Abstracts
Résumé
Cet article regroupe les données scientifiques de ces dix dernières années concernant la pratique exclusive du yoga chez les enfants et les adolescents présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Une grille a été conçue et utilisée afin d’examiner les caractéristiques des participants et les modalités de cette pratique. La présente recension suggère une influence positive des programmes de yoga sur certains comportements associés au TSA tels que l’irritabilité, l’agitation, l’automutilation ou les comportements agressifs. Cette revue permet d’avoir une représentation détaillée des programmes de yoga et de leurs effets. Des recommandations sont fournies pour les professionnels qui s’intéressent à la pratique du yoga comme thérapie auprès des jeunes ayant un TSA.
Mots-clés :
- trouble du spectre de l’autisme,
- yoga,
- adolescents,
- enfants
Abstract
This article regroups the scientific data available from the last ten years concerning exclusive yoga practice for children and adolescents with autism spectrum disorder (ASD). A checklist was designed and used to examine the participants characteristics and the modalities of this practice. The review suggests a positive influence of yoga programs on some associated behaviours affecting young with ASD such as irritability, restlessness, self-harm or agressive behaviours. This review provides a detailed representation of the yoga programs and their effects. Recommendations are provided for professionals who are interested in practicing yoga as a therapy for youth with ASD.
Keywords:
- autism spectrum disorder,
- yoga,
- adolescent,
- children
Article body
PROBLÉMATIQUE
Des revues de la littérature scientifique ont été réalisées afin de préciser les effets d'une pratique du yoga auprès d'enfants ou d'adolescents présentant un trouble du spectre de l'autisme (TSA; Hourston et Atchley, 2017; Semple, 2019). Toutefois, elles examinent autant le yoga associé à la méditation pleine conscience que le yoga associé à d'autres composantes comme la danse. De plus, le niveau de sévérité du TSA et les spécifications diagnostiques telles que le déficit intellectuel associé ou l'altération du langage ne sont pas mentionnés dans ces revues, ni les caractéristiques des programmes de yoga.
Trouble du spectre de l’autisme
Le TSA est un trouble neurodéveloppemental défini par des déficits persistants de la communication et des interactions sociales, ainsi que par la présence de comportements, d'intérêts ou d'activités à caractère restreint et répétitif (American Psychology Association [APA], 2015). Des symptômes sont présents dès les premières années de vie, mais ils peuvent être apparents plus tardivement lors du développement lorsque les demandes sociales augmentent (APA, 2015). Il est important de noter que le TSA doit altérer significativement le fonctionnement de l'enfant lors de ses activités quotidiennes. Une hétérogénéité du trouble s’observe en fonction des spécifications du diagnostic, soit : a) le niveau de sévérité du TSA, b) la présence ou non de déficit intellectuel associé et c) la présence ou non d’une altération du langage (APA, 2015).
Niveaux de sévérité du trouble du spectre de l’autisme
Trois niveaux de sévérité du TSA sont identifiés dans la cinquième version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5, APA 2015), qui reposent notamment sur l'intensité de l'aide requise. Un enfant ayant un TSA de niveau 1, soit le degré le plus léger, nécessite de l'aide, mais celle-ci sera moins soutenue comparativement à celle qu’un enfant de niveau 2 ou 3 pourrait nécessiter. Les déficits peuvent se manifester à travers un manque de réciprocité dans les échanges et des difficultés lors des transitions (APA, 2015). Un enfant ou un adolescent considéré de niveau 2 a besoin d'une aide importante, telle que des soutiens visuels pour favoriser la communication ou de la supervision de la part de l’adulte lors des différentes activités de sa vie quotidienne. Les déficits dans les compétences de communication sociale ont un retentissement apparent malgré le soutien apporté. Un manque de flexibilité est observé et les changements peuvent entrainer de la détresse (APA, 2015). Pour qu'un niveau 3 de sévérité soit précisé au diagnostic de TSA, l'enfant doit nécessiter une aide très importante. Les déficits dans la communication sociale et les comportements restreints ou répétitifs affectent sévèrement son fonctionnement dans l'ensemble des domaines (APA, 2015). Ce niveau de sévérité est associé aux enfants qui interagissent essentiellement pour répondre à leurs besoins. Des interventions structurées et soutenues sont mises en place pour aider les enfants ayant un degré sévère de TSA (Peters-Scheffer et al., 2010; Zachor et Itzchak, 2010). Le niveau de sévérité du TSA se distingue du fonctionnement intellectuel, bien qu'il puisse être en partie relié (APA, 2015). Begovac et al. (2009) soulignent que la majorité des études longitudinales démontrent que le quotient intellectuel (QI) chez les enfants ayant un TSA est stable dans le temps, mais quelques travaux suggèrent que le QI pourrait augmenter en fonction des thérapies offertes en bas âge. Ainsi, avec des interventions comportementales précoces, certains enfants progressent et réussissent à émettre des comportements fonctionnels (Begovac et al, 2009).
Déficit intellectuel
En plus de la présence d'un TSA, il est fréquent qu’un déficit ou qu'un trouble du développement intellectuel (TDI) s'ajoute à ce diagnostic principal (APA, 2015). L'analyse de 36 études réalisées par Fombonne (2005) révèle que seulement 29,6 % des participants ayant un TSA n'ont pas de déficit intellectuel associé. Toutefois, une variabilité existe dans les résultats obtenus entre les études, allant de 24,5 % à 62,5 % en fonction des outils d'évaluation utilisés (Postorino et al., 2016). Pour que le diagnostic de TDI soit posé, il faut que l’enfant évalué ait des limitations importantes sur le plan intellectuel, ainsi que sur le plan des comportements adaptatifs. Sans aide, les déficits adaptatifs influencent le fonctionnement de l'enfant ou de l'adolescent dans sa vie quotidienne et dans des environnements variés comme l'école, la maison ou le travail (APA, 2015). Différents niveaux de sévérité du TDI existent allant de léger à profond. Ils sont définis selon les déficits des comportements adaptatifs dans les domaines conceptuel, social et pratique.
