Comptes rendus

Marc-François Bernier, Les fantômes du Parlement. L’utilité des sources anonymes chez les courriéristes parlementaires, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 2000, 151 p.[Record]

  • Jocelyn Saint-Pierre

…more information

  • Jocelyn Saint-Pierre
    Bibliothèque
    Assemblée nationale

Pour le chercheur qui s’intéresse au quatrième pouvoir, c’est toujours un grand plaisir de saluer la parution d’un ouvrage sur le monde de la presse, car la production québécoise dans ce domaine est infime. L’auteur allie expérience en journalisme – il a été pendant neuf mois correspondant parlementaire à la Tribune de la presse de l’Assemblée nationale du Québec pour Le Journal de Québec – et expérience en recherche puisqu’il est maintenant professeur au Département de communication de l’Université d’Ottawa. Cette analyse des sources anonymes vient à point et, sauf erreur, elle est inédite au Québec. Tous ceux qui s’intéressent à la politique et aux médias ont été fascinés, marqués même, par le fameux scandale du Watergate dans lequel deux reporters du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, ne se sont pas seulement contentés de l’information officielle, mais ont entrepris une enquête minutieuse auprès d’une source anonyme, à ce jour encore inconnue, « Deep Throat », qui a conduit à l’inculpation du président Nixon et à sa démission en 1974. Il n’y a qu’à suivre l’actualité québécoise et canadienne où la presse est encore largement alimentée par des sources anonymes pour saisir l’importance de cette pratique. Au premier abord, le titre, Les fantômes du Parlement, surprend avec en toile de fond une illustration de l’Hôtel du Parlement qui lui donne l’allure d’un château hanté. Mais tous ceux et celles qui raffolent des histoires un peu mystérieuses ou qui s’intéressent aux histoires surnaturelles avec fantômes et revenants seront déçus. S’agit-il d’êtres imaginaires ou de personnages du passé qui hantent notre mémoire et les édifices parlementaires plus que centenaires ? De ces personnages enfermés dans les oubliettes du Parlement, les Olivar Asselin ou les John Roberts ? Des assassins de Blanche Garneau ? De ses prétendus secrets de l’imagination populaire sur les dessous du Parlement qu’on nous a toujours cachés, nenni. L’auteur s’intéresse à des personnages bien vivants, les informateurs anonymes, qui renseignent les courriéristes parlementaires sur les agissements des hommes politiques. Le titre, un peu accrocheur, entretient hélas la confusion entre le pouvoir législatif, le Parlement, et l’exécutif, le gouvernement. Certes ces informateurs anonymes déambulent parfois dans les corridors de l’Hôtel du Parlement, mais, le plus souvent ils ont leurs habitudes dans les restaurants de la Grande Allée ou du Vieux-Québec, ou dans les bureaux gouvernementaux, à l’édifice Honoré-Mercier en particulier où siège le conseil des ministres. Ce court mais fort dense ouvrage est l’adaptation d’une thèse de doctorat rédigée sous la direction de deux professeurs de l’Université Laval, Vincent Lemieux et Jean Charron. On connaît la qualité de la production de ces deux chercheurs. L’auteur était donc fort bien guidé. Tout l’appareillage méthodologique de la thèse a été enlevé. Le texte a été enrichi d’exemples provenant d’événements récents tirés de l’actualité québécoise, canadienne, américaine ou française, commentés par l’auteur et complétés par des commentaires des acteurs pour illustrer l’utilisation des sources anonymes comme tactique visant à influencer l’opinion publique. Dans son analyse stratégique, l’auteur s’est avantageusement inspiré de travaux en sociologie de l’information et des théories qui en découlent. Par source anonyme, il entend : une personne à qui un journaliste attribue des opinions, des prises de position et des informations sans révéler son nom aux lecteurs à qui il s’adresse. L’auteur donne d’abord le mode d’emploi dans ce qu’il appelle « la danse des fantômes », puis il décrit ce processus de négociation entre le journaliste et ses sources. Par la suite, il présente les acteurs et un profil stratégique des courriéristes parlementaires. Il termine avec les avantages, les inconvénients et une critique de cette pratique. …