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La gestion émotionnelle est jugée déterminante pour l’atteinte de performance optimale en sport (Hanin, 2007). À cet effet, l’anxiété de performance est inhérente à l’expérience de compétition et son effet sur la performance intéresse autant les chercheurs en sciences du sport, que les intervenants en psychologie du sport. La capacité à gérer l’anxiété compétitive est d’ailleurs une habileté de performance mentale convoitée par les athlètes. Les recherches destinées à mieux comprendre l’effet de l’anxiété compétitive sur la performance sportive ont pris leur essor vers la fin les années 80, alors qu’on observe une meilleure reconnaissance de la contribution des facteurs psychologiques à la performance sportive (Ong et Chia, 2020). D’emblée jugée comme étant un frein à la performance, l’étendue des recherches réalisées dans les dernières années rend compte de la relation complexe entre l’anxiété compétitive et la performance sportive. Bien qu’il existe des revues de la littérature sur le sujet (p. ex., Mellalieu et al., 2006; Palazzolo et Arnaud, 2013), des avancées conceptuelles récentes apportent un éclairage nouveau sur cette relation complexe (Cheng et al., 2009; Jones et al., 2019). Ainsi, le présent article se veut une synthèse des connaissances sur le concept d’anxiété compétitive en sport, intégrant les avancées conceptuelles récentes pour mieux comprendre son lien avec la performance sportive. Plus particulièrement, les principaux résultats concernant la définition du concept, les modèles explicatifs ainsi que les effets sur la performance et les principaux facteurs modérateurs en jeu sont présentés. Les liens entre l’anxiété compétitive et le phénomène d’effondrement de la performance sont expliqués, et des pistes d’implications pratiques sont présentées en conclusion. L’étendue de la littérature sur le sujet de l’anxiété compétitive étant vaste et diversifiée, cet article ne prétend pas couvrir l’ensemble des connaissances sur le sujet et vise à informer les psychologues et étudiants en psychologie ayant un intérêt sur le sujet.

En contexte sportif, l’anxiété de performance fait référence à la réponse typique à une situation où les habiletés de l’athlète sont évaluées (Smith et al., 1990). Pour la distinguer des autres contextes d’application (p. ex., scolaire, professionnel, musical), le terme « anxiété compétitive » est suggéré (Jones et al., 2019). L’anxiété compétitive est généralement définie comme un état psychologique désagréable en réaction à une menace perçue, concernant la performance à une tâche réalisée sous pression (Cheng et al., 2009; [traduction libre] (p. 271)). Comme dans d’autres champs d’application, en psychologie du sport, on distingue l’anxiété cognitive, qui fait références aux appréhensions et tensions mentales (p. ex., inquiétudes concernant l’issue de la compétition), de l’anxiété somatique, qui fait référence aux manifestations physiologiques de l’anxiété (p. ex., coeur qui bat plus vite à l’approche d’un départ) (Morris et al., 1981). Une classification populaire de l’anxiété compétitive repose sur la distinction entre l’anxiété situationnelle (état) et l’anxiété dispositionnelle (trait) (Spielberger et al., 1970). L’anxiété situationnelle est variable, et fait référence à une réponse d’anxiété cognitive et somatique résultant de l’évaluation d’une situation de performance comme étant potentiellement menaçante. Quant à l’anxiété dispositionnelle, elle fait référence à la prédisposition plutôt stable d’un athlète à percevoir les situations de performance comme une menace. Les athlètes qui présentent une forte disposition à l’anxiété auraient donc une plus forte tendance à percevoir les situations de performance sportive comme menaçantes et auraient des réactions d’anxiété plus intenses que ceux qui présentent une faible disposition (Smith et al., 1990).

Basés sur ces conceptualisations classiques de l’anxiété compétitive, le State Trait Anxiety Inventory (STAI) (Spielberger et al., 1970), le Sport Competition Anxiety Trait (SCAT) (Martens, 1977) et le Competitive State Anxiety Inventory (CSAI-2) (Martens et al., 1990) sont des adaptations spécifiques de mesures de l’anxiété compétitive en milieu sportif. Le SCAT, qui mesure l’anxiété dispositionnelle, est composé de 15 items sur des échelles Likert de trois points (p. ex., « Before I compete I worry about not performing well »). Il présente une fidélité acceptable et sa validité est positive, mais faible (Brand et al., 1988). Dans une perspective similaire, les 21 items du Sport Anxiety Scale (SAS) (Smith et al., 1990) permettent d’évaluer l’anxiété dispositionnelle dans le contexte sportif sous trois échelles : l’anxiété somatique (p. ex., « My body feels tense »), les inquiétudes par rapport à la performance (p. ex., « I have self-doubts ») et les perturbations de la concentration (p. ex., « My mind wanders during sport competition »), ces deux dernières faisant référence à l’anxiété cognitive. Les réponses sont indiquées selon une échelle Likert de quatre points et la fiabilité rapportée est satisfaisante (Dunn et al., 2000; Prapavessis et al., 2005; Smith et al., 2006). Pour sa part, le CSAI-2, mesure l’anxiété situationnelle à l’aide de trois sous-échelles : a) l’anxiété somatique (p. ex., « I feel tense in my stomach »), b) l’anxiété cognitive (p. ex., « I am concerned about this competition ») et, c) la confiance en soi (p. ex., « I feel at ease ») (Martens et al., 1990). Ce questionnaire de 27 items, disponible en version française (Martinent et al., 2010), présente de bonnes propriétés psychométriques (Craft et al., 2003) et est largement utilisé dans la recherche. Or, le CSAI-2 ne mesure que l’anxiété situationnelle, et son utilisation abondante dans le domaine, témoigne de la prédominance des résultats de recherche sur cette forme précise d’anxiété compétitive.

