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INTRODUCTION

Le contexte économique actuel est marqué par le départ massif des « baby-boomers » à la retraite. En avril 2014, le Conference Board du Canada réitérait le besoin urgent des entreprises canadiennes d’assurer le développement de ceux qui assureront leur relève (Martin et al., 2014). Conséquemment, les entreprises envoient de plus en plus de candidats vers les firmes spécialisées en psychologie du travail, car elles ont dans leur mandat d’évaluer le potentiel de ces derniers et d’accélérer leur développement professionnel, notamment avec la rétroaction qui s’en suit (Jones et Whitmore, 1995; Kudish, 1996; Moses, 2011; Pease, 2010). L’évaluation de potentiel permet en effet de prédire certains comportements clés pour un poste visé (Silzer et Jeanneret, 2011). Alors que ce processus est bien documenté scientifiquement (Schmidt et Hunter, 1998), très peu d'études portent sur le déroulement de la rétroaction qui est ensuite donnée au candidat (Boudrias et al., 2014). Pourtant, cette rencontre est très importante pour son développement professionnel, car elle permet au candidat de rencontrer le conseiller pour discuter des compétences qu’il possède et de celles qu’il doit améliorer à la lumière des résultats de son évaluation (Moses, 2011).

La rétroaction suivant l’évaluation du potentiel étant très importante pour l’avenir des organisations d’aujourd’hui, il est primordial qu’elle soit efficace pour motiver le candidat à se développer en s’appuyant sur des connaissances scientifiques aussi rigoureuses que l’évaluation qui la précède. En réponse à ce besoin, cet article vise à développer des connaissances sur les modalités d’intervention utilisées lors de cette rétroaction et à mettre au point une opérationnalisation scientifiquement fondée de ces interventions. Étant donné la relative absence de connaissances sur le sujet, une recherche comportant les objectifs suivants a été entreprise. Le premier objectif était d’identifier, à partir de différentes littératures scientifiques et avec l’aide de praticiens en évaluation de potentiel, des interventions pouvant être utilisées dans le contexte de la rétroaction suivant l’évaluation du potentiel. Le second objectif a été de regrouper ces interventions en composantes, selon des ressemblances conceptuelles, afin de formaliser un modèle parcimonieux (classification). Enfin, le troisième objectif visait à créer un questionnaire fidèle et valide, afin d’évaluer les interventions mises en oeuvre par les praticiens lors de la rétroaction en évaluation de potentiel. Une revue documentaire et une étude empirique ont permis d’atteindre ces objectifs et ainsi, proposer une vérification de l’adéquation des regroupements d’interventions du modèle classificatoire et de documenter les propriétés psychométriques de l’instrument de mesure développé.

État de la situation

Pouvant comprendre différentes variantes, l’évaluation de potentiel (ÉP) s’effectue le plus souvent par une évaluation psychométrique de la personnalité, des motivations et des besoins d’un individu, complétée par une entrevue standardisée et par la résolution de cas fictifs de gestion. Elle peut également inclure l’administration de tests cognitifs (Scott et Reynolds, 2010). Une consultation d’ouvrages portant sur le processus d’ÉP (Cartwright et Cooper, 2008; Evers et al., 2005; Goldstein et al., 2017; Kudish, 1996; Meyer, 1998; Plunier, 2012; Plunier et al., 2008; Salgado, 2017) a permis de constater que très peu d’écrits portent sur la rétroaction dans ce contexte. Étant donné la légère documentation portant sur la rétroaction à la suite de l’ÉP, Moye et al. (2017) ont souligné le besoin d’orienter la recherche du domaine sur la manière de donner la rétroaction afin de découvrir ce qui incite les candidats, à entreprendre des actions en lien avec le message qui leur est transmis.

Afin de former une vue d’ensemble des interventions pouvant être utilisées dans ce contexte, une consultation d’ouvrages portant sur les interventions de rétroaction dans des domaines connexes a été effectuée. Ainsi, plusieurs écrits consultés pour cette recherche proviennent de domaines qui partagent des points communs avec l’ÉP et pour lesquels les interventions ont fait l’objet d’études scientifiques. Il s’agit de a) l’évaluation de rendement, b) l’entrevue motivationnelle et c) la psychothérapie.

Recension des écrits dans divers domaines

Les trois domaines touchés par cette recension de la documentation (a, b, c) ont été sélectionnés pour leurs similitudes avec la rétroaction qui suit l’ÉP. Plunier (2012) définit la rétroaction à la suite de l’ÉP comme un échange bidirectionnel entre un conseiller, qui n’est pas en position hiérarchique, et un candidat ayant vécu une ÉP. Le sujet de cette rencontre porte sur les résultats de l’évaluation du candidat, en précisant les forces qui lui seront utiles pour exercer le rôle convoité, ainsi que sur ses attitudes ou comportements moins appropriés dans ce contexte de travail. Ryan, Brutus, Greguras et Hakel (2000) indiquent que cette rétroaction comporte également l’objectif de permettre au candidat de mieux se connaître et d’obtenir des conseils qui lui seront utiles pour l’ensemble de sa carrière. Par ailleurs, la rétroaction dans les autres domaines (a, b, c) se distingue de l’ÉP sur certains plans. Il sera donc important de vérifier que les interventions de rétroaction extraites de ces domaines sont bien utilisées dans un contexte d’ÉP.

Interventions provenant de la rétroaction à la suite de l’évaluation de rendement

Tout comme dans un contexte d’ÉP, la rétroaction à la suite de l’évaluation de performance est définie par Kluger et DeNisi (1996) comme une rencontre entre deux personnes, l’une donnant des résultats d’évaluation à l’autre. Toutefois, ces deux contextes diffèrent par trois principales caractéristiques (Plunier et al., 2008). Premièrement, dans le cas de l’évaluation de performance, la rétroaction est donnée par un supérieur hiérarchique et non par un agent externe de l’organisation, comme c’est le cas quand un candidat se trouve dans une firme de psychologie du travail. Deuxièmement, le contenu de la rétroaction à la suite d’une évaluation de rendement, porte sur la performance de l’individu lorsqu’il effectue les tâches reliées à son emploi, alors que la rétroaction à la suite de l’ÉP, porte sur les compétences de l’individu en tenant compte d’informations qui dépassent celles qui proviennent de son milieu de travail, telles celles fournies par les tests de personnalité ou des simulations de gestion. Troisièmement, ces auteurs rapportent que l’objectif principal de la rétroaction sur le rendement est d’augmenter l’efficacité de l’employé dans son poste actuel, alors que dans un contexte d’ÉP, l’objectif poursuivi est souvent plus large, incluant également des possibilités de développement qui ne sont pas requises pour le poste actuel, mais plutôt discutées dans une perspective de développement de carrière. Notons toutefois que le contenu de l’évaluation de rendement et de ce qui est discuté lors de la rétroaction, peut varier selon les objectifs de cette évaluation et ne se limite donc pas à la performance dans une tâche précise (Dipboye, 2018).

