Abstracts
Résumé
Cet article cherche à documenter la nature, les facteurs d’influence et les réponses relatifs à l’expérience d’intimidation par rapport au poids. Quatorze jeunes âgés de 14 à 16 ans ont été rencontrés. Pour participer à l’étude, ces jeunes devaient avoir présenté de l’embonpoint au cours des cinq dernières années. Les données qualitatives recueillies ont été analysées afin de déceler des thèmes communs. Les résultats révèlent sept jeunes intimidés en raison d’un embonpoint actuel ou passé. Ils indiquent aussi une tendance à normaliser les commentaires blessants. Enfin, l’affirmation de soi, l’évitement et la recherche de soutien ressortent comme des réactions courantes.
Mots-clés :
- intimidation par rapport au poids,
- nature de l’expérience,
- facteurs d’influence,
- adolescence,
- réactions
Abstract
This article aims to document the nature, the influencing factors and the responses to weight-based bullying experiences. Fourteen participants aged 14 to 16 years old were interviewed. In order to partake in the study, these youths had to be overweight within the past five years. Following the interviews, the qualitative data gathered were analyzed in order to detect common themes. The results reveal that seven participants were bullied because of current or past overweight. They also indicate a tendency to normalize hurtful comments. Finally, assertiveness, avoidance and seeking support appeared to be common reactions to bullying experiences.
Keywords:
- weight-based bullying,
- nature of the experience,
- influential factors,
- adolescence,
- reactions
Article body
Chez les adolescents, la puberté induit des changements physiques qui accentuent l’attention portée au poids et à l’apparence et qui sont associés à une diminution de la satisfaction en lien avec l’image corporelle (Voelker, Reel et Greenleaf, 2015). C’est au cours de cette période développementale critique que l’influence des médias et des modèles de beauté se fait la plus sentir, et ce, peu importe le poids des jeunes. Les commentaires en lien avec le poids et l’apparence deviennent plus fréquents et, pour certains, les proches et les amis ajoutent une influence supplémentaire en leur mettant une pression à contrôler leur poids et à modifier leur apparence (Voelker et al., 2015). À l’adolescence, un garçon sur quatre et une fille sur trois sont intimidés en raison de leur poids (Olvera, Dempsey, Gonzalez et Abrahamson, 2013; Puhl, Luedicke et Heuer, 2011). Plus la prévalence de l’intimidation en lien avec le poids est élevée dans un milieu scolaire et plus ce milieu devient un lieu propice au développement d’insatisfactions corporelles chez les jeunes, qu’ils soient victimes ou témoins et qu’ils soient en surpoids ou de poids normal (Voelker et al., 2015). Toutefois, pour les jeunes qui subissent de l’intimidation en lien avec le poids, le risque d’être intimidé augmente à mesure que l’indice de masse corporelle (IMC) s’accroît (Fox et Farrow, 2009; Janssen, Craig, Boyce et Pickett., 2004; Lumeng, et al., 2010; Neumark-Sztainer et al., 2002). Ainsi, les adolescents qui présentent de l’obésité sont plus fréquemment intimidés que ceux ayant de l’embonpoint et ces derniers sont plus intimidés que ceux de poids normal (Janssen et al., 2004; Neumark-Sztainer et al., 2002). En effet, l’intimidation par rapport au poids est un phénomène fréquent pour ces jeunes, qui sont plus susceptibles d’être ostracisés que leurs pairs ayant un poids considéré « normal » (Fox et Farrow, 2009; Giletta, Scholte, Engels et Larsen, 2010; Griffiths, Wolke, Page et Horwood, 2006; Janssen et al., 2004; Lumeng et al., 2010; Neumark-Sztainer et al., 2002; Pearce, Boergers et Prinstein, 2002; Wang, Iannotti et Luk, 2010).
