Volume 11, Number 3, 1970 Les Îles-de-la-Madeleine
Table of contents (10 articles)
Articles
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Les Îles-de-la-Madeleine : éléments pour une anthropologie de la participation
Gabriel Gagnon
pp. 223–254
AbstractFR:
La sociologie et l'anthropologie sociale ont été radicalement remises en question ces dernières années par le développement même de leur objet d'étude, les sociétés industrielles et les pays en voie de développement. Ces deux disciplines ont ainsi amorcé un rapprochement autour des problèmes de changement et de développement socio-économique, dans la voie tracée par Georges Balandier et Max Gluckman en anthropologie, par Georges Gurvitch en sociologie. Par ailleurs, à travers diverses tentatives de planification, aussi bien en milieu développé que dans les nouvelles nations, s'esquissait cette « société planifiée selon les principes du collectivisme pluraliste décentralisateur » qu'affectionnait Gurvitch. De ces transformations naissait une nouvelle perspective, celle d'une sociologie ou d'une anthropologie de la participation. Parmi les expériences déjà nombreuses de planification-participation, allant de la société autogérée yougoslave aux multiples tentatives de développement communautaire, l'expérience poursuivie de 1963 à 1966 par le Bureau d'aménagement de l'Est du Québec a revêtu une importance particulière, tant du point de vue du développement que de celui de la recherche sociologique ou anthropologique. Voici ce qu'en dit un observateur extérieur, le professeur Albert Meister, spécialiste de la sociologie de la participation: «Enfin, mentionnons l'effort théorique basé sur l'expérience du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec: tenant son inspiration de travaux français et nord-américains, le dossier québécois est une contribution importante à la définition de l'approche de l'animation rurale et, surtout, la tentative la plus cohérente à ce jour d'utilisation de la recherche sociologique empirique pour un développement basé sur l'animation. »
C'est une double critique de cette expérience particulière que nous voudrions amorcer ici: critique théorique d'abord à travers certains textes élaborés par un de ses principaux inspirateurs scientifiques le sociologue Gérald Fortin; critique factuelle ensuite à partir d'une recherche empirique portant sur l'aménagement et les changements socio-culturels aux Iles-de-la-Madeleine, partie du territoire-pilote.
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Mouvements et composition de la population
Réjean Lachapelle
pp. 255–288
AbstractFR:
Science des populations humaines sous leurs aspects quantitatifs, la démographie ne se sent à l'aise qu'avec les grands nombres. C'est pourquoi la majeure partie des études démographiques portent sur les populations nationales pour lesquelles on dispose de données statistiques abondantes et variées qui proviennent des recensements et de l'état civil. À l'échelon national, grâce à la richesse des statistiques disponibles, l'influence de nombreux facteurs peut être isolée afin d'expliquer les variations des phénomènes démographiques; cependant, les moyennes nationales masquent des variations locales — souvent importantes — et, partant, n'en rendent pas compte.
Deux voies se présentent pour étudier les différences locales des phénomènes démographiques: les corrélations écologiques et les monographies régionales. Par « corrélation écologique» nous entendons l'ensemble des procédés et techniques statistiques utilisés pour rendre compte des variations des phénomènes démographiques (variables dépendantes) à l'échelon local en les reliant à des facteurs économiques, sociaux, culturels, etc. (variables indépendantes). Cette méthode permet d'arriver à des explications générales; si l'intérêt se porte sur une région particulière, elle se révèle toutefois inopérante. Intéressé avant tout à l'évolution de la population madelinienne, nous avons choisi de l'étudier comme unité autonome, quitte à recourir au besoin à des comparaisons avec l'ensemble du Québec.
À l'aide d'études historiques et géographiques et de statistiques tirées des divers recensements canadiens' et de l'état civil nous avons d'abord
brossé à grands traits l'évolution de la population des Iles-de-la-Madeleine des origines à 1966. En outre, pour la période allant de 1931 à 1966, nous avons distingué l'accroissement naturel (c'est-à-dire le solde des naissances et des décès) des migrations nettes (c'est-à-dire le bilan net des départs et des arrivées) dans la croissance de la population. Nous avons ensuite analysé successivement chacun des phénomènes qui interviennent dans l'évolution de la population: la mortalité, la fécondité et les migrations nettes. En chaque cas, nous avons poussé l'analyse aussi loin que le permettaient les renseignements disponibles. Nous avons également mis en lumière les conséquences qu'entraînent la mortalité, la fécondité et les migrations nettes sur la composition par âge de la population madelinienne. Finalement, nous avons tenté de prévoir l'évolution future de la population de 1966 à 1986. Afin d'éviter toute équivoque, les commentaires qu'appellent les lacunes et les déséquilibres révélés par l'analyse ont été renvoyés à la fin.
