Volume 10, Number 2-3, 1969 Idéologies au Canada français, 1850-1900
Table of contents (21 articles)
Articles
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Idéologies au Canada français, 1850-1900 : quelques réflexions d'ensemble
Fernand Dumont
pp. 145–156
AbstractFR:
Je n'ai pas la prétention de formuler une synthèse des idéologies qui ont voulu définir la société québécoise entre 1850 et 1900. Trop de courants d'idées n'ont pas encore fait l'objet d'analyses minutieuses. Par ailleurs, trop de choses nous sont inconnues quant à l'histoire économique et sociale de cette période; pour une société comme celle-là, à prédominance rurale, il nous manque surtout des données sur les régions et les élites locales. L'idéologie est une définition explicite de la situation par les groupements, les classes surtout, qui y sont engagés; l'histoire des idées ne peut donc être reconstituée isolément. Non pas que les idéologies soient un quelconque reflet de la structure sociale. Elles en comblent plutôt les indéterminations, elles donnent cohérence, elles fixent des objectifs d'action. Elles sont partie prenante aux mécanismes sociaux. Pour comprendre les idéologies, il faut les saisir dans leur originalité et leurs structures propres; mais il faut aussi pouvoir déceler en quoi elles complètent et assument les autres variables d'un ensemble social.
Je voudrais donc simplement suggérer ici quelques hypothèses provisoires qui, axées sur les idéologies, n'en concernent pas moins, pour la période qui nous occupe, la société québécoise dans sa totalité.
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L'évolution économique et sociale du Québec, 1851-1896
Jean Hamelin and Yves Roby
pp. 157–169
AbstractFR:
Les années 1851-1896 trouvent leur cohérence organique dans les mouvements conjoncturels et les transformations structurelles. Sur le plan conjoncturel, cette période se situe entre deux mouvements à long terme bien caractérisés: une longue période de baisse de prix (1814-1850) et une longue période de hausse de prix (1897-1929). On pourrait la découper en deux phases: un temps d'expansion (1851-1873) et un temps de contraction (1874-1896), toutes sont constituées de mouvements cycliques ponctués de crises financières. Ces mouvements conjoncturels créent des climats particuliers générateurs d'euphorie ou de pessimisme qui conditionnent la vie politique et, jusqu'à un certain point, les idéologies. Entre le contenu et le raidissement des positions idéologiques et les difficultés économiques, le lien est souvent facile à faire.
Sur le plan des structures, les années 1851-1896 constituent une période de transition. Une époque a pris fin en 1848: celle du mercantilisme commercial qui s'exprime dans les lois de navigation, les tarifs préférentiels, l'absence d'industrie secondaire. Une autre époque commence au tournant du siècle: celle de l'économie industrielle dominée par le capitalisme financier et tentaculaire, et caractérisée par la vie urbaine, le syndicalisme, la socialisation. Entre ces dates s'effectue le passage d'une économie à une autre.
Faute de données quantitatives variées et précises, il est difficile de mesurer les changements économiques. Le tableau 1 donne quelques indices globaux significatifs des orientations nouvelles. Il est plus facile de décrire les forces qui sont en train de façonner une nouvelle économie et, partant, une nouvelle société. Ce sera l'objet de cette étude.
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La structure idéologique des manuels de pédagogie québécois
Vincent Ross
pp. 171–196
AbstractFR:
Nous étudierons ici le système d'éducation du Québec à travers la doctrine idéologique dont s'est servi l'organisation scolaire pour fonder son action depuis le milieu du XIXe siècle. Le contenu idéologique des manuels de pédagogie officiellement en usage dans les écoles normales a servi à justifier périodiquement l'action du système d'enseignement en fonction des valeurs dominantes et en fonction de représentations particulières de la société québécoise.