Nature de l’intimidation
L’intimidation consiste en des actions ou des comportements agressifs répétés et intentionnels commis par un individu ou un groupe de personnes (Juvonen et Graham, 2014; Olweus, 1994). Ces gestes sont effectués dans un contexte où il existe un déséquilibre de pouvoir entre celui qui intimide et celui qui subit l’intimidation et où il est difficile pour ce dernier de se défendre (Juvonen et Graham, 2014; Olweus, 1994). L’intimidation peut être de nature verbale, physique, relationnelle ou cyber. L’intimidation verbale prend la forme de paroles transmises directement dans un contexte où l’intimidateur et la victime sont face-à-face et vont, par exemple, taquiner méchamment, traiter de noms, rire de ou insulter l’autre (Browne, 2012; Puhl et al., 2011; Sveinsson et Morris, 2007; van der Wal, de Wit et Hirasing, 2003). L’intimidation physique inclut des assauts physiques tels que frapper, piéger, maintenir au sol, menacer physiquement ou bien détruire la propriété de l’autre (Browne, 2012; Puhl et al., 2011; Sveinsson et Morris, 2007; van der Wal et al., 2003). L’intimidation relationnelle a pour objectif de nuire aux relations interpersonnelles et inclut des comportements comme propager des rumeurs et exclure un individu d’activités sociales (Browne, 2012; Puhl et al., 2011; Sveinsson et Morris, 2007; van der Wal et al., 2003). Enfin, la cyberintimidation correspond aux agressions qui ont lieu par l’entremise de moyens technologiques tels que l’Internet et les téléphones cellulaires (p. ex., courriels, messages instantanés, photos/vidéos; Li, 2006; Slonje et Smith, 2008).
Effets délétères et facteurs d’influence
Les études portant sur les effets de l’intimidation en lien avec le poids montrent que celle-ci est associée à de multiples corrélats psychosociaux, dont une plus grande susceptibilité à internaliser l’idéal socioculturel de minceur (Keery, Boutelle, van den Berg et Thompson, 2005), des symptômes de dépression et d’anxiété plus élevés (Eisenberg, Neumark-Sztainer et Story, 2003; Giletta et al., 2010; Griffiths et Page, 2008; Waasdorp, Mehari et Bradshaw, 2018), de l’isolement social (Griffiths et Page, 2008) ainsi que des comportements et attitudes alimentaires inappropriés (Keery et al., 2005; King, Puhl, Luedicke et Peterson, 2013; Neumark-Sztainer, et al., 2002). Une étude longitudinale de Puhl et al. (2017) montre aussi que l’intimidation par rapport au poids subie à l’adolescence prédit la présence d’obésité et de comportements alimentaires inappropriés à l’âge adulte. De plus, une relation cyclique entre l’intimidation par rapport au poids et l’insatisfaction corporelle ainsi que la faible estime de soi ressort des études antérieures : l’insatisfaction corporelle et la faible estime de soi étant parfois identifiées comme des conséquences délétères de l’intimidation par rapport au poids (Eisenberg et al., 2003; Griffiths et Page, 2008; Keery et al., 2005; Neumark-Sztainer et al., 2002) et parfois comme des facteurs médiant la relation entre le statut pondéral et l’intimidation (Farrow et Fox, 2011; Fox et Farrow, 2009; Giletta et al., 2010).
