Volume 17, Number 2, 1976
Table of contents (11 articles)
Articles
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Les éditorialistes canadiens-français et les origines de la seconde guerre mondiale
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Nationalisme et développement en Acadie
Jean-Paul Hautecoeur
pp. 167–188
AbstractFR:
Le nationalisme ici considéré est le nationalisme dominant des années soixante que j'ai eu l'occasion d'étudier à partir de sa production idéologique. C'est le nationalisme officiel explicite de l'élite acadienne en place, généré dans les principales institutions nationales acadiennes et reconnu à l'extérieur de la communauté acadienne comme l'idéologie et le fait constituant de l'actuelle Acadie. Ce nationalisme ne recouvre pas tout le fait nationaliste acadien. Il existe en effet depuis une dizaine d'années un néo-nationalisme (l'expression est des acteurs eux-mêmes) au niveau idéologique comme à celui de la pratique collective. Il est mineur, marginalisé, écarté du prestige comme du pouvoir, tenu dans l'illégitimité. Il ne représente pas moins une force réelle et potentielle de régénérescence du nationalisme traditionnel. Dans ce néo-nationalisme, l'imagination est au pouvoir, non plus la tradition. C'est en faisant le pari du pouvoir créateur de ce nationalisme parallèle qui découvre un avenir volontairement objectif à l'Acadie que je me livre à la critique sociologique du nationalisme traditionnel qui prolonge le mythe de l'Acadie et le fait acadien comme survivance. Et c'est en prenant au sérieux le néo-nationalisme encore dans sa genèse qu'il m'est possible de découvrir en Acadie un projet de développement différent de celui du nationalisme dominant. Qu'on n'interprète donc pas le diagnostic fait ici comme une vision morbide de l'histoire. Ce n'est que le diagnostic d'une partie de cette histoire, non d'une fin de partie. La présente analyse n'est pas seulement un résumé d'études antérieures. Elle y réfère constamment, mais elle est aussi l'occasion d'y ajouter de nouvelles interprétations. Je n'ai pas repris l'analyse amorcée alors du néo-nationalisme. Parce que l'espace d'un article est fait contraignant, surtout parce que depuis
1970 le néo-nationalisme s'est développé dans des manifestations que je n'ai pas eu l'occasion d'observer ou de reconstituer. Cette recherche est à faire avant de pouvoir tirer une conclusion plus globale sur le nationalisme acadien contemporain.
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L'ethnohistoire de la Moyenne-Côte-Nord
Richard Dominique
pp. 189–220
AbstractFR:
En 1972, le projet de recherche « Ethnographie de la Côte-Nord du Saint-Laurent» place à l'intérieur de sa problématique générale un volet intitulé: l'ethnohistoire. Soucieuse de ne pas limiter les résultats de ses recherches à des moules d'analyse déjà établis et intéressée à illustrer constamment la conceptualisation des gens de la Moyenne-Côte-Nord, l'équipe de recherche perçoit comme complémentaire l'analyse de la science populaire utilisée par les témoins qui vivent les mêmes faits qu'elle étudie sous un angle expérimental. L'ethnohistoire de la Moyenne-Côte-Nord représente une facette de cette complémentarité.
Afin de bien situer cette intention, une mise en place des principales tendances en cours en ethnohistoire s'avère utile. Auparavant, deux remarques importantes se posent au point de départ puisqu'elles clarifient les prémisses de l'ethnohistoire.
1. L'utilisation de l'histoire par l'anthropologie suscite beaucoup de discussions et cela depuis les origines de l'anthropologie. L'ethnohistoire ne se greffe pas à cette problématique. L'ethnohistoire ne représente pas le champ privilégié où l'utilisation et la perception de l'histoire que les anthropologues ont mis de l'avant à travers les différents courants anthropologiques se manifestent.
