Abstracts
Résumé
La mondialisation, avec la conséquente mobilité accrue des capitaux et des entreprises, oblige le mouvement syndical à revoir ses stratégies d’action. Le besoin de se mobiliser pour conserver les emplois met les syndicats en relation avec les autres acteurs des collectivités locales. Habitués à interagir avec des acteurs d’envergure nationale et de nature sectorielle, les syndicats québécois découvrent le potentiel du local en tant que terrain d’alliances et en tant que base d’un rapport de forces favorable. Quels sont les effets de l’insertion des syndicats dans la dynamique locale sur la lutte syndicale ? C’est la question qui a motivé la recherche-action dont s’inspire ce texte. La recherche permet de mieux comprendre les effets de l’action collective sur la structuration des collectivités locales. La mobilisation syndicale ne déclenche pas de façon automatique la solidarité locale. Et celle-ci ne suffit pas pour réussir à conserver les emplois. Mais, la présence d’une interaction entre syndicats et communauté, permet de mettre en place des organisations propices à l’apprentissage collectif et à des mobilisations futures. C’est aussi que l’interaction syndicat-communauté renforce aussi bien la mobilisation communautaire que la gouvernance locale.
Abstract
Globalization, with the resulting increased mobility of capital and of corporations, forces the union movement to review its strategies of action. The need to mobilize to maintain jobs brings unions into contact with other stakeholders in the local communities. Accustomed as they are to interacting with national and sectorial-level stakeholders, the Québec unions are discovering the potential of the local level as ground on which to build alliances and as a base for a favorable relationship of power. What are the effects of the entry of unions into the local arena in the union struggle ? This is the question that motivated the research activity which inspired this text. The research leads to a better understanding of the effects of collective action on the structuring of local communities. Union mobilization does not automatically trigger local solidarity. Nor is it sufficient to succeed in maintaining jobs. However, sustained interactions between unions and the community make it possible to set up organizations conducive to collective learning and to future mobilizations. Moreover, union-community interactions also reinforce both community mobilization and local governance.
Article body
Ce texte porte sur le lien entre les actions syndicales et le milieu local. Il résulte d’une recherche exploratoire menée en collaboration avec la plus importante organisation syndicale du Québec, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ)[1]. Les instances dirigeantes de cette organisation sont déterminées à sensibiliser leurs militants au besoin de s’impliquer dans le milieu local. Ce besoin est ressenti parce que la déréglementation, les innovations technologiques en matière de communication et l’ouverture des espaces économiques rendent le capital de plus en plus mobile, ce qui modifie le rapport de forces entre les employeurs et les travailleurs. Avant, on luttait pour de meilleures conditions salariales et de travail, car on avait une « prise[2] » sur les entreprises. Cette capacité d’influer sur les décisions était en partie garantie par l’action protectrice et réglementaire de l’État. Aujourd’hui, les travailleurs luttent pour conserver les emplois, car les entreprises ont beaucoup plus de facilité qu’autrefois à se déplacer et à choisir leur localisation[3].
Or, qui dit conserver des emplois dit conserver des salaires, qui ont des effets sur le pouvoir d’achat des collectivités locales. Qui dit conserver des emplois, dit aussi conserver des milieux de production en activité, ce qui entretient les sous-traitants et les fournisseurs du milieu local. Les luttes syndicales ne concernent donc pas que les syndiqués. Elles concernent aussi l’ensemble des acteurs de la communauté locale. Pourtant, cette convergence d’intérêts – qui nous semblait évidente au début de la recherche – ne se traduit pas facilement par des alliances entre le monde du travail et le monde communautaire.
Doit-on espérer que les luttes pour l’emploi fassent en sorte que les acteurs prennent conscience de cette convergence, et qu’ils concluent des alliances locales afin de lutter plus efficacement pour sauver des emplois ? Nous avons étudié un certain nombre de ces luttes afin de voir si effectivement la solidarité locale naît de crises de l’emploi. Nous avons constaté que les obstacles structurels entre le monde du travail (production) et le monde « communautaire » (reproduction) se répercutent aussi sur le terrain de l’action collective.
Les difficultés des organisations syndicales à s’insérer dans les structures locales et régionales, créées ou redéfinies par le gouvernement du Québec, montrent jusqu’à quel point ces deux mondes sont étanches. Le transfert de certaines responsabilités aux administrations locales offre une occasion aux acteurs de réexaminer l’exercice du pouvoir local, de former de nouvelles alliances et d’élaborer des stratégies neuves. Les structures locales et régionales se sont vues confier des responsabilités en matière de planification, de développement, de formation de la main-d’oeuvre, d’offre de services de santé, etc. Des organismes, comme les Centres locaux de développement et les Conseils régionaux de développement, créés par le gouvernement provincial dans le but d’engager davantage les acteurs locaux dans leur propre développement économique, offrent une place aux différents acteurs, dont les représentants syndicaux. Mais ceux-ci ont du mal à agir dans ces nouveaux cadres, et surtout à agir de façon stratégique, c’est-à-dire en proposant un point de vue syndical sur le développement des collectivités locales. « Ils ne voient pas les raisons pour que les représentants syndicaux participent à ce type d’organisations », nous disaient certains dirigeants ; cette attitude n’est pas tellement différente des autres acteurs.
À cause d’une culture héritée du « fordisme », où les syndicats luttaient pour l’amélioration des conditions de travail et de vie de leurs membres par la négociation de normes nationales, soit nationalement ou sectoriellement, les représentants syndicaux arrivent mal à déterminer leur rôle dans des organisations locales, définies en partenariat intégrant une diversité d’acteurs regroupés en fonction de leur appartenance à un lieu ou à une région (Klein, 1992). D’autre part, les organisations socioéconomiques locales, souvent représentant les entrepreneurs, comme les Chambres de commerce par exemple, se méfient des syndicalistes à cause de leur image combative.
L’alliance entre la lutte des syndicats pour l’emploi et la collectivité locale ne va pas de soi non plus pour les acteurs socioéconomiques locaux. Une relation arrive à se construire, mais seulement dans des conditions qui vont au-delà de la simple lutte syndicale et qui ont trait à la mise en place d’instances locales de régulation des conflits sociaux[4]. Quels sont les circonstances et les facteurs qui conduisent les acteurs locaux et les syndicats à se découvrir des objectifs convergents et à se doter de stratégies communes ? Voilà la principale question que la recherche pose et à laquelle nous donnerons une réponse préliminaire et hypothétique.
Les liens syndicat-communauté et la structuration d’une gouvernance locale
La question des interactions entre les mobilisations syndicales et la communauté locale doit être examinée dans le contexte des changements à la géographie de la régulation des rapports conflictuels entre les divers acteurs de la société. L’État-nation, cadre géographique dans lequel a pris place la régulation fordiste, perd de son autonomie et plusieurs responsabilités sont transférées soit à des structures supranationales, soit à des instances infranationales[5]. Le compromis entre l’État protecteur – et protectionniste –, le capital et le mouvement syndical, sur lequel s’appuyait la régulation fordiste, s’effrite sous la pression de forces globalisantes et atomisantes. Un ordre mondial favorable à la mobilité des entreprises et des capitaux se construit, s’affranchissant des contraintes nationales et profitant entre autres des innovations en matière de communications et d’information. Les entreprises tentent de tirer leur épingle du jeu et de profiter des avantages que possèdent les différents espaces (lieux, régions, villes) à l’échelle de la planète (Benko et Lipietz, 2000 ; Fontan, Klein et Tremblay, 1999). Les collectivités locales participent d’ailleurs à ce processus en offrant des externalités destinées à attirer des entreprises et des investissements. Ce changement dessine deux sphères spatiales de régulation interreliées, mais distinctes, qui se superposent à la régulation de l’État-nation : la sphère globale et la sphère locale[6]. Nous nous sommes penchés sur le rôle que le mouvement syndical joue, ou ne joue pas, dans la structuration d’une sphère locale de régulation.
