Abstracts
Résumé
C'est par un curieux paradoxe que l'un des secteurs les plus importants de la vie politique, du moins dans la société américaine, a été presque entièrement négligé par les chercheurs jusqu'à une époque toute récente. Il y a à peine sept ans qu'un politicologue faisait paraître, dans l 'American Political Science Review, un article intitulé « The Lost World of Municipal Government ». Une fausse et tenace division du travail n'avait voulu voir jusque-là dans le gouvernement municipal, fût-il aussi vaste que celui de New-York, qu'une entité administrative, la véritable politique se jouant à un niveau supérieur. Ainsi, pendant de longues années, les chercheurs se sont-ils satisfaits d'étudier l'aspect administratif, dans une perspective d'ailleurs nettement orientée vers une réforme visant surtout à introduire une certaine éthique dans des comportements politiques où, jusque-là, le boss symbolisait tout un système. Au mieux, tous ces travaux aboutirent à considérer la vie d'une grande ville de la même manière que celle d'une entreprise et à lui appliquer les mêmes critères d'économie et d'efficacité. C'est en ce sens que l'on peut qualifier de sous-développée cette importante partie de la recherche politique. Des caractéristiques fondamentales de la vie urbaine, telles la définition de la démocratie à ce niveau, la formation d'une communauté, l'activité des groupes d'intérêt, bref, ce qui constitue l'essentiel du phénomène politique : les relations de pouvoir et d'influence, n'a presque pas été abordé.
Pourtant, la science politique progressait et déplaçait son centre d'intérêt de la seule étude des institutions politiques vers l'examen du comportement et de la structure d'autorité à tous les niveaux : dans un parti politique, au sein d'un comité ministériel, dans un puissant groupe d'intérêt. En même temps, la rapide croissance des milieux urbains interdisait de ne pas tenir compte de la complexité du problème. La nécessité, une fois de plus, allait susciter des travaux importants : le problème de la banlieue, la faiblesse du vote dans les grandes villes, l'unification des structures municipales dans un ensemble métropolitain, pour ne citer que ces trois questions, furent à l'origine de recherches qui représentent maintenant des étapes majeures dans le progrès de la science politique et même, de la façon la plus large, vers l'élaboration d'une théorie politique générale. On assiste donc depuis quelques années à une véritable explosion dans ce domaine. Floyd Hunter a ouvert la voie en 1953, mais c'est depuis cinq ans surtout que les travaux se sont multipliés, à tel point que ce secteur est aujourd'hui devenu, sans aucun doute, l'un des principaux champs de la science politique. Un peu partout, d'importants projets de recherche sont mis en œuvre aux États-Unis : à Chicago, à New-York, à Saint-Louis, à New-Haven, et chaque trimestre apporte sa moisson d'articles sur la vie politique, entendue cette fois au sens le plus large, des grandes villes.
Comment, par rapport à cette évolution, se situe l'étude politique de Montréal ? La première impression, et elle s'avère malheureusement trop juste, indique que le retard est ici considérable. L'importante bibliographie publiée en 1961 sur les « Matériaux pour une sociologie politique du Canada français » ne mentionne qu'une étude proprement académique sur le Montréal politique. Pourtant, dans certains secteurs, divers travaux ont été entrepris et menés à bonne fin. Il y a donc lieu d'établir le bilan de la recherche réalisée jusqu'ici pour mieux faire ressortir tout ce qui a été laissé de côté. Après avoir identifié les tâches à entreprendre, nous serons amenés à proposer, en nous appuyant sur l'importante contribution américaine, les éléments d'un plan général de recherches sur la vie politique montréalaise.
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