Altération du langage
Le patron de développement du langage diffère chez les enfants présentant un TSA. En particulier, le langage pragmatique et non littéral se développe moins rapidement chez les personnes ayant un TSA comparativement à leurs pairs avec un développement typique (Whyte et Nelson, 2015). Chez certains enfants, une altération du langage verbal peut accompagner le TSA. Le niveau de l'altération du langage doit alors être précisé lors de l'émission du diagnostic (APA, 2015). Une absence de langage intelligible est mentionnée lorsque l'enfant est non verbal, alors qu'un langage composé de mots ou de phrases est précisé lorsque l'enfant est verbal (APA, 2015).
Les interventions comportementales ont un effet bénéfique chez les enfants présentant un TSA (Itzchak et Zachor, 2011; Ung et al., 2015). L'analyse appliquée du comportement (AAC) est une des interventions qui engendre des progrès significatifs alors qu’elle est appliquée auprès de ceux-ci (Ben-Itzchak et Zachor, 2007; Itzchak et Zachor, 2011). Quant aux enseignements structurés comme ceux proposés dans le programme TEACCH® (Treatment and Education of Autistic and Communication handicapped CHildren®), ils sont également aidants pour les enfants et les adolescents présentant un TSA (Panerai et al., 2002; Virues-Ortega et al., 2013). Alors que des progrès sont observés à l’aide de l’AAC quant au fonctionnement adaptatif des enfants avec un degré léger de sévérité (Zachor et Itzchak, 2010), les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont reconnues scientifiquement comme étant efficaces pour traiter les symptômes associés au TSA, telles que l'anxiété (Sukhodolsky et al., 2013; Ung et al., 2015). D'après Levy et Hyman (2008), un intérêt croissant est également noté pour les approches complémentaires comme le yoga en tant qu'activité de thérapie pour traiter certains symptômes liés au TSA (par ex., anxiété, agitation, attention).
Pratique basée sur le yoga et ses effets
Le yoga est une méthode visant à améliorer la forme physique, à promouvoir la santé et le bien-être (White, 2009). Originaire de l'Inde, la pratique du yoga s'est développée dans les pays occidentaux au début du siècle sous la forme du Hatha yoga (White, 2009). Ce type de yoga inclut habituellement une combinaison de postures ou de séquences de mouvement, la régulation consciente de la respiration et des techniques de méditation variées (Schmalzl et al., 2015). L'exécution de postures spécifiques (ou ãsanas) est une caractéristique principale du yoga. Dans un yoga de type statique, la position doit être maintenue le plus longtemps possible. Au contraire, dans une forme de yoga dynamique, les mouvements sont enchainés dans un rythme lent et synchronisé avec la respiration (Schmalzl et al., 2015). La respiration appelée aussi prãnãyãma, est le deuxième élément capital du yoga (White, 2009). Dans les formes de yoga statique, la respiration peut être bloquée durant les postures ou encore être utilisée afin de diriger l'attention vers des parties du corps (Schmalzl et al., 2015). Dans ces derniers exemples, la respiration est employée comme une technique de méditation (Rubia, 2009). La méditation est un état physiologique d'activité réduite qui favorise la relaxation physique et mentale, et par conséquent l'adaptation des personnes à leur environnement (Young et Taylor, 1998). Ce but est atteint à travers la réduction ou l'élimination des processus de pensées ou le ralentissement du dialogue interne (Rubia, 2009). Les techniques de méditation sont un entrainement à diriger l'attention sur le moment présent, à observer ses pensées et ses émotions ou à se concentrer sur des expériences internes comme la respiration (Rubia, 2009; White, 2009).
Effets sur les aspects physiques et psychologiques du yoga
Des études se sont récemment intéressées à objectiver les effets du yoga dans la population générale, notamment sur les paramètres physiques tels que les hormones du stress ou les indices cardiovasculaires (Rocha et al., 2012; Schmalzl et al., 2015). Concrètement, les postures permettent d'augmenter la souplesse, la force et d'améliorer les fonctions du corps, telles que le fonctionnement gastro-intestinal et immunitaire ou encore le sommeil (White, 2009). En plus de son intérêt sur la santé physique, le yoga semble induire une réduction de la douleur chronique favorisant ainsi le bien-être et la qualité de vie de personnes atteintes d'une condition comme l'arthrose (Moonaz et al., 2015; Wang et al., 2018; Woodyard, 2011). Wang et ses collaborateurs (2018) expliquent ce résultat par le fait que la douleur est une sensation pouvant être influencée par la perception de la personne. En effet, le yoga favorise le détachement par rapport à l'expérience psychologique de la douleur (Wang et al., 2018). Plus généralement, le yoga encourage l'attention portée aux sensations physiques. Avec une pratique répétée, la conscience du corps et la capacité à détecter les indices corporels subtils sont améliorées. Ces changements seraient bénéfiques pour la régulation attentionnelle et la santé (Schmalzl et al., 2015). Enfin, les études suggèrent un effet positif d'une pratique du yoga sur le stress ou les symptômes de la dépression chez des adultes (Büssing et al., 2012; Woodyard, 2011). Dans leur revue de littérature scientifique, Weaver et Darragh (2015) soulignent que le yoga peut être efficace pour réduire l'anxiété ou des symptômes reliés à l'anxiété chez des enfants et des adolescents, plus particulièrement lorsque cette pratique est réalisée plusieurs fois par semaine (Weaver et Darragh, 2015). Par ailleurs, la pratique du yoga semble avoir un effet positif sur le fonctionnement cognitif, notamment sur la capacité de résolution de problème et l'attention chez les adultes (Schmalzl et al., 2015). L'attention des enfants ou des adolescents serait aussi améliorée par des interventions basées sur la méditation de pleine conscience, incluant le yoga (Mak et al., 2018).