La consultation d’écrits dans le domaine de l’évaluation de rendement a permis de trouver des méta-analyses et des revues systématiques de la littérature portant sur les interventions utilisées dans ce contexte ou sur des éléments, qui permettent de prédire l’acceptation de la rétroaction. Le premier texte consulté est une recension des écrits réalisée en 1979 par Ilgen, Fisher et Taylor, ayant permis de proposer un modèle identifiant les antécédents de la compréhension et de l’acceptation d’une évaluation de sa performance au travail. Ces auteurs expliquent que certaines caractéristiques de la personne qui émet le message, du message lui-même et de la personne le recevant, prédisent sa compréhension et son acceptation. Ils présentent deux caractéristiques du message. Il y a d’abord son aspect informatif sur les comportements évalués, c’est-à-dire qu’il permet à la personne de comprendre si sa performance était conforme aux attentes. La deuxième caractéristique concerne son aspect fonctionnel. Selon les auteurs, le message transmis dans la rétroaction devrait viser à motiver l’employé à performer. Ainsi, le conseiller qui souhaite faire comprendre et accepter son message pourrait utiliser des interventions qui ont une portion informative et une portion motivationnelle.

Pour leur part, Kluger et DeNisi (1996) ont réalisé une méta-analyse sur les interventions de rétroaction à la suite d’une évaluation de rendement, afin d’identifier celles qui sont liées à des changements de comportements positifs chez l’employé. À la lumière de leurs résultats, ils suggèrent que les interventions efficaces dans ce contexte permettent d’identifier ce sur quoi l’employé est performant et ce sur quoi il l’est moins. Ils soulignent alors qu’une intervention doit mettre en évidence un écart entre un comportement visé et le comportement actuel. Selon eux, mettre de l’avant cet écart motivera l’individu à se rapprocher de son but. Les auteurs établissent un parallèle avec la théorie du contrôle (Carver et Scheier, 1981, cité dans Kluger et DeNisi, 1996), selon laquelle les personnes tendent naturellement à réduire les écarts notés entre un comportement et un objectif. Ce type de pratique est aussi cohérent avec la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957). Selon cette théorie, une différence entre la perception qu’une personne a d’elle-même et un message reçu sur elle-même, crée une tension psychologique qui peut se résoudre en opérant un changement. En résumé, les interventions de rétroaction à la suite d’une évaluation de rendement devraient mettre en évidence l’écart entre un objectif professionnel et les comportements actuels.

O’Malley et Gregory (2011) ont écrit un article théorique afin d’outiller les gestionnaires à susciter des émotions positives chez leurs employés lors d’une rétroaction de rendement. Selon leur recension des écrits, lorsque la rétroaction contient des éléments « négatifs », c’est-à-dire des éléments sur lesquels l’employé concerné peut s’améliorer, celui-ci aurait tendance à ne pas percevoir la rétroaction comme étant exacte. Comme exemple, ils présentent l’expérience de Anseel et Lievens (2006) qui a démontré que les individus avaient de la difficulté à accepter la rétroaction négative; ce que O’Malley et Gregory (2011) interprètent comme étant une résistance de l’individu découlant des émotions négatives suscitées lors de la rétroaction. Selon eux, lorsqu’il est question de livrer un message « négatif », il serait avantageux de le faire avec une approche pouvant susciter des émotions positives chez l’employé concerné. Cette approche permettrait à ce dernier de réguler ses émotions et d’être plus attentif au message transmis; ce qui lui permettra ultimement d’utiliser ce message et d’améliorer sa performance.

Finalement, le livre dédié à la rétroaction à la suite de l’évaluation de rendement rédigé par London (2003), met tout son accent sur l’importance d’avoir une rétroaction constructive. L’auteur indique que cette rétroaction doit ainsi transmettre de l’information de manière concrète et compréhensible. En d’autres mots, l’information doit être donnée de manière à pouvoir être utilisée par l’employé. Pour ce faire, le message doit contenir les informations permettant à l’employé de comprendre quels sont les comportements inadéquats et comment il peut faire les choses autrement. Ainsi, de bonnes interventions de rétroaction pourraient contenir des exemples concrets dans lesquels se manifestent les résultats de l’évaluation. Par exemple, elles pourraient porter sur l’identification de comportements qui sont plus ou moins efficaces et qui ont été observés par l’évaluateur.

Interventions provenant de l’entretien motivationnel

Pour sa part, l’entrevue motivationnelle est une approche enseignée aux professionnels de la santé pour discuter avec le patient des améliorations qu’il pourrait apporter à son style de vie, après avoir reçu les résultats d’un bilan de santé (Rollnick et al., 2008). L’entrevue motivationnelle ressemble à la rétroaction à la suite d’une ÉP par ses trois fondements. La collaboration entre le patient et le médecin, qui sont dans un rapport d’égalité lorsqu’ils discutent des comportements néfastes du patient et qu’ils cherchent ensemble des solutions, en est le premier pilier. Le second est l’évocation des objectifs du patient afin de lui montrer comment des changements dans son style de vie peuvent l’aider à mieux les atteindre. Le troisième pilier est le respect de l’autonomie du patient, qui ultimement est la seule personne qui décidera s’il accepte de faire des modifications à ses habitudes de vie. Toutefois, l’entrevue motivationnelle s’inscrit dans une démarche médicale et concerne le style de vie du patient, à la différence de la rétroaction à la suite de l’ÉP qui porte sur les compétences professionnelles du candidat et sur ses comportements au travail. Les enjeux discutés dans le cadre de ces deux contextes sont donc différents; alors qu’une amélioration de la santé du patient est l’objectif visé par l’entrevue motivationnelle, la rétroaction après l’ÉP traite de la sphère professionnelle et peut inclure des enjeux pécuniaires influençant la motivation à l’égard du message (p. ex., obtenir une promotion).