Modèles traditionnels du lien entre l’anxiété compétitive et la performance sportive

La théorie du U inversé de Yerkes et Dodson (1908) et le modèle de la zone optimale de fonctionnement (ZOF) de Hanin (1986) sont populaires pour expliquer la relation entre l’anxiété compétitive et la performance sportive. Ces deux modèles proposent qu’il existe une zone optimale d’anxiété qui serait idéale à la performance. La théorie du U inversé (Figure 1) suppose qu’un niveau modéré d’anxiété serait bénéfique à la performance et qu’au-dessus de ce niveau, l’anxiété est liée à une diminution de la performance. Un faible niveau d’anxiété aurait également un impact négatif sur la performance, puisqu’un certain niveau d’anxiété est jugé nécessaire pour générer l’activation physiologique et mentale optimale pour susciter de l’intensité (Neiss,1988). Ce modèle a été rapidement critiqué pour l’absence de considération des différences individuelles quant au niveau d’anxiété recherché pour une performance optimale. Ainsi, certains athlètes performeraient mieux quand leur niveau d’anxiété est faible, alors que d’autres performeraient mieux lorsque l’anxiété compétitive est élevée (Hanin, 2007). Basée sur cette limite, la ZOF (Figure 2) stipule que la zone optimale d’anxiété compétitive serait située à un endroit ou un autre d’un continuum, dans une zone plus ou moins large, selon l’athlète (Hanin, 1986). Malgré les références fréquentes à ce modèle, la ZOF présente des résultats mitigés, certaines études appuyant qu’un niveau d’anxiété précompétitive situé dans la zone optimale de l’athlète donne lieu à des performances significativement meilleures (Gould et al., 1993; Turner et Raglin, 1996), et d’autres ne permettant pas de soutenir cette prédiction (Krane, 1993; Raglin et Morris, 1994). Dans une méta-analyse réalisée par Jokela et Hanin (1999), il a été relevé que les appuis au modèle de la ZOF s’observent principalement chez des athlètes moins expérimentés (considérés non-élite). De plus, il existe des différences méthodologiques importantes entre les études, notamment au niveau de la mesure de l’anxiété compétitive utilisée pour situer la zone optimale de fonctionnement (p. ex., questionnaires validés répondus à postériori), les devis de recherche employés (p. ex., tâches simulées) et les caractéristiques des participants pris en compte dans les études (p. ex., non-athlètes). Malgré l’absence d’appuis solides et stables empiriquement, ce modèle demeure un outil largement utilisé par les entraîneurs et consultants en performance mentale, et permet aux athlètes de reconnaître où se situe leur préférence quant au niveau optimal d’anxiété vécu (Zinsser et al., 2020).

Figure 1

Représentation de la théorie du U inversé de Yerkes et Dodson (1908)

Représentation de la théorie du U inversé de Yerkes et Dodson (1908)

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Figure 2

Représentation du modèle de la zone optimale de fonctionnement (ZOF) de Hanin (1986)

Représentation du modèle de la zone optimale de fonctionnement (ZOF) de Hanin (1986)

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À la suite d’études réalisées entre 1977 et 1990 cherchant à identifier ce qui distingue les athlètes vainqueurs des athlètes qui échouent à des compétitions importantes comme les Jeux olympiques, des auteurs ont conclu que l’anxiété compétitive pouvait s’avérer favorable à la performance (Mahoney et Avener, 1977; Martens et al., 1990; Jones et al., 1988). Notamment, en comparant les habiletés de performance mentale des gymnastes américains s’étant qualifiés et ceux ne s’étant pas qualifiés pour participer aux Jeux olympiques de 1976, Mahoney et Avener, (1977) ont observé que des athlètes qualifiés rapportaient se servir de leur anxiété compétitive pour se stimuler. À la suite de ces observations, Jones (1991) a introduit la notion d’interprétation directionnelle de l’anxiété, suggérant que les athlètes qui perçoivent l’anxiété compétitive comme étant favorable à la performance pourraient même en bénéficier. Sur la base de cette proposition, Jones (1995) a développé le modèle du contrôle de l’anxiété favorable ou nuisible. Ce modèle soutient qu’une série de facteurs individuels et la capacité de l’athlète à contrôler son anxiété compétitive, détermineraient l’interprétation de celle-ci comme étant favorable ou nuisible à la performance sportive. Quelques études subséquentes, dont celle d’Hanton et ses collaborateurs en 2004, ont permis d’observer que les athlètes pouvaient interpréter les manifestations de l’anxiété en compétition comme étant favorables ou nuisibles à la performance. Ces résultats ont ainsi renforcé l’importance des attributions positives ou négatives aux symptômes liés à son anxiété en compétition, ces dernières étant plus déterminantes que l’intensité de l’anxiété en elle-même. Ultérieurement, des auteurs (Cheng et al., 2009; Mellalieu et al., 2006) ont critiqué le modèle basé sur l’interprétation directionnelle de l’anxiété en précisant que l’anxiété compétitive ne devrait pas être confondue avec une expérience émotionnelle positive. En effet, ce serait plutôt le fait de se sentir en contrôle et capable de s’adapter face à une situation de performance qui amènerait l’athlète à percevoir l’anxiété compétitive comme inhérente à l’expérience de compétition, et à s’y adapter efficacement.