Effets du yoga sur les troubles du spectre de l'autisme
Bien que la pratique du yoga ait fait l'objet de travaux universitaires et de recherches dans différentes disciplines, peu d'études scientifiques existent concernant les effets du yoga sur les enfants et les adolescents ayant un TSA. Aussi, des lacunes existent dans plusieurs d'entre elles, ainsi qu'une variabilité importante dans les programmes de yoga proposés ou les caractéristiques des participants. Sur le plan physique, les effets du yoga ont été investigués auprès d'enfants présentant un TSA par Narasingharao et ses collaborateurs (2017) suite à l'application de certains modules du programme de yoga Integrated Application of Yoga Therapy (IAYT). D'après un questionnaire développé par ces chercheurs, des améliorations significatives du sommeil et de problèmes gastro-intestinaux sont observées par les parents de ces enfants suite aux interventions. Une des particularités de cette étude est que des prières font partie intégrante des séances de yoga.
En ce qui concerne la sphère comportementale, plusieurs études ont démontré un effet positif d'une pratique de yoga chez les enfants ayant un TSA (Koenig et al., 2012; Rosenblatt et al., 2011; Semple, 2019). Les parents sélectionnés dans l’étude de Rosenblatt et de ses collaborateurs (2011) ont rapporté une amélioration des comportements de leur enfant sur l'échelle « Anomalies » (p. ex., se babille à lui-même, mange des choses qui ne sont pas de la nourriture) du Behavioral Assessment System for Children, Second Edition (BASC-2), suite à une intervention, de huit semaines, basée sur du yoga, de la musique et de la danse. Comme cette intervention implique également d'autres activités comme la musique et la danse, il s’avère difficile de cerner si l'effet observé n’est dû qu’au yoga. Une réduction des comportements inadaptés associés au TSA a été également notée par des enseignants d'une classe spéciale après la pratique quotidienne du yoga pendant 16 semaines, en s'appuyant sur le matériel vidéo du programme Get Ready To Learn (GRTL) développé par l'équipe de Koenig (2012). La présentation sous format vidéo est l'originalité de ce programme de yoga et questionne sur l'influence de ce support technologique dans les résultats obtenus.
Pour ce qui est de la communication et des interactions sociales, Radhakrishna et al. (2010) relatent des améliorations dans la communication et l'attention conjointe après 82 semaines de séances de yoga. Quant à Gulati et ses collaborateurs (2018), ils n'ont pas trouvé de changements significatifs dans la communication ou la sociabilité chez des enfants et des adolescents de 6 à 20 ans ayant un TSA et un déficit intellectuel léger associé. Cependant, la durée de ce programme était de seulement deux semaines, ce qui peut être potentiellement insuffisant pour obtenir des effets.
L'influence d'une pratique de yoga accompagnée de méditation pleine conscience, visant à améliorer l'attention, la conscience du corps et la maîtrise de soi a été investiguée chez les adolescents ayant un TSA à l'aide du programme MYmind: Mindfulness training for Youngsters with ASD. Les résultats issus de questionnaires autorapportés suggèrent une amélioration de la qualité de vie à l'aide d'une échelle composée de cinq items, ainsi qu'une diminution des pensées répétitives des adolescents présentant un TSA. Aucune réduction significative des inquiétudes n'a été relevée (de Bruin, Blom, Smit, van Steensel et Bögels, 2015). Il est important de noter qu'il n'est pas précisé si la présence d'un trouble anxieux ou d'un trouble de l'humeur a été évaluée chez ces adolescents. Enfin, le yoga est seulement un élément de ce programme axé sur la méditation pleine conscience, il est donc difficile de généraliser ces résultats à la pratique du yoga.
OBJECTIF
Cette étude exploratoire a pour objectif de rassembler les données scientifiques publiées entre les années 2010 et 2020 concernant la pratique du yoga chez les enfants et les adolescents présentant un trouble du spectre de l'autisme. Plus précisément, les études scientifiques sont analysées à l'aide d'une grille ciblant les effets du yoga selon les modalités de cette pratique (p. ex., en individuel, en groupe, en milieu familial, en milieu scolaire) et les caractéristiques des participants (p. ex., âge des enfants, avec ou sans déficit intellectuel, présence de langage ou non).
MÉTHODE
Procédure
Une recherche de la littérature scientifique existante en anglais et en français a été faite à l'aide de l'outil Google Scholar. Les mots clés suivants ont été utilisés : yoga, autisme, trouble du spectre de l'autisme, enfant, adolescent, parent, famille, école, anxiété, qualité de vie, autism disorder, child, teen, family, school, anxiety, quality of life. Seuls les articles publiés après 2010 ont été retenus. L'ensemble des résumés d'articles obtenus ont été lus, afin de sélectionner ceux directement reliés à la problématique (c’est-à-dire le yoga et le TSA). Des recherches complémentaires ont été faites sur la base de données bibliographiques PsycINFO. Vingt et une études sont ressorties et ont fait l'objet d'une lecture complète. Les informations principales ont été synthétisées et les critères de sélection des articles ont été discutés avec trois autres chercheuses ayant développé une expertise en TSA et en yoga. Les critères de sélection choisis ont été : a) article publié dans une revue scientifique, b) jeunes de moins de 18 ans présentant un TSA, c) interventions basées exclusivement sur le yoga et non sur la méditation pleine conscience, d) séances de yoga qui ne doivent pas inclure de la danse, des mandalas, des comptines ou des prières. Suite à cette analyse, sept projets universitaires ou thèses ont été exclus, ainsi que deux articles dont le contenu a été considéré comme non scientifique et un article qui ne portait pas sur les effets du yoga. Six autres études ont été supprimées, car elles incluaient des éléments qui ne font pas partie intégrante du yoga (prière, danse ou mandala). Une étude scientifique citée dans les articles sélectionnés a ensuite été ajoutée. Les sept articles restants ont été analysés à l'aide de la grille ciblée.