Les bases de la gouvernance locale : la société civile
Définir en ces termes le local équivaut à réfléchir sur l’émergence de nouveaux mécanismes de pouvoir dans une société politiquement ébranlée par la crise des idéaux unificateurs des stratégies keynésiennes, sur lesquels s’est appuyé l’État-providence (Offe, 1985). Divers auteurs s’interrogent aujourd’hui sur les agencements sociaux et politiques les plus efficaces permettant d’assurer une certaine maîtrise des logiques économiques, qui s’étendent et opèrent à l’échelle mondiale. Le problème revient à s’interroger sur les meilleures façons d’influer sur les décisions qui ont des conséquences sur l’avenir des collectivités, dans un contexte de remise en question des méthodes traditionnelles d’action gouvernementale provoquée par la mondialisation (Savoie, 1995). Les difficultés que rencontrent les gouvernements à donner une orientation commune aux acteurs socioéconomiques, particulièrement dans le cadre de la crise de l’État-nation, nous placent devant la nécessité de tenir davantage compte du rôle social du pouvoir étatique (LeGalès, 1995). Selon cette perspective, on doit faire intervenir les valeurs et codes institutionnels qui orientent les acteurs et qui les font converger ou diverger (Amin et Hausner, 1997), sans oublier les bases géographiques à partir desquelles se structurent les rapports de pouvoir (Lévy, 1999).
C’est ainsi qu’a émergé et s’est popularisé le concept de gouvernance, que plusieurs auteurs utilisent dans l’analyse du local (Benko et Lipietz, 1992 ; Saez, Leresche et Bassand, 1997), afin de comprendre la structuration des convergences et consensus à cette échelle. Pour ces auteurs, la gouvernance est associée aux procédures, dispositifs et modalités qui assurent une direction aux conduites, par ailleurs distinctes, et même opposées, des divers acteurs d’une collectivité et qui leur permettent de poursuivre des objectifs bénéfiques à tous. Ainsi conçue, la gouvernance tisse la cohésion sociale, malgré les conduites fragmentées des acteurs politiques, sociaux et économiques.
Les bases de la gouvernance locale ont été posées par des actions collectives liées à des organisations de la société civile, c’est-à-dire à des groupes représentatifs des communautés qui assurent des services à leurs membres ou qui exercent des pressions sur les décideurs. Benko et Lipietz (1992, p. 383) écrivent : « la gouvernance, c’est la société civile moins le marché, plus la société politique locale, les notables, les municipalités ». Groupes de citoyens représentatifs de segments divers de la collectivité, groupes communautaires impliqués dans le développement économique, groupes représentatifs des milieux socioéconomiques dévitalisés urbains et ruraux, voilà autant d’organisations vues comme facteurs du renforcement (« empowerment ») des collectivités locales (Friedmann, 1998). Comme le montre l’exemple des premières corporations de développement économique communautaire en Amérique du Nord et, particulièrement, à Montréal (Fontan, 1992), ce sont ces types d’organisations qui, préoccupées par la détérioration des conditions de vie, notamment à cause des effets socio-territoriaux de la mondialisation (redéploiement industriel, délocalisation industrielle, reconversion économique) ont créé des organismes de nature territoriale destinés à représenter la collectivité.
Les liens entre le milieu de travail et le milieu de vie dans l’émergence du local
L’émergence du local comme cadre de gouvernance et de gestion du social est certes le résultat de la redéfinition des rapports entre les milieux de vie (les communautés locales) et les milieux de travail (les entreprises). Le processus de « rapprochement » entre ces deux milieux a été analysé à partir de plusieurs perspectives, qui se différencient selon l’objet d’étude et le point de vue disciplinaire des auteurs. Pour l’essentiel, trois grandes approches les regroupent : celle des milieux innovateurs, celle de la segmentation spatiale de l’emploi et celle du développement économique communautaire.
En gros, l’approche des milieux innovateurs met l’accent sur le lien entre la proximité géographique des acteurs et l’innovation (Tremblay, 1998). Des réseaux d’entreprises en lien avec des instances politiques locales et des organisations vouées à la promotion du savoir parviennent à construire des collectivités performantes sur le plan économique et fortes sur le plan social. Le maillage des acteurs construit aussi bien sur des « transactions » que sur des « conventions » crée un milieu dense. Fondés sur des spécificités locales, les sentiments identitaires orientent les décisions économiques des acteurs[7].
L’approche de la segmentation spatiale de l’emploi aborde les liens territoriaux qui s’établissent, au sein des divers groupes de citoyens et classes sociales, entre les lieux de travail et les lieux de résidence des travailleurs. À cause des caractéristiques socio-économiques de certaines couches de la main-d’oeuvre, et en raison de l’importance qu’a la main-d’oeuvre pour certains types d’entreprises, il se constitue des « bassins d’emploi » au sein des grandes agglomérations caractérisées par la proximité résidence-travail. Ces bassins d’emploi sont associés à des modes de vie spécifiques. Ils se superposent pour créer les bases de nouveaux découpages de gestion du territoire et d’offre de services[8].
Quant à l’approche du développement économique communautaire, elle résulte des réactions des milieux défavorisés qui ont conduit à la mise sur pied de corporations de promotion de l’investissement et de l’emploi. Les auteurs qui analysent ces réactions mettent en évidence la manière dont les acteurs économiques et sociaux de la collectivité s’associent pour la mise en commun de ressources, la création de conditions facilitant l’entrepreneurship, la formation de la main-d’oeuvre et l’élaboration d’une planification stratégique en vue de promouvoir un développement qui renforce la collectivité et qui influe sur les décisions des gouvernements en matière de planification territoriale. À Montréal, c’est dans cet esprit que sont créées les Corporations de développement économique communautaire (CDEC) dans les années 1980[9].
La place de l’action syndicale ?
Disons que, en général, les analyses de la structuration des espaces locaux de pouvoir et de développement accordent une attention plutôt faible au rôle du mouvement syndical[10]. Reconnues comme des piliers de la structuration de la société fordiste et keynésienne, les mobilisations syndicales n’ont pas été associées à l’émergence d’une société postfordiste et postkeynésienne, qui, pour plusieurs auteurs, prend la forme d’un archipel (Viard, 1994 ; Veltz, 1996) et se structure en réseaux mondiaux et en noeuds locaux (Amin et Thrift, 1992). Certes, l’avènement d’une économie (informationnelle), fondée sur des flux d’information et des réseaux d’acteurs, ne peut pas s’appuyer sur les actions syndicales traditionnelles. C’est ce constat qui amène divers auteurs à identifier d’autres mouvements sociaux, appelés les « nouveaux mouvements sociaux » [11], comme la base locale de la mise en oeuvre des compromis postfordistes[12]. L’action de ces mouvements contribue à structurer aussi bien des réseaux d’envergure mondiale que des communautés d’acteurs solidement interreliés sur le plan local et fortement identifiés à des territoires spécifiques (Melucci, 1997).