Le modèle intégratif de l’anxiété compétitive à trois dimensions

Dans le but d’améliorer la compréhension de la composante adaptative de l’anxiété compétitive, Cheng et ses collaborateurs (2009) ont développé un modèle intégratif hiérarchique permettant d’expliquer le lien entre l’anxiété compétitive et la performance par trois dimensions : cognitive, physiologique et d’autorégulation. La dimension cognitive comprend deux facteurs : les inquiétudes et l’attention dirigée vers soi (self-focus). La dimension physiologique comprend aussi deux facteurs : l’hyperactivité du système nerveux autonome, se manifestant par exemple par la fréquence cardiaque plus rapide ou par des sueurs froides, et les tensions somatiques pouvant se manifester par des tremblements, des tensions musculaires ou de la fatigue. Enfin, la dimension d’autorégulation est basée sur le contrôle que l’athlète perçoit avoir sur sa capacité à s’adapter et à accomplir ses objectifs de performance en situation de pression. Dans le modèle de Cheng et ses collaborateurs (2009), c’est cette dernière dimension d’autorégulation qui permet d’expliquer comment l’anxiété compétitive peut avoir un effet adaptatif, lorsque l’athlète se perçoit en contrôle de la situation et parvient à s’y adapter de manière efficace. De manière distincte au modèle du contrôle de l’anxiété favorable ou nuisible de Jones (1995), qui conceptualise le contrôle comme une forme d’évaluation cognitive qui détermine si l’athlète interprétera les manifestations de son anxiété comme étant aidantes ou menaçantes, Cheng et ses collaborateurs précisent que le contrôle influence l’adaptation à l’anxiété et non son interprétation. En effet, selon la définition de l’anxiété compétitive proposée par ces auteurs, cette dernière est essentiellement une expérience émotionnelle désagréable, mais à laquelle l’athlète a la possibilité de s’adapter efficacement. En appui à ce modèle, des résultats ont démontré que c’est le haut niveau de contrôle perçu, plutôt que l’interprétation de l’intensité des symptômes anxieux cognitifs et somatiques, qui est le plus fortement associé à la performance sportive (Cheng et al., 2011; Jones et al., 2019).

Récemment, Jones et ses collaborateurs (2019) ont proposé d’étendre les cinq facteurs (les inquiétudes, l’attention dirigée vers soi, l’hyperactivité du système nerveux autonome, les tensions somatiques et le contrôle perçu) du modèle hiérarchique de Cheng et ses collaborateurs (2009), à six facteurs, en divisant l’attention dirigée vers soi (self-focus) de la dimension cognitive en deux facteurs : publique et privée. L’attention dirigée vers soi publique correspond à la perception de soi comme un objet social, qui est la cible du jugement des autres. Il comprend notamment la peur de décevoir les autres. Un niveau élevé d’attention dirigée vers soi publique engendrerait de l’inconfort et de l’appréhension. L’attention dirigée vers soi privée correspond à l’attention portée sur ses propres pensées et sentiments, ce qui peut entraîner une autocritique plus sévère. Dans une étude en trois étapes, Jones et ses collaborateurs ont d’abord testé la validité de l’outil initialement développé par Cheng et ses collaborateurs en 2009 : le Three Factor Anxiety Inventory (TFAI). Il s’agit d’un questionnaire de 25 items basé sur les 3 dimensions et 5 facteurs, et se répondant sur une échelle Likert de 5 points. On y observe d’ailleurs que des items s’adressent à la fois à la sphère privée et publique de l’attention dirigée vers soi, mais qu’il n’y a pas de distinction au sein de la catégorie. C’est donc en se basant sur le TFAI que Jones et ses collaborateurs ont subdivisé l’attention dirigée vers soi pour ensuite tester un total de 55 items pouvant représenter les catégories. La sélection des 25 items les plus représentatifs a ensuite permis d’augmenter la validité statistique du TFAI. Un exemple d’item pour chacun des facteurs est donné dans le Tableau 1. Le TFAI a le potentiel d’informer sur les différences individuelles chez les athlètes dans la manière de répondre à l’anxiété compétitive, et ainsi individualiser les cibles d’intervention en conséquence.

Le modèle intégratif hiérarchique de Cheng et ses collaborateurs (2009) et révisé par Jones et ses collaborateurs (2019), répond à un besoin de compréhension de l’impact parfois aidant, parfois nuisible de l’anxiété compétitive sur la performance sportive. Ce modèle permet notamment de préciser les dimensions physiologiques et cognitives, et met en relief l’importance potentielle des stratégies d’adaptation déployées par l’athlète pour gérer l’anxiété compétitive. D’autres études sont nécessaires, notamment pour mieux comprendre la notion de contrôle perçu, son lien avec les stratégies d'adaptation (coping), ainsi que pour tester l’application du modèle auprès de différentes clientèles sportives. De plus, la dimension de l’attention dirigée vers soi en deux facteurs, publique et privée, mérite d’être élaborée, notamment concernant son interaction avec les autres dimensions du modèle et des facteurs propres à l’athlète.

Tableau 1

Items du Three Factor Anxiety Inventory de Jones, Mullenb et Hardva (2019)

Items du Three Factor Anxiety Inventory de Jones, Mullenb et Hardva (2019)

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Facteurs modérateurs de la relation entre l’anxiété et la performance

Les études visant à mieux comprendre la relation entre l’anxiété reliée au sport et la performance sportive rendent compte de l’influence de différents facteurs. Notamment, des études ont porté sur le genre, le type de sport pratiqué (les sports de contact et les sports individuels), le contexte (compétitif ou entraînement), le niveau d’expertise, les manifestations d’anxiété (cognitives ou somatiques), la peur de l’échec et certains traits de personnalité.

