Comptes rendus

Jean-Pierre Kesteman, Peter Southam et Diane Saint-Pierre, Histoire des Cantons de l’Est, Sainte-Foy, Institut québécois de recherche sur la culture, 1998, 831 p. (Les régions du Québec.)[Record]

  • Matteo Sanfilippo

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  • Matteo Sanfilippo
    Università della Tuscia (Viterbe, Italie)

En 2001, Fernand Harvey écrit : « [l]’historiographie régionale a connu un essor significatif au Québec depuis les années 1970, dans la foulée de l’histoire économique et sociale. Différents facteurs reliés à la valorisation de l’échelle régionale peuvent expliquer un tel développement : l’intervention de l’État québécois dans l’aménagement du territoire, la création par les Archives nationales du Québec et la professionnalisation du métier d’historien en région. Le vaste projet des synthèses d’histoire des régions du Québec lancé par l’Institut québécois de recherche sur la culture en 1980 et dont l’objectif est de réaliser et publier 23 synthèses couvrant l’ensemble du territoire québécois constitue un résultat tangible de ce courant de la “nouvelle histoire régionale” où domine une approche économique, sociale et culturelle » (« L’historiographie régionaliste des années 1920 et 1930 au Québec », Les cahiers des dix, 55, 2001, p. 53). Harvey retrace ainsi l’origine de la nouvelle histoire régionale en développant des intuitions, telles que l’idée d’un étroit rapport entre la réalité d’une région socio-économique et l’espace culturel. En même temps, il souligne la pertinence de la collection dont le livre de Jean-Pierre Kesteman, Peter Southam et Diane Saint-Pierre fait partie. On pourrait dire qu’Harvey met en évidence cet élément, parce que son Institut (désormais INRS-Urbanisation, Culture et Société) a lancé et dirige le projet d’histoires régionales, mais ce serait faux. La collection en question a beaucoup fait pour éclaircir un thème, dont les confins sont très difficiles à délimiter, métaphoriquement et non. La région est un phénomène récent, ou qui a continué à évoluer jusque dans les années 1970 et qui relève autant de l’histoire et de la géographie que de l’intervention de l’État (cf. Jean-Vienney Frenette, « Division administrative et organisation de l’espace au Québec : essai d’interprétation », Revue de géographie de Montréal, 28, 1974, p. 41-54). À la limite, on pourrait, ou mieux on devrait, noter qu’au Québec (et en général en l’Amérique du Nord) la région est surtout un espace polarisé autour d’un centre (économique ou administratif), tandis que la région européenne correspond à un cadre géographique et historique spécifique. Dans le cas des Cantons de l’Est le problème est de voir si cet espace polarisé forme un tout homogène. La question n’est pas simple à résoudre, parce que les Cantons de l’Est sont en même temps identifiables à un espace géographique, les plateaux appalachiens, et au territoire en dehors de la zone seigneuriale. En outre, l’évolution administrative du XXe siècle a fait que les Cantons de l’Est d’aujourd’hui ne correspondent ni à une réalité historique, ni à une réalité géographique précise : les auteurs du volume mettent en évidence que de ce point de vue le vocable « Cantons de l’Est » est « une notion floue et disparate » (p. 18). Leur effort a été donc de donner cohérence et, dans quelque mesure, consistance à un espace « variable ». De fait, si l’on peut envisager le centre de cet espace dans la ville de Sherbrooke et donc dans l’Estrie, il reste à voir jusqu’où il s’étend. À ce propos, Jean-Pierre Kesteman, Peter Southam et Diane Saint-Pierre suggèrent de définir les Cantons de l’Est comme l’ensemble géographique, politique, économique et culturel de l’Estrie, du Piedmont et des Hautes-Appalaches. Pour soutenir leur thèse, les auteurs ont analysé l’évolution de cet ensemble à partir de la préhistoire. Ils ont ainsi mis en évidence comment les caractères régionaux ont été influencés par le fait d’être une aire de passage qui relie la vallée du Saint-Laurent à celle de l’Hudson et à la côte atlantique. Ainsi, le territoire des …