Comptes rendus

Fernand Harvey et Gérard Beaulieu (dirs), Les Relations entre le Québec et l’Acadie de la tradition à la modernité, Sainte-Foy et Moncton, Éditions de l’IQRC et Éditions d’Acadie, 2000, 297 p.[Record]

  • Michel Bock

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  • Michel Bock
    Département d’histoire,
    Université d’Ottawa.

Il faut saluer la parution de cet ouvrage sur le Québec et l’Acadie. En effet, les sciences humaines se penchent trop peu sur les relations entre le Québec et les minorités françaises. Depuis la Révolution tranquille, le paradigme de la nation « québécoise » s’étant progressivement substitué à celui de la nation « canadienne-française », fort peu de chercheurs, au Québec, se sont intéressés aux minorités. Ce recueil, qui regroupe des études d’auteurs québécois et acadiens, montre bien que, malgré cette redéfinition du concept de « nation », le Québec n’a jamais cessé complètement de s’intéresser aux minorités françaises, même après la grande rupture du Canada français des années 1960. Leurs relations, pourtant, devaient subir d’importantes transformations. Après le démantèlement du réseau associatif canadien-français, qui, jusqu’aux années 1960, avait renforcé les liens entre les diverses communautés françaises du pays, les rapports entre le Québec et les minorités ont été « étatisés », pour reprendre le mot d’Angéline Martel (1993, voir aussi Martel, 1997). Cette thèse sera d’ailleurs reprise (et nuancée) par certains auteurs du recueil. Ainsi, c’est la problématique du passage de la « tradition » à la « modernité » qui, comme en indique le titre, sert de toile de fond à l’organisation de l’ouvrage. Les auteurs font débuter cette « modernité » en 1960, au moment où l’État québécois s’est mis à intervenir massivement dans un nombre toujours croissant de domaines, de l’économie à la langue, en passant par la culture et l’éducation. Ce découpage chronologique fera peut-être sourciller les chercheurs qui préfèrent faire remonter à bien plus loin l’entrée du Québec dans la modernité. Il n’en demeure pas moins que cette problématique de l’« étatisation » des références identitaires des Canadiens français du Québec s’avère incontournable dans l’étude de leurs relations avec les minorités françaises des autres provinces. L’ouvrage est divisé en deux grandes parties comprenant, au total, onze chapitres. La première, intitulée « Les relations traditionnelles entre le Québec et l’Acadie », regroupe trois textes portant sur la longue période s’étendant de la Renaissance acadienne des années 1880 à la Révolution tranquille. Y sont étudiées la représentation des Acadiens dans l’oeuvre des historiens canadiens-français, ainsi que les relations culturelles et institutionnelles qu’entretenait le Québec avec les Acadiens du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. La deuxième partie, « Le Québec et l’Acadie dans un contexte de modernité », porte sur la quarantaine d’années écoulées depuis 1960 et réunit huit articles consacrés à des thèmes aussi variés que le discours de la presse, l’éducation, les arts et la culture, la politique, la linguistique et les sports. L’approche que privilégie le recueil, qui fait appel aussi bien à des historiens, sociologues et politologues qu’à des littéraires, artistes et linguistes, est résolument multidisciplinaire. Le paradigme central de ce livre est celui des institutions. Les relations entre le Québec et les minorités françaises avaient, pendant plusieurs décennies et jusqu’aux années 1960, été assurées par la mise en place d’un réseau d’institutions religieuses, scolaires, collégiales, voire hospitalières et caritatives, dont la responsabilité première incombait normalement au clergé catholique canadien-français. Ce réseau en vint à diffuser une idéologie à saveur romantique axée, en gros, sur le respect de la tradition, dont la langue, la culture, l’histoire et la foi représentaient les fondements essentiels. Durant les années 1960, dans plusieurs provinces, les domaines sociaux dans lesquels oeuvraient ces institutions seront récupérés par l’État et soumis, par le fait même, à une logique privilégiant davantage les notions d’efficacité, de rationalité et de rentabilité. Au Québec, le phénomène provoquera l’émergence et la généralisation d’un nouveau discours identitaire ayant l’État et le territoire québécois comme principales …

Appendices