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L'évolution techno-économique de la pêche côtière
Aliette Geistdoerfer
pp. 289–300
AbstractFR:
Si nous avons choisi les Îles-de-la-Madeleine comme terrain d'une enquête sur la pêche de type traditionnel au Québec c'est que les techniques de pêche côtière n'y avaient jamais été étudiées ethnologiquement dans leur ensemble et que s'y trouvaient réunies en un seul territoire plusieurs pêches traditionnelles gardant encore aujourd'hui une importance économique assez élevée pour ne pas être relayées au rang de survivances. La pêche côtière y occupe en effet 27% d'une population active de 3,361 personnes. Pour que la pêche ait pris une telle importance aux Iles-de-la-Madeleine, il fallait que certaines conditions particulièrement favorables y soient réunies.
Les Iles présentent trois types de côtes. Si les hautes falaises de schiste ou de grès rouge sont inabordables, les très nombreuses plages ont rendu les côtes hospitalières et sont devenues presque toutes de petits havres de pêche : certaines ont été aménagées de quais, de plans de halage et de treuils mécaniques. Les lagunes comprises entre de longues flèches de sable servirent de port jusqu'à ce que leur ensablement les rendent inutilisables. En effet, exception faite pour le Havre-Aubert, les autres Iles ne possèdent aucun port naturel. Les plages ne valent comme anses de pêche que parce que les pêcheurs halent leurs bateaux chaque soir à terre. Mais quand le tonnage des bateaux augmente, comme c'est le cas aujourd'hui, 1 la question du port se pose continuellement et avec acuité, car celui de Havre-Aubert s'ensable régulièrement, le port artificiel de Cap-aux-Meules est trop petit et mal abrité et celui de l'Étang-du-Nord se trouve dans une zone de faible profondeur d'eau.
Les havres de pêche se répartissent à peu près également autour des Iles, suivant en cela le territoire de pêche: celui-ci dans sa plus grande étendue, est compris à l'intérieur d'une cote de profondeur d'eau de 20 brasses, cote qui se situe à 15 milles au large des Iles. La différence d'inclinaison de ce plateau, forte au sud et au nord où elle est de 90 pieds au mille, faible sur les façades est et nord-est, en particulier dans la baie de Plaisance, a déterminé une première spécialisation géographique des types de pêche.
Les ports du nord et du sud, zones où les grands fonds sont proches de la côte, se consacrent à la pêche de la morue alors que ceux de la Baie de Plaisance sont spécialisés dans celle du hareng et du maquereau. Les fonds à homards, par contre, se répartissent aussi bien au nord qu'au sud, mais uniquement là où les fonds sont rocheux.
Les eaux qui baignent les Iles offrent des conditions hydrologiques et biologiques constituant non seulement un habitat propice aux homards, mais aussi un milieu favorable au passage de bancs de différentes espèces de poissons. En effet l'organisation des pêches madelinoises est déterminée d'une part par l'alternance des saisons et principalement par l'arrivée et le départ des glaces, mais aussi par le cycle écologique constitué par les passages et séjours successifs des différentes espèces de poissons dans les eaux madelinoises. Les Madelinots ne pèchent donc que lorsque les bancs de poissons viennent très près des côtes: nous avons vu que leur territoire de pêche ne dépassait pas 15 milles à la ronde. Cette soumission aux migrations
des poissons présente cependant plusieurs inconvénients. Les dates de passage de ces bancs ne sont que plus ou moins prévisibles et, parfois, le hareng arrive plus tôt que d'habitude, ne reste que quelques jours aux Iles et les quitte avant que les trappes aient pu être mouillées. Si les conditions ne sont pas favorables en faible profondeur, le poisson se maintient en grande eau et la pêche est nulle pour les Madelinots. L'automne, il y a de grandes migrations de hareng au large des Iles : aujourd'hui seuls les seineurs modernes peuvent en profiter alors qu'autrefois cette richesse était inexploitée. La pêche côtière s'est donc modernisée mais son organisation continue d'adhérer au cycle écologique. Nous allons voir maintenant comment les Madelinots en ont développé les différents types et, surtout, quelles ont été les grandes transformations techno-économiques qui sont à la base du système actuel.