Afin de limiter ces effets délétères, il semble pertinent de s’intéresser aux facteurs pouvant influencer l’expérience d’intimidation. Les écrits portant sur l’intimidation chez les jeunes font ressortir l’importance du soutien obtenu auprès des amis et des relations familiales comme facteur pouvant influencer la portée de cette intimidation (Boulton, Trueman, Chau, Whitehand et Amatya, 1999; Bowers, Smith et Binney, 1994; Fox et Boulton, 2006; Goldbaum, Craig, Peppler et Connolly, 2007; Haynie et al., 2001; Wang, Iannotti et Nansel, 2009). En effet, les amitiés sont particulièrement importantes à l’adolescence, les jeunes ayant tendance à se confier et rechercher le soutien d’amis en qui ils ont confiance (Goldbaum et al., 2007). Les études examinant la fonction de protection des relations interpersonnelles ont d’ailleurs démontré que des amitiés de qualité, c’est-à-dire empreintes de confiance et d’affection (Goldbaum et al., 2007) et dans lesquelles il y a peu de conflits et de trahisons (Boulton et al., 1999), seraient protectrices. De plus, les amis peuvent aider à trouver des stratégies pour contrer l’intimidation (Goldbaum et al., 2007). De la même manière, les pratiques parentales positives, c’est-à-dire chaleureuses et soutenantes, pourraient, elles aussi, protéger les adolescents de l’intimidation en lien avec le poids (Bowers et al., 1994; Haynie, et al., 2001). En effet, les adolescents ayant plus de soutien parental se disent moins à risque d’être impliqués dans des situations d’intimidation physique, verbale, relationnelle et cyber (Wang et al., 2009). L’affirmation de soi constitue aussi un facteur pouvant influencer l’occurrence et la portée de l’intimidation relationnelle en général (Fox et Boulton, 2006). Fox et Boulton (2006) affirment notamment que le fait de se soumettre et de ne pas s’affirmer lors de situations sociales peut prédire une augmentation de la victimisation relationnelle et plus particulièrement de l’exclusion sociale.
Considérant les résultats des études portant sur l’intimidation, il semble probable qu’un réseau de soutien social soit également bénéfique pour les jeunes victimes d’intimidation par rapport à leur poids. D’ailleurs, une étude qualitative examinant l’incidence de l’intimidation par rapport au poids sur les relations interpersonnelles d’adolescentes présentant de l’obésité souligne l’importance d’avoir un(e) meilleur(e) ami(e) et de pouvoir se tourner vers les membres de sa famille pour se protéger de l’expérience de victimisation par rapport au poids (Griffiths et Page, 2008). En effet, ces auteurs suggèrent qu’un réseau social soutenant puisse permettre l’acquisition de compétences interpersonnelles qui faciliteraient l’affirmation de soi et favoriseraient le développement de nouvelles amitiés (Griffiths et Page, 2008).
Réactions et stratégies d’adaptation
Rares sont les études ayant examiné les réactions et stratégies d’adaptation employées pour faire face à la situation par les jeunes qui subissent de l’intimidation par rapport au poids (Griffiths et Page, 2008; Li, Rukavina et Wright, 2012; Neumark-Sztainer, Story et Fabisch, 1998; Puhl et Luedicke, 2012). Les quelques études disponibles indiquent que les jeunes ayant vécu de l’intimidation par rapport à leur poids tendraient à recourir principalement à l’évitement et la confrontation (Griffiths et Page, 2008; Neumark-Sztainer, Story et Fabisch, 1998; Puhl et Luedicke, 2012). Puhl et Luedicke (2012) notent d’ailleurs que les adolescents victimes d’intimidation par rapport à leur poids ressentent plusieurs émotions pénibles et que ces émotions sont reliées à une hausse de stratégies d’évitement social et scolaire ainsi que des comportements alimentaires inappropriés. Li et al. (2012) notent également que dans certains contextes, l’utilisation de mécanismes d’adaptation inadéquats (p. ex., accès hyperphagiques, isolement) peuvent servir à éviter psychologiquement les taquineries mesquines.