Le matériel soumis à l'analyse est constitué de cinq manuels, depuis celui de 1853 jusqu'à celui de 1948 encore en usage au moment de la rédaction de la thèse. Si l'on ne considère que le seul contenu proprement idéologique de ces manuels, notre matériel se présente comme une série de reformulations successives (1853, 1865, 1901, 1924 et 1948) de l'idéologie scolaire autorisée concernant l'enseignement public du niveau primaire et du niveau secondaire, et transmise institutionnellement aux futurs enseignants durant leur formation dans les écoles normales. Les deux premiers manuels (ceux de Valade et de Langevin) sont inclus dans la période d'existence politique du Bas-Canada d'avant la Confédération; les trois autres (celui de Rouleau, Ahern et Magnan, celui de Mgr Ross et celui de Vinette) ont été publiés sous le régime constitutionnel de la province de Québec.
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L'ultramontanisme de Laflèche : genèse et postulats d'une idéologie
René Hardy
pp. 197–206
AbstractFR:
L'ouvrage de l'abbé Laflèche, Quelques considérations sur les rapports de la société civile avec la religion et ta famille, a d'abord été publié sous forme d'articles dans le Journal des Trois-Rivières. L'auteur y exprimait là, en 1866, plus d'un an après la publication du Syllabus (8 décembre 1864), l'ensemble de ses conceptions politiques, sociales et religieuses. L'année même de cette publication, Eusèbe Sénécal, éditeur de Montréal, réimprimait ces écrits dans un petit volume in-16° constituant 260 pages. Désormais la pensée de Laflèche, déjà transmise aux quelques 500 familles abonnées au journal trifluvien et aux centaines de membres des « Cercles de lecture », connaîtra une large diffusion par l'intermédiaire des bibliothèques curiales, paroissiales et collégiales. Encore en 1909, on en conseille la lecture aux étudiants du grand séminaire des Trois-Rivières.
L'auteur se propose d'établir la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel et de définir les rapports entre la société civile, la religion et la famille, afin de contrecarrer le courant moderne de la « séparation absolue de l'ordre social d'avec l'ordre religieux » et de conjurer le danger du « libéralisme indépendant et antichrétien ». Or les dangers que perçoit Laflèche ne sont pas exclusifs au Québec. Une dialectique de réfutation de ces mêmes erreurs a déjà été élaborée par les ultramontains français, et tout d'abord par leur chef de file, Félicité de Lamennais, et son disciple immédiat, l'historien René-François Rohrbacher. Ceux-ci avaient établi, le premier dans l'Essai de 1820 et le second dans Y Histoire universelle de l'Église catholique, que la raison générale, c'est-à-dire les « croyances élémentaires de la société », transmises par la tradition, était le seul moyen d'atteindre la vérité. Ils démontraient qu'il n'y avait pas de société ou d'autorité sociale sans religion et d'ordre social sans autorité spirituelle.
Laflèche s'approprie cette dialectique autoritaire basée sur la foi et, comme l'écrit Xavier de Montclos à propos de Lamennais, il cherche la vérité traditionnelle dans la Révélation, dans l'histoire religieuse et profane et dans la philosophie. Mais en philosophie, il fait abstraction d'un siècle, celui des Lumières, et en histoire, il ne s'attaque au XIXe que pour en démontrer la déviation de la ligne de pensée traditionnelle. En recherchant la vérité sur les fondements de la famille des gouvernements et des sociétés, l'auteur des Considérations nous livre aussi ses conceptions sur le nationalisme, le travail, l'éducation, l'émigration aux États-Unis, la mission providentielle des Canadiens français et la politique, autant de thèmes développés dans le présent exposé.
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Les Mélanges religieux, 1841-1852
Denise Lemieux
pp. 207–236
AbstractFR:
À différents points de vue, la période des années 1840 semble marquer un tournant dans l'histoire du Bas-Canada. On y situe l'origine d'une série de transformations qui affecteront non seulement la vie religieuse de l'époque mais aussi d'autres aspects de la société canadienne-française du XIXe siècle. La publication d'un journal sous la direction de l'évêque de Montréal, Mgr Bourget, fit partie d'une série de mesures d'abord prônées par l'évêque précédent, Mgr Lartigue. L'étude de quelques thèmes de ce journal révèle les intentions de l'Église, ainsi que certaines modalités de son action et de son interprétation des événements.