Premièrement, la littérature suggère que l’anxiété de performance serait vécue différemment entre les hommes et les femmes. À cet effet, des résultats d’études indiquent que les athlètes féminines présentent des scores d’anxiété plus élevés que les athlètes masculins, ainsi qu’une tendance à vivre des effets plus nuisibles sur la performance (Abrahamsen et al., 2008; Jones et Cale, 1989). Cette différence serait plus particulièrement présente pour l’anxiété cognitive que somatique, les athlètes féminines se distinguant par la présence marquée d’inquiétudes et d’appréhensions par rapport à la compétition (Hanton et al., 2004). Par ailleurs, dans une étude auprès de 444 athlètes de sports de combat divers, des auteurs ont observé qu’un niveau élevé d’anxiété situationnelle et qu’une faible régulation émotionnelle était associée négativement avec la performance chez les femmes, alors que pour les hommes, c’était plutôt l’anxiété dispositionnelle qui était corrélée négativement à leurs performances (Fernández et al., 2019). Certaines études ne sont toutefois pas parvenues à conclure à des différences entre les hommes et les femmes. Par exemple, Cemil et ses collaborateurs (2016) n’ont pas relevé de différences significatives selon le genre, concernant l’anxiété dispositionnelle et l’anxiété situationnelle. À noter que leur échantillon était composé de joueurs de football et volleyball récréatifs. Lorsque l’intérêt porte sur des sportifs compétiteurs, les résultats suggèrent qu’il existe des distinctions entre les femmes et les hommes dans les manifestions de l’anxiété et son influence sur la performance.

Deuxièmement, l’anxiété de performance semble plus élevée en contexte de compétition qu’en contexte d’entraînement, tant d’un point de vue de l’anxiété cognitive que somatique (Nassib et al., 2017; Souza et al., 2019). À cet effet, des chercheurs ont mesuré le taux de cortisol (mesure physiologique du stress) d’athlètes durant des compétitions en s’intéressant à leur performance. Ainsi, observant des différences des taux d’hormone de stress entre les gagnants et les perdants d’une compétition de judo, Papacosta et ses collaborateurs (2016) ont conclu que les gagnants présentaient un niveau plus élevé d’activation physiologique et une meilleure préparation psychologique le matin de leur compétition. De plus, les observations révèlent que les gagnants présentaient un meilleur contrôle de leur réponse physiologique au stress pendant la compétition. D’autres auteurs ont toutefois obtenu des résultats contradictoires. Par exemple, Lautenbach et Lobinger (2018) ont plutôt observé qu’il semblait avantageux pour la performance d’avoir un niveau de stress plus élevé pendant la compétition, puisque les changements physiologiques associés à l’anxiété permettraient à l’athlète d’atteindre un niveau d’activation optimal. Nassib et ses collaborateurs (2017), quant à eux, ont non seulement relevé une augmentation de l’anxiété somatique en contexte de compétition chez des gymnastes, mais aussi une augmentation de l’anxiété cognitive par rapport aux entraînements. La variation des niveaux d’anxiété pourrait s’expliquer, selon les auteurs, par la complexité de l’activité, le niveau d’incertitude quant au résultat (aussi définit par les auteurs comme la perception de contrôle) et l’importance du résultat.

Troisièmement, des recherches démontrent qu’il existe des différences selon le type de sport pratiqué. Plus précisément, lorsqu’on considère l’ensemble des études s’étant penchées sur la question, il apparait que les athlètes de sports individuels (p. ex., athlétisme) présentent des niveaux d’anxiété plus élevés ainsi qu’une perception de l’anxiété plus menaçante, que les athlètes pratiquant un sport d’équipe (p. ex., basketball) (Mellalieu et al., 2006). À cet effet, Pluhar et ses collaborateurs (2019) ont relevé une nuance dans les motivations des athlètes selon le type de sport : en sports individuels, les athlètes tendent à pratiquer leur sport davantage dans une optique d’atteinte d’objectifs de performance plutôt que pour le plaisir. Cela pourrait s’expliquer par la composante sociale qui est prédominante dans les sports d’équipe, ce qui laisserait plus d’opportunités à l’amusement. De plus, les performances individuelles sont généralement associées à des points ou des temps précis, ce qui permet facilement une comparaison axée sur la performance (Pluhar et al., 2019). Dans un autre ordre d’idée, les athlètes de sports individuels s’entraînent généralement toute l’année et se concentrent sur seulement un sport, ce qui pourrait les mettre plus à risque de vivre de l’anxiété pathologique et la dépression (Schaal et al., 2011). En ce sens, Pluhar et ses collaborateurs ont aussi noté une proportion plus élevée d’anxiété ou de dépression dans le groupe d’athlètes de sports individuels, que dans le groupe de sports d’équipe (13 % contre 7 %). Sur la base de ces résultats, il semble que la pression de performer, omniprésente dans la culture des sports individuels, se traduit par des niveaux d’anxiété compétitive plus élevés.

