Comptes rendus

Aurélien Boivin (dir.), Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec 1981-1985, tome VII, Montréal, Éditions Fides, 2003, 1 229 p.[Record]

  • Gilles Dupuis

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  • Gilles Dupuis
    Département d’études françaises
    Université de Montréal

Longtemps attendu par la communauté des chercheurs, d’ici et d’ailleurs, le septième tome du Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec (DOLQ), qui couvre la période 1981-1985, est enfin disponible. Le changement survenu dans la direction de ce projet monumental piloté par des professeurs de l’Université Laval, doublé du nombre sans cesse croissant de publications littéraires au Québec depuis les années 1980, explique sans doute la parution tardive de ce nouveau volume, qui nous arrive presque dix ans après la publication du sixième tome. Si la cadence quinquennale s’est imposée d’elle-même pour rendre compte de l’ensemble de la production littéraire depuis les années 1970, les responsables de ce dernier volume ont compris qu’il n’était plus possible, ni même souhaitable, de recenser tous les titres parus au cours d’une aussi brève période. Aussi, l’équipe de rédaction a-t-elle été contrainte de renoncer à l’un des principes de base qui sont à l’origine du DOLQ, soit l’exhaustivité, bien que ce critère ait été rétabli pour la bibliographie générale reproduite en annexe. En revanche, le critère de l’objectivité, qui reste au coeur de la rédaction des comptes rendus critiques qui composant l’essentiel du dictionnaire, en fait toujours un instrument fondamental, voire incontournable, pour qui s’intéresse de près ou de loin à la littérature québécoise. Ce dernier tome se place sous le signe de la continuité et du changement, en accord avec la tradition solidement établie du DOLQ, mais aussi pour refléter l’évolution de la littérature québécoise à cette époque cruciale de son développement. Comme il est d’usage, l’introduction repasse en revue les genres canoniques de la littérature (roman, nouvelle, poésie, théâtre, essai), en tentant de préciser les tendances génériques de la période et les thèmes principaux abordés par les auteurs dans leurs oeuvres. Une place de choix est dévolue aux romans historiques et policiers, qui connaissent alors un regain d’intérêt, aux côtés du phénomène nouveau du best-seller québécois qui vit ses premiers grands succès, avec Le Matou d’Yves Beauchemin, Les Filles de Caleb d’Arlette Cousture et les Chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay (dont deux nouveaux tomes paraissent à la même époque). Parallèlement, les écrivains consacrés persistent et signent, avec la parution de quelques chefs-d’oeuvre, dont Les Fous de Bassan d’Anne Hébert et Volkswagen Blues de Jacques Poulin. L’apparition de nouvelles figures et thématiques est également signalée, que ce soit à travers la multiplication des écritures féminines liée à l’individualisation du discours féministe, l’apport des Néo-Québécois au canon littéraire ou le thème de l’américanité, qui coïncide par ailleurs avec une certaine américanisation du roman québécois à cette époque. Or, soit par souci excessif d’objectivité, soit par un curieux parti pris idéologique que masque parfois l’impartialité scientifique quand elle devient article de foi, les signataires de l’introduction ne semblent pas avoir pris toute la mesure de cette nouveauté et de ce qu’elle représentait alors pour le devenir de la littérature québécoise. On se serait attendu à ce que l’importante littérature écrite par les femmes, qui éclipsait à l’époque la production issue d’une relève masculine plutôt timide ou le phénomène des écritures migrantes qui remettait sérieusement en question le concept d’identité nationale, soient davantage mis en valeur. La consécration de nombreux poètes dont l’oeuvre antérieure a fait l’objet de rééditions à caractère rétrospectif est davantage lue comme le signe de la consolidation d’une tradition (pourtant récente) de la littérature québécoise que celui, plus inquiétant, d’un certain essoufflement du verbe poétique. La question de la crise identitaire, voire sexuelle, des écrivains est soulevée, mais curieusement le terme « nationalisme » (et ses dérivés) n’apparaît dans aucun sous-titre de la présentation générale. Est-ce à dire que la crise …