Instrument
Une grille a été conçue afin d'avoir un indice de la qualité méthodologique des études, en plus d'examiner les modalités de leur programme de yoga et les caractéristiques des participants. Elle a été élaborée à partir de la grille Quality Index de Down et Black (1998). Quality Index est une liste d'items permettant d'évaluer les expérimentations avec ou sans répartition aléatoire dans le domaine de la santé. Elle démontre de bonnes qualités psychométriques, dont une cohérence interne de 0,89 et une fiabilité test-retest de 0,88 (Down et Black, 1998). Une traduction des items a été réalisée, puis ceux-ci ont été sélectionnés et adaptés pour correspondre au domaine de la psychologie. D'autres items ont été ajoutés concernant les caractéristiques du programme de yoga et des participants, afin que la grille soit applicable pour l'évaluation de la pratique du yoga auprès d'une population ayant un TSA. Trois chercheuses ont participé à l'élaboration d'une première version de la grille. Elle a ensuite été adaptée afin de permettre l'évaluation des articles retenus. Pour chaque item, les réponses « oui », « non », « incapable de déterminer ou non approprié pour une revue » sont possibles. Une cotation de 1 est appliquée à la première réponse, 0 aux suivantes. Une case a été ajoutée pour que des commentaires puissent y être apposés. La version finale de la grille est présentée en annexe.
RÉSULTATS
Suite au processus de recherche et de sélection, sept études rencontraient les critères d'inclusion. Parmi ces études, cinq sont des expérimentations reposant sur un devis de recherche quasi expérimental ou préexpérimental, deux sont des revues de littérature scientifique portant sur le yoga et le TSA. Une liste des études sélectionnées, ainsi qu'une synthèse de leur méthode et de leurs résultats se retrouvent au Tableau 1.
Qualité méthodologique des études incluses
D'après la grille utilisée, six articles sur les sept sélectionnés ont des objectifs clairement décrits. Les résultats sont prédits dans les sections « Introduction » ou « Méthode » pour deux des expérimentations. Dans toutes les études, les principales conclusions sont décrites et des recommandations sont proposées. Trois articles présentent les avantages et les inconvénients de l'expérimentation, ainsi que les limites de l'étude. Un groupe contrôle a été utilisé dans trois des expérimentations. Notons que la revue réalisée par Gwynette et ses collaborateurs (2015) mentionne également la présence d'un groupe contrôle dans une des études sélectionnées. Quatre expérimentations incluent des mesures descriptives et des tests inférentiels, dont deux mentionnent aussi les tailles d'effet. Les caractéristiques des participants sélectionnés et de ceux qui ont quitté la recherche sont détaillées dans deux études seulement (Gonsalves et al., 2019; Koenig et al., 2012). Le nombre de participants est mentionné dans six des études. Seule la revue de littérature effectuée par l'équipe d’Artchoudane (2019) ne précise pas le nombre de participants des études.
En ce qui concerne les outils mesurant les effets du programme de yoga, les résultats de deux études, notamment une citée dans une revue, sont obtenus à l’aide d’une grille d'observation. Dans quatre études, les résultats sont mesurés avec un questionnaire complété par une autre personne que le participant ayant un TSA. Plus précisément, des questionnaires standardisés sont utilisés dans deux expérimentations (Deorari et Bhardwaj, 2014; Keonig et al., 2012) et dans trois études mentionnées dans une revue (Gwynette et al., 2015). Quant au questionnaire de l'étude de Sharma et Sharma (2016), il a été développé par les auteurs. Par ailleurs, deux études de la revue d’Artchoudane (2019) ont recours à des mesures physiques. Cependant, les outils ne sont pas nommés dans l'article. Aucun test psychométrique n'est utilisé afin d'évaluer les fonctions cognitives. À noter qu'une étude fait appel à un test à l'aide d'un appareil évaluant le temps de réaction dans les modalités auditives et visuelles (Ramanathan et al., 2019). Aucune des recherches de la recension n'utilise de mesures de suivi (follow-up) pour évaluer les effets du programme de yoga.
Tableau 1
Liste des articles sélectionnés, leur méthode et leurs résultats
Effets généraux de la pratique de yoga
Les sept articles suggèrent des effets positifs de la pratique du yoga dans le domaine psychologique. Toutefois, les variables mesurées sont variées : elles concernent autant le temps de réaction pour exécuter une consigne que divers symptômes associés au TSA. En effet, une étude montre une amélioration du temps de réaction après un stimuli visuel ou auditif (Ramanathan et al., 2019) et trois recherches suggèrent une réduction des comportements inadaptés associés au TSA tels que l'automutilation ou l'irritabilité (Gwynette et al., 2015; Koenig et al., 2012; Sharma et Sharma, 2016). Les autres études suggèrent des bienfaits quant aux symptômes diagnostiques du TSA comme l'altération de la communication (Deorari et Bhardwaj, 2014; Gonsalves et al., 2019; Radhakrishna et al., 2010 cités par Artchoudane et al., 2019). Aucune des études n’évalue les effets physiologiques du yoga sur une population présentant un TSA, ni les effets psychologiques sur des symptômes ou des troubles associés tels que la dépression et l'anxiété ou encore sur les capacités attentionnelles de ces jeunes. Notons que les résultats obtenus présentent certaines limites, puisqu'une des recherches expérimentales s'appuie sur des données qualitatives (Gonsalves et al., 2019). Quant aux deux revues de littérature, elles s'appuient principalement sur des recherches qui ont été exclues de notre étude. En effet, les expérimentations citées incluent d'autres composantes comme de la musique et des prières (Gulati et al., 2012; cités par Artchoudane et al., 2019; Rosenblatt cité par Gwynette et al., 2015) ou encore la date de publication est antérieure à celle définie pour cette étude (Radhakrishna et al., 2010 cités par Artchoudane et al., 2019). La seule référence qui rencontre les critères d'inclusion de notre étude est celle de Keonig et al. (2012), qui fait déjà partie des articles analysés.