Rollnick et al. (2008), les fondateurs de cette approche, ont rédigé un livre à l’attention des professionnels de la santé souhaitant pratiquer l’entretien motivationnel avec leurs patients. Cet entretien se définit par un « style de conversation collaboratif pour renforcer la motivation propre d’une personne et son engagement vers le changement » (Miller et Rollnick, 2013, p.12). Pour ce faire, quatre principes sont identifiés. Le premier est de ne pas argumenter avec le patient sur « le bon » comportement à adopter. Selon les auteurs, l’argumentation rationnelle ne motivera pas le patient à changer ses mauvaises habitudes de vie. Le second principe consiste à s’intéresser aux valeurs et aux motivations du patient, car ce ne sont que celles-ci qui pourront le mettre sur la voie du changement. Le troisième principe est de faire preuve d’écoute envers le patient, de s’assurer de bien avoir compris ses propos. Le quatrième est de construire le sentiment de confiance du patient en sa capacité à prendre les changements en main. Il doit sentir qu’il a le pouvoir de changer certaines habitudes de vie, de la manière qui lui convient dans son quotidien et que son médecin le soutient dans ses choix.

Dans leur livre de 2013, Miller et Rollnick ajoutent un chapitre traitant de l’esprit dans lequel cet entretien doit être réalisé afin que le patient soit réceptif. Tout d’abord, cet entretien doit se réaliser dans un esprit de partenariat entre deux experts; le premier, expert de la santé et le second, expert de lui-même. Deuxièmement, les auteurs rappellent que les conditions nécessaires au changement proposées par Carl Rogers (expliquées dans la section suivante dédiée à la psychothérapie) doivent également être respectées. Par la suite, ils invitent le professionnel de la santé à faire preuve d’altruisme envers son patient. Par ceci, ils entendent que l’objectif du changement visé par l’entretien est la promotion du bien-être du patient et rien d’autre. Enfin, ils précisent que l’évocation consiste à faire parler le patient sur ses propres ressources pour accomplir le changement.

Interventions provenant de la psychothérapie

La psychothérapie et certains contextes de relation d’aide comme le coaching comptent également des ressemblances avec le contexte de rétroaction à la suite de l’ÉP. La rétroaction dans ces contextes survient entre deux personnes dans un cadre privé et confidentiel (Feltham et Palmer, 2015) et se réalise par l’application de principes de la relation d’aide par des spécialistes qualifiés (Filz et Lyzak, 2012; Kendell et Zealley, 1993). Toutefois, il existe quelques différences entre la relation d’aide et la rétroaction après l’ÉP. Premièrement, la psychothérapie, comme le coaching, s’échelonne sur quelques semaines, voire quelques mois, alors que la rencontre de rétroaction en évaluation du potentiel est ponctuelle (Moses, 2011). Deuxièmement, dans le cas de la psychothérapie, le sujet de la discussion n’est pas nécessairement professionnel et peut toucher des aspects cliniques ou pathologiques, alors que la rétroaction à la suite de l’ÉP porte sur une évaluation non clinique de l’individu (Foucher et Leduc, 2001). Finalement, l’objectif n’est pas le même non plus, la psychothérapie étant ouverte à tous les aspects de la vie du client, alors que la rétroaction après l’ÉP ne se concentre que sur les aspects professionnels chez l’individu (Foucher et Leduc, 2001).

Malgré la diversité des approches dans ce domaine, Bordin (1979) soutient que l’alliance thérapeutique serait la base commune de tout type de psychothérapie. L’alliance thérapeutique est définie comme un consensus sur les objectifs thérapeutiques et sur les tâches à accomplir pendant l’intervention, ainsi que par le développement de liens significatifs entre le thérapeute et le client. Selon Horwitz (1974), l’alliance thérapeutique serait nécessaire au changement chez l’individu, opinion aujourd’hui soutenue par une méta-analyse réalisée avec plus de 200 recherches, incluant 14 000 traitements, démontrant que l’alliance thérapeutique prédit un résultat positif de la psychothérapie (Horvath et al., 2011). Pour sa part, Rogers (1965) indique qu’il existe trois éléments essentiels dans la relation thérapeutique pour que le client soit en mesure de changer : la congruence, le regard positif inconditionnel et l'empathie. La congruence réfère à l’accord entre les pensées, les sentiments et les comportements du conseiller. Cet accord permet au client de percevoir que le professionnel est authentique et confortable avec lui (Sommers-Flanagan et Sommers-Flanagan, 2009). Pour sa part, le regard positif inconditionnel du thérapeute montre au client qu'il est accepté sans condition à ses valeurs, à ses sentiments ou à l'expression de ceux-ci. Ainsi, le client peut se sentir suffisamment en confiance pour explorer ses insécurités et ses faiblesses avec le thérapeute (Rogers, 1961). Finalement, l'empathie est la capacité à saisir les nuances et la complexité de l’expérience de l’autre personne (Rogers, 1975). Elle se révèle être un moyen d'aider le client à se regarder afin d’explorer sa situation (Egan et Forest, 1987).

Interventions provenant de la rétroaction à la suite de l’ÉP

Bien que peu volumineuse, il existe une littérature spécifique au domaine de l’ÉP. Dans leur recension des écrits, Plunier et al. (2008) ont identifié des éléments qui favoriseraient l’appropriation de la rétroaction dans ce contexte. Les auteurs ont identifié quatre caractéristiques propres au message qui sont reliées positivement à l’appropriation de la rétroaction par le candidat. Il s’agit de l’utilisation d’exemples pour appuyer ses propos, de la formulation d’un contenu mettant en valeur les aspects positifs, de la focalisation de la rétroaction sur des aspects modifiables chez le candidat, puis du fait qu’il y ait une concordance entre la perception du conseiller et du candidat de la performance de ce dernier au processus d’évaluation du potentiel.

Par ailleurs, dans un livre portant sur les bonnes pratiques en ÉP, Meyer (1998) a rédigé un chapitre dédié à la rétroaction. Pour l’auteur, la compréhension est au coeur du processus de changement. La personne doit comprendre les résultats de son évaluation et comment ceux-ci se traduisent en termes concrets dans l’exercice de son rôle professionnel. Ainsi, Meyer encourage le conseiller à expliquer les résultats obtenus au candidat et comment ces derniers se concrétisent en emploi. Il souligne également que le candidat pourra construire sur les informations données par le conseiller pour augmenter la compréhension commune des résultats. Finalement, il recommande que la séance de rétroaction soit suivie de l’élaboration d’un plan de développement, décrivant de manière précise, les nouveaux comportements attendus et indiquant où le candidat peut aller chercher de l’information, et où il peut aller se former, pour les développer.

Classification des interventions

Cette recension a permis d’identifier des interventions utilisées dans plusieurs contextes s’approchant de l’ÉP. Il est possible de constater des similitudes dans les concepts recensés et celles-ci ont servi d’ancrage à la création d’une classification permettant d’identifier des interventions distinctes et de les intégrer dans des familles plus englobantes, nommées modalités d’intervention. Le fait de faire cette classification permet de circonscrire un nombre limité d’interventions et de se doter d’un modèle initial, pour investiguer la pertinence et l’utilisation de celles-ci dans le contexte de l’évaluation du potentiel. Aussi, elle permet de définir des construits de départ, qui pourront être examinés à la lumière de données empiriques.