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Les mélanges religieux et la révolution romaine de 1848
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Apogée et déclin de l'idéologie ultramontaine à travers le journal le Nouveau Monde, 1867-1900
Gérard Bouchard
pp. 261–291
AbstractFR:
S'agissant de rendre compte de la pensée du Nouveau Monde, nous avons tenté de dégager non seulement les diverses représentations idéologiques du journal pour elles-mêmes, en tant qu'elles traduisaient au jour le jour les opinions de ses rédacteurs, mais aussi ce qui nous a paru être proprement un type de construction idéologique. Mais les transformations qui sont survenues sur ce second plan de l'analyse nous ont permis d'aller plus loin dans cette direction en sorte que nous avons cru pouvoir reconstituer le passage d'un style de construction idéologique a un autre; l'essentiel de cette mutation, dont nous n'avons certes pas exploré toutes les implications, pouvant être ainsi caractérisé: on passerait d'une pensée très abstraite, fortement normative et peu soucieuse de la praxis, à une lecture très serrée de l'objet social, attentive à ses moindres mouvements. On n'assiste rien moins qu'à une sorte de réapprentissage du réel. On verra donc comment, au terme d'une course inégale, tantôt ralentie, tantôt précipitée, au gré de mille avatars, l'idéologie puise de plus en plus à la praxis sociale et finalement s'élabore non plus au-delà mais au sein même de l'objet dont elle entend rendre compte.
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La Gazette des campagnes
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L'Avenir, 1847-1851
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La Patrie, 1879-1880
Pierre St-Arnaud
pp. 355–372
AbstractFR:
Ancêtre primitif de l'hebdomadaire qui affiche aujourd'hui encore le même titre, le journal la Patrie paraît pour la première fois le 24 février 1879, à Montréal. Propriété de son éditeur, Honoré Beaugrand, il est publié en une édition quotidienne et se vend un sou le numéro. Le comité de rédaction du journal se compose de deux personnes: Beaugrand et l'avocat Ernest Tremblay.
On trouve dans Rumilly quelques informations utiles sur le tempérament politique des deux rédacteurs. Tremblay, selon l'historien, est un démocrate au lyrisme échevelé; son expérience dans le journalisme se résume au seul titre d'ex-rédacteur du National, porte-parole officiel en français du parti libéral à Montréal, venant tout juste de disparaître après sept années de publication (officiellement abandonné pour insuffisance de fonds).
Quant à Beaugrand, on apprend ce qui suit: « Beaugrand, démocrate avancé [. . .] venait de passer plusieurs années en Nouvelle-Angleterre, où il avait publié un journal errant: la République. Il s'y proclamait disciple de Papineau et incroyant résolu. D'échec en échec, il avait transporté le siège de sa République de ville en ville, à Saint-Louis, à Lowell, à Boston, à Fall-River. En 1877, une polémique le mit aux prises avec Ferdinand Gagnon, qui défendait les bons principes dans le Travailleur, de Worcester. Beaugrand y perdit son crédit en Nouvelle-Angleterre et revint au Canada. Il ne changeait rien à ses idées, et laissait entendre, avec un petit air fanfaron, qu'il s'était affilié à la franc-maçonnerie. Beaugrand, peu robuste mais énergique, avait la franchise de ses idées. Beaucoup de libéraux, qui s'étaient tant défendus de l'alliance radicale, n'acceptèrent qu'à contre-coeur cet allié compromettant. »
Voilà le tandem qui guidera les destinées de la toute nouvelle Patrie, Dès le premier numéro du 24 février 1879, le lecteur est informé du statut officiel du journal et de sa mission sur le plan politique: « La Pairie parait aujourd'hui pour remplacer le National comme organe du parti réformiste dans le district de Montréal. Libéral en politique, le nouveau journal continuera la tradition du parti qui combat le gouvernement de sir John A. MacDonald à Ottawa et qui supporte l'administration Joly à Québec. »
La Patrie s'adresse d'abord aux partisans libéraux de la région de Montréal et à ceux des localités environnantes. Il est possible que plusieurs personnes de Trois-Rivières et de Québec reçoivent aussi le journal mais nous n'avons aucune indication précise sur ce point. Nous ne savons également rien sur le tirage initial du journal. Vers la fin de mars 1879, le lecteur est avisé que le tirage atteint alors 3,500 copies par jour et qu'il sera bientôt porté à 5,000 copies.