Pratique du yoga et caractéristiques des participants
Sur le plan de l'âge des participants, six des études sélectionnées précisent l'âge des jeunes de l'échantillon. L'autre étude indique seulement que les participants sont des enfants (Artchoudane et al., 2019). À noter que chaque échantillon des sept articles inclut autant des enfants que des adolescents et l'étendue de l'âge des participants de chaque article est mentionnée au Tableau 2. L'échantillon le plus restrictif est celui de l'étude de Koenig et de ses collaborateurs (2019), dont la tranche d'âge des participants correspond à des enfants fréquentant une école primaire (c’est-à-dire âgés entre 5 et 12 ans). Une réduction significative des comportements inadaptés associés au TSA a été observée par les enseignants après le programme de yoga. Une taille d'effet moyenne accompagne ce résultat. Plus spécifiquement, à l'échelle « Irritabilité/ Agitation/Pleurs » de l'outil ABC-Community, une taille d'effet faible a été relevée en plus d'une différence significative. Les sous-échelles « Léthargie/Retrait Social », et « Hyperactivité/Non collaboration » ont rempli les critères pour un effet de taille significatif, même si la valeur de p est non significative. Aucune différence significative dans les scores ne ressort de l'évaluation des parents avec le même outil (Koenig et al., 2012).
Tableau 2
Détail des caractéristiques des participants par étude
Pour les autres caractéristiques des participants, une seule étude précise la répartition des garçons et des filles dans l'échantillon. Dans les sept articles, le diagnostic est indiqué. L'intitulé « Trouble du spectre de l'autisme » est utilisé dans cinq des études, tandis que le diagnostic est qualifié d'« autisme » dans les deux autres. Le type d'évaluation diagnostique (p ex., entretien, observation) et les outils utilisés ne sont pas nommés. Le niveau de sévérité du TSA n'est pas indiqué, ni la présence ou non d'une altération du langage. La présence de comportements stéréotypés ou leur type ne sont pas précisés ni les particularités sensorielles. Seule la présence de défis sensoriels est mentionnée dans un article, sans que ceux-ci soient explicités (Gonsalves et al., 2019).
Le fonctionnement cognitif des participants est indiqué dans un seul article (Gonsalves et al., 2019). En effet, les auteurs de cet article précisent que les jeunes de leur étude ont un TDI associé au TSA. À l'aide d'une grille d'observation, les chercheurs concluent que les jeunes s'engageaient principalement dans des comportements de participation (le participant tente de suivre les consignes de yoga) et quelques comportements de non-participation (c’est-à-dire que le participant reste à proximité du matelas sans imiter le professeur). Aucun enfant n'a tenté de quitter le local où avait lieu la pratique du yoga. Aucune donnée ne permet de conclure s'il y a une amélioration de la participation avec le programme d'intervention. Qualitativement, le personnel note que les participants ont augmenté leurs comportements d'imitation, leur tolérance au contact physique, ainsi que leur collaboration à réaliser les postures et les exercices de respiration. Le contact oculaire et les sourires sont aussi relevés comme étant plus constants.
Pratique du yoga et caractéristiques du programme de yoga
Les différentes modalités des programmes de yoga (p. ex. durée, lieu de l'expérimentation, nombre de participants) sont peu mentionnées dans les articles. Les informations indiquées varient d'une étude à l'autre et sont parfois peu explicites. Le Tableau 3 détaille les caractéristiques des programmes obtenues à l'aide de la grille ciblée.
Le déroulement des séances de yoga est bien décrit pour quatre des études (Deorari et Bhardwaj, 2014; Gonsalves et al., 2019; Koenig et al., 2012; Ramanathan et al., 2019). Des exercices de respiration et des postures font partie de ces programmes, seul l'ordre de présentation varie en fonction des études. Quatre articles listent les postures utilisées (Deorari et Bhardwaj, 2014; Koenig et al., 2012; Sharma et Sharma, 2016), mais seulement un de ces articles explique le choix des postures (Gonsalves et al., 2019). Quant à la durée d'une séance, elle est indiquée dans six articles. Trois de ces articles font référence à une durée n'excédant pas 30 minutes (Gonsalves et al., 2019; Gwynette et al., 2015, Koenig et al., 2019), tandis que la pratique du yoga durait une heure dans deux autres études (Deorari et Bhardwaj, 2014; Ramanathan et al., 2019) et deux heures dans celle de Sharma et Sharma (2016).