L’identification et la classification des interventions de rétroaction reposent sur deux logiques. Il y a d’abord les objectifs ciblés par les interventions, ce qui compose les modalités d’intervention. Il y a ensuite les moyens utilisés pour atteindre les objectifs, ce qui compose les interventions comme telles (composantes). Les trois modalités d’intervention et six interventions sont présentées au Tableau 1 et leur définition est proposée à la prochaine section.

Modalité d’intervention orientée vers la compréhension de la rétroaction

La modalité d’intervention orientée vers la compréhension de la rétroaction est définie par les actions que le conseiller prend pour s’assurer que le candidat comprenne les résultats de son ÉP. Une composante a été identifiée.

Interventions axées sur les explications. En guise de définition, il s’agit d’un ensemble d’interventions utilisées pour expliquer au candidat les résultats de son évaluation du potentiel et pour faire des liens avec ses comportements et expériences au travail. Par exemple, le conseiller pourrait expliquer au candidat ses scores aux différentes compétences évaluées et ce que cela signifie. Il pourrait également demander au candidat s’il peut faire des liens entre les éléments de la rétroaction et la manière avec laquelle il se comporte au travail, et ce faisant, renforcer les liens pertinents à la compréhension du message.

Tableau 1

Les six interventions pour donner une rétroaction à la suite d’une évaluation de potentiel

Les six interventions pour donner une rétroaction à la suite d’une évaluation de potentiel

Tableau 1 (continuation)

Les six interventions pour donner une rétroaction à la suite d’une évaluation de potentiel

Tableau 1 (continuation)

Les six interventions pour donner une rétroaction à la suite d’une évaluation de potentiel

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Modalité d’intervention orientée vers la relation

La modalité d’intervention orientée vers la relation est définie par les comportements et attitudes du conseiller, qui visent à mettre en place une relation positive et sécuritaire avec le candidat. Ces comportements et attitudes se regroupent en deux composantes : les interventions axées sur les émotions et les interventions axées sur la relation d’aide.

Interventions axées sur les émotions. Ces interventions se définissent par les moyens pris par le conseiller afin de réduire l’expérience d’émotions négatives et d’augmenter l’expérience d’émotions positives pendant la rétroaction. Ainsi, le conseiller peut détendre l’atmosphère en abordant les éléments d’évaluation de manière positive et rassurer le candidat sur sa confiance en sa capacité à mettre en oeuvre les comportements discutés pendant la rétroaction.

Interventions axées sur la relation d'aide. Dans un contexte de rétroaction après l’ÉP, ces interventions se définissent par une approche qui met en place des conditions essentielles pour permettre au candidat d’explorer le changement sans se sentir jugé ou menacé, et d’établir la relation de confiance avec le conseiller. Ces interventions réfèrent aux trois conditions essentielles au changement élaborées par Rogers (1965; la congruence, le regard positif inconditionnel et l'empathie). Pour les mettre en oeuvre, le conseiller devrait se montrer empathique à l’égard du candidat en lui faisant sentir qu’il le comprend. Il devrait également montrer qu’il est honnête avec lui et qu’il le valorise tel qu’il est. Ces conditions se rapprochent également des éléments qui favorisent l’alliance thérapeutique décrite par Bordin (1979).

Modalité d’intervention orientée vers le changement

La modalité d’intervention orientée vers le changement est définie par différents propos que le conseiller peut tenir avec le candidat, dans l’objectif de le motiver à changer des attitudes ou des comportements dans sa sphère professionnelle. Ces propos se divisent en trois composantes : les interventions axées sur les besoins du candidat, les interventions axées sur les écarts d’évaluation et les interventions axées sur les pistes de développement.

Interventions axées sur les besoins du candidat. Les interventions de cette composante impliquent que les besoins du candidat peuvent être une source de motivation au changement. Étant conçus dans la même perspective que les objectifs de vie des patients rencontrés dans le cadre d’un entretien motivationnel (Rollnick et al., 2008), les besoins font référence aux objectifs professionnels du candidat, c’est-à-dire à ce qu’il a envie d’accomplir à court, moyen et long terme. Ainsi, le conseiller qui les comprend peut lui indiquer dans quelle mesure des comportements inadéquats peuvent nuire à leur satisfaction. Dans la même veine, le conseiller peut également illustrer la conséquence positive que pourraient causer des changements comportementaux. Ces interventions sont définies par l’identification des aspects qui peuvent nuire à la réalisation des besoins professionnels du candidat et de ceux qui peuvent l’en rapprocher.

Interventions axées sur les écarts d’évaluation. Cette composante est définie par les propos du conseiller qui permettent de mettre en évidence des écarts, afin de les explorer et de motiver l’individu à changer certains comportements. Ces interventions peuvent mettre en évidence différents types d’écarts. Il peut s’agir de la différence entre les objectifs de carrière du candidat et ses comportements au travail, l’écart entre son auto-évaluation et ses résultats à l’ÉP, ou encore, celui entre le profil du candidat et les compétences requises pour le poste ciblé.

Interventions axées sur les pistes de développement. Ces interventions sont définies par une discussion sur les étapes à suivre pour que le candidat puisse changer certains comportements de manière durable. Elles permettent d’identifier des objectifs de développement précis et de nouveaux comportements à mettre en place au travail. Par la suite, le conseiller et le candidat peuvent explorer quels sont les moyens à la portée du candidat pour apprendre ces nouveaux comportements et pour l’aider à les mettre en action. Finalement, ils explorent ensemble quels sont les obstacles prévisibles à l’implantation de ces nouveaux comportements et des stratégies pour les contourner.

Les différentes interventions ainsi catégorisées proviennent de contextes (évaluation de rendement, entrevue motivationnelle, psychothérapie) qui se distinguent de la rencontre de rétroaction à la suite de l’ÉP. C’est pourquoi la transposition des connaissances découlant de cette documentation ne peut être tenue pour acquise et nécessite d’être vérifiée en contexte d’ÉP. Pour ce faire, la portion empirique qui suit a été réalisée avec l’objectif d’élaborer un questionnaire mesurant ces différentes interventions et à vérifier qu’elles se regroupent bien selon cette classification. Notre hypothèse est qu’il sera possible, en contexte d’ÉP, d’observer six composantes distinctes, les interventions, s’inscrivant dans les trois modalités d’intervention identifiées ci-dessus.