Quatrièmement, les résultats de plusieurs études ont révélé que les athlètes de niveau élite rapportent des niveaux plus faibles d’anxiété compétitive cognitive et somatique par rapport aux athlètes considérés non-élites (Mahoney et Avener, 1977; Martens et al., 1990; Parnabas et Mahamood, 2010). Les compétiteurs de niveau élite auraient également une perception plus favorable de l’effet de l’anxiété sur leur performance sportive, en raison de leur expérience, et d’une meilleure préparation psychologique à la compétition. Bien que cette interprétation semble logique, il importe de mentionner que d’autres études ont mené à des résultats inverses ou ne sont pas parvenues à conclure qu’il existe des différences selon le niveau d’expertise (Hanton et al., 2004). À cet effet, des résultats suggèrent qu’un niveau plus élevé d’anxiété compétitive cognitive s’observe chez certains athlètes d’élite alors que l’importance de la compétition revêt une plus grande importance avec le succès de la carrière et leurs attentes de réussite (Lane et al., 1995). Ainsi, ce serait surtout la pression ressentie à performer et le sentiment d’efficacité personnelle par rapport au niveau de difficulté de la tâche qui seraient déterminants. Le sentiment d’efficacité personnelle, défini par Bandura (1977) comme la croyance de l’individu envers sa capacité à atteindre les objectifs souhaités, est d’ailleurs associée à des scores d’anxiété compétitive plus faibles ainsi qu’à la croyance de pouvoir s’y adapter de manière plus efficace chez les athlètes d’élite expérimentés (Nicholls et al., 2010).

Cinquièmement, alors qu’un état d’anxiété compétitive cognitive élevé est associé à une baisse de performance dans la majorité des études (Chamberlain et Hale, 2007; Filaire et al., 2009; Halvari, 1996; Woodman et Hardy, 2003), des résultats plus mitigés sont obtenus pour l’anxiété compétitive somatique (Filaire et al., 2009; McKay et al., 1997). Par exemple, dans une étude auprès de gymnastes, Nassib et ses collaborateurs (2017) ont relevé une amélioration de la performance à l’épreuve de la corde en compétition par rapport aux entraînements. Les auteurs expliquent cette différence par le fait qu’il s’agissait de la première épreuve à la compétition et que l’anxiété compétitive somatique était plus élevée qu’à la deuxième épreuve. Dans le même ordre d’idée, Papacosta et ses collaborateurs (2016) ont relevé un niveau plus élevé de cortisol avant la compétition chez les gagnants d’une compétition de judo. Ce résultat pourrait s’expliquer par une activation physiologique plus élevée permettant d’être plus alerte, ce qui serait favorable dans le cas des performances de judo. Toutefois, d’autres auteurs n’ont pas relevé de différence du taux de cortisol entre les gagnants et les perdants, malgré la corrélation positive entre le niveau de cortisol et la performance pendant la compétition (Lautenbach et Lobinger, 2018). L’anxiété compétitive somatique semblerait donc conférer certains avantages dans des situations de performance bien précises, mais davantage d’études sont nécessaires pour le démontrer.

La peur de l’échec dans le sport représente une tendance à évaluer les situations de performance dans lesquelles le risque d’échouer représente une menace (Conroy et al., 2002). Cette peur serait liée aux conséquences négatives d’échouer, soit des sentiments de honte et d’embarras, une baisse de l’estime de soi, le jugement négatif des autres et la peur de décevoir l’entourage. Elle est généralement mesurée à l’aide du Performance Failure Appraisal Inventory (PFAI) (Conroy, 2001), un questionnaire auto rapporté à 25 items répondus sur une échelle Likert de cinq points (p. ex., « When I am failing, it is often because I am not smart enough to perform successfully. »). La peur de l’échec est associée à une intensité plus élevée d’anxiété compétitive cognitive et somatique, notamment, à un niveau plus élevé d’inquiétudes face à la performance (Correia et Rosado, 2018) et des performances plus faibles (Sagar, 2009). Chez des adolescents-athlètes, il a été observé que la peur de l’échec est associée à un niveau plus élevé d’anxiété compétitive et à un risque plus élevé de vivre un épuisement (burnout sportif), pouvant entraîner un abandon de la pratique sportive (Gustafsson et al., 2017). L’effet négatif de la tendance à la peur de l’échec s’expliquerait par des stratégies d’adaptation (coping) inadaptées, notamment des stratégies pour éviter l’échec, et donc, un mode général d’évitement lors des situations de performance où l’échec est une possibilité (Conroy et Elliot, 2004; Taylor et al., 2021).

Enfin, des résultats suggèrent que le niveau et la nature de l’anxiété vécue en compétition, de même que son impact sur la performance dépend de la personnalité de l’athlète. Dans une étude réalisée auprès de joueurs de basketball professionnel en situation de matchs, des auteurs ont observé qu’une forte disposition à l’anxiété compétitive cognitive était associée à la crainte d’être évalué négativement et à de moins bonnes performances en compétition. À cet effet, d’autres études indiquent qu’une disposition élevée à l’anxiété compétitive cognitive (c.-à-d., inquiétudes), est associée à la crainte d’être évaluée négativement et à une diminution de la performance (Mesagno et al., 2012). Les athlètes avec une forte disposition à l’anxiété compétitive, auraient ainsi tendance à interpréter les conditions de leur environnement comme étant menaçantes, les amenant à vivre des symptômes d’anxiété plus intenses en compétition et à percevoir ces symptômes de manière plus handicapants (Weber et al., 2018). Par ailleurs, quelques études se sont intéressées au lien entre le perfectionnisme et l’anxiété compétitive, en distinguant les deux dimensions du perfectionnisme (Koivula et al., 2002; Stoeber et al., 2007). À cet effet, la première dimension, la poursuite de standards perfectionnistes, est associée à la poursuite de standards personnels élevés, alors que la seconde dimension, les préoccupations perfectionnistes, est associée à une autocritique élevée et la crainte de faire des erreurs (Frost et al., 1993). Dans l’ensemble, les études suggèrent que la dimension caractérisée par les préoccupations perfectionnistes est associée à des scores d’anxiété compétitive somatique et cognitive plus élevés, alors que la dimension de poursuite de standards perfectionnistes est négativement corrélée à l’anxiété en situation de performance (Stoeber et al., 2007; Hamidi et Besharat, 2010). Ceci s’expliquerait selon les auteurs, par le fait que les préoccupations perfectionnistes sont associées à une faible estime de soi et une difficulté à s’adapter efficacement aux situations de performance, contrairement à la poursuite de standards perfectionniste, qui est associée à une estime de soi plus élevée et une meilleure adaptation à l’anxiété compétitive (Hamidi et Besgarat, 2010). En appui à cette affirmation, une étude réalisée auprès de 222 arbitres de soccer suggère que le perfectionnisme orienté vers les standards personnels (associée à la dimension de poursuite de standards perfectionnistes) prédit l’utilisation de mécanismes d’adaptation proactifs pour gérer l’anxiété compétitive (Louvet et al., 2015). Ces observations suggèrent de tenir compte des dimensions du perfectionnisme, puisque ce sont principalement les préoccupations perfectionnistes qui auraient un impact négatif sur performance (Stoeber et Gaudreau, 2017).