Le présent projet
Étant donné le nombre et l’importance des difficultés psychosociales associées à l’intimidation par rapport au poids, il semble pertinent d’examiner comment ce phénomène est vécu par les adolescents qui en sont victimes, de même que les réactions de ceux-ci et les facteurs pouvant influencer la portée de telles expériences. Cependant, encore peu d’études ont tenté d’identifier les facteurs pouvant influencer l’expérience de l’intimidation par rapport au poids. En fait, la plupart des études ayant examiné la nature des expériences d’intimidation par rapport au poids ont porté sur des questionnaires auto-rapportés et des données quantitatives (Brixval, Rayce, Rasmussen, Holstein et Due, 2012; Griffiths et al., 2006; Janssen, Craig, Boyce et Pickett, 2004; Neumark-Sztainer, et al., 2002; Puhl et Luedicke, 2012; Wang et al., 2010). Bien que ces études permettent un aperçu global concernant la nature de l’expérience d’intimidation, elles ne donnent pas d’information quant aux expériences individuelles. En ce qui concerne les études qualitatives réalisées, celles-ci se limitent à examiner un contexte et un type d’intimidation spécifique (Li et al., 2012), elles ne considèrent pas les facteurs de protection potentiels (Li, et al., 2012; Neumark-Sztainer, et al., 1998) ou encore n’examinent qu’un seul facteur de protection (Griffiths et Page, 2008). Considérant que l’embonpoint et l’obésité représentent l’une des raisons les plus communément rapportées par les jeunes afin d’expliquer l’intimidation par les pairs (Puhl et al., 2011), il semble essentiel de s’intéresser au poids lorsqu’on étudie l’intimidation. En arrivant à mieux connaître les éléments susceptibles de réduire la portée des expériences négatives par rapport au poids, il deviendra possible d’adapter les interventions effectuées en milieux scolaire et clinique. Ainsi, l’objectif de la présente étude est de documenter, selon un devis qualitatif, la nature des expériences d’intimidation par rapport au poids de jeunes présentant un embonpoint actuel ou passé, d’approfondir les connaissances à l’égard des facteurs pouvant influencer cette expérience ainsi qu’explorer les réactions et réponses à celles-ci.
MÉTHODE
Participants et procédure
Les participants de cette étude ont été sélectionnés selon l’échantillonnage intentionnel (purposeful sampling), c’est-à-dire qu’ils ont été choisis de manière à favoriser l’obtention d’informations pertinentes à la question de recherche (Creswell, 2014; Patton, 2015). La Figure 1 présente le processus de recrutement des participants. Pour être retenus dans l’étude actuelle, les jeunes devaient être âgés de 14 ans et plus et avoir présenté de l’embonpoint ou de l’obésité au cours des cinq dernières années. Afin de respecter ces critères, le recrutement a été effectué de deux manières. Tout d’abord, une majorité de l’échantillon a été recrutée à partir des participants d’une étude pilote effectuée en 2009 dans la région de l’Outaouais. Lors de cette étude pilote, 354 enfants, âgés entre 8 et 12 ans et fréquentant quatre écoles primaires de l’Outaouais, ont participé à un projet de recherche portant sur l’image corporelle et les habitudes de vie. De ce nombre, seulement les 58 jeunes pour lesquels le calcul de l’indice de masse corporelle à l’aide de mesures objectives du poids et de la taille indiquait de l’embonpoint ou de l’obésité lors de l’étude pilote ont été contactés (25 garçons et 33 filles). Ils ont été invités à se rendre à l’Université du Québec en Outaouais afin d’effectuer un entretien semi-structuré. Afin d’obtenir un nombre de participants plus élevé et d’éviter un biais d’échantillonnage, une autre méthode de recrutement a été mise en place à partir d’annonces publicisant l’étude. Ces annonces ont été faites de manière verbale (présence en classe pour présenter l’étude) dans six classes d’une école secondaire de l’Outaouais. Malgré les efforts consentis, seulement deux autres participants ont pu être ajoutés. L’échantillon final de l’étude actuelle comporte 14 participants âgés de 14 à 16 ans. En vertu du Code de déontologie, il était possible d’obtenir leur consentement libre et éclairé pour participer à cette étude (Ordre des psychologues du Québec [OPQ], 2012, c. 3, a. 11.). Tout comme l’étude pilote de 2009, la présente étude a été approuvée par le Comité d’éthique de la recherche (CÉR) de l’Université du Québec en Outaouais (UQO; 1851).