MÉTHODE

Une fois les interventions identifiées et classées, un questionnaire a été élaboré afin de vérifier l’existence du modèle en six composantes distinctes. La stratégie utilisée pour le développement du questionnaire visait à confronter les savoirs issus de la littérature, aux savoirs des praticiens issus du domaine. Cela a permis de s’assurer que chaque intervention mesurée dans le questionnaire était réellement utilisée dans un contexte d’ÉP, que chaque item concernait une action qui a réellement lieu dans cette rencontre, puis que l’ensemble des stratégies utilisées par les conseillers étaient captées par les items du questionnaire. Ainsi, des énoncés ont été élaborés à partir des concepts ressortis dans la recension précédente, puis des conseillers en ÉP ont contribué à la sélection des énoncés utilisés pour créer un questionnaire concis et exhaustif. L’hypothèse émise quant à l’existence des six composantes d’interventions sera vérifiée par analyse exploratoire, où seront attendues, six composantes présentant un indice de consistance interne acceptable. Cette étude a été approuvée par le comité d’éthique de la recherche de l’institution universitaire des chercheurs.

Participants

Les 18 conseillers ayant accepté de participer à l’étude travaillent dans une firme d’ÉP québécoise. Certains travaillent à Montréal (2 hommes et 5 femmes) et d’autres travaillent pour le regroupement des bureaux couvrant l’est du Québec (3 hommes et 8 femmes). Tous les conseillers faisant de l’ÉP ont été informés de l’étude et ont accepté d’y participer. Ces derniers ont signé un formulaire de consentement et ont été impliqués dès le début de la création du questionnaire, tel que décrit à la section suivante.

Élaboration du questionnaire

L’élaboration de l’instrument de mesure a été réalisée par les auteurs de cet article en collaboration avec des conseillers en évaluation du potentiel. Suivant les concepts relevés dans la recension des écrits, les chercheurs ont généré un bassin de 83 énoncés couvrant les six composantes d’intervention, qu’ils ont soumis aux participants, afin de vérifier si chacun était pertinent au contexte de rétroaction à la suite de l’ÉP. Les objectifs à ce moment-ci, étaient de générer un bassin d’items le plus diversifié possible, puis de déterminer les frontières des contenus pertinents, en faisant un premier élagage dans les pratiques recensées. La consigne était d’indiquer le degré de pertinence de chaque énoncé selon l’échelle « non pertinent, au besoin, très pertinent » et de laisser un commentaire s’ils souhaitaient nous communiquer davantage d’informations sur leur réaction par rapport à l’énoncé.

Tous les énoncés qui ont été classés non pertinents par 50 % des conseillers ou plus, ce qui a été le cas de 34 d’entre eux, ont été éliminés. Les énoncés les plus touchés par cette élimination ont été ceux visant la création de l’alliance de travail (Bordin, 1979). Les conseillers jugeaient que l’entente sur les objectifs et les tâches de la rétroaction était considérée comme sous-entendu à la démarche de rétroaction et n’avaient pas besoin d’être discutés avec le candidat. Un autre exemple concerne certains énoncés qui avaient une connotation d’ordre clinique ou pathologique; les conseillers notaient que le contenu de ces énoncés était trop éloigné de leur mission. Parmi les 49 énoncés conservés, plusieurs ont été fusionnés sur la base de similitudes et clarifiés sur la base de commentaires des conseillers pour créer un seul item concis. Par exemple, « J’ai confirmé / renforcé / accentué les forces du candidat » et « Valoriser le candidat et se montrer amical » sont devenus « J’ai mis en valeur les forces du candidat ». L’objectif étant de construire un questionnaire destiné à être rempli par des conseillers en évaluation du potentiel, 25 énoncés ont été conservés. Il fallait un instrument suffisamment court pour qu’il soit possible à utiliser dans le cadre des activités régulières des praticiens.

Une première version du questionnaire a été présentée à un groupe de travail composé de 8 conseillers de l’équipe. Deux objectifs ont été poursuivis pendant la rencontre : le premier était de s’assurer que chaque item était clairement formulé et compris de la même façon par tous. Le second était de s’assurer que l’ensemble de leurs interventions, pour donner une rétroaction, se retrouvait dans ce questionnaire. Pour atteindre le premier objectif, chaque item était lu et expliqué par les chercheurs. Cette lecture pouvait être suivie par une discussion avec les conseillers, si l’un d’entre eux jugeait que la formulation de l’item n’était pas claire ou qu’elle méritait d’être nuancée. Pour atteindre le deuxième objectif, les conseillers ont été invités à indiquer si des interventions qu’ils utilisent manquaient dans les énoncés présentés. Ils ont eu la possibilité de se prononcer pendant la rencontre du groupe de travail et pouvaient joindre les chercheurs par courriel après la rencontre, s’ils pensaient à des éléments manquants dans les deux semaines suivantes. Après cette rencontre, certains items ont été reformulés, mais le nombre est resté à 25. Le format de réponse du questionnaire correspond à une échelle de 5 ancres (1 = Je ne l’ai pas fait, 5 = Je l’ai fait souvent). Les items sont présentés au Tableau 2.

Tableau 2

Première classification des items du questionnaire

Première classification des items du questionnaire

Tableau 2 (continuation)

Première classification des items du questionnaire

Légende : Co = Compréhension, Re = Relationnelle, Ch = Changement, Ex = Explications, RA = Relation d’aide, ÉP = Émotions positives, Be= Besoins, Ec = Écarts, PD = Plan de développement. *Les deux items avec un astérisque ont été supprimés du questionnaire final.

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Validation du questionnaire

L’étude de validation permettant de vérifier la structure factorielle du questionnaire s’est déroulée de janvier 2015 à juin 2018. Après chaque rétroaction donnée à un candidat, les conseillers remplissaient le questionnaire et le déposaient dans une boîte cadenassée. Au total, 254 questionnaires ont été remplis par les conseillers. Les conseillers ont ainsi rempli entre 1 et 33 questionnaires, avec une moyenne de 12 questionnaires par conseillers. Ces rétroactions ont été données suivant des évaluations du potentiel qui avaient pour objet la dotation (84 % des cas) et le développement professionnel (16 % des cas).