Mais exclure de l’analyse le mouvement syndical revient à ne pas tenir compte de son évolution et de ses transformations. Et cela revient aussi à ne pas tenir compte de l’évolution du cadre local dans le nouveau contexte du postfordisme (Filion, 1996 ; Scott, 1999). Dans les anciennes sociétés industrielles, comme Montréal, qui se reconvertissent à l’économie fondée sur les connaissances et qui par conséquent se confrontent aux bouleversements causés par la désuétude d’anciens quartiers industriels et d’anciennes infrastructures (Coffey et Polèse, 1999 ; Klein, Fontan et Tremblay, 2001), le mouvement syndical s’est donné de nouveaux outils d’intervention afin de protéger les emplois et de contribuer à la revitalisation des quartiers déstructurés (Fitzgerald, 1991). Ces outils l’amènent à agir comme un partenaire de l’entreprise, à l’instar d’ailleurs des autres mouvements sociaux (Hamel, 1995). Citons, à titre d’exemple, le cas du Fonds de solidarité créé par la FTQ. Il s’agit d’un fonds de retraite mis sur pied et géré par l’organisation syndicale avec l’objectif d’investir pour conserver et créer des emplois et d’intervenir sur le développement économique au Québec[13]. La formule du fonds de la FTQ a été reprise par d’autres centrales syndicales et par d’autres organisations. Un autre exemple révélateur des changements dans le mouvement syndical est celui de l’organisme « Urgence-Emploi » mis sur pied par le Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain (CTM-FTQ) afin de se préparer à des risques d’éventuelles fermetures d’usine et de participer avec les entreprises à des mesures destinées à les éviter (Fontan,1997). De plus, les instances dirigeantes des organisations syndicales contribuent à divers efforts de planification stratégique du développement à côté des gouvernements et des entreprises, comme l’a montré le cas du Sommet socioéconomique pour l’emploi au Québec en 1996. Et tout cela, sans exclure les conflits de travail traditionnels auxquels participent les instances syndicales locales, dans les entreprises ou dans des secteurs précis.
Ces exemples québécois montrent que le mouvement syndical se transforme et s’adapte aux changements globaux de la société, et que cette adaptation se fait avec des intensités et des rythmes différents selon les acteurs, les circonstances et les enjeux en présence. Ces changements contribuent aussi à l’émergence d’interactions basées sur les identités territoriales. Le mouvement syndical n’est pas étranger à la structuration, à l’implantation du « modèle québécois » (Bourque, 2000), voire à une gestion sociale et économique associée au renforcement des liens et des interactions entre les décideurs de la collectivité québécoise.
Les mobilisations syndicales et le milieu local à Montréal
La question qui se pose est la suivante : est-ce que les mobilisations syndicales pour l’emploi peuvent contribuer à réduire la distance structurelle et culturelle séparant le mouvement syndical des actions collectives locales ? Cette question en amène une autre : ont-elles un effet de cohésion sur la collectivité locale ? Pour y répondre, nous avons examiné treize mobilisations réparties dans divers secteurs et diverses régions. Ces mobilisations ont été choisies à cause de leur valeur illustrative. Elles concernent toutes des syndicats affiliés à la FTQ. La recherche s’est construite à partir d’une analyse documentaire, des entretiens et des groupes de discussion. La collecte d’information s’est faite en 1998 et 1999 (FTQ, 1999 ; Fontan et Klein, 2000).
L'étude de ces 13 mobilisations, trop différentes et pas assez nombreuses, ne permet pas de tirer des conclusions définitives sur les incidences territoriales de ces actions. Il est néanmoins possible de constater que ces mobilisations syndicales pour l’emploi interpellent tous les acteurs préoccupés de l’avenir des collectivités locales, autant ceux qui proviennent du milieu local lui-même que ceux de l’extérieur. Aux diverses instances syndicales, il faut ajouter les acteurs socio-économiques des collectivités et les institutions gouvernementales. Certes, leur position dépend du type d’entreprise ou d’organisation où a lieu le conflit. Par exemple, la position du gouvernement n’est pas la même lorsque la mobilisation porte sur une infrastructure de services financée par l’État, dont il est aussi l’employeur, que lorsqu’elle se déploie au sein d’une entreprise privée. L’attitude des acteurs varie selon la nature du conflit et le type d’entreprise.
Pour mener une analyse plus en profondeur, nous avons choisi de traiter quatre cas seulement. Ces cas renvoient à des mobilisations qui ont eu lieu récemment dans l’agglomération de Montréal à l’intérieur d’usines comparables (tableau 1). Il s’agit de quatre usines de propriété privée, dont les sièges sociaux sont situés à l’extérieur du Québec. Ces usines sont la propriété de firmes possédant plusieurs établissements. Deux de ces usines, Emballages Consumers et Sucre Lantic, logent dans d’anciens quartiers industriels de Montréal, le premier dans l’Ouest, le deuxième dans l’Est, alors que les deux autres, Owens Corning et Kenworth, sont établies dans des banlieues, la première au sud, l’autre au nord[14]. Les quatre usines ont dû faire face à des problèmes similaires. D’une part, leurs équipements n’étaient plus concurrentiels, du moins pas assez selon les exigences des propriétaires, et leur mode de gestion était dépassé. D’autre part, elles ont fait face à la concurrence d’autres usines de la même société, suscitée par la volonté de rationalisation géographique de leurs propriétaires. Les syndicats ont mobilisé toutes les ressources possibles et disponibles afin de maintenir l’entreprise en activité. Les quatre usines n’ont pas fermé. Malgré ce succès, les mobilisations ont suivi des trajectoires tout à fait différentes.
Plusieurs acteurs ont été sollicités et mobilisés. Les dirigeants syndicaux locaux ont réussi à faire mettre en branle les mécanismes d’intervention de la fédération syndicale. L’intervention la plus importante a sans doute été menée par le Fonds de solidarité (voir ci-dessus), à cause de son pouvoir financier. En outre, les structures régionales d’encadrement des syndicats locaux ont joué un rôle majeur à divers stades de la mobilisation. Mais ce n’est pas là-dessus que nous voulons mettre l’accent. Ce qui frappe surtout, ce sont les diverses relations entre les acteurs de l’entreprise, entre les employeurs et les instances syndicales, dans leurs rapports avec les acteurs externes, les acteurs sociaux locaux et les institutions gouvernementales notamment. Ces mobilisations représentent quatre cas types (tableau 2)
L’exemple de Emballages Consumers : la collaboration syndicale et la collaboration locale bâties sur l’expérience et l’apprentissage collectif
La mobilisation pour sauver cette entreprise est le résultat d’une attitude préventive du syndicat. Elle s’est déroulée sur quatre ans, et a été le théâtre de diverses actions améliorant la formation de la main-d’oeuvre et la modernisation des équipements pour éviter le risque d’une éventuelle fermeture. Elle a été menée avec l’appui des organisations locales, du gouvernement et, particulièrement, de la direction de l’usine. L’amorce est venue du syndicat, qui a pu compter sur l’appui d’un réseau local, solidifié grâce à cette action. L’usine a été sauvée et les relations entre le syndicat et la communauté locale se sont intensifiées.
La mobilisation : les difficultés de l’entreprise et la réplique syndicale
Créée en 1886, l’usine de Emballages Consumers située à Pointe-Saint-Charles (anciennement Dominion Glass) est la seule entreprise de fabrication de contenants de verre au Canada. Elle appartient au Groupe Consumers qui possède sept usines au Canada et dont le siège social est à Toronto. En 1993, 58 % des actions du Groupe Consumers passent sous contrôle de la G&G Investment Inc., originaire des États-Unis. La société fabrique des bouteilles et des pots de verre destinés au marché nord-américain. Pendant les années 1990, le nombre de travailleurs de l’usine de Pointe-Saint-Charles varie autour de 530.