Dans l’ensemble, il est possible de dégager des tendances concernant l’effet de ces facteurs sur l’anxiété compétitive. Plus précisément, il existe des distinctions dans la manière dont se manifeste l’anxiété compétitive, celle-ci étant plus importante chez les athlètes féminines, en contexte de compétition, dans les sports individuels et lorsqu’une pression de performance est présente. De plus, il semble que ce soit principalement l’anxiété compétitive cognitive, sous la forme d’appréhensions et d’inquiétudes face à la compétition, qui est nuisible à la performance. La peur de l’échec est associée à des niveaux plus élevés d’anxiété compétitive, notamment une augmentation des inquiétudes quant à la performance ainsi qu’à des stratégies d’adaptation inefficace. Enfin, les athlètes qui présentent une disposition à vivre de l’anxiété et des préoccupations perfectionnistes présentent plus d’anxiété compétitive et s’adaptent moins bien à celle-ci en situation de performance. Il semble donc que plusieurs de ces facteurs influenceraient l’anxiété compétitive par l’entremise de la capacité de l’athlète à s’adapter à la pression et aux exigences de la compétition.

Le phénomène d’effondrement

Un phénomène d’un grand intérêt pour les chercheurs et intervenants en psychologie du sport lorsqu’il est question d’anxiété compétitive est celui d’effondrement, en anglais bien connu sous le terme choking. Ce phénomène se produit lorsque l’athlète présente une baisse de sa performance aiguë et significative dans une situation de pression compétitive, qui est attribuable à une augmentation de l’anxiété et que l’athlète reconnaît comme étant inférieure à ses standards normatifs de performance (Mesagno et Hill, 2013). Il suffit de suivre un événement important comme les Jeux olympiques pour constater que ce fâcheux phénomène se produit chez plusieurs athlètes alors que la pression de performer est à son apogée. Les principales sources de pression de performance associées à l’affaissement sont la présence d’un auditoire, le fait d’être évalué, l’enjeu de performance et la présence d’un prix (Hill et al., 2010). Ces conditions étant inhérentes à la compétition, plusieurs athlètes consultent des spécialistes en psychologie du sport pour contrôler leur anxiété et ainsi prévenir l’effondrement.

Il n’existe pas de consensus scientifique pour expliquer l’effondrement, les deux explications dominantes étant basées sur la théorie de la distraction et la théorie de l’attention centrée sur soi. Selon la théorie de la distraction, la pression de performer avant une compétition, cause des distractions mentales (inquiétudes et appréhensions) qui accaparent les ressources en mémoire de travail, qui devraient plutôt être allouées pour gérer les demandes attentionnelles et cognitives lors d’une compétition (Carver et Scheier, 1981). Ainsi, en contexte de performance, un athlète porté à se préoccuper et s’inquiéter de sa performance se verrait moins concentré sur les facteurs importants pour bien performer. Pour sa part, la théorie de l'attention centrée sur soi (Baumeister et Showers, 1986) suppose que la pression ressentie de performer, amène l’athlète à vouloir contrôler consciemment des gestes bien maîtrisés qui ne requièrent pas la mémoire de travail, perturbant ainsi l’exécution automatique des habiletés bien maîtrisées (Baumeister, 1984). Cette théorie fait écho à la composante de centration sur soi (self-focus) de la dimension cognitive du modèle de Cheng et ses collaborateurs (2009), qu’il décrit comme une orientation de l’attention vers soi, menant à un état d’auto-évaluation critique et un biais attentionnel envers les erreurs commises, ou tout indicateur d’une mauvaise performance. Bon nombre d’études expérimentales en laboratoire ont été réalisées pour chercher à connaître laquelle de ces deux théories, permet le mieux d’expliquer le phénomène d’effondrement en situation de performance, et il semble encore aujourd’hui que les deux tiennent la route, selon le contexte étudié et la méthodologie employée (Mesagno et Beckmann, 2017). À cet effet, lorsqu’il s’agit de sport plus technique comme le golf, la théorie de la centration sur soi a reçu légèrement plus d’appui indiquant, que la performance d’athlètes experts, est systématiquement affectée quand l’attention est dirigée sur le geste à exécuter, alors qu’elle est préservée lorsque l’attention est dirigée sur un élément technique extérieur (p. ex., la balle) (Beilock et Gray, 2007; Hill et al., 2010). Somme toute, ces deux théories appuient que ce sont surtout les pensées anxieuses liées à la pression de performer (anxiété compétitive cognitive) qui altèrent la performance sportive. Par ailleurs, les évidences tendent à démontrer que les athlètes qui présentent une forte disposition à l’anxiété (prédisposition stable à ressentir de l’anxiété de performance), sont plus susceptibles de vivre un effondrement que ceux présentant une faible disposition (Baumeister et Showers, 1986; Wilson, 2008).

