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Ce livre a vu le jour dans la foulée de l’exposition « Plus que parfaites : chroniques du travail en maison privée, 1920-2000 » qui s’est tenue à l’automne 2001 grâce au partenariat de l’Association des aides familiales du Québec (AAFQ), qui se préparait à célébrer son vingt-cinquième anniversaire, et du Centre d’histoire de Montréal.
La recherche effectuée par les organisateurs de l’événement avait pour but de rendre visibles ces travailleuses de l’ombre que sont les aides familiales, à faire reconnaître leur statut et à améliorer ainsi leurs conditions de travail et de protection sociale.
Élizabeth Ouellet, sociologue, et Raphaëlle De Groot, artiste visuelle, qui collaboraient à ce projet, rassemblent ici le fruit de leurs recherches. La première partie du livre, signée par Élizabeth Ouellet, traite de l’histoire sociale du travail domestique. Elle brosse un bref tableau du contexte historique de l’époque et retrace, grâce au dépouillement des petites annonces classées, des archives de communautés religieuses qui ont oeuvré auprès de ces travailleuses et celles de l’AAFQ, l’évolution de la pratique de ce métier et les différents profils de celles qui l’ont exercé.
Elle divise en quatre grandes étapes le long chemin parcouru par les aides familiales. La première (1850-1920) est caractérisée par l’importance de ce métier au sein du travail féminin (il est à 90 % occupé par des femmes) et par l’action des groupes féministes et des communautés religieuses, spécialement l’Institut Notre-Dame-du-Bon-Conseil, qui s’exerce dans la formation, la défense des droits et à titre d’intermédiaire dans le placement et le soutien des travailleuses familiales.
La deuxième période (1920-1945) voit la diminution du travail domestique effectué par des aides familiales résidentes et une plus grande utilisation des services de jour. Les relations paternalistes que plusieurs patrons entretenaient avec leurs employées se transforment alors au profit de relations plus professionnelles et hiérarchisées où les tâches, les congés et les salaires sont précisés dans le contrat d’engagement. L’aide domestique y gagne ainsi un peu de liberté et de vie personnelle.
La troisième période (1945-1980) correspond à l’instauration de programmes gouvernementaux visant à recruter des travailleuses à l’étranger afin de pallier la diminution de l’intérêt des Québécois. L’isolement dans lequel ces travailleuses se retrouvent trop souvent rend ces nouvelles arrivantes plus fragiles dans la défense de leurs droits, retardant ainsi leur intégration au sein de leur patrie d’adoption.
La dernière période (1980-2000) est marquée par la recherche d’une reconnaissance des aides familiales à titre de travailleuses salariées où elles tentent d’obtenir, par leur regroupement, une plus juste évaluation de leur emploi, une défense plus affirmée de leurs droits et des ressources de formation mieux appropriées.
Cette démarche historique permet de situer plus globalement les changements intervenus dans le travail de maison à travers l’évolution de la société québécoise qui s’enrichit, se modernise, tout cela au gré d’une urbanisation croissante, d’une vie familiale en changement et d’une présence de plus en plus importante de la femme sur le marché du travail.
La deuxième partie, signée par Raphaëlle De Groot, donne la parole à ces travailleuses invisibles (ne disait-on pas qu’elles se devaient de passer inaperçues ?), autant celles qui sont actives aujourd’hui que celles qui le furent hier, de même qu’elle recueille les souvenirs de femmes qui ont connu dans leur jeune âge la présence d’une « nanny ». Ces témoignages d’une grande richesse, portés à notre connaissance sans la grille de l’analyse (l’auteure précise que ce n’est pas là son propos) permettent un regard original de l’intérieur sur les conditions de vie des aides familiales, sur leurs conceptions du travail et les relations qu’elles entretenaient avec leurs employeurs ainsi que les valeurs de ceux-ci et leur façon de vivre.
Élizabeth Ouellet revient en conclusion sur les nombreux combats menés tout au long de ce siècle et sur celles qui les ont conduits. D’ailleurs, ce livre se situe dans la continuité de ces actions et offre une contribution importante par sa perspective sociohistorique à la prise de conscience de ce groupe social.
Cet ouvrage d’un grand intérêt, né du besoin des femmes de métier de se connaître et d’être reconnues, ouvre un pan méconnu de notre histoire. Il donne la parole à des générations de femmes, trop souvent effacées mais toujours très fières, qui ont joué et continuent encore de jouer un rôle essentiel auprès des familles québécoises.
Espérons que les images stéréotypées trop longtemps véhiculées cèderont la place à celles que nous proposent les Cécile, Naina et Ginette par leurs témoignages.