Les débuts de la mobilisation des travailleurs remontent à mai 1989 alors que Dominion Glass est acquise par son concurrent EmballagesConsumers. Devenu propriétaire de plusieurs usines en sol canadien, le Groupe Consumers projette de rationaliser et de concentrer ses activités. En septembre de la même année, la société ferme deux de ses usines canadiennes, celle de Redcliff en Alberta, puis celle de Ville-Saint-Pierre au Québec. Ne restent au Québec que les usines de Candiac et de Pointe-Saint-Charles. À la même époque, la société prévoit des investissements de 20 millions de dollars sur cinq ans afin de moderniser les équipements. Mais, peu de temps après, Emballages Consumers commence à enregistrer des pertes. Ces pertes s’expliquent par des changements commandés par le siège social. La réorientation de l’entreprise vers la production de grandes séries ne convient pas à l’expertise des travailleurs. De plus, le changement de culture organisationnelle passe mal. Le syndicat sonne l’alarme en novembre 1990 et informe les instances de la FTQ des nombreuses difficultés auxquelles fait face l’entreprise : problèmes financiers et gestion déficiente. Ces difficultés sont aggravées par un climat d’inquiétude causé par des rumeurs de fermeture.
Pour faire face à ces difficultés, le syndicat et d’autres organisations locales créent un comité, qui prend le nom de Comité de survie de l’industrie verrière. Le syndicat trouve des partenaires chez d’autres instances syndicales et au Regroupement pour la Relance Économique et Sociale du Sud-Ouest (RESO). Celui-ci est une corporation de développement économique et communautaire qui oeuvre dans le Sud-Ouest de Montréal. L’arrondissement fait face à des défis économiques majeurs. Ils découlent de la dévitalisation industrielle du quartier, qui fut, jusqu’aux années 1930, l’un de principaux pôles de l’industrialisation canadienne. La restructuration industrielle en cours, à Montréal comme dans d’autres villes d’Amérique du Nord, a entraîné une profonde transformation du quartier. Les acteurs locaux ont créé des organisations pour faire face à ces difficultés. Un de ces organismes est l’important RESO, carrefour des acteurs socio-économiques du quartier, qui compte sur l’appui des divers paliers de gouvernement. Son engagement dans le Comité de survie fut un atout majeur.
Le Comité de survie décide de mettre sur pied un Comité d’adaptation de la main-d’oeuvre (CAMO), grâce à l’appui du ministère de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie (MICST) québécois. Ce nouveau comité entreprend ses travaux en mai 1991 et dépose ses recommandations un an plus tard. Les recommandations sont les suivantes : établir des mécanismes de sensibilisation et de concertation entre les travailleurs et les propriétaires afin de mettre en oeuvre un plan de redressement ; mettre en place un programme de communication à l’intention des travailleurs ; changer les styles de gestion et réaliser un plan de développement des ressources humaines pour améliorer la formation de base, les connaissances techniques et la gestion.
Le programme de formation de base est mis en place grâce à la contribution financière du gouvernement fédéral (Ressources humaines Canada), de la Société québécoise de développement de la main-d’oeuvre du gouvernement du Québec et du RESO. Le RESO coordonne les activités. Le programme de formation est mis sous la responsabilité d’un groupe communautaire local, le Centre d’éducation aux adultes de la Petite-Bourgogne et de Saint-Henri (CEDA), depuis plus de 20 ans actif dans ce domaine. De septembre 1992 à mai 1995 une soixantaine de travailleurs ont participé aux sessions de formation sur les lieux mêmes de leur travail.
La collaboration et l’anticipation : conservation des emplois et renforcement du milieu local
À cause du nouveau climat qui règne dans l’usine et d’un contexte nord-américain qui favorise l’expansion, Emballages Consumers maintient ouverte son usine. La compagnie rétablit sa situation financière. En 1994, elle enregistre une augmentation des ventes. Cette augmentation s’explique en partie par la faiblesse du dollar canadien, qui favorise les exportations. Mais elle s’explique aussi par la collaboration des travailleurs et de la compagnie propriétaire dans la modernisation de l’usine.
La survie de l’usine est due à l’action concertée de plusieurs acteurs, au premier plan, le leadership exercé par le syndicat. Celui-ci prend l’initiative et conserve son influence pendant tout le processus. Le syndicat adopte une attitude offensive pour la survie de l’entreprise. Il s’implique dans la constitution du Comité d’adaptation de la main-d’oeuvre, dans le Comité de survie, dans l’implantation de différents programmes de formation de base et professionnelle. Le service de formation de la FTQ a aussi été présent tout au long du projet.
Ensuite, le second rôle revient au RESO. En plus de son implication dans le Comité de survie et dans le Comité d’adaptation de la main-d’oeuvre, le RESO est intervenu en appuyant la société pour l’obtention d’une aide financière destinée à la modernisation de l’équipement, ainsi qu’en faisant des pressions politiques auprès de l’industrie et de l’administration publique. Il a aussi contribué à la préparation d’un dossier sur l’industrie du verre, à l’identification de projets, à la réalisation de deux études de marché, à des rapprochements entre divers intervenants du secteur, à la circulation d’informations, à la collecte de données sur le recyclage et la promotion du verre, etc. Il a établi une dynamique de collaboration entre le syndicat et le quartier qui s’est poursuivie au-delà du sauvetage de l’usine.
L’action concertée des instances syndicales et du RESO a mobilisé les institutions gouvernementales, provinciales et fédérales. Ces institutions ont financé les programmes de formation de la main-d’oeuvre et de développement des ressources humaines. Elles ont apporté un soutien à la modernisation technologique de l’usine.
Enfin, la participation du CEDA ne peut être passée sous silence. Cette organisation locale a pris la responsabilité de dispenser la formation aux travailleurs. Le contenu des cours a été élaboré à partir des besoins des travailleurs et le programme pédagogique a été adapté au cadre particulier de la formation en entreprise. Les rythmes d’apprentissage et les acquis des travailleurs ont aussi été pris en considération.
La direction de l’usine a accepté et appuyé l’initiative syndicale. Le syndicat a reçu le soutien nécessaire à ses travaux. Les dirigeants avaient tout intérêt à collaborer aux ateliers de formation de la main-d’oeuvre puisque la survie de l’usine dépendait de l’implantation d’un processus d’amélioration continue des opérations et des résultats. Ce processus impliquait l’adaptation de la main-d’oeuvre.
Cette mobilisation est sans aucun doute un bel exemple d’une démarche concertée de formation en entreprise et d’actions amorcées dans le cadre d’une stratégie globale pour sauver des emplois. Elle démontre clairement l’importance de la collaboration entre l’entreprise et les syndicats, d’une part, et de la synergie entre le syndicat et le milieu, d’autre part, dans la mobilisation des ressources aussi bien locales qu’extérieures au milieu local. En particulier, la synergie avec le RESO, une corporation de développement économique et communautaire formée justement pour renforcer le milieu local, illustre l’émergence d’une gouvernance locale sur le leadership communautaire.
Le cas de Sucre Lantic : l’effet de la concurrence géographique sur le rapprochement des acteurs
La mobilisation qui a eu lieu à l’usine Sucre Lantic se caractérise, elle aussi, par une action préventive. Elle se structure avec l’apparition des problèmes. Au départ, les travailleurs se mobilisent pour éviter l’annonce de fermeture. Ils n’y parviennent pas, mais les transformations réalisées et les consensus obtenus leur auront permis de mieux se mobiliser pour obtenir la relance de l’usine, à la suite d’une lutte qu’ils mènent avec une autre usine appartenant à la même entreprise située à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick. La mobilisation des acteurs politiques et l’appui des organisations qui font la promotion du développement local sauve l’usine et produit un effet positif dans le milieu. Cet exemple montre ce que sont les effets de la concurrence, à laquelle les compagnies et groupes économiques soumettent leurs filiales et succursales, sur la viabilité d’une usine. Le milieu se mobilise à la fois pour sauver des emplois à Montréal, mais aussi pour offrir à l’employeur des conditions meilleures que sa concurrente de Saint-Jean. La concurrence géographique intra-entreprise solidifie certes le milieu local, mais affaiblit la solidarité sociale.