Analyses

Afin d’examiner la structure factorielle du questionnaire mesurant les interventions, une analyse par composantes principales avec rotation oblique (oblimin) a été réalisée. La capacité des items à se prêter à l’analyse factorielle a été évaluée à l’aide du coefficient Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) qui devrait être supérieur à 0,80, indiquant à quel point les corrélations entre les items sont importantes et permettent de faire des facteurs distincts les uns des autres (Hutcheson et Sofroniou, 1999). Elle a également été vérifiée par une étude de la variance partagée entre chaque item avec les autres, représentée par les communautés (Field, 2009). Selon cet auteur, les indices de communautés devraient se trouver entre 0,30 et 0,80. Le nombre de facteurs mesurés par le questionnaire a été déterminé à l’aide du critère de Kaiser, pour lequel la valeur associée à chaque composante doit dépasser le nombre 1,00 (Tabachnick & Fidell, 2013). Ensuite, la structure obtenue a permis de réaliser une étude des items en observant la valeur de leur saturation sur leur facteur ainsi que sur les autres facteurs. Comrey et Lee (1992) indiquent que les saturations de 0,71 et plus sont excellentes, celles de 0,63 et plus sont très bonnes, celles de 0,55 et plus sont bonnes, celles de 0,45 et plus sont acceptables et que celles de 0,32 et plus sont faibles. La dernière étape a consisté à vérifier les alphas de Cronbach des facteurs identifiés. La consistance interne d’un instrument utilisé pour prendre des décisions importantes (comme dans un contexte clinique) ne devrait pas être en deçà de 0,90 (Hogan, 2015; Nunnally et Bernstein, 1994). Le consensus est moins clair pour un instrument utilisé en recherche. Selon Kaplan et Saccuzzo (2017), la consistance interne ne devrait alors pas se trouver en deçà de 0,70, alors que Hogan (2015) indique qu’un instrument ayant des coefficients de fidélité se trouvant entre 0,60 et 0,69 peut être utilisé en recherche; même si son utilisation est déconseillée pour prendre des décisions dans le cadre d’une pratique professionnelle. Comme cette étude présente une première élaboration d’un instrument portant sur des interventions de rétroaction qui n’ont jamais été étudiées antérieurement, la limite inférieure de 0,60 a été utilisée pour juger de la consistance interne des composantes identifiées et pour vérifier si des items problématiques devaient être supprimés du questionnaire.

RÉSULTATS

Nombre de facteurs initial

Tel qu’indiqué au Tableau 3, l’analyse par composantes principales révèle un KMO de 0,85, des communautés plus grandes que 0,30 et plus petites que 0,80 pour l’ensemble des items et indique que six composantes présentent un facteur de Kaiser plus grand que 1. Cette solution explique 60% de la variance du questionnaire. L’étude des six regroupements montre des saturations à plus de 0,40 pour tous les items constituant un facteur. Cinq items présentent des saturations croisées plus grandes que 0,32, mais un seul d’entre eux en présente une près du seuil suivant de 0,45 (Comrey et Lee, 1992). Il s’agit de l’item 3, qui sature à 0,44 sur un deuxième facteur. Les alphas de cronbach des six facteurs sont respectivement 0,84, 0,63, 0,76, 0,76, 0,62, 0,55. Une analyse par composante principale sans l’item 3 a été réalisée.

Analyses de la solution factorielle sans l’item 3

Dans cette nouvelle analyse, un KMO de 0,85 est trouvé, avec des communautés plus grandes que 0,30 et plus petites que 0,80 pour l’ensemble des items. Six composantes présentent toujours un facteur de Kaiser plus grand que 1 et cette solution explique 61% de la variance du questionnaire. Les six facteurs sont composés d’items qui présentent des saturations à plus de 0,39. L’étude des items indique que l’item 9 a changé de facteur, et que six items présentent des saturations croisées à 0,32 et plus. Encore une fois, un seul item présente une saturation croisée qui se rapproche du seuil suivant de 0,45 (Comrey et Lee, 1992), soit l’item 23 qui montre une saturation de 0,43 sur un autre facteur. Les alphas de cronbach des six facteurs sont respectivement 0,84, 0,63, 0,73, 0,62, 0,76, 0,68. Une analyse par composante principale sans l’item 23 est réalisée.

Analyses de la solution factorielle sans les items 3 et 23

Cette fois-ci, un KMO de 0,84 est trouvé, avec des communautés plus grandes que 0,30 et plus petites que 0,80 pour l’ensemble des items. Six composantes présentent toujours un facteur de Kaiser plus grand que 1 et cette solution explique 61 % de la variance du questionnaire. Les six regroupements montrent des saturations à plus de 0,36 pour tous les items les constituants. L’étude des items indique qu’aucun item n’a changé de facteur et que cinq items présentent des saturations croisées à 0,32 et plus, la plus élevée étant de 0,36. Les alphas de cronbach des six facteurs sont respectivement 0,84, 0,76, 0,65, 0,62, 0,63, 0,68. Cette solution est retenue.

Tableau 3

Résumé des solutions factorielles considérées

Résumé des solutions factorielles considérées

Légende : SP = Saturation principale, SC = Saturations croisées

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Analyses des dimensions ayant émergé de l’analyse factorielle

La validité de construit des interventions de rétroaction est examinée au Tableau 4. Dans un premier temps, la structure en six facteurs correspond à la division attendue pour les composantes. Un examen plus approfondi de la distribution des items est réalisé. Chaque facteur est composé d’items provenant de deux modalités d’intervention, mais toujours avec la prédominance d’une modalité d’intervention sur l’autre. En ce qui concerne les composantes, les regroupements attendus ne sont pas toujours observés. Par contre, la lecture des items permet d’identifier un thème commun pour chaque regroupement.

DISCUSSION

À partir d’écrits provenant de différents domaines d’intervention connexes à l’ÉP et d’indications de praticiens du domaine de l’ÉP, l’outil de mesure développé visait à permettre l’opérationnalisation des pratiques de rétroaction utilisées en ÉP. À cette fin, un modèle classificatoire de départ a été proposé. L’identification et la classification des interventions utilisées dans une rétroaction, à la suite de l’ÉP, pouvaient se faire de deux manières. D’abord, elles pouvaient reposer sur les modalités d’intervention, fondées sur la base d’objectifs ciblés par la rétroaction, c’est-à-dire la compréhension des résultats, la création d’une relation et l’incitation à un ou plusieurs changements chez le candidat. Ensuite, elles pouvaient s’appuyer sur la base des actions posées par le conseiller au sein d’une composante, c’est-à-dire expliquer les résultats, se comporter de manière congruente, empathique, avec un regard positif, susciter des émotions positives, parler des besoins du candidat, des écarts d’évaluation ou discuter de pistes de développement. En appuyant une structure en six composantes, les résultats de cette étude suggèrent que ce sont les actions posées par le conseiller qui déterminent les regroupements.

