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L’année francophone internationale est un annuaire qui propose un bilan de la Francophonie définie dans l’ouvrage comme un regroupement sur une base politique des États et gouvernements (55 au total en 2000), mais L’année est aussi un bilan sur l’espace francophone international, une réalité géographique, linguistique et culturelle fort diversifiée. La publication existe depuis 10 ans et l’on y trouvera une mine de renseignements ponctuels sur les pays francophones et sur la place du français dans 80 sociétés, de la Macédoine à la Louisiane, du Val d’Aoste à Djibouti, sans oublier le Québec ni un petit pays dont j’ignorais l’existence : São Tomé E Príncipe, république indépendante depuis 1975 (le lecteur qui partagerait mon ignorance trouvera à la page 170 de l’annuaire une description de ce pays).

L’année francophone présente d’abord brièvement les principales caractéristiques des pays et sociétés de la Francophonie – courts textes qui seront utiles aux étudiants et aux journalistes par exemple – et les événements survenus dans l’année. Cet annuaire complétera fort bien ses cousins : l’État de la France (La Découverte) et Québec 2000, Québec 2001 (Fides), etc., mais on le lira surtout pour s’informer sur les autres pays ou sociétés puisque ce qui est écrit sur la France ou le Québec est forcément limité à cause des contraintes d’espace éditorial. L’annuaire fait aussi le point sur l’actualité francophone dans chaque société, ce qui permet de statuer sur l’état de santé de la langue française dans le monde. Il faut noter l’inégalité du traitement de cet aspect, qui est pourtant la raison d’être de la publication. L’article sur le Viêt-nam est, sur ce plan, insatisfaisant, comparé à celui sur le Laos dans lequel on fait état des activités en langue française qui se sont déroulées dans ce pays. (Une remarque au passage : pourquoi avoir retenu l’orthographe anglophone Vietnam pour désigner ce pays ?)

L’article sur la Grèce, bien que bref, est un modèle du genre. On y apprend que l’entrée de ce pays dans l’Union européenne a eu un impact identitaire important et qu’elle exige de revoir l’organisation sociale même de la Grèce, l’Église orthodoxe contestant le retrait de l’identification de la religion dans les passeports grecs sous prétexte que « la nation grecque serait en danger si le pays se conformait aux directives de Bruxelles ». Une anecdote rapportée par l’auteur de l’article illustre bien le statut changeant de la langue française dans le monde. Invitée au Festival international du film de Thessalonique, Catherine Deneuve a préféré s’adresser à ses auditeurs grecs uniquement en anglais, coup dur pour les Grecs francophiles. Désirant élargir leur audience à un plus large public (de cinéphiles, de scientifiques, de clients, etc.), les Français n’envoient-ils pas le message que c’est la langue anglaise qui compte vraiment ?

L’année francophone comprend une deuxième section, « Idées et événements », qui occupe le tiers du livre et dans laquelle se trouvent des essais en sociologie politique et des articles sur les arts, l’éducation et la langue. On y lira un entretien avec Philippe Seguin autour de son livre Plus Français que moi, tu meurs dans lequel il définit le Québec comme la deuxième locomotive de la Francophonie. Seguin conteste une certaine idée reçue sur la nord-américanité du Québec, idée bien ancrée dans les milieux intellectuels québécois : « Il y a plus de différences entre le Québec et les États-Unis qu’il n’y en a avec la France » avance-t-il (p. 295). Une entrevue intéressante à lire, ne serait-ce que pour les critiques qu’il formule sur les comportements linguistiques des Français… et des Québécois. Aux Québécois qui reprochent aux Français leur engouement pour les mots anglais (« c’est in »), Seguin les enjoint de regarder la poutre dans leur oeil (« c’est le fun »). Seguin y explique certaines idées développées dans son livre qui a fait grand bruit au moment de sa parution. Fernand Harvey signe aussi dans cet ouvrage une intéressante étude sur l’état de la recherche sur la francophonie canadienne dans laquelle il rappelle l’apport critique de la sociologie sur les fondements de la politique canadienne de bilinguisme jugée désincarnée par rapport aux réalités francophones (p. 299).

Enfin, la dernière partie du livre passe en revue les activités des nombreuses institutions et associations francophones nationales et internationales : OIF, CRPLF, UIJPLF, FIPF, AFAL, ADIFLOR, OFQJ, FJFEF, AIFA, RAFQ, ACELF, FCFA, CFC, AFITEP, FLFA, APFF, CVFA, CREIPAC, AEFECD, CICIBA. Si la multiplication des sigles est un signe de vitalité, alors la francophonie internationale se porte bien… Je laisse au lecteur le soin de consulter la publication pour en connaître la signification, et une description de leurs champs d’activité.

Il manque à cet ouvrage un bilan d’ensemble de l’état du français dans le monde, même si de nombreux éléments qui permettraient de le construire se retrouvent épars au fil des pages. Risquons une première conclusion, bien téméraire cependant. La lecture de cet ouvrage nous incite à donner raison à Philippe Seguin : « la francophonie ratisse trop large ». N’y aurait-il pas lieu de réduire quelque peu l’ambition de tout couvrir et éviter ainsi « l’élargissement continuel de la francophonie » dénoncé par Seguin ? La question mériterait d’être posée en repensant quelque peu cet annuaire sur la francophonie à qui il faut souhaiter par ailleurs un bon dixième anniversaire et une longue vie.