2. Ce premier point tient surtout au fait que l'ethnohistoire se conçoit comme un ensemble de méthodes, de techniques. Elle ne s'étiquette pas comme une discipline. L'ethnohistoire s'intègre aux différents courants théoriques en anthropologie et s'utilise selon les questions théoriques jugées importantes par les différentes écoles. Il n'y a pas de théories ethnohistoriques indépendantes des autres théories anthropologiques. Toute discussion au sujet de la relation histoire-anthropologie se situe au niveau théorique et non méthodologique; l'ethnohistoire ne peut fournir d'éléments pertinents.
Trois tendances se concrétisent et fournissent des résultats différents, selon l'appartenance théorique aux écoles anthropologiques. L'histoire spécifique, l'ethnographie historique (ethnohistory) et l'ethnohistoire (folk history) constituent présentement ces trois options.
L'histoire spécifique. Cette tendance se préoccupe surtout de situer des traits culturels spécifiques à l'intérieur d'un contexte. Tout en utilisant et recherchant des dates, des lieux et des événements précis, les chercheurs essaient ici de mettre en relief un modèle de diffusion et de transformation d'un trait culturel particulier. L'étude des variantes des mythes et dçs légendes par Franz Boas et Edward Sapir chez les Amérindiens de la Côte-Nord-Ouest du Pacifique constitue un exemple de cette tendance. L'utilisation des données archéologiques, linguistiques, physiques et des études de diffusion culturelle reflète bien la préoccupation du courant diffusionniste en anthropologie.
L'ethnographie historique. Souvent retrouvée sous l'appellation ethnohistoire (ethnohistory), cette tendance s'identifie aux anthropologues américains (Fenton, Ewers, De Laguna, Lurie, etc.) qui reconstruisent historiquement des cultures amérindiennes à l'aide des archives, des traditions orales et des données recueillies sur le terrain. La recherche se traduit par l'application de la perspective historique aux sociétés qui ne sont pas incluses dans l'histoire occidentale. De par leur formation, ces chercheurs veulent comprendre, expliquer des phénomènes culturels. L'historiographie d'une ethnie ne répond pas à cette demande. Le choix des données historiques doit s'effectuer en fonction des questions théoriques en anthropologie. Ainsi la mise en relation des travaux de terrain avec les sources historiques dans un cadre théorique peut produire des éléments importants pour la construction d'un modèle explicatif du changement. Cette orientation a pris forme, vers 1950, au contact des études plus générales d'acculturation et de relations interethniques, des systèmes politiques et économiques. L'ethnographie historique repose sur des fondements plus théoriques et généralisants afin de permettre une comparaison entre différents groupes étudiés. Sous cet angle, elle se présente comme une méthode intégrée à d'autres pour répondre aux questions théoriques soulevées en anthropologie.
Cette approche exige une nomenclature conceptuelle qui favorise un niveau de généralisation formelle. Une de ses premières fonctions se concrétise par l'élaboration d'un inventaire du matériel existant et par l'orientation subséquente de l'emploi et de la fabrication des autres méthodes. Lorsque la synthèse des différentes données est effectuée, des patterns d'incorporation des groupes ethniques à leur environnement, de changements économiques et politiques, d'acculturation, etc., en ressortent. En somme, l'ethnographie historique se présente comme l'application de la méthode historique et l'utilisation des concepts anthropologiques pour découvrir des pattems d'organisation humaine.
L'ethnohistoire (folk history). Le domaine des réflexions et des constructions historiques en cours dans une communauté devient le pôle d'attraction de cette optique. La véracité des faits, la cohérence des événements, les modèles de changement, etc., ne sont pas ici pertinents. C'est plutôt le système logique permettant de réfléchir et de conceptualiser les événements et les comportements qui attire l'attention du chercheur. L'articulation de la recherche s'effectue autour de ce que les gens pensent de leur passé.