Tableau 4

Propriétés de l’analyse factorielle exploratoire de la solution retenue

Propriétés de l’analyse factorielle exploratoire de la solution retenue

Tableau 4 (continuation)

Propriétés de l’analyse factorielle exploratoire de la solution retenue

Légende : M-I : Modalité d’intervention, I : Intervention, M : Moyenne, É-T : Écart-type, F : Facteur, Co = Compréhension, Re = Relationnelle, Ch = Changement, Ex = Explications, RA = Relation d’aide, ÉP = Émotions positives, Be= Besoins, Ec = Écarts, PD = Plan de

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Toutes les dimensions identifiées présentent un alpha de Cronbach qui dépasse le seuil minimum de 0,60 présenté par Hogan (2015), seuil utilisé dans cet article étant donné la nouveauté des phénomènes à l’étude. Notons néanmoins que quatre d’entre elles présentent un coefficient de fidélité en deçà du seuil minimum de 0,70 proposé par Kaplan et Saccuzzo (2017). Aussi, les résultats obtenus dans cette étude ne reflètent pas exactement la classification des interventions anticipées selon le modèle théorique (Tableau 1).

Ces résultats étaient envisageables puisqu’il n’y avait point de modèle théorique établi dans la littérature pour servir de base à l’élaboration du questionnaire. En effet, cet instrument de mesure a été élaboré d’abord à partir d’une documentation portant sur la psychothérapie, l’entrevue motivationnelle et la rétroaction dans le cadre d’une évaluation de performance, qui sont des domaines différents du contexte de l’ÉP. Ainsi, les définitions des interventions à l’étude sont nouvelles et les énoncés ayant servi à l’élaboration du questionnaire ont été formulés à partir des concepts recensés dans les domaines connexes, plutôt qu’avec une littérature étoffée en ÉP. Malgré l’apport des conseillers en ÉP dans l’élaboration du questionnaire, il était probable que l’erreur de mesure des items soit considérable, ce qui affecte vers le bas les corrélations interitems et ainsi les alphas de Cronbach. De plus, chaque dimension est mesurée par trois à six items, ce qui peut également réduire l’alpha de Cronbach.Ceci étant dit, un examen plus approfondi des résultats révèle des regroupements intéressants, qui peuvent maintenant servir de base pour des études futures visant à raffiner le questionnaire.

Interprétation des facteurs

La structure finale retient donc les interventions axées sur les explications, sur les émotions positives, sur la relation, sur les besoins du candidat et sur les pistes de développement. Les interventions axées sur les écarts n’ont pas été retenues. D’ailleurs, les trois items initialement formulés pour cette composante sont dispersés dans les facteurs 1, 4 et 6, puis présentent des similitudes sémantiques avec les autres items qui s’y trouvent. Un des six regroupements d’items semble davantage concerner l’utilisation d’exemples concrets pour présenter les résultats de l’ÉP. Cela incite à croire qu’il y aurait cette action réalisée par les conseillers et mesurée par cet instrument, qui n’a pas été identifiée lors de la recension des écrits effectuée. Les paragraphes suivants décrivent le raisonnement derrière la structure finale.

Les interventions axées sur les explications devraient permettre au candidat de comprendre les éléments de la rétroaction qu’il reçoit. La définition proposée ci-haut indiquait que le conseiller peut parler des scores aux différentes compétences évaluées, en expliquer le sens et demander au candidat de faire des liens avec ses comportements au travail. Le sixième facteur présente des items qui se rapprochent de cette définition, mais qui y proposent certaines modifications. D’abord, deux d’entre eux avaient été rédigés pour vérifier si le candidat a bien compris les résultats de l’évaluation et si le conseiller a bien compris les propos du candidat. Pour sa part, l’item 9 (Je suis parti des attentes de développement du candidat (poste actuel ou futur) pour transmettre les résultats de l'évaluation) semble plutôt proposer une stratégie de communication des résultats. Le sixième facteur permettrait donc de mesurer des interventions axées sur les explications et celles-ci seraient définies par une transmission des résultats à partir de la compréhension que le candidat s’est faite du poste pour lequel il a été évalué, et une vérification du niveau de compréhension entre les deux interlocuteurs. La consistance interne de ce facteur (0,68) dépasse le seuil minimal fixé à 0,60 dans le cadre de cette recherche.

Les interventions axées sur les émotions sont définies ci-haut par la tentative de faire vivre des émotions positives au candidat, que ce soit en détendant l’atmosphère, en ayant un discours positif ou en rassurant le candidat sur sa capacité à se développer. Le deuxième facteur présente trois items qui semblent mesurer une bonne partie de cette définition. Pour sa part, l’item 7 (J'ai été réellement empathique face aux émotions / réactions du candidat) fait plutôt référence à la réaction du conseiller vis-à-vis les émotions du candidat, qui se montre alors réceptif et acceptant. En se basant sur la formulation des quatre items, les interventions visant à faire vivre des émotions positives au candidat seraient définies par un discours positif et bienveillant du conseiller, qui rassurerait le candidat sur sa capacité à se développer. La consistance interne de ce facteur (0,76) est satisfaisante (Hogan, 2015; Kaplan et Saccuzzo, 2017), indiquant que ces interventions se manifestent de manière relativement stable dans les réponses fournies aux items de ce facteur.

Les interventions axées sur la relation d’aide sont basées sur les trois conditions élaborées par Rogers (1965) et qui sont essentielles au changement dans le cadre d’une thérapie, c’est-à-dire l’empathie, le regard positif inconditionnel et l’état de congruence. Dans un contexte de rétroaction à la suite de l’ÉP, cela implique que le conseiller devrait faire sentir au candidat qu’il est honnête avec lui, qu’il le comprend et le valorise tel qu’il est. Le troisième facteur serait composé des items mesurant ces interventions. L’item 11 (J’ai détendu l’atmosphère pour que le candidat se sente à l'aise) mesurerait l’empathie du conseiller qui se met à la place du candidat et qui souhaite le mettre à l’aise. L’item 4 (J’ai été authentique avec le candidat, c'est-à-dire que je lui ai réellement communiqué ce que je percevais) mesurerait l’authenticité, tel que prévu initialement. Finalement, les items 10 (J’ai encouragé le candidat à élaborer sur son expérience vécue tout au long du feedback (p.ex. est-ce que ça fait du sens?)) et 19 (J’ai mis en évidence les concordances entre le profil du candidat et les compétences requises pour le poste/rôle ciblé) mesureraient plutôt l’acceptation et la valorisation du candidat tel qu’il est. La consistance interne de ce facteur (0,65) dépasse le seuil minimum de 0,60 choisi pour cette recherche.

Les interventions axées sur les écarts d’évaluation devaient permettre au candidat d’explorer certaines différences, par exemple entre ses objectifs de carrière et ses comportements au travail, entre son auto-évaluation et ses résultats à l’ÉP ou encore celui entre son profil et les compétences requises pour le poste ciblé. Ceci pourrait ainsi l’inciter à vouloir effectuer quelques changements une fois de retour au travail. Les items du cinquième facteur ont tous été formulés pour mesurer ces interventions et se sont regroupés ensemble dans un seul facteur. L’indice de consistance interne du facteur (0,63) frôle le seuil minimum toléré en recherche (Hogan, 2015), indiquant qu’il serait éventuellement pertinent de réviser les items utilisés pour mesurer ces interventions et d’en créer de nouveaux.