À ses débuts, la Patrie étale sa matière sur quatre pages de cinq colonnes. Mais le format s'agrandit par la suite, de sorte qu'en septembre 1879, chaque page du journal contient environ deux fois plus de texte qu'en février. À cette même date, la Patrie se vend en deux éditions quotidiennes, l'une à midi, l'autre à cinq heures. Voici un aperçu de la distribution typique du contenu du journal au cours de 1879 et 1880:
1 ° Sur la première page: des annonces et des extraits de divers journaux, soit canadiens, soit étrangers, sur des sujets plutôt neutres par rapport à la politique.
2° Sur la deuxième page: Un courrier; De brefs articles où l'on commente les problèmes de l'heure, surtout sur les plans politique et économique; Divers extraits soit de journaux canadiens soit de journaux étrangers, avec ou sans commentaires de la Patrie, où sont exposées des positions de principes, polémiques, controverses sur des problèmes d'actualité, des situations ou des individus; Quelquefois aussi on trouve une chronique parlementaire fédérale ou provinciale.
3° Sur la troisième page: des nouvelles locales et régionales, des annonces de tous genres.
4° Sur la quatrième page: un roman-feuilleton et des annonces.
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Louis-Antoine Dessaulles, journaliste libéral
Christine Piette-Samson
pp. 373–387
AbstractFR:
L'étude des idéologies au XIXe siècle revêt un intérêt particulier en raison de l'affrontement violent qui oppose libéraux et ultramontains. La révolution française voit s'épanouir en Europe un courant de liberté face auquel nous retrouvons les adversaires du progrès vite appuyés par les autorités religieuses. Les catholiques de partout se tournent alors vers Rome et se regroupent dans le mouvement ultramontain, partisan d'un retour en arrière. À l'autre pôle, champions de la liberté politique et individuelle : les libéraux. La lutte idéologique qui s'engage touche l'Europe entière et passe, presque intégralement, en Amérique. Au Canada français, en effet, se retrouvent les mêmes tendances. En tète de l'une, l'évêque de Montréal, Mgr Bourget, avec à sa suite la majorité du clergé et de la population s'opposent au petit groupe libéral formé autour de l'Institut canadien en 1844 et du journal l'Avenir en 1847. De ce noyau Louis-Antoine Dessaulles est certainement l'un des types les plus représentatifs.
Le but de cette étude est la présentation de l'idéologie de Louis-Antoine Dessaulles, dont la carrière est une excellente illustration du libéralisme canadien-français pour lequel il lutta en tant qu'homme politique, journaliste et polémiste. Une brève évocation de cette carrière sera suivie de la présentation de l'idéologie elle-même regroupée autour de deux thèmes émanant du libéralisme lui-même : libertés individuelles et libertés publiques.
Dans ces deux domaines, nous tenterons de dégager les principes de Dessaulles inséparables de ses polémiques. Nous limitons cependant cette étude à la pensée de Dessaulles au moment où il est rédacteur du journal le Pays, du 1er mars 1861 au 24 décembre 1863.
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La Lanterne, 1868-1869
Notes de recherche
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Un souverainiste du XIXe siècle : Médéric Lanctôt 1838-1877
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Un prêtre bien de son temps : Zacharie Lacasse, O.M.I.
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Laurent-Olivier David et l'infériorité économique des Canadiens français
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La représentation ultramontaine de la société à travers le Courrier du Canada
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L'idéologie des Annales de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec, 1880-1902
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Orientations bibliographiques