dans l’ensemble plutôt descriptives. On fait souvent appel aux acteurs, à leur diversité et leur rôle, mais, sauf dans de rares cas, l’analyse théorique est peu poussée. On en sait pas mal sur les acteurs publics gouvernementaux, mais peu sur les acteurs techniques et professionnels, qui, pour l’architecture et le génie urbains, sont centraux. De plus, on sait peu de choses sur les négociations entre acteurs et organisations : difficultés, compromis, coups de force, coopération, conflits… L’analyse privilégiée est spatiale et aménagiste, mais peu sociopolitique et institutionnelle. Les contextes sont souvent bien mis en évidence, mais …