Vers les années '60, le mot « ethno » se couvre d'une nouvelle signification, à savoir: découvrir comment s'établit le processus de la connaissance chez un peuple. Auparavant, le préfixe « ethno » ne possédait qu'une connotation identificatrice sans pour autant spécifier les bases de l'identité du peuple en question. Théoriquement, chez les culturalistes, la culture ne se conçoit plus comme l'ensemble des comportements humains, l'idéologie, l'histoire, les institutions, les produits matériels, etc., mais bien plus comme le tout de la connaissance humaine.2 Les analyses portent sur la «grammaire de la culture» et par conséquent ne précisent pas les comportements actuels et futurs des individus. Méthodologiquement, les techniques et les propositions théoriques se construisent sous la forme d'une recherche « emic », c'est-à-dire une approche valide que pour une communauté.
L'ethnographie historique travaille à la reconstruction historique dans le sens et le découpage qui convient aux critères occidentaux. Elle utilise les archives et les résultats des autres disciplines connexes afin d'écrire une histoire universelle basée sur des découpages préalablement établis. Par contre, l'ethnohistoire démontre la version, la signification et l'explication historique fournies par une communauté. Précisément, elle met en relief les principes régissant la sélection et l'ordre des événements retenus comme significatifs pour une culture.
Cette limitation à une seule culture amène pour l'instant le rejet d'une histoire universelle. Dans les sociétés non euro-américaines, les mythes, les légendes, les contes constituent le champ d'investigation privilégié pour l'ethnohistoire.
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L'environnement et les limites de la bureaucratisation : la grande industrie forestière au Québec
Note de recherche
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L'articulation des réseaux sociaux
Vincent Lemieux
pp. 247–260
AbstractFR:
Sous l'influence première d'un article de Barnes (1954), les études anthropologiques sur les réseaux sociaux ont ouvert une voie de recherches qui apparaît encore pleine de promesses. Il faut bien avouer, pourtant, que jusqu'à maintenant peu d'analyses fondées sur des données empiriques ont emporté la conviction. Les études de réseaux n'ont pas encore fait la preuve de leur fécondité. Il leur manque un fondement théorique, pourtant disponible dans la théorie des graphes qui est justement une théorie des réseaux, qu'ils soient sociaux ou autres.
Comme l'a noté Mitchell, la jonction n'existe pas — ou pas assez — entre les spécialistes de la théorie des graphes et les chercheurs sur le terrain (1969, p. 35). Pourtant, quelques bons exposés ont été écrits par des anthropologues, qui indiquent bien ce qu'on pourrait tirer d'une utilisation plus poussée de la théorie des graphes (en particulier Mitchell, 1969; Barnes, 1969a; et surtout Barnes, 1972). Malgré ces mises en place, la plupart des études empiriques ne dépassent guère l'analyse situationnelle qui, comme le note Barnes (1972, p. 13), peut fort bien se passer de la notion de réseau, en plus d'être inapte au dégagement d'hypothèses générales.
Nous allons donner, à la fin de cet article, une brève illustration d'une étude proprement structurale des réseaux sociaux, au sens où l'entendent Harary, Norman et Cartwright (1968), dans leur ouvrage sur les graphes orientés. En utilisant des données recueillies sur le terrain, nous montrerons comment la notion d'articulation, tirée de la théorie des graphes, permet de poser et de traiter des problèmes théoriques, mais aussi pratiques, qui nous semblent propres aux réseaux sociaux. Auparavant, nous voudrions discuter de certaines questions préalables à une analyse vraiment spécifique des réseaux sociaux. Ils ont trait au concept même de réseau, à la constitution des unités d'analyse, et aux différentes voies d'analyse qui s'offrent au chercheur.
Comptes rendus
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Hubert CHARBONNEAU, Vie et mort de nos ancêtres
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Louis-Edmond HAMELIN, Nordicité canadienne
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Richard JONES, L'idéologie de " L'Action catholique "
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Gérard PARIZEAU, La société canadienne-française au XIXe siècle
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Madeleine FERRON, Les Beaucerons, ces insoumis : 1735-1867
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Jean-Paul Montminy et Stewart Chrysdale, La religion au Canada