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Il est reconnu que, dans les grandes organisations à caractère bureaucratique, le pouvoir est détenu par une minorité. Il en est de même dans les régimes qui se définissent comme démocratiques où les représentants élus pour exercer le pouvoir politique ne constituent eux aussi qu'une minorité d'où est exclue d'une façon permanente la plus grande partie de la population. Bien plus, on a déjà montré qu'à chaque niveau politique — électeurs, adhérents, militants, cadres, députés, dirigeants nationaux — les caractéristiques sociales du groupe tendent à devenir moins « représentatives » de l'ensemble et cette tendance est d'autant plus accentuée que l'on s'élève dans la pyramide politique. Dans cette optique, il existe toujours une distance entre majorité et minorité. En d'autres termes, la minorité au pouvoir, de par sa nature même, ne peut être représentative en tous points de la majorité, au moins par le fait qu'elle détient un pouvoir plus grand que ceux qu'elle représente. Il importe alors de connaître qui sont ces gens qui nous gouvernent, quelles sont ces équipes qui représentent les différents partis politiques en compétition dans l'arène électorale. L'élection constitue une lutte entre des équipes rivales et l'électeur est limité à un choix entre des candidats qui, pour la plupart, doivent porter l'étiquette d'un parti. Ce choix entre quelques candidats est déjà lui-même prédéterminé par des restrictions légales (comme les qualifications requises pour être candidat) et surtout par des restrictions sociales et économiques, sans parler des restrictions financières. Ainsi, on retrouve généralement très peu de femmes et de jeunes parmi les candidats et les députés, de même qu'un petit nombre d'ouvriers, de cultivateurs, de techniciens, de syndicalistes, alors que les avocats et certains groupes de professionnels sont largement surreprésentés. À ce choix restreint de l'électorat parmi un nombre limité de candidats s'ajoutent les règles mêmes de sélection à l'intérieur du parti, sélection qui est effectuée par un groupe plus ou moins restreint de membres dans les limites d'une circonscription électorale. Comme l'écrivait T.H. Qualter, les candidats sont choisis, au pire, par une personne (i.e. le chef du parti) ou, au mieux, par un petit groupe de personnes.
Sans nier l'importance de ces facteurs de sélection, je voudrais m'arrêter davantage à un autre point important : en dépit de la concurrence qui existe entre les élites (le conflit véritable y est assez rare) et de l'arbitrage qu'exerce la population par son vote, les élites politiques se recrutent encore majoritairement dans certaines couches ou certaines classes de la société. Je pars donc d'une prémisse — qui a d'ailleurs été maintes fois démontrée — à l'effet que les parlementaires constituent une élite en ce sens qu'ils ne représentent pas, en termes socio-économiques tout au moins, les différentes caractéristiques de leur électorat. En me basant sur cette donnée qui se vérifie aussi au Québec, je voudrais d'abord montrer que cette élite se distribue différemment entre les deux principaux partis politiques québécois, à l'image même de ce que sont d'ailleurs ces partis par leur idéologie et leurs clientèles. Je voudrais montrer ensuite que, même si les parlementaires québécois constituent depuis toujours un groupe élitiste, ce groupe s'est modifié et a évolué dans le temps et présente maintenant des caractéristiques différentes de celles des élites antérieures.