En somme, lorsque considérés dans leur ensemble, les résultats des études présentées traduisent la complexité de la relation entre l’anxiété compétitive et la performance. L’anxiété compétitive peut avoir un effet favorable ou nuisible sur la performance, surtout selon le contrôle perçu par l’athlète dans les situations de performance. Une forte disposition à l’anxiété compétitive cognitive, sous la forme d’inquiétudes et de pensées liées à la pression de performer, est associée à un risque plus élevé d’effondrement de la performance. L’intensité de l’anxiété compétitive et ses effets délétères sur la performance dépendent de différents facteurs internes (p. ex., la personnalité) et externes (p. ex., le type de sport pratiqué), dont la contribution peut difficilement être isolée de celle des autres. Des études futures sont nécessaires pour éclairer sur la nature complexe et dynamique de ses liens, et offrir une compréhension plus approfondie de l’influence de l’anxiété compétitive sur la performance sportive.

IMPLICATIONS PRATIQUES

Tel que mentionné au début de cet article, l’anxiété compétitive fait partie intégrante de l’expérience de compétition sportive, et bon nombre d’athlètes et entraîneurs font appels aux consultants en performance mentale et psychologues spécialisés en sport, dans le but de limiter ses impacts négatifs sur la performance. Il va sans dire que l’âge de l’athlète et son niveau de développement sont fondamentaux à considérer lorsqu’on planifie une intervention. Certains parents ou entraîneurs peuvent directement ou indirectement induire une pression de performer sur les jeunes athlètes (Fraser-Thomas et Côté, 2009), il faut donc être prudent quant au motif de consultation (optimisation de la performance ou du bien-être dans le sport), et prioriser le bien-être de l’athlète avant tout autre chose.

D’entrée de jeu, une analyse fonctionnelle s’avère très utile pour comprendre dans quels contextes se manifeste l’anxiété de performance (compétition vs entraînement), quels facteurs influencent l’anxiété (présence d’un auditoire, importance de la compétition) et quels sont les principaux symptômes rapportés par l’athlète (somatiques et cognitifs) (Henriksen, 2019). D’une importance particulière, il importe de déterminer si l’athlète perçoit l’anxiété comme quelque chose de menaçant et nuisible ou plutôt normal et favorable à la performance, ainsi que sur sa perception d’être en contrôle durant ces moments. À cet effet, il est intéressant de questionner l’athlète sur sa perception d’une compétition comme représentant un défi à surmonter ou une menace à son estime de soi. Il est ensuite souhaitable de faire une psychoéducation sur l’anxiété de performance en sport, rappelant qu’il s’agit d’une émotion normale qui peut aider à générer un bon niveau d’activation et de concentration. Malgré les limites théoriques qu’il présente, le modèle du ZOF peut être présenté à l’athlète et s’accompagner d’une discussion entourant les préférences de l’athlète, quant à l’intensité de l’anxiété ressentie avant un entraînement ou une compétition. Compte tenu de l’importance du contrôle perçu par l’athlète sur l’aspect adaptatif de l’anxiété compétitive, il est recommandé de questionner l’athlète sur ces modes de réaction et à quel point il se sent en mesure de s’adapter efficacement dans ces situations.

Sur la base de l’analyse fonctionnelle effectuée, différentes stratégies peuvent être utilisées pour aider l’athlète à gérer les manifestations de l’anxiété (Weinberg et Gould, 2019). À cet effet, il existe deux principaux courants d’intervention en psychologie du sport pour gérer l’anxiété et les émotions négatives : les stratégies de performances mentales et les interventions basées sur la pleine conscience. Les stratégies de performance mentale incluent notamment le discours interne, l’entraînement à la relaxation, le biofeedback, la fixation d’objectifs et les routines de performance. Ces interventions, très populaires en psychologie du sport depuis les années 90, s’appuient sur un modèle cognitif comportemental traditionnel, visant le contrôle des pensées, des sensations physiologiques et des comportements pour atteindre les niveaux d’activation, de concentration ou d’anxiétés (Zinsser et al., 2020). Le discours interne stratégique consiste à utiliser des mots-clefs précis ciblant un objectif spécifique, dans ce cas-ci la gestion de l’anxiété (p. ex., détends-toi) (Boudreault et al., 2016). Ces mots-clefs sont déterminés d’avance avec un entraîneur ou un consultant en performance mentale pour stimuler l’état d’activation ou émotionnel souhaité. Quant aux stratégies de relaxation, elles sont souvent utilisées et visent à calmer les manifestations physiologiques trop intenses avant une compétition (Pineschi et DiPietro, 2013). L’entraînement au biofeedback, qui consiste à entraîner l’athlète à contrôler son activation par l’entremise d’un feedback physiologique (p. ex., rythme cardiaque), s’avère une technique populaire en sport pour gérer l’anxiété (Xiang et al., 2018). Ces programmes d’entraînement s’avèrent toutefois généralement dispendieux puisqu’ils nécessitent souvent des technologies pour mesurer l’activité physiologique désirée. Par ailleurs, l’entraînement se faisant principalement en laboratoire ou dans des salles munies du matériel requis, le transfert de ces habiletés aux situations réelles d’entraînement et de compétition est questionné (Crews et al., 2001). Plusieurs stratégies de performance mentale peuvent également être combinées pour développer des routines de performance, destinées à aider l’athlète à garder son attention sur les facteurs déterminants de la performance, plutôt que sur les pensées ou sensations anxieuses (EunKyung et JungTaek, 2016). En bref, il existe différentes habiletés de performance mentale ayant démontré leur efficacité pour gérer l’anxiété compétitive en sport pouvant être enseignées aux athlètes. Le choix devrait être guidé par l’analyse fonctionnelle et les préférences de l’athlète. Ainsi, les interventions permettant à l’athlète de diriger son focus attentionnel à l’extérieur (p. ex., discours interne) pourraient s’avérer particulièrement bénéfiques pour les athlètes qui présentent des préoccupations perfectionnistes et une attention dirigée vers soi. La relaxation et le biofeedback ciblant la régularisation du rythme cardiaque pourraient, quant à elles, s’avérer particulièrement utiles pour calmer les réactions liées à l’hyperactivité du système nerveux central.