La durée de l'expérimentation est indiquée (c’est-à-dire la durée totale du programme de yoga) dans cinq études. Les deux autres études transmettent une information imprécise, par exemple en mentionnant que cela a été réalisé pendant un camp d'été (Artchoudane et al., 2019; Gonsalves et al., 2019). La durée du programme mentionnée s'étend entre 12 à 16 semaines pour trois études (Deorari et Bhardwaj, 2014; Koenig et al., 2019; Ramanathan et al., 2019), tandis qu'elle correspond à 90 semaines dans l'expérimentation de Sharma et Sharma (2016). Les tests inférentiels de ces études montrent des effets positifs d'un programme de yoga dans la sphère comportementale (Koenig et al., 2012; Ramanathan et al., 2019; Sharma et Sharma, 2016). Rappelons que Koenig et ses collaborateurs (2012) avaient démontré une diminution des comportements inadaptés associés au TSA. Quant à Sharma et Sharma (2016), ils ont observé une différence significative dans les comportements agressifs et l'automutilation dans les groupes expérimentaux comparativement au groupe contrôle après l'intervention. Plus précisément, les mêmes observations ont été réalisées dans la condition où les enfants pratiquaient du yoga et des activités récréatives, de même que dans le groupe où seules des activités récréatives étaient proposées. Par ailleurs, l'équipe de Ramanathan (2019) a constaté une réduction significative des temps de réaction à des stimuli auditifs et visuels après le programme de yoga.
Tableau 3
Détails des caractéristiques du programme de yoga par étude
En ce qui concerne la fréquence de l'intervention, quatre articles indiquent le nombre de séances de yoga hebdomadaires. Elles ont été effectuées à une fréquence de six fois par semaine dans l'étude de Sharma et Sharma (2016) et de cinq fois par semaine dans une des expérimentations de notre recension et dans une autre citée dans une revue (Radhakrishna, 2010 cité par Gwynette et al., 2015; Ramanathan et al., 2019). Les séances de yoga sont indiquées comme étant réalisées à une fréquence quotidienne, chaque jour d'école, pour l'étude de Koenig et de son équipe (2019), ce qui laisse supposer que la fréquence est de cinq fois par semaine également. Ces trois études démontrent une influence positive du programme de yoga chez les jeunes de leur expérimentation (Keonig et al., 2012; Ramanathan et al., 2019; Sharma et Sharma, 2016). Dans sa revue, Gwynette et son équipe (2015) soulignent que la recherche de Radhakrishna datant de 2010 met en évidence une amélioration qualitative au niveau de l'imitation avec une pratique de yoga à raison de cinq fois par semaine.
Pour le contexte individuel ou de groupe des séances, seules deux études précisent cette information. Gonsalves et al. (2019) indiquent que les séances de yoga sont réalisées en individuel ou en groupe. L'étude de Koenig précise le nombre de participants par séance qui est de six enfants. Quant au lieu de l’expérimentation, il est indiqué dans trois articles : un camp d'été, une école pour enfants à besoins particuliers et une classe spécialisée pour les élèves ayant un TSA (Gonsalves et al., 2019; Koenig et al., 2012; Ramanathan et al., 2019). Une seule étude précise le local utilisé pour réaliser le programme de yoga (Koenig et al., 2012).
Le matériel utilisé, précisé dans trois articles, correspond à des tapis dans deux études, sinon à de la musique et une chaise. Seule la recherche de l'équipe de Gonsalves utilise du matériel adapté. Plus précisément, des soutiens visuels sont employés afin d'identifier l'espace personnel des enfants de l'étude (à l'aide du nom et de la photographie de l'enfant sur son matelas), ainsi que de présenter les postures (dessins en noir et blanc). Il est à noter qu’il n’y a pas de données quantitatives sur l'effet de ce programme de yoga. Toutefois, une amélioration qualitative a été relevée par le personnel notamment sur le plan de l'imitation ou de la communication non verbale (contact oculaire et sourire). Aussi, du matériel vidéo a été utilisé dans deux études dans le but d'animer virtuellement une partie des séances de yoga (Gonsalves et al., 2019) ou l'ensemble du programme d'intervention (Koenig et al., 2012).
Aucune des études ne fait référence à la formation de la personne qui réalise l'expérimentation, soit le professeur de yoga. Deux articles précisent que le professeur de yoga fournit du soutien à l'enfant lors des séances. Dans l'étude de Gonsalves et de ses collaborateurs (2019), le professeur de yoga renforce les postures approximatives avec des félicitations ou un sourire, fournit un modèle des postures et une légère incitation physique. Dans la recherche de Koenig (2012), le professeur de yoga modélise les postures, utilise des indices visuels et verbaux. Aucun soutien n'est fourni pendant les séances de yoga de l'étude de Ramanathan et de ses collaborateurs (2019), mais des encouragements sont faits pendant la tâche évaluant le temps de réaction auditif et visuel. En plus du professeur de yoga, deux études mentionnent que du personnel est présent pendant les séances de yoga. Cependant, il est précisé que celui-ci n'intervient pas (Gonsalves et al., 2019; Koenig et al., 2012). Seule la revue de littérature de Gwynette et de ses collaborateurs (2015) précise lorsque les parents des enfants ayant un TSA participent au programme d'intervention. Plus précisément, elle mentionne que les parents sont impliqués dans trois des cinq recherches sélectionnées, soit les travaux de Radhakrishna (2010) et l'étude de Rosenblatt portant sur un programme de yoga associé à de la danse (Radhakrishna, 2010; Radhakrishna et al., 2010; Rosenblatt et al., 2011 cités par Gwynette et al., 2015). Cependant, ces recherches ont été exclues de cette présente recension.