Dans l’ensemble, l’échantillon est composé de trois participants de sexe masculin et 11 de sexe féminin. L’IMC des participants, calculé en fonction d’une mesure objective de leur poids et de leur taille ainsi qu’en tenant compte de leur âge et de leur sexe (Cole, Bellizzi, Flegal et Dietz, 2000; World Health Organization [WHO], 2007), s’étend de 20,9 à 34,2 (M : 25,3, É.T. : 3,49). Tel que le montre le Tableau 1, la répartition dans les catégories de poids est la suivante : quatre participants présentent un poids normal, sept présentent de l’embonpoint et trois présentent de l’obésité. Les quatre participants de poids normal ont été inclus dans l’échantillon, puisque des mesures objectives antérieures de leur poids et de leur taille montraient qu’ils avaient déjà présenté de l’embonpoint ou de l’obésité. Or, le fait d’avoir déjà présenté un poids plus élevé les rendaient plus susceptibles d’avoir vécu de l’intimidation en lien avec le poids ou, du moins, de s’être intéressés à ce type d’intimidation.
Les participants potentiels ont été contactés par téléphone. Lors de ce contact téléphonique, l’étude leur a été expliquée et ils ont été invités à y participer. Les adolescents intéressés ont été rencontrés dans un local aménagé pour effectuer l’entrevue et assurant la confidentialité. D’abord, un formulaire de consentement expliquant la procédure, la nature des informations recueillies ainsi que le respect de la confidentialité des informations a été lu et signé par chaque participant. Ensuite, les entrevues ont été réalisées par la chercheure principale (R.S.) et enregistrées à l’aide d’enregistreurs numériques. Une fois l’entrevue terminée, la taille et le poids de l’adolescent(e) ont été mesurés de manière objective afin de calculer leur IMC. Ce calcul tient compte de la courbe de croissance communément employée pour déterminer le statut pondéral des jeunes âgés de 5 à 19 ans (WHO, 2007) et la définition mondiale standard de l’embonpoint et l’obésité chez les jeunes établie par Cole et al. (2000). Étant donné la nature sensible du sujet de recherche et des mesures effectuées, le bien-être du (de la) participant(e) a été vérifié à la fin de l’entretien, c’est-à-dire qu’un retour a été fait quant à leur expérience pendant l’entretien et que leur affect a été vérifié avant leur départ. Enfin, une compensation financière de 10 dollars a été remise aux participants.
Instrument de mesure
Les entrevues individuelles semi-structurées ont été réalisées à l’aide d’une grille d’entrevue examinant les expériences d’intimidation, les facteurs qui influencent celle-ci et sa portée chez les adolescents ainsi que les réactions des victimes face à ces expériences (voir Tableau S1 à la fin de l’article). Cette grille d’entrevue permet une certaine flexibilité selon les réponses des participants et est principalement composée de questions ouvertes afin de permettre l’émergence d’informations par rapport aux expériences de chaque participant. Les questions élaborées ont été inspirées d’une grille d’entrevue employée par Neumark-Sztainer et al. (1998). Étant donnée la nature délicate du sujet à l’étude, une pré-administration a été effectuée à trois participants afin de s’assurer que les questions étaient bien formulées et pertinentes. Celle-ci a permis d’ajuster la grille pour les administrations subséquentes. Seule une question, qui semblait manquer de clarté, a été légèrement adaptée. Étant donné les répercussions minimales de cette adaptation sur l’administration de la grille d’entrevue, les verbatims de ces trois pré-administrations ont été inclus dans les analyses de l’échantillon actuel. Par ailleurs, les conditions d’administration de l’entrevue étaient les mêmes pour ces trois participants que pour les autres, c’est-à-dire le même lieu et la même intervenante (R.S.). Enfin, la durée de l’entrevue variait selon la quantité d’informations rapportées par chaque participant. Dans l’ensemble, celle-ci durait entre quinze à cinquante minutes.