Quant à elles, les interventions basées sur la pleine conscience, davantage populaires depuis la fin des années 2000, regroupent la pleine conscience et les programmes d’intervention développés spécifiquement pour le contexte sportif, tel que le Mindfulness-acceptance commitment approach to performance enhancement de Gardner et Moore (2007). Les interventions de pleine conscience sont basées sur un modèle cognitivo-comportemental de 3e vague et visent l’acceptation de l’anxiété et ses manifestations somatiques et cognitives, plutôt que le contrôle de celles-ci. Elles préconisent également une présence attentionnelle consciente et sans jugement dans le moment présent. Dans une étude récente réalisée auprès d’étudiantes-athlètes universitaires, des auteurs ont comparé l’efficacité du programme de pleine conscience spécifique au sport développée par Gardner et Moore, à un groupe contrôle sur la performance sportive et l’anxiété compétitive (mesurée à l’aide du SCAT) (Dehghani et al., 2018). Les auteurs ont observé qu’une meilleure acceptation des émotions observées à la suite de l’intervention est associée à des scores moins élevés d’anxiété et une amélioration significative de la performance. L’efficacité de ces approches pour la gestion de l’anxiété compétitive demeure à être plus solidement démontrée, en raison d’un manque d’étude sur le sujet, comparé à celles sur les stratégies de performance mentale (Noetel et al., 2017). Les stratégies de pleine conscience s’avèrent toutefois très prometteuses pour diminuer les risques d’effondrement associé à une surcharge de l’activité cognitive (Hussey et al., 2020). En effet, contrairement aux habiletés de performance mentale qui requièrent des ressources cognitives pour diminuer des pensées anxieuses ou contrôler des sensations physiologiques, les interventions basées sur la pleine conscience, n’accaparent pas les ressources attentionnelles et visent l’acceptation plutôt que le contrôle.

Une méta-analyse récente concernant l’efficacité des interventions pour gérer l’anxiété compétitive en sport, regroupant 37 études, a conclu que considéré dans leur ensemble, les interventions ciblant l’anxiété compétitive sont efficaces, avec une taille d’effet modérée (g = -0,42) (Ong et Chua, 2020). L’effet demeure robuste malgré l’hétérogénéité des études concernant le devis (groupe contrôle ou non), la mesure de l’anxiété (surtout l’anxiété situationnelle), le sport (équipe ou individuel), la nature de l’intervention (stratégie de performance mentale ou de pleine conscience), le format (individuel ou groupe), et la durée de l’intervention (une seule séance, moins de 4 semaines, 5-6 semaines et 6 semaines et plus). Seule exception, les études effectuées auprès d’athlètes de moins haut niveau (compétitionnant au niveau local) ont montré des tailles d’effet très faibles, suggérant que les interventions sont plus profitables aux athlètes d’élite. Ceci semble suggérer que les athlètes experts ou considérés élites, sont plus enclins à mettre à profit l’utilisation de stratégies pour gérer l’anxiété compétitive. Quel que soit le type d’intervention choisie, pour être efficaces dans les moments décisifs, elles doivent être entraînées par l’athlète dans différents contextes (Zinsser et al., 2020). Lorsque bien entraînées, ces stratégies peuvent aider l’athlète à se sentir mieux préparé et outillé pour gérer l’anxiété compétitive et performer malgré la pression.

CONCLUSION

En conclusion, cette synthèse de la littérature fait état de l’évolution d’une conception curvilinéaire de la relation entre l’anxiété et la performance, à une conceptualisation dynamique et multidimensionnelle du phénomène. L’étendue de la recherche indique que, bien qu’il s’agisse d’une expérience émotionnelle désagréable, l’anxiété compétitive ne nuit pas systématiquement à la performance sportive. Les composantes cognitives de l’anxiété compétitives et le contrôle perçu par l’athlète sont maintenant considérés déterminants pour comprendre son effet sur la performance. Les risques d’effondrement engendrés par la pression de performance en compétition révèlent l’importance de bien connaître la littérature scientifique, et de procéder à une analyse fonctionnelle personnalisée sur laquelle appuyer les interventions de gestion de l’anxiété compétitive. De plus, des facteurs internes comme la peur de l’échec et les préoccupations perfectionnistes, offrent des pistes pour comprendre l’origine des différences observées entre les athlètes dans la manière de réagir à l’anxiété compétitive. L’inventaire d’anxiété à trois dimensions (anxiété cognitive, somatique et autorégulation) révisé par Jones et ses collaborateurs (2019), est un outil prometteur pour améliorer notre compréhension de la relation entre l’anxiété compétitive et la performance sportive. Des liens sont à développer entre ces dimensions et les connaissances disponibles et le phénomène d’effondrement, pour mieux guider les interventions futures visant à outiller les athlètes pour gérer l’anxiété compétitive.