DISCUSSION
Bien que des interventions comportementales telles que l'analyse appliquée du comportement (AAC) ou les thérapies cognitivo-comportementales ont un effet positif chez les enfants ayant un TSA (Itzchak et Zachor, 2011; Ung et al., 2015), un intérêt croissant est également noté pour des approches complémentaires comme le yoga afin de traiter certains symptômes associés au TSA comme l'anxiété, l'agitation ou l'inattention (Levy et Hyman; 2008). L'objectif de cette étude est de rassembler les données scientifiques publiées entre les années 2010 et 2020 concernant la pratique du yoga chez les enfants et les adolescents présentant un TSA. Il ressort que peu d'études scientifiques évaluent les bénéfices d'un programme exclusif de yoga, ce qui rend difficile de conclure sur l'efficacité de cette pratique auprès d'enfants et d'adolescents présentant un TSA. Aucune étude de la présente recension scientifique ne porte sur les effets physiologiques de la pratique du yoga chez ces jeunes. Dans la littérature existante, les études ciblent essentiellement les aspects psychologiques, plus particulièrement le comportement des enfants et des adolescents. Cependant, une hétérogénéité est constatée dans les variables mesurées et les outils utilisés qui sont majoritairement des questionnaires. Une preuve limitée est relevée pour la réduction de comportements associés au TSA comme l'automutilation, l'agressivité, l'irritabilité ou l'agitation, à l'aide d'expérimentations incluant un groupe contrôle (Koenig et al., 2012; Sharma et Sharma, 2016). En effet, les enseignants de l'étude de Koenig et de ses collaborateurs (2012), informés de la condition expérimentale des participants, ont observé une influence positive sur les comportements inadaptés associés au TSA avec le programme de yoga Get Ready to Learn. Or, les parents de ces jeunes n'ont pas constaté le même bénéfice. Sharma et Sharma (2016) mettent en évidence une réduction de l'automutilation et des comportements agressifs avec la pratique du yoga. Toutefois, cette amélioration du comportement est aussi démontrée avec des activités récréatives. En ce qui concerne les effets du yoga sur les caractéristiques diagnostiques du TSA comme la communication, peu de données probantes sont ressorties de la présente recension étant donné l'absence de groupe contrôle dans les expérimentations (Deorari et Bhardwaj, 2014; Gonsalves et al., 2019), ce qui est cohérent avec la conclusion de l'équipe de Gwynette (2015). Le seul résultat positif se limite à un effet de taille significatif à une sous-échelle évaluant le retrait social, en l'absence d'une valeur de p significative (Keonig et al., 2012).
Pratique de yoga et caractéristiques des participants
Les informations rapportées dans les études se limitent principalement à l'âge et au diagnostic. Ce manque de détails ne permet pas de conclure à l'influence de certaines caractéristiques des participants sur les bienfaits observés avec la pratique du yoga. Chacun des échantillons décrits dans la recension inclut autant des enfants que des adolescents (Deorari et Bhardwaj, 2014; Gonsalves et al., 2019; Gwynette et al, 2015; Koenig et al., 2012; Ramamathan, 2019; Sharma et Sharma, 2016). Les effets positifs constatés par l'équipe de Koenig (2012) concernent l'échantillon le moins large, soit des enfants âgés entre 5 et 12 ans. Seulement, ce spectre inclut plusieurs stades de développement de l'enfance. Il serait donc intéressant d'examiner les effets du yoga de manière spécifique à chacun de ceux-ci. Pour ce qui est du niveau cognitif, un seul article fait référence à cette information (Gonsalves et al., 2019). En effet, les auteurs précisent que les jeunes de leur étude ont un déficit intellectuel léger associé au TSA. Aucune donnée statistique ne permet d'avancer s'il y a une amélioration avec le programme d'intervention. Qualitativement, le personnel note des bénéfices sur le plan de l'imitation, de la tolérance au contact physique, du contact oculaire et des sourires. Aucune autre caractéristique des participants n'est détaillée dans les articles sélectionnés de cette revue de littérature. L'ensemble de ces observations soulève le besoin de spécifier des éléments dans les futures recherches, tels que le type d'évaluation diagnostique, le niveau cognitif, le niveau de sévérité du TSA et du déficit intellectuel, la présence ou non d'une altération du langage, ainsi que le type de comportements stéréotypés ou de particularités sensorielles, afin d'évaluer l'effet de la pratique du yoga sur un sous-groupe plus spécifique de jeunes présentant un TSA.
Pratique de yoga et caractéristiques du programme d'intervention
Cette recension de littérature met en évidence que les différentes modalités des programmes de yoga appliqués auprès de jeunes ayant un TSA sont peu détaillées dans les articles scientifiques. Lorsque les caractéristiques sont présentées, elles sont variées, parfois imprécises, et par conséquent difficilement comparables. Aucune expérimentation ne manipule ces variables, ce qui ne permet pas d'émettre une conclusion quant à l'influence directe d'une de ces modalités sur l'efficacité de l'intervention. Peu d'études mentionnent notamment l'ordre de présentation des exercices, le choix des postures, le contexte individuel ou de groupe des séances, le lieu de l’expérimentation (p. ex., camp d'été, école ou le type de local), le matériel utilisé ou les adaptations mises en place comme des soutiens visuels. Ce constat souligne la pertinence de préciser les caractéristiques des programmes de yoga de manière systématique dans les études, afin de pouvoir examiner leurs effets. Du matériel vidéo a été utilisé dans deux études afin d'animer virtuellement une partie des séances de yoga (Gonsalves et al., 2019) ou l'ensemble du programme d'intervention (Koenig et al., 2012), ce qui n'est pas suffisant pour conclure sur l'intérêt de ce type d'animation pour la pratique du yoga auprès d'enfants et d'adolescents présentant un TSA. Étant donné l'efficacité des interventions basées sur du modelage vidéo auprès de cette population et le maintien du bénéfice à long terme (Bellini et Akullian, 2007; Buggey, 2005), cette piste demeure à explorer.