Les interventions axées sur les pistes de développement ont été définies par l’identification d’objectifs de développement et de nouveaux comportements à mettre en place au travail, puis de moyens favorisant l’apprentissage de ces nouveaux comportements ou qui permettent de contourner les obstacles prévisibles à leur implantation. Cinq des six items du premier facteur semblent mesurer les éléments de cette définition. Toutefois, l’item 18 (J’ai mis en évidence les concordances entre les objectifs du candidat et ses actions professionnelles) ajouterait une nuance en indiquant que les conseillers qui discutent d’un plan de développement avec leurs candidats mettraient aussi de l’avant les concordances entre les objectifs du candidat et ses actions au travail. Cet élément compléterait la définition des interventions axées sur l’élaboration de pistes de développement en indiquant que ce plan comporte également une portion sur le renforcement des comportements positifs du candidat. Finalement, ce facteur présente l’indice de cohérence interne qui est le plus élevé de l’instrument (0,84), indiquant que ses items semblent mesurer un construit psychologique de manière homogène.

Composé d’items élaborés pour trois modalités d’intervention distinctes, le quatrième facteur est présenté en dernier, car il ne semble pas mesurer une des composantes préalablement identifiées. La formulation des items qui s’y regroupent met en lumière des interventions qui contextualisent les résultats du candidat dans son environnement immédiat. Un parallèle pourrait alors être fait avec le modèle métacognitif de Petty, Briñol et DeMarree (2007). Selon ces auteurs, la métacognition permettrait aux personnes de contextualiser leurs croyances quant à un objet pour y apporter des nuances et même changer d’attitude envers celui-ci. Par exemple, un candidat pourrait croire qu’une façon d’agir avec ses collègues est efficace, alors que le conseiller lui permettrait de voir que ce n’est pas toujours le cas, dépendamment du contexte ou du collègue. Un autre exemple pourrait concerner la tentative du conseiller d’influencer la perception qu’a un candidat quant à son incapacité à émettre un comportement cible. Ainsi, les interventions axées sur les exemples concrets pourraient indiquer une tentative du conseiller d’influencer la métacognition du candidat, c’est-à-dire de modifier ses croyances à l’égard de ses comportements ou d’obstacles dans son milieu de travail, afin de l’encourager à se développer. Finalement, l’indice de consistance interne de ce facteur (0,62) dépasse le seuil minimum choisi pour cette recherche, tout en étant le plus faible comparativement aux autres composantes.

CONCLUSION

Les objectifs de cette étude étaient d’abord d’identifier et de classer des interventions pour donner une rétroaction à la suite de l’ÉP, puis d’élaborer un instrument permettant de les mesurer.

Cinq des six composantes d’intervention proposées ont été identifiées dans les six facteurs retrouvés et une nouvelle composante a été identifiée. Cette étude a également permis d’élaborer un questionnaire qui mesure ces six interventions de rétroaction utilisées dans un contexte d’ÉP. Son utilisation actuelle permettra d’approfondir nos connaissances sur ce type de rétroaction et de développer un nouveau pan de recherche en psychologie du travail. Il sera possible, par exemple, de vérifier si certaines interventions sont plus efficaces que d’autres pour amener le candidat à changer ses perceptions quant à ses comportements au travail, à développer certaines compétences et à progresser ainsi plus rapidement dans sa carrière.

Toutefois, cette étude n’est pas sans limites. Bien que toutes les dimensions identifiées présentent un alpha de Cronbach supérieur à la limite proposée par Hogan (2015), certaines n’atteignent pas la consistance interne minimale recommandée en recherche de (Kaplan et Saccuzzo, 2017). Cette plus faible cohérence interne signifie que l'instrument mesure une quantité d’erreurs non négligeable. Le fait que les définitions finales des construits aient été faites sur la base des regroupements empiriques des items du questionnaire et non l’inverse peut constituer une source d’erreur. Cette faible consistance interne aura pour effet de diminuer la puissance statistique des analyses qui seront ultérieurement réalisées sur les données récoltées avec l’outil (DeVillis, 2017; Hogan, 2017). En d’autres mots, ceci peut entraîner une sous-estimation des coefficients qui seront trouvés dans les analyses subséquentes portant sur les relations entre les interventions de rétroaction et d’autres variables. Cette faible fidélité atténue également la validité de l’outil. De plus, les regroupements d’items ne correspondent pas toujours à ce qui était attendu.

Ce questionnaire est donc recommandé pour une utilisation en recherche. Il pourrait d’ailleurs faire l’objet d‘études visant la poursuite de son développement, notamment en bonifiant le nombre d’items et en s’assurant d’orienter ceux-ci à partir des regroupements qui ont émergé de l’analyse factorielle. La réalisation de ces deux étapes augmenterait la probabilité d’obtenir une meilleure cohérence interne pour chaque intervention de rétroaction. De futures recherches pourraient également surmonter les limites de cette présente étude.

Sur le plan de la collecte de données, le questionnaire a été validé auprès d’un échantillon de conseillers québécois travaillant tous dans la même firme de psychologie du travail. De plus, la majorité des rétroactions ayant servi à la collecte de données ont été réalisées dans un contexte de dotation. Il n’est pas exclu que des contextes de développement, ou une pratique par des conseillers d’autres firmes puissent permettre une expression différente, des interventions de rétroaction.

Également, comme les conseillers ont rempli plusieurs fois le questionnaire dans le cadre de l’étude, il est possible qu’ils aient modifié leurs interventions en cours de route en ayant pris connaissance des items qui figurent dans l’outil. Cet élément peut avoir biaisé les données collectées et ne pas donner un portrait tout à fait juste de l’utilisation des interventions de rétroaction à la suite de l’ÉP.

Il serait alors intéressant que ce nouveau questionnaire soit administré auprès de conseillers qui ne le rempliraient qu’une seule fois.

Finalement, les interventions identifiées dans cet article pourraient également faire l’objet d’une étude permettant d’évaluer leur efficacité, par exemple, en étudiant leur relation avec l’appropriation cognitive du feedback (Boudrias et al., 2014). Un autre exemple pourrait être de vérifier si les candidats entreprennent des activités de développement par la suite, ou s’ils effectuent les changements souhaités une fois de retour dans leur rôle professionnel. De telles études sont maintenant rendues possibles grâce à cette première opérationnalisation des interventions de rétroaction en ÉP ayant fait l’objet d’une vérification scientifique.