Les antécédents : une entreprise confrontée à la concurrence interne
Établie depuis plus de cent ans dans la zone portuaire de l’Est de Montréal, la raffinerie Sucre Lantic est jusqu’au mois de juillet 1997 une filiale de la B.C. Sugar de Vancouver. Depuis, elle est passée sous le contrôle du holding torontois Onex Corporation. En 1996, la compagnie affichait un chiffre d’affaires de 848,5 millions de dollars et un bénéfice d’exploitation de 65,4 millions. Son rendement était, cependant, à la baisse.
Au début de 1995, un accord entre le Canada et les États-Unis fixe les exportations annuelles canadiennes à 10 300 tonnes de sucre raffiné. Ceci pose une limite à la production de sucre et intensifie la concurrence entre les compagnies canadiennes, notamment entre SucreLantic et la société Redpath. Ces compagnies sont dans l’obligation de rationaliser leur production. Au mois de mai 1996, le directeur de l’usine informe l’exécutif syndical des pressions qui pèsent sur la compagnie. Après évaluation de la situation, les instances syndicales s’entendent pour se mobiliser afin de sauver l’usine. On s’entend d’abord pour mettre sur pied un Comité d’adaptation de la main-d’oeuvre (CAMO), avec l’accord du propriétaire.
En janvier 1997, le syndicat apprend que B.C. Sugar considère sérieusement la possibilité de fermer l’une de ses deux raffineries de l’Est du Canada, soit la raffinerie de Saint-Jean ou celle de Montréal. Les deux entreprises sont comparables. Ainsi, afin d’influer sur la décision du propriétaire, des décisions sont prises afin de générer des économies à très court terme. Dans cette perspective, un plan de redressement est déposé en février 1997. Ce plan vise à améliorer la gestion de l’usine et à augmenter la flexibilité dans la gestion du travail. Les travailleurs s’engagent à accepter un horaire permettant la production continue (ce qui se traduit par un régime de dix jours de travail et quatre de congé), à renoncer à certaines bonifications et à diminuer les coûts de certaines opérations, de la livraison par exemple. En juin 1997, en dépit des engagements des travailleurs, la direction de B.C. Sugar recommande de fermer la raffinerie de Montréal. Mais, une étude est demandée par les membres du conseil d’administration avant d’entériner la recommandation.
En même temps, le holding financier Onex de Toronto devient le nouveau propriétaire de B.C. Sugar, se portant acquéreur de 75 % des actions de la compagnie. La direction d’Onex décide de se pencher sur la rentabilité des deux raffineries de l’Est du Canada, dans l’optique de rationaliser et de concentrer la production dans une seule raffinerie. Des actions sont alors entreprises par différents acteurs notamment le gouvernement du Québec, le port de Montréal, la Corporationde développement économique et communautaire de l’Est de Montréal (CDEST), la Société de promotion et de concertation socio-économique de l’Est de Montréal (PRO-EST). Le but est d’informer le nouveau propriétaire Onex de leur engagement et support à la sauvegarde de la raffinerie de Montréal.
Une décision est prise le 12 mai 1998. La raffinerie de Montréal reste ouverte. Soixante-cinq millions de dollars seront investis dans l’expansion et la modernisation de ses installations pour desservir les marchés du Québec, de l’Ontario et des provinces maritimes. Avec ces investissements, la production de sucre devrait pouvoir atteindre 450 000 tonnes par année. L’usine de Montréal est sortie gagnante de la concurrence avec l’usine du Nouveau-Brunswick.
Les acteurs mobilisés par le syndicat
Le syndicat local a d’abord fait appel aux services que la FTQ a mis en place pour conseiller les unités syndicales et pour mobiliser les intervenants. Par ailleurs, la direction de la Fédération des travailleurs du Québec a exercé des pressions auprès des décideurs politiques aussi bien en matière de politique d’achat de sucre raffiné que, plus tard, d’appui aux entreprises menacées de fermeture. De plus, le Fonds de solidarité de la FTQ a suivi les événements de très près en offrant son assistance et son aide financière. Le soutien financier du Fonds a été déterminant dans le plan de redressement.
Parmi les acteurs non syndicaux, il faut souligner l’engagement gouvernemental. Le gouvernement fédéral est intervenu en finançant des améliorations au Port de Montréal qui ont rendu possible l’accès de bateaux de grand tonnage servant au transport du sucre de la raffinerie de Montréal. Le gouvernement fédéral s’est aussi manifesté par l’intermédiaire de ses programmes d’appui à la formation de la main-d’oeuvre. Quant au gouvernement du Québec, sa contribution a aussi été très importante, équivalente à 18 millions de dollars, versés par Investissement Québec, le ministère de la Métropole, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité et la Société québécoise de développement de la main-d’oeuvre. De plus, le gouvernement provincial a exercé diverses pressions auprès de la compagnie Onex.
Sur le plan local, la Communauté urbaine de Montréal et la Ville de Montréal ont pris part à diverses réunions et ont fait des pressions auprès de la compagnie. La mobilisation a aussi reçu l’appui des associations du milieu, comme la CDEST et PRO-EST. Leur implication a élargi le mouvement et amplifié les pressions sur les élus et les décideurs.
Le maintien des emplois : l’effet sur le changement dans la culture de l’entreprise
Le maintien de l’usine en activité a sans doute été la principale motivation des différents acteurs qui se sont mobilisés. Motivés par la préservation des emplois, par le maintien des activités économiques ou par d’autres intérêts, les acteurs de la communauté locale se sont concertés dans le but d’arrêter le déclin socioéconomique de la zone est de la ville, une des zones dévitalisées de la métropole. Pour le bloc syndical, l’objectif était de préserver 315 emplois. Pour le Port de Montréal, la raffinerie Sucre Lantic était un client important. Pour la direction locale de cette société, l’intérêt de collaborer avec les acteurs locaux et syndicaux s’est développé au fil des économies découlant des mesures de rationalisation. « Depuis 1995, nous sommes passés d’une culture de la confrontation à une culture du compromis », nous confiait un membre de la direction syndicale.
L’usine de Montréal a été sauvée, mais non sans heurts. À l’enjeu de départ, celui de sauver les 315 emplois et de retrouver les marchés perdus au profit de Redpath, est venue s’ajouter la concurrence entre les deux raffineries de la même compagnie et entre leurs travailleurs, voire entre les deux milieux de Montréal et de Saint-Jean. Le nouveau propriétaire, Onex, a décidé de trancher en faveur de Montréal, à la suite d’une lutte de près de deux ans. Il a choisi celle qui offrait le plus d’avantages et était la mieux placée face à la concurrence. La compétition entre les deux usines a eu des effets sur les ententes avec l’employeur.
Le syndicat a négocié une convention collective, un contrat social de dix ans prenant fin en 2008. Les salaires de base ont été maintenus, ainsi que le mode annuel d’indexation selon l’inflation. Mais des changements importants ont été apportés à l’organisation du travail. L’usine est devenue plus productive et plus compétitive. Des réductions indirectes de salaire, notamment en ce qui concerne le travail supplémentaire et le travail durant les fins de semaine, ont été acceptées. Dans cette mobilisation, à cause de la concurrence entre les deux usines, et malgré l’attitude très active et collaborative du syndicat, la direction, le rythme et les objectifs de la négociation ont été imposés par l’entreprise.
