Abstracts
Résumé
Notre étude se propose de démontrer la possibilité d'une description objective de la langue française canadienne en faisant appel au principe socio-culturel, c'est-à-dire en considérant la langue comme un des éléments les plus importants de la culture d'une collectivité en même temps qu'une institution sociale de nature privilégiée. Nous croyons, en d'autres mots, que la description de la langue d'une entité ethnique acquiert valeur de diagnostic de son statut socio-culturel, tandis que, à l'inverse, toute étude linguistique devra tenir compte des facteurs socio-culturels d'un groupe humain dont on se propose de décrire l'organe d'expression et de communication. Afin d'atteindre notre but, nous avons divisé le présent travail en trois sections principales : la première section, traitant des aspects généraux et théoriques de notre sujet, à savoir : la détermination — au point de vue statique — de objet et des tâches de la linguistique en tant que science sociale d'observation. Toujours dans cette première section, nous distinguerons ensuite entre linguistique interne et linguistique externe, la linguistique interne se préoccupant d'études structurelles à divers niveaux et à un titre souvent théorique ; la linguistique externe décrivant les subdivisions et les faces diverses de l'organe linguistique selon la nature de l'association et des contacts entre sujets parlants : proximité, cohésion, influences. C'est un fait admis chez la plupart des linguistes qu'à chaque groupe social correspond un moyen propre d'expression-communication, et inversement. En rapport avec la linguistique externe, nous amorcerons une solution au problème de la caractérisation de notre parler, par l'introduction d'une notion objective de dialecte à laquelle se rattachera l'esquisse d'une théorie des contacts socio-culturels — par exemple, statut minoritaire, voisinage égalitaire, coexistence de plusieurs langues usuelles, rapports de dominant à dominé, etc. — applicable aux états linguistiques du Canada qu'on appelle français. Il s'agit moins de savoir si nous parlons un patois, un dialecte, une langue autonome mais bien un idiome « pluraliste » dont les différentes couches correspondraient à une structure sociale en grande partie modelée par des contacts culturels, économiques (et linguistiques, bien sûr) avec l'anglais.
La deuxième section de notre exposé, à la lumière des principes généraux déjà dégagés, présentera en place propre une définition socio-culturelle du parler canadien-français. C'est ainsi qu'on abordera le problème du « joual » à la fois comme mythe et comme symptôme de notre statut socioculturel. Un bref rappel des origines situera le problème au point de vue diachronique.
La troisième section, enfin, montrera les efforts de description objective de notre langue déjà accomplis dans une perspective sociologique et ethnologique. En conclusion de cette dernière section, nous essaierons de montrer quelques-unes des tâches qui incombent au socio-linguiste dans le domaine de la description de l'idiome canadien-français. Le premier résultat à escompter d'une description socio-culturelle de notre organe de communication-expression serait de monter à l'assaut des préjugés traditionnels d'un subjectivisme béat consistant à confondre la langue avec l'idée qu'on se fait du peuple qui la parle ou, qui pis est, l'idée qu'on voudrait lui imposer de ce qu'il est ou devrait être. En somme, la linguistique sociologique, en « dépassionnant » le débat de la langue chez nous, et tout en l'éloignant des querelles grammaticales et puristes, nous semble détenir la clé de la solution au problème de ce que nous appellerons de façon provisoire « le parler canadien-français ». Les quelques considérations qui suivent poseront et délimiteront le problème qui nous préoccupe tous à des titres divers.