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Le mouvement coopératif
Pierre-A. Bélanger
pp. 301–325
AbstractFR:
Le mouvement coopératif aux Iles-de-la-Madeleine est intéressant à plus d'un point de vue. Son premier intérêt vient sûrement du fait que son introduction provoque une coupure dans l'organisation économique des Iles. Le second vient du fait qu'en l'espace de vingt ans on le retrouve dans tous les secteurs: production, consommation, épargne et crédit, services (transport et électricité). Ce mode d'organisation économique a donc pris une grande ampleur.
On trouve, aux Iles, huit associations coopératives de pêcheurs (A.C.P.) dont six sont affiliées à une centrale. Elles couvrent l'ensemble du territoire francophone. Fondées entre 1932 et 1943, elles ont 648 membres en 1964, dont 54.3% sont actifs. Mais leur situation économique, en 1964 toujours, est assez précaire: seulement 38.1% des membres ont payé le capital social souscrit. De plus, 84.9% des pêcheurs actifs sont endettés vis-à-vis leur coopérative; dans quatre coopératives, cette dette dépasse largement le capital social payé. Le profit fait sur le poisson a une importance très variable dans les sources de revenus des coopératives: il ne dépasse pas 75% et peut n'atteindre que 28%.2 On constate donc que la situation des coopératives de production n'est pas très florissante.
Les magasins coopératifs se sont détachés des coopératives de production au cours des années '40. Il en existe quatre en 1968: le Magasin coopératif de Havre-aux-Maisons, L'Unité, de Lavernière, La Sociale de l'Étang-du-Nord et L’ Éveil de Fatima. En incluant les coopératives de pêcheurs à caractère mixte (production et consommation), le secteur coopératif de la consommation contrôle 75% du marché, selon un gérant. C'est le secteur le plus florissant de la coopération aux Iles-de-la-Madeleine.
On trouve six Caisses populaires aux Iles; fondées entre 1937 et 1947, elles sont situées à Lavernière, Havre-aux-Maisons, Fatima, Bassin, Havre-Aubert et Grande-Entrée. Elles contrôlent une grande partie des transactions bancaires, n'ayant comme compétitrice qu'une succursale de la Banque Canadienne Nationale, située à Cap-aux-Meules. Deux coopératives de services ont été fondées aux Iles : une coopérative de transport et une coopérative d'électricité. La première, fondée en 1943, a le monopole du transport avec le Québec et entre en compétition avec la Magdalen Islands Transportation Co. (une filiale de la Clarke Steamship) pour les liaisons avec les Maritimes. La seconde a été fondée en 1950, à l'instigation de l'Office d'électrification rurale. Toutes deux sont des coopératives régionales.
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Les structures d'animation et de consultation aux Îles-de-la-Madeleine
Pierre-A. Bélanger
pp. 327–365
AbstractFR:
Les Madelinots, au cours des deux dernières décennies, se sont préoccupés du développement économique de leurs îles. Ainsi le Centre social, la Chambre de commerce des Iles et le Conseil de comté ont fait des pressions à plusieurs reprises pour que soit amélioré le service de transport reliant les Iles au continent; le Centre social présenta un mémoire pour le développement du tourisme en 1957; la Chambre de commerce se préoccupa du développement économique en 1963. l Mais jamais ces pressions et ces recommandations ne reposèrent sur une étude systématique des possibilités et des besoins du milieu. Il s'agissait le plus souvent de solutions proposées par quelques leaders aux problèmes perçus dans le milieu.
La mise sur pied du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec (B.A.E.Q.) amena l'établissement de « règles du jeu » nouvelles par rapport au développement. En effet, l'expérience-pilote d'aménagement du territoire et de développement régional supposait l'élaboration d'un plan, en collaboration avec la population, et la mise en application de celui-ci en instaurant un dialogue formalisé entre les représentants de la population et les administrateurs gouvernementaux.
Ce sont les organismes d'animation et de consultation mis en place par le B.A.E.Q. et la structure de consultation qui les a remplacés que nous allons étudier ici. Il s'agit en somme de décrire les cadres que l'on a imposés aux gens afin qu'ils se préoccupent plus systématiquement du développement en même temps que l'utilisation qui en a été faite. Nous allons d'abord voir de quelle façon, par l'intermédiaire du Conseil régional d'expansion économique de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine (C.R.E.E.G.I.M.), les Madelinots ont été amenés à participer à l'expérience-pilote d'aménagement du territoire. Nous présenterons ensuite les comités locaux et le comité de zone du B.A.E.Q. et le Conseil de développement du territoire des Iles-de-la-Madeleine.