L’usine de Owens Corning : une mobilisation tardive, conflictuelle, sauvée par le Fonds de solidarité et le gouvernement
Le cas de cette entreprise illustre bien une situation où le syndicat et la direction de l’entreprise ne s’entendent pas sur le bien-fondé de réaliser les changements nécessaires pour maintenir l’usine en activité. Il n’y a pas eu de conflit déclaré avant l’annonce de fermeture, mais l’attitude hostile de la compagnie produit un climat de confrontation.
Dirigée depuis Toledo, Ohio, Owens Corning est implantée dans 30 pays à travers le monde. Elle est installée depuis 1963 à Candiac, dans la région de Montréal. Au cours des dernières années, cette usine s’est modernisée et a mis en place un programme de formation des travailleurs. Il s’agit donc d’une usine moderne et rentable, quoique moins rentable que les autres usines nord-américaines du groupe industriel. L’usine était bien ancrée dans son milieu, et avait reçu entre autres un prix de la Chambre de commerce locale. Les travailleurs participaient à des activités nombreuses. En outre, l’usine était reconnue pour ses politiques de respect de l’environnement. Elle appliquait les normes « écono-logo », ce qui signifie qu’elle employait 35 % de produits recyclés dans sa production. Les emballages de laine isolante arboraient le logo d’Hydro-Québec en guise de reconnaissance de la participation de l’entreprise aux programmes d’économie d’électricité. Bref, il s’agissait d’une entreprise modèle à tous les points de vue.
Or, toutes ces bonnes conditions n’ont pas empêché Owens Corning d’annoncer la fermeture de l’usine de Candiac en décembre 1997. Pour justifier cette fermeture, les dirigeants invoquaient la surcapacité de production sur un marché saturé.
Les mesures pour empêcher la fermeture
L’annonce prend le syndicat par surprise. Les instances syndicales procèdent à l’évaluation du potentiel de l’usine et élaborent une stratégie pour essayer d’empêcher sa fermeture. Des mesures pour amorcer la mobilisation sont prises, telles que la création d’un comité de reclassement, la tenue d’assemblées d’information, des conférences de presse et une campagne de sensibilisation de la population. La députée provinciale, le député fédéral, le maire de Candiac et la Chambre de commerce locale sont saisis du problème.
Mais la mobilisation amorcée ne conduit pas immédiatement à une proposition acceptable pour la relance de l’usine. En fait, les actions pour la survie de l’usine ont été menées en même temps que la négociation des conditions de fermeture. Certes, le syndicat a protégé les travailleurs en ce qui concerne les retraites, la prime de séparation, et le règlement de la quittance. Il a assuré le réconfort individuel à des travailleurs affectés par la perte de leur travail. Ce type d’actions n’a toutefois pas conduit à mobiliser les acteurs locaux pour la survie de l’usine.
Les acteurs : une communauté locale discrète
Le syndicat local ainsi que les services d’appui de la FTQ mettent en marche une vaste campagne d’information. Ils mobilisent aussi les autres instances syndicales, comme le Fonds de solidarité, qui s’investit dans le conflit offrant une aide financière et contribuant à élaborer plusieurs scénarios de relance. Plusieurs instances gouvernementales appuient la mobilisation, notamment la députée provinciale, le ministère des Finances, le ministère de l’Industrie, du Commerce, de la Science et la Technologie (MICST), et la Société québécoise de développement de la main-d’oeuvre (SQDM). Le gouvernement fédéral par contre est plus discret. Sa participation se limite au début à une collaboration au Comité de reclassement des travailleurs.
Pour ce qui est des acteurs du milieu local, à part le maire, en général, la collaboration a été faible. Le syndicat s’attendait à une collaboration plus forte, d’autant plus que peu avant l’annonce de fermeture, la ville avait négocié avec l’entreprise pour former un groupe de 12 moyennes et grandes entreprises du territoire dans le but de consolider l’achat local et l’utilisation des services disponibles dans le milieu local. Après l’annonce de la fermeture et le début de la mobilisation, les 11 autres entreprises se sont désintéressées de toute perspective de relance. Tous les sous-traitants et fournisseurs de l’usine ont été contactés et informés, mais il n’y a pas eu de réaction. Par ailleurs, la population locale, dans l’ensemble, ne s’est impliquée que de manière passive, par des signatures ou par des appuis individuels.
On voit une nette différence entre ce cas et les deux premiers. Le manque de collaboration de l’employeur a donné à cette mobilisation une allure uniquement syndicale et anti-entreprise. Le milieu des affaires a pris le parti de l’entreprise contre le syndicat. « Ils ont été réticents à s’impliquer parce que c’est le syndicat qui dirigeait cette mobilisation-là et c’est comme si, pour eux, d’office, ça commandait de prendre pour Owens Corning », affirmait un interviewé. Ce manque de perspective communautaire traduit la réaction d’un milieu moins solidaire, organisé surtout autour des structures administratives traditionnelles et d’affaires. Il n’y avait pas ici, comme dans le cas de Emballages Consumers ou de Lantic, des organisations communautaires engagées dans le développement local. Candiac, une banlieue résidentielle de construction récente (elle existe depuis 40 ans seulement), n’a pas connu, comme les quartiers dévitalisés de Montréal, les effets à la fois déstructurants et restructurants de la délocalisation industrielle. Sa population n’a pas été confrontée au besoin de répondre à des crises de développement, ce qui explique l’absence d’un milieu communautaire fort.
La relance : le résultat de la concertation État-syndicat-entreprise
Après plus d’un an de négociations, Owens Corning est arrivée à une entente avec les institutions gouvernementales et le Fonds de solidarité, entente qui a amené l’entreprise à réviser sa décision de fermer l’usine et à annoncer sa relance. Owens Corning annonce des investissements de 80 millions qui serviront à moderniser et à réorganiser l’usine. Le Fonds de solidarité fournit 7,5 millions de dollars ; le gouvernement provincial 2,2 millions et le Fonds du Canada pour la création d’emplois, un million. Les travailleurs de l’usine ont signé une nouvelle convention collective rendant l’organisation du travail plus flexible. La relance est le résultat de la concertation entre l’État, l’entreprise privée et le mouvement syndical. La collectivité locale a exercé des pressions, mais n’a pas été partenaire de la mobilisation.
L’usine Kenworth : du conflit déclaré à la mobilisation au sommet
Le conflit à l’usine Kenworth se situe dans un contexte géographique et social similaire à celui du cas précédent. L’usine est installée à Sainte-Thérèse, une banlieue aussi résidentielle et en forte croissance située au nord de Montréal. À cause d’une faible structure communautaire, sauf pour ce qui est des organisations représentatives du milieu des affaires, les auteurs locaux ne se sont pas sentis concernés par la mobilisation. De plus, cette mobilisation est marquée par des confrontations ouvertes, avant même l’annonce de fermeture. Pourtant, la décision de l’employeur de fermer l’usine a été renversée. En dépit du manque d’intérêt de l’entreprise à collaborer à la relance et du faible appui du milieu local à la mobilisation, le syndicat a réussi à faire réagir les décideurs politiques.
Kenworth : une usine stratégique
L’usine Kenworth de Sainte-Thérèse a ouvert ses portes en 1967. Elle appartient à la compagnie Paccar, dont le siège social est à Bellevue, Washington, qui est présente dans 40 pays, dont le Mexique. Après trente ans de fonctionnement, elle a fermé ses portes à la suite d’un conflit de travail. Cette usine fabrique des camions lourds, entre autres le modèle T300 pour lequel l’usine de Sainte-Thérèse avait obtenu le mandat nord-américain. Au moment de la fermeture, 850 travailleurs syndiqués étaient au service de Kenworth et on produisait en moyenne 27 camions par jour. L’usine de Sainte-Thérèse avait une importance stratégique au Québec puisqu’elle constituait l’un des rares établissements québécois actifs dans l’industrie de l’automobile.
