Ce livre veut, selon son introduction, élargir les réflexions sur le rapport entre société et individu, soit surtout sur les dynamiques de formation d’un « nous » et la capacité d’autonomie des individus en dehors de l’emprise de l’État dans les sociétés modernes. Mais aucune problématique ou présentation rapide des débats actuels sur le statut et le rôle des individus face à l’État, sur les concepts de nation, de citoyenneté et de société civile et leurs rapports n’est proposée comme direction du volume. Aussi le volume ne remplit-il guère sa promesse, ce qu’accentue l’absence d’une conclusion par les responsables de la publication. Des articles exposent comment des individus montrent hors de l’État, ou sous son influence, un partage d’intérêts ou de représentations basés sur l’idée d’un territoire ou d’une communauté d’histoire et de culture (Laponce, Moquay), hiérarchisent au Canada leurs identités personnelles selon le sexe, « la visibilité ethnique », la langue et la province de naissance et de résidence (Gingras et Laponce), créent en tant que descendants d’immigrés de Haïti, des identités particulières pour faire face au racisme, à leur statut socioéconomique inférieur et à leur absence de référence positive à Haïti (Potvin), se regroupent sur la base d’un phénotype (Noirs nord-américains et français) et d’une opposition à la répression (policière) en un espace culturel, musical, transnational (Belkhodja), ou encore comment les individus tissent des réseaux dans et hors des appareils étatiques (Lemieux). Mais ces textes ne posent guère d’indication nouvelle sur les rapports entre société civile et État, qui sous-tendent ces identités et réseaux, et sur la capacité et les formes d’autonomie ou de non-autonomie des individus qu’ils décrivent. Pourtant, c’est ce que laissait entendre l’introduction du volume. Par exemple, J. Laponce défend l’idée de « satisfaire des droits individuels semblables grâce à des nous différents », c’est-à-dire dans le cas de la fédération canadienne, de reconnaître dix provinces et trois « nous » différents, canadien, québécois et autochtone (p. 43). Cette solution semble s’ancrer dans l’idée que le fondement d’un « nous » soit surtout le territoire et non simplement la représentation d’un partage d’histoire, de culture, de langue, et que seul ce fondement légitime l’accès à un pouvoir politique. Ce raisonnement élimine toute idée de fédéralisme personnel tel que pensé par des auteurs austro-hongrois au tournant du XXe siècle qui permettrait à des individus considérant appartenir à une communauté d’histoire, de culture, de langue de créer des institutions propres, représentatives et interlocutrices de l’État. L’enjeu ne paraît pas la constitution d’un « nous » mais l’accès au pouvoir politique par l’auto-gouvernement territorial. De plus, sujet plus important et central de réflexion actuelle, la question de la définition des trois « nous » décrits, soit de leurs référents et de leurs frontières sociales, n’est pas abordée. D’autres articles traitant de la citoyenneté abordent plus directement le sujet. Les uns s’intéressent aux différences dans les rapports entre l’individu et l’État dans le domaine de la protection sociale. Ils mettent en évidence un recul de l’autonomie des individus les plus défavorisés sur le marché du travail. Le texte de F. Giroux défend l’idée que l’adhésion actuelle des États à des ensembles économiques continentaux (ALENA) et d’autres facteurs (réduction des politiques sociales, bureaucratisation, évolution démographique), réduisent leur capacité de créer un sentiment d’appartenance à un espace national et que la seule solution et est une réaffirmation des droits sociaux et au travail et une démocratie citoyenne, soit une démocratie où des citoyens éclairés contesteraient la notion néo-libérale de la justice sociale. Le texte de G. Boismenu et de …
Maryse Potvin, Bernard Fournier et Yves Couture (dirs), L’individu et le citoyen dans la société moderne, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2000, 278 p.[Record]
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Denise Helly
INRS – Urbanisation, Culture et Société.