Notre étude des organismes de participation et de consultation opère sur quatre variables principales: le rôle, la structure, les caractéristiques des membres et le champ fonctionnel de l'organisme. L'analyse des objectifs, du cadre opératoire, des personnes impliquées et des actions entreprises par ces organismes n'est cependant pas suffisante. Aussi devrons-nous considérer chacune de ces réalités dans ses aspects plus généraux, tant en elle-même que par rapport à son environnement. Ceci nous permettra, en conclusion, de procéder à une évaluation globale des structures d'animation et de consultation.
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Conclusion
Notes de recherche
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La crise de la pêche de l'été '68 : analyse d'une décision
Claude Bariteau
pp. 377–391
AbstractFR:
En 1969, les chercheurs du Bureau d'aménagement de l'Est du Québec (B.A.E.Q.) préconisent, dans l’Esquisse du Plan, une rationalisation des opérations et une diversification des types de pêche. Ces deux mesures, selon eux, doivent maximiser la rentabilité et accroître le volume de l'emploi comme celui des salaires. Pour les réaliser, ils suggèrent plusieurs moyens sur lesquels les Madelinots, invités à participer à l'aménagement de leur territoire, se prononcent par l'entremise du sous-comité de la pêche du Comité de zone.
Cette consultation aboutit à la rédaction du programme de développement de la pêche pour les Îles-de-la-Madeleine. Les Madelinots, par l'intermédiaire cette fois du C.D.T.I.M., en dégagent les priorités. Selon un ordre décroissant, ce sont les suivantes: complexe de pêche hauturière, compensation des prix, installation portuaire pour la pêche côtière, recherche scientifique pour la pêche, formation professionnelle des pêcheurs et mécanisation des fumoirs. Entre-temps, la situation économique des pêcheurs se détériore lamentablement. En 1968, les pêcheurs côtiers, après la pêche au homard du 10 mai au 10 juillet, n'ont qu'une alternative: faire une demande d'assistance sociale au bureau du Ministère de la famille et du bien-être social ou s'adonner à la pêche aux poissons de fond (morue, plie, flétan, etc.), tout en sachant que la faible rémunération qu'ils en tireront ne correspond même pas au montant perçu de l'assistance sociale. Les pêcheurs hauturiers, de leur côté, accusent une baisse dans leurs revenus par rapport à la saison précédente. Ils reçoivent un quart de cent de moins la livre pour le sébaste. Dans ce contexte précis, les problèmes relatifs à la pêche exigent des solutions immédiates.
Les démarches entreprises par les pêcheurs madelinots deviennent, dès lors, une occasion privilégiée pour analyser le fonctionnement des nouvelles structures de participation: il s'agit de voir en quoi celles-ci changent le processus traditionnel de décision.
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Bibliographie générale sur les Îles-de-la-Madeleine
Pierre-A. Bélanger
pp. 393–408
AbstractFR:
Un aspect secondaire mais important de la recherche poursuivie aux îles-de-la-Madeleine a été l'inventaire bibliographique. Cette tâche ne fut pas sans poser de nombreux problèmes. En effet, les répertoires bibliographiques que nous avons l'habitude de consulter mentionnent rarement les Iles-de-la-Madeleine. Comme on pourra le constater, ce n'est certainement pas faute de publications. Plusieurs de celles-ci furent souvent découvertes par hasard.
Nous sommes cependant redevables à trois auteurs, qui se sont d'ailleurs inspirés les uns des autres; il s'agit de: Noël Falaise, Louis-Edmond Hamelin et Léonise Harvey. Ces trois ouvrages constituent un point de départ mais ne fournissent aucun renseignement sur les publications récentes, non plus que sur la plupart des rapports de recherche non publies. Il ne serait donc pas surprenant qu'un certain nombre de références aient été oubliées. Cette bibliographie ne perd pas de son intérêt pour autant, parce que le chercheur intéressé par n'importe quel sujet pourra y trouver rapidement les travaux qui ont pu être faits dans sa discipline. Pour faciliter la consultation, la bibliographie est divisée en six sections, distinguant les publications des rapports. Voici le plan utilisé:
I. GÉNÉRAL
II. BIO-PHYSIQUE
a) livres et articles de revues
b) rapports
III. ÉCONOMIQUE
a) livres et articles de revues
b) rapports
IV. SOCIO-CULTUREL
a) livres et articles de revues
b) rapports
V. FILMS
VI. JOURNAUX