Les éléments déclencheurs : une fermeture aux effets lourds
Les antécédents de la mobilisation remontent au mois d’août 1995, alors que les travailleurs et l’entreprise négociaient le renouvellement de leur convention collective. Les deux parties se montrent inflexibles et la partie patronale se retire de la table des négociations. Le 8 août 1995, le syndicat déclenche une grève. Des équipes sont alors formées afin d’assurer un piquetage 24 heures sur 24. Le 9 avril 1996, soit 8 mois après le début de la grève, Paccar annonce sa décision de fermer l’usine. La raison invoquée est la surcapacité de production des installations de Sainte-Thérèse par rapport à la demande.
Les travailleurs sont mis devant l’alternative suivante : soit négocier une entente de fermeture avec des primes et des compensations financières, soit ne pas accepter la fermeture et essayer de convaincre les gouvernements et les autres acteurs de relancer l’usine. Ils choisissent la deuxième option et amorcent une lutte qui finira par inclure non seulement les centrales syndicales, mais le gouvernement du Québec au grand complet. D’une part, les travailleurs manifestent publiquement : des défilés sont organisés dans les rues de Sainte-Thérèse, à Québec, sur la colline parlementaire à Ottawa et à Montréal. Ils bloquent l’autoroute 15, l’une des principales voies d’accès à la métropole. D’autre part les autorités syndicales et gouvernementales s’entendent pour élaborer un plan de sauvetage. Le ministère des Finances du Québec intervient en même temps que le Fonds de solidarité de la FTQ. L’entreprise dépose ses exigences : des salaires liés à la productivité, une flexibilité totale, un contrat de six ans et 90 jours de probation pour tous les employés. Les propositions et contre-propositions se succèdent. Le 4 septembre 1997, lors d’une séance protocolaire largement médiatisée, a lieu la signature d’une entente prévoyant la réouverture à l’automne 1999.
Les acteurs : une mobilisation au sommet
Diverses instances syndicales et le gouvernement du Québec se sont joints à la mobilisation. La puissante organisation des Travailleurs canadiens de l’automobile du Québec et du Canada (TCA) se manifeste. Les dirigeants de la FTQ déploient toute leur influence auprès des deux paliers de gouvernement. Le Fonds de solidarité a aussi été un acteur majeur dans ce conflit. Son intérêt et sa volonté d’investir dans l’entreprise – il était prêt à investir 42 millions de dollars – ont contribué à convaincre Paccar que la relance de l’entreprise pouvait conduire à la rentabilité. Le Fonds avait élaboré un plan de relance, que Paccar a reçu avec intérêt. Finalement, elle a décidé d’assumer seule l’investissement. Mais le Fonds avait ouvert la voie. Sa position pesait lourd dans les négociations avec Paccar comme dans les choix des travailleurs.
Les deux paliers de gouvernement se sont aussi fortement engagés. Au total, ils ont contribué pour 23,5 millions de dollars à la relance de l’usine. Une entente Canada-Québec sur le développement industriel et divers programmes d’appui à l’entreprise ainsi qu’à la création d’emplois ont permis de financer cette contribution : le gouvernement provincial fournit 13,5 millions de dollars, et le gouvernement fédéral, 10 millions. Par ailleurs, le gouvernement fédéral a accepté de donner une exemption à Paccar sur des frais de douane impayés (8 à 10 millions de dollars).
Le gouvernement du Québec, pour qui l’usine de Sainte-Thérèse a une valeur stratégique, s’est révélé un agent clé dans la solution apportée au conflit grâce à la participation du ministère des Finances, du ministère de l’Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, du ministère du Travail et du ministère de la Métropole. Leur contribution a été plus que financière. La compagnie s’est engagée à investir au-delà de 100 millions de dollars dans des travaux de rénovation et d’agrandissement. Dorénavant l’usine se limitera à assembler des véhicules, la production des pièces étant abandonnée.
Si, comme le disait le vice-premier ministre du Québec, avec le cas Kenworth « le modèle québécois de développement est à l’honneur », il faut sans doute trouver l’explication dans la convergence entre la capacité de mobiliser les décideurs politiques, dont a fait preuve le syndicat, et la volonté gouvernementale de ne pas affaiblir la présence québécoise dans le secteur de l’automobile. Mais, si l’implication des instances gouvernementales québécoises dans le règlement du cas Kenworth a été très intense, celle des acteurs locaux, par contre, a été très faible, malgré les effets positifs directs et indirects des salaires payés sur l’économie locale. Selon les personnes interrogées, les acteurs locaux ont peu pris part à la mobilisation à cause de préjugés contre le syndicat. En effet, les dirigeants municipaux dans les banlieues ne semblent pas accorder une grande crédibilité à l’action syndicale en général, comme on l’a vu aussi dans le cas précédent. Cependant, dans ce cas-ci, les efforts des instances syndicales n’ont pas été destinés à mobiliser les acteurs locaux, mais plutôt les décideurs du gouvernement québécois. La mobilisation de Kenworth, malgré son succès, n’a pas eu des conséquences structurantes pour la synergie des acteurs locaux[15], comme ce fut le cas pour Emballages Consumers et pour Lantic.
Étant donné le caractère exploratoire de ce travail, la conclusion sera quelque peu hypothétique. Les quatre cas analysés témoignent que les luttes pour l’emploi sont de plus en plus englobantes. Elles interpellent et mobilisent les acteurs de la société civile et du gouvernement. Dans certains cas, elles ont un effet de cohésion sur le milieu local, mais pas toujours. En fait, on peut conclure sur l’hypothèse suivante. L’effet de cohésion sociale apparaît lorsque deux conditions sont réunies : d’une part, lorsque les employeurs et les travailleurs montrent une attitude de collaboration pour moderniser l’usine, et d’autre part, lorsque le milieu local est déjà bien structuré et que les acteurs manifestent une conscience territoriale (figure 1).
Les cas de Emballages Consumers et de Lantic vont dans le sens de cette hypothèse. Ces deux mobilisations résultent d’une action concertée du syndicat et de l’employeur, provoquée par l’action très active du syndicat. Elles se sont produites dans des anciennes zones industrielles de Montréal, où des Corporations de développement économique communautaire, fruit de mobilisations antérieures, ont mis en place les bases d’une interaction entre la lutte pour l’emploi et les acteurs de la communauté. Et c’est justement dans ces deux cas que la lutte pour l’emploi a eu un effet cohésif et mobilisateur sur la collectivité locale.
L’implication des acteurs locaux ne semble cependant pas constituer un facteur déterminant pour la réussite de la mobilisation à court terme. Les syndicats ont influencé les décideurs en mobilisant avant tout leurs instances syndicales, et ce avec ou sans la participation locale. Mais l’interaction avec le milieu s’avère essentielle pour établir un meilleur rapport de forces à long terme, surtout lorsque les mobilisations concernent des usines sans valeur stratégique pour les institutions politiques. Sans une structure locale, l’expérience ne s’accumule pas et ne donne pas lieu à un apprentissage collectif si nécessaire à des actions stratégiques et cognitives en vue d’un développement à long terme.