Analyses qualitatives
Les analyses qualitatives de cette étude ont été effectuées selon la méthode d’analyse thématique (Braun et Clarke, 2006; Joffe, 2012; Willig, 2013). Il s’agit d’une méthode permettant d’identifier et d’analyser des éléments significatifs dans les données recueillies (Braun et Clarke, 2006). Le produit final d’une analyse thématique permet de faire ressortir les constellations de contenus manifestes (directement observables) et latents (références implicites) associées au sujet de recherche de façon significative et systématique (Joffe, 2012; Willig, 2013). Ainsi, des thèmes, c’est-à-dire des schèmes de sens pertinents retrouvés de façon significative dans les données (Braun et Clarke, 2006; Joffe, 2012), sont identifiés. Ces thèmes peuvent également comporter des sous-thèmes ou catégories à l’intérieur desquels sont encodés des extraits significatifs des verbatims (Braun et Clarke, 2006).
D’abord, pour chacune des entrevues réalisées, une transcription verbatim des données recueillies a été effectuée par une assistante de recherche (V.B.) et la chercheure principale (R.S.). Puis, l’exactitude des transcriptions a été vérifiée (R.S.). Après quoi, plusieurs lectures des verbatims ont été effectuées par la première auteure (R.S.). Celles-ci ont été effectuées de manière « active », c’est-à-dire en portant une attention particulière aux informations significatives et redondantes parmi les entrevues (Braun et Clarke, 2006). La codification de ces informations a ensuite été entamée afin de développer des catégories plus larges dans lesquelles les extraits de données ont pu être schématisés. Ces catégories ont, par la suite, été raffinées puis regroupées pour former des unités d’analyses plus élargies prenant la forme de thèmes. Ceux-ci ont aussi été révisés en parcourant à nouveau les extraits ciblés et les verbatims entiers afin de vérifier leur pertinence et la possibilité d’extraits manqués. Finalement, les thèmes établis ont été peaufinés afin d’assurer une représentation exacte des données significatives. À chacune des étapes mentionnées ci-dessus, des échanges en comité (R.S. et A.A.) ont eu lieu afin d’obtenir un consensus quant aux catégories et thèmes établis.
RÉSULTATS
L’analyse thématique des verbatims a permis de regrouper les résultats selon les thèmes suivants : (1) nature des expériences d’intimidation par rapport au poids ; (2) facteurs qui influencent l’expérience d’intimidation et sa portée chez les adolescents; et (3) réactions des victimes ayant été confrontées à ce type d’intimidation. Les sous-thèmes et les catégories qui ont émergés à l’intérieur de chacun de ces thèmes sont détaillés dans les paragraphes qui suivent. Des extraits de données représentant ces thèmes et sous-thèmes sont présentés au Tableau 2.
Nature des expériences d’intimidation à l’égard du poids
Dans un premier temps, les participants ont été questionnés concernant la nature de leurs expériences en lien avec l’intimidation. Un total de sept participants, tous de sexe féminin, ont rapporté avoir été victimes d’intimidation en raison de leur poids. Les types d’intimidation principalement rapportés étaient de nature verbale et relationnelle. Seulement une participante a fait mention de cyberintimidation et aucune des participantes n’a parlé d’intimidation physique.
Au niveau verbal, six des sept participantes ayant subi de l’intimidation par rapport au poids ont rapporté avoir vécu ce type d’événement, notamment s’être fait « niaiser », « insulter » et « traiter de grosse »; des situations qui les amenaient à se sentir mal par rapport à elles-mêmes. Ce type d’intimidation est celui qui ressort le plus fréquemment des verbatims (N = 15 extraits). Il est suivi de l’intimidation relationnelle (N = 4 extraits). D’un point de vue relationnel, trois participantes ayant subi cette intimidation ont mentionné avoir été exclues d’activités sociales (p. ex., exclues d’équipes sportives) ou avoir été victimes de rumeurs à l’école. Une participante a également rapporté avoir été victime de cyberintimidation par rapport au poids. Plus précisément, elle a été la cible de commentaires blessants par rapport à son apparence sur les réseaux sociaux après y avoir affiché une photo d’elle-même.
