Comptes rendus

Guy Poirier et Pierre-Louis Vaillancourt, Le bref et l’instantané. À la rencontre de la littérature québécoise du XXIe siècle, Orléans (Ontario), Éditions David, 2000, 237 p.[Record]

  • Michel Lord

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  • Michel Lord
    Département d’études françaises,
    Université de Toronto.

Au début de leur présentation, Guy Poirier et Pierre-Louis Vaillancourt exposent la nature de leurs recherches : « Cet ouvrage est né des travaux du Groupe de recherche sur le bref et l’instantané portant sur les processus de fonctionnement du récit bref, du fragmenté et des formes littéraires et spectaculaires habituellement associées à la postmodernité » (p. xiii). Ils terminent leur discours préliminaire sur un ton des plus optimistes : « C’est donc bien davantage à une rencontre ludique, sinon dionysiaque, que nous vous invitons, une rencontre dont l’instantané chargé d’une luminosité nouvelle nous habite déjà en ce début du XXIe siècle » (p. xv). Il est réjouissant de voir qu’un tel enthousiasme puisse exister dans le domaine de la recherche littéraire. Dommage que tous les articles, neuf en tout, ne soient pas tous porteurs de cette belle lumisosité. Normal, dirons-nous, tout ouvrage collectif ayant ses hauts et ses bas. L’essentiel, c’est que l’on trouve, dans Le bref et l’instantané, quelques plages de solides réflexions. Guy Poirier brosse un tableau très large, historiquement et génériquement, des formes prises par la brièveté depuis la Renaissance jusqu’au Québec de la fin du XXe siècle. Ce survol l’amène à faire des commentaires fort rapides sur une foule de sujets, dont le concept d’« imagologie » et « surtout [de] la méthode médiologique » emprunté à Régis Debray et qui permettrait « une première émancipation théorique » (p. 3). Mais cette méthode, fort vague, mène surtout à la mise en relief d’un parcours de nos modes de représentation au cours des siècles : nous sommes passés de la « logosphère » à la « graphosphère » au XVIe siècle, au moment de l’apparition de l’imprimerie, et maintenant, « nous passons lentement de la graphosphère à la médiasphère » (p. 6). Après avoir évoqué d’autres auteurs, parmi les plus divers (Marshall McLuhan, Jacques Godbout, Ralph Heyndels, Pierre Bourdieu...), Poirier en vient à la nouvelle, dont il trace à grands traits l’évolution, pour en venir à la nouvelle québécoise, dont il souligne certaines thématiques et la forme elliptique et fragmentée. Ce vol plané, bien que fort documenté sur un ensemble de représentations et de conceptions de la brièveté, sert en fait de seconde introduction à la série d’articles qui va suivre, l’auteur en citant nombre d’extraits. Pierre-Louis Vaillancourt analyse quant à lui trois romans sériels de Barcelo (Nulle part au Texas, Ailleurs en Arizona et Pas tout à fait en Californie) en les reliant aux procédés du roman grec que le romancier parodie non pas dans un but critique, mais ludique : « l’auteur parie sur les grandes possibilités d’un système restreint qui, manipulé avec dextérité, produit des oeuvres dont il faut saluer le brio et la portée divertissante de bon aloi » (p. 41). Mais qu’est-ce que des romans viennent faire dans un ouvrage sur les formes brèves ? C’est qu’ils sont définis ou perçus par Vaillancourt comme des romans brefs, mais aussi parce qu’ils sont conçus dans un cadre où la répétition tient lieu de mise en discours : « Un kaléidoscope de reprises, formant de véritables running gags, montre à l’envi que François Barcelo a fait le pari d’une attente lectrice que les similitudes pouvaient combler autant que les différences, en général privilégiées dans l’écriture romanesque » (p. 35). D’où sans doute l’effet d’économie discursive et informative propre à la nouvelle et aussi ce que Vaillancourt appelle « une fragmentation cohésive », oxymoron que Barcelo aurait le bonheur de maîtriser, et ce, dans une série romanesque... Grazia Merler s’efforce de faire la démonstration que le …