Dans le cadre d’un projet subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada et intitulé « Les dispositifs énonciatifs du discours critique québécois depuis 1980 » (p. 9), Robert Dion, de l’UQAR, et son équipe, livrent aujourd’hui une analyse de l’énonciation dans treize ouvrages publiés entre 1988 et 1993 par douze auteurs différents dans la collection « Essais littéraires » des Éditions de l’Hexagone. Dion et les siens ont choisi de ne considérer que des « travaux émanant de professeurs d’université » (p. 109) et consacrés « à la critique savante telle qu’elle se pratique dans les [milieux universitaires] et telle qu’elle se distingue, parfois sur un mode polémique, de celle des écrivains et des journalistes » (p. 9, note 6). Il est vrai, reconnaît-on toutefois aussitôt, que « la distinction entre ces trois types de critique tend à s’effacer, les mêmes agents cumulant de plus en plus les trois tâches et les cloisonnant de moins en moins » (p. 9, note 6). C’est du moins le cas dans les treize recueils en cause ici. En introduction, Dion, Clément et Fournier ne manquent d’abord pas de rappeler la définition même de l’essai, qui se distingue d’une « analyse de texte » ou d’une « étude ». Ils convoquent pour cela différents auteurs qui, tels François Ricard, Robert Vigneault, Jean Marcel, Georg Lukacs et Marc Lits, ont abordé la question. Tous « insistent sur la subjectivité constitutive de ce genre littéraire » (p. 16) : qu’elle soit ostensible ou discrète, « l’expression de la subjectivité […] y est absolument obligatoire (c’est un critère définitionnel) » (p. 16). Sur le plan méthodologique, la problématique de la subjectivité énonciative décrite par les analystes puise « aux diverses théories de l’énonciation (rhétorique, pragmatique, analyse du discours, etc.) » (p. 25 s.) et s’inspire plus particulièrement de l’essai de Catherine Kerbrat-Orecchioni : L’Énonciation. De la subjectivité dans le langage (1980). « À bien observer » tous les « métadiscours croisés ici et là » dans les treize essais sélectionnés, « qui affirment que la frontière entre l’objectif et le subjectif, entre la théorie et le littéraire, ou encore entre “ l’écriture savante et celle qui ne l’est pas ”, s’estompe », l’équipe de chercheurs postule « l’émergence de formes nouvelles d’énonciation qui, une fois intégrées dans l’ensemble [du] corpus considéré comme un énoncé, seraient susceptibles de former un paradigme critique, celui de l’hétérogénéité énonciative » (p. 21, 24 s.). Pour vérifier son hypothèse, elle conduit son analyse sur un mode bipartite où elle considère d’abord la subjectivité énonciative, puis l’hétérogénéité discursive. Dans le premier temps de cette double démarche, on observe « différentes marques de subjectivité ou d’intersubjectivité qui revendiquent leurs propres espaces discursifs » en s’attachant « au statut linguistique du locuteur et de l’allocutaire du texte critique » (p. 26). Selon que l’essayiste « adopte une position d’écrivain, de conférencier ou de chercheur universitaire », constate-t-on, l’énonciation critique connaît des variations (p. 26 s.). Le discours de Beaudet, de Cambron et de Garand, par exemple, « offre une plus grande résistance à la subjectivité » parce qu’il procède directement de thèses, tandis que celui de Bélanger, Mailhot, Marcel, Marcotte et de quelques autres figure « indubitablement parmi les plus “ subjectifs ” [du] corpus » (p. 27 s.). Par ailleurs, les treize essais sont « marqué[s] par de nombreux énoncés métatextuels qui témoignent d’une prise en considération de l’allocutaire par l’auteur » (p. 30). En plus du système pronominal la forme interrogative est un autre moyen pour l’énonciateur de s’exprimer en tant que personne. Mais que ce soit sur …
Robert Dion, Anne-Marie Clément et Simon Fournier, Les « Essais littéraires » aux Éditions de l’Hexagone (1988-1993). Radioscopie d’une collection, Québec, Nota bene, 2000, 117 p. (Séminaires, 12.)[Record]
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Jean-Guy Hudon
Département des arts et des lettres,
Université du Québec à Chicoutimi.