Quant aux intervenants impliqués, cette revue de littérature scientifique met en évidence que la formation du professeur de yoga n'est pas précisée dans les articles. L'implication des parents est relevée seulement dans certaines études de la revue de Gwynette (2015), sans savoir si elle consiste à participer aux séances ou à l'application d'exercices complémentaires au domicile familial. Ce type d'exercices a d'ailleurs été relevé comme important par les parents et le professeur de yoga dans l'étude de Garcia et de ses collaborateurs (2019) concernant l'implémentation d'un programme de yoga. Cet aspect pourrait être considéré dans les prochaines études, afin d'évaluer si des bienfaits sont alors relevés par les parents dans la vie quotidienne. La présence de personnel dans le local des séances et le type de soutien fourni pourraient être précisés de manière systématique.
En s'appuyant sur les études recensées, plusieurs résultats suggèrent un effet positif d'un programme de yoga à partir de 12 à 16 semaines de pratique (Deorari et Bhardwaj, 2014; Koenig et al., 2012; Ramanathan et al., 2019). Pour ce qui est de la fréquence hebdomadaire, trois études qui relatent des bénéfices statistiquement significatifs s'appuient sur des programmes composés d'un minimum de cinq séances par semaine (Keonig et al., 2012; Ramanathan et al., 2019; Sharma et Sharma, 2016). Concernant la durée d'une séance, une seule étude fournit des données quantitatives corroborant un bénéfice dès 30 minutes de pratique (Koenig et al., 2012). Plusieurs recherches ayant démontré les bienfaits de la pratique du yoga proposaient des séances d'une durée d'un minimum d'une heure (Deorari et Bhardwaj, 2014; Ramanathan et al., 2019; Sharma et Sharma, 2016).
Conclusion
Pour conclure, la présente recension suggère une influence positive des programmes de yoga sur certains comportements inadaptés associés au TSA. Elle soulève le besoin de réaliser des expérimentations impliquant la manipulation des caractéristiques des participants et des modalités des programmes, ainsi que d'examiner si les bénéfices obtenus sont supérieurs à une autre activité (p. ex. récréative, sportive). La présence de mesures de suivi dans les futures recherches serait également pertinente, afin d'évaluer les effets à long terme d'un programme de yoga. Aussi, il serait intéressant d'investiguer les bienfaits du yoga sur le plan physique tel que l'ont démontré Narasingharao et ses collaborateurs (2017) ou sur d'autres symptômes associés au TSA comme l'anxiété. Par ailleurs, la réduction du temps de réaction à des stimuli visuels et auditifs obtenue par l'équipe de Ramanathan (2019) souligne l'importance que des études ciblent l'influence du yoga sur le fonctionnement cognitif comme l'attention, dans le but d'examiner si les mêmes bénéfices sont observés chez les personnes ayant un TSA que dans des populations typiques (Mak et al., 2018; Schmalzl et al., 2015). Il est à noter que la moitié des études de la recension ont été réalisées en Inde. Le yoga étant originaire de ce pays, la perception des personnes impliquées dans les recherches pourrait influencer les résultats.
Avantages et limites de l'étude
Bien que cette revue de littérature permette d'avoir une représentation détaillée de la littérature récente sur l'effet de la pratique du yoga exclusivement, les observations obtenues dans cette recension présentent certaines limites. En effet, cette étude inclut les revues de littérature ce qui rend les résultats difficilement comparables avec les études préexpérimentales et quasi expérimentales. Ce choix permet d'avoir des informations plus larges sur ce domaine de recherche, tout en excluant la littérature grise, ce qui ne donne pas un portrait exhaustif des travaux réalisés.
Recommandations pour les professionnels
La pratique du yoga est une approche complémentaire qui peut être utilisée auprès d'enfants et d'adolescents présentant un TSA, afin de diminuer des symptômes associés à leur diagnostic tels que l'agitation, l'irritabilité, les comportements agressifs ou l'automutilation. Toutefois, il n’existe pas de preuve que les bénéfices sont plus importants alors que les jeunes participent à une autre activité (sportive, récréative, etc.). Aussi, il est impossible d’écarter le fait que l'efficacité soit moindre en fonction des caractéristiques du jeune comme son niveau de sévérité du TSA, la présence ou non d’un déficit intellectuel associé ou encore ses particularités sensorielles. Sur le plan des caractéristiques du programme de yoga, il est préférable que les séances aient lieu cinq à six fois par semaine sur 12 à 16 semaines minimum afin que la pratique du yoga soit efficace. Bien qu’une séance d’une durée de 30 minutes soit acceptable, une heure de yoga semble plus propice pour observer une amélioration avec le programme d'intervention. Aucun autre élément ne permet de conclure si d'autres modalités incluant le matériel utilisé, les adaptations, le type de soutien fourni contribuent à l'efficacité de la pratique de yoga chez les enfants et les adolescents ayant un TSA. Dans l'attente de futures recherches, il est donc conseillé de s'appuyer sur le profil individuel des jeunes et sur les recommandations générales d'intervention auprès de cette population, afin de s'adapter au mieux aux besoins de chaque enfant et adolescent ayant un TSA.
Appendices
Annexe
Adaptation de la grille de Down et Black (1998) pour l’évaluation d’articles scientifiques portant sur le yoga auprès d’enfants ou d'adolescents présentant un trouble du spectre de l'autisme (TSA)
Notes
-
[1]
Les remerciements s’adressent aux membres du Laboratoire de recherche sur les familles d’enfants présentant un TSA de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), notamment à Marie-Joëlle Beaudoin et Jessica Toman pour leur contribution dans le choix des critères de sélection des articles et la conception de la grille.
-
[2]
Adresse de correspondance : Département de psychologie, UQAM, C.P. 8888, succ. Centre-ville, Montréal (QC), H3C 3P8. Téléphone : 514-987-3000, poste 4359. Courriel : poirier.nathalie@uqam.ca
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List of tables
Tableau 1
Liste des articles sélectionnés, leur méthode et leurs résultats
Tableau 2
Détail des caractéristiques des participants par étude
Tableau 3
Détails des caractéristiques du programme de yoga par étude