Le type de relations entre les syndiqués et les employeurs influence la décision du milieu local de s’impliquer ou non dans la mobilisation, surtout lorsque les seuls acteurs véritablement actifs du milieu local sont des représentants du milieu des affaires. Or, si les syndicats veulent effectivement sensibiliser les acteurs à la nécessité de s’unir pour défendre les acquis en matière d’emploi, ils se doivent de développer une attitude entreprenante et anticipative. Lorsque la mobilisation n’est amorcée qu’au moment de l’annonce de fermeture, le syndicat n’a pas le temps de construire les bases d’une collaboration avec l’employeur permettant la modernisation et la relance de l’usine. Il a encore moins le temps de construire les liens avec les acteurs locaux. Ce qui importe, c’est de développer une capacité d’action préventive. Celle-ci suppose des acteurs bien informés. Mais, pour être informés, il faut, d’abord, que le syndicat établisse des relations avec l’employeur qui permettent l’échange d’informations stratégiques et, ensuite, que les syndicats transforment cette information en stratégie d’action et qu’ils saisissent les acteurs locaux du besoin de sauver les emplois.
Tous les emplois ne peuvent pas être sauvés, ni toutes les entreprises d’ailleurs. Ceci dépend de beaucoup de facteurs, dont plusieurs échappent à la capacité de contrôle des acteurs locaux et des acteurs syndicaux. Même en faisant des pressions sur le gouvernement, toutes les mobilisations ne peuvent pas se solder par des réussites. Il importe donc d’être prêt au changement et de développer une stratégie qui le précède. Une telle stratégie a plus de chances de réussir si elle est le résultat de la convergence des syndicats, des entreprises et de la communauté. Pour les organisations syndicales, la participation au pouvoir local, mise en place par le gouvernement (CRD, CLD, etc.), peut être un moyen d’assurer une interaction durable avec les autres acteurs de la communauté, à condition qu’elle ne se limite pas à une représentation passive. C’est le milieu local qu’il faut construire afin de créer les bases de l’apprentissage collectif, sans lequel l’expérience se perd.
Enfin, la participation des organisations syndicales aux instances de gouvernance locale ne devrait pas se faire aux dépens de structures plus globales susceptibles d’éviter des conditions de concurrence extrême avec d’autres lieux, avec d’autres régions, concurrence qui fait certes des gagnants, mais où les gains sont toujours précaires. Il est impératif de créer des espaces de gouvernance où le local et le global se rencontrent. Il importe de trouver un équilibre entre la nécessaire concurrence géographique pour les emplois, voire pour la rentabilité et la croissance, et la tout aussi nécessaire solidarité sociale.
Appendices
Remerciements
Les auteurs s’inspirent des résultats d’un projet de recherche-action commandé et financé par la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ). Ils remercient Jean Sylvestre et Normand Guimond de la FTQ et Vincent Van Schendel du consortium ARUC Économie sociale, qui ont participé à l’équipe qui a mené cette recherche. Ils remercient aussi Manon Goulet qui a réalisé les entrevues avec les acteurs et qui a fait une première rédaction des études de cas. Les résultats complets de cette recherche sont contenus dans un document publié et diffusé par la FTQ intitulé Pour un meilleur rapport de force : les luttes syndicales ne se gagnent pas seules, Montréal, FTQ, 1999, 37 p. Les auteurs tiennent à remercier les deux évaluateurs anonymes de ce texte pour leurs commentaires pertinents et utiles.
Notes biographiques
Juan-Luis Klein
Juan-Luis Klein est professeur titulaire au département de géographie de l'Université du Québec à Montréal. En tant que chercheur, il est rattaché au Centre des recherches sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES), dont il est directeur adjoint depuis juin 2003. Il est aussi responsable de la collection « Géographie contemporaine » des Presses de l’Université du Québec. Ses travaux portent sur le développement régional et local, sur la reconversion économique et sur la territorialité des actions collectives, thèmes sur lesquels il a produit plusieurs ouvrages et articles.
Jean-Marc Fontan
Jean-Marc Fontan est professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal. Il est spécialisé en sociologie économique et en sociologie du développement et travaille sur des champs de recherche variés dont : la métropolisation, le développement local, l’économie sociale, la pauvreté et les inégalités sociales. Directeur de l’Observatoire montréalais du développement (OMD) et de l’Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale (ARUC-ÉS), il est aussi directeur adjoint de la Chaire sur l’insertion socio-économique des personnes sans-emploi (Chaire-INSE / UQÀM). De concert avec des chercheurs montréalais, il est impliqué dans divers groupes de recherche dont le Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES).
Notes
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[1]
Nous tenons toutefois à préciser que la responsabilité des idées contenues dans ce texte ne relève que des auteurs.
-
[2]
Une « poigne », disait-on, dans les réunions que nous avons organisées avec les représentants syndicaux.
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[3]
La mobilité des entreprises n’est pas absolue et divers processus ancrés dans le territoire y mettent des limites. Elle diffère aussi selon le type d’entreprises et le secteur dans lequel celles-ci sont actives. Nous partageons les critiques de Cox (1997) à l’endroit de certaines analyses qui tendent à « fétichiser » la mobilité des entreprises. En revanche, il nous semble que les choix qui s’offrent aux entreprises, surtout aux donneuses d’ordres, sont beaucoup plus larges qu’autrefois et accroissent leur pouvoir dans les négociations avec les travailleurs.
-
[4]
La structuration d’espaces locaux de gouvernance n’est pas indépendante des cultures institutionnelles et des valeurs qui expliquent les comportements des divers acteurs de la société (Amin et Hausner, 1997 ; Fontan, Klein et Tremblay, 1999). La gouvernance locale est un construit qui résulte de l’action stratégique des acteurs qui composent les espaces locaux (Jouve, 2002). Ce sont les acteurs qui définissent le local, et non le local qui définit les acteurs (Klein, 1997).
-
[5]
Pour une synthèse du débat sur la crise de l’État-nation, voir Klein (1999).
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[6]
Sur la place du local dans les processus qui mènent à la mondialisation, voir Cox (1997).
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[7]
La notion de milieux innovateurs comprend celles de « district industriel », « systèmes productifs locaux » et « technopoles ». Pour une synthèse, voir Lévesque, Fontan, Klein et Bordeleau (1995).
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[8]
Concernant la segmentation spatiale différentielle du marché de l’emploi, voir les travaux sur le concept de « zones de marché de travail local » (« local labor markets areas ») de Coombes, Green et Owen, (1988), Peck (1989) et Hanson et Pratt (1988, 1992).
-
[9]
À ce sujet, voir Fontan (1992, 1994), Favreau (1995) et Morin (1998).
-
[10]
Voir par exemple : Fisher et Kling (1993) et Cox (1997). Ces ouvrages contiennent des textes portant sur le mouvement syndical, mais leur analyse ne se fait pas en lien avec la construction d’espaces locaux de régulation ou de gouvernance. Au contraire, certains auteurs voient le mouvement syndical comme un agent de la globalisation (Herod, 1997).
-
[11]
Pour divers points de vue sur le rôle des mouvements sociaux dans la construction d’une territorialité postfordiste, voir Klein, Tremblay et Dionne (1997).
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[12]
C’est le cas, par exemple, du mouvement environnementaliste (Castells, 1997) et du mouvement féministe (Miles, 1997).
-
[13]
Le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec est un fonds d’investissement créé par la FTQ. Ce fonds mobilise l’épargne-retraite de ses actionnaires afin de maintenir et de créer des emplois. En 2002, ce fonds compte sur 500 000 actionnaires et ses actifs nets s’élèvent à plus de 4,4 milliards de dollars.
-
[14]
Nous faisons allusion ici aux usages sociaux des orientations géographiques qui prévalent à Montréal. On sait que ces orientations ne coïncident pas avec les vraies orientations géographiques, ce qu’on appelle le nord étant en réalité plus proche de l’ouest que du nord.
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[15]
Ce qui est confirmé d’ailleurs par la fermeture de l’usine de General Motors à Boisbriand en août 2002 et par la faiblesse de la réaction du milieu.
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