Facteurs influençant l’expérience et la portée de l’intimidation
Normaliser/Minimiser l’intimidation
Les réponses des participants concernant la présence d’intimidation ont révélé que sept participants, dont quatre victimes d’intimidation et trois non-victimes, ne percevaient pas une intention agressive délibérée de la part de l’agresseur (N = 8 extraits). Pour certains, les commentaires rapportés étaient effectués par un ami ou un membre de la famille ou bien étaient identifiés par l’intimidateur comme une forme de « joke » qui, bien qu’elle soit blessante, n’était pas perçue comme malintentionnée.
Accès au soutien du réseau social
Autant les victimes que les non-victimes d’intimidation ont rapporté avoir accès au soutien de leur réseau social lors d’épreuves difficiles. Plus particulièrement, la présence d’au moins une relation sociale caractérisée par une proximité relationnelle, un lien de confiance et un sentiment d’être écouté et accepté par l’autre ont été rapportés par 11 des 14 participants (N = 33 extraits), soit cinq victimes et six non-victimes. Ces relations interpersonnelles concernent la famille et les amis. Un plus grand nombre de participants mentionnaient une proximité relationnelle et un sentiment d’acceptation lorsqu’ils parlaient de leur famille plutôt que de leurs amis. L’importance de la confiance était, pour sa part, rapportée plus fréquemment en lien avec les amitiés qu’avec la famille.
Ensuite, sept participants ont rapporté des gestes de soutien réalisés par leur entourage (N = 15 extraits), dont cinq victimes et deux non-victimes. Plus spécifiquement, le fait de recevoir des conseils de la part de leur famille et de leurs amis a été mentionné par l’ensemble des sept participants (N = 8 extraits), tandis qu'être défendu par ses proches a été rapporté par quatre participants (N = 7 extraits), tous du groupe des victimes. Il importe aussi de mentionner une distinction quant aux gestes de soutien provenant de la famille et des amis. En effet, une majorité des extraits de données concernant les conseils (N = 5 extraits) était associée à la famille, tandis que la plupart des données en lien avec le fait d’être défendu était associée aux amis (N = 5 extraits).
Enfin, trois participantes ayant subi de l’intimidation en lien avec leur poids ont affirmé avoir reçu de l’aide professionnelle vis-à-vis l’intimidation vécue ou les conséquences amenées par celle-ci (N = 5 extraits). Certaines de ces participantes ont affirmé avoir sollicité le soutien du personnel scolaire, soutien que certaines avaient trouvé aidant et d’autres non. Deux des trois participants ont également mentionné avoir eu recours à un soutien de professionnels de la santé mentale à la suite des encouragements de leurs parents et du personnel scolaire.
Réactions
Les participants ayant subi de l’intimidation par rapport à leur poids ont été invités à décrire leur façon de réagir face à celle-ci. Les réponses obtenues indiquent la présence de réactions comportementales, cognitives ainsi qu’émotionnelles. Les réactions comportementales étaient rapportées par l’ensemble des participantes ayant subi de l’intimidation (N = 7) et le plus fréquemment (N = 39 extraits). Parmi ces réactions, parler de l’incident ressort comme la plus fréquente : six des sept participants ayant mentionné avoir parlé de l’événement à un proche, un ami, un membre du personnel scolaire ou encore avoir confronté soi-même l’intimidateur. L’évitement comportemental, tel qu’éviter les personnes qui intimident, quitter la situation ou se distraire en faisant une activité agréable (p. ex., écouter de la musique ou jouer à des jeux vidéo) est, quant à lui, rapporté par quatre participants. D’autres réactions comportementales ont également été mentionnées par un nombre moindre de participants; notamment, le fait de figer lors de la situation et de rigoler avec les autres, réactions mentionnées par deux participants, ou encore prendre de grandes respirations pour se calmer, réaction mentionnée par une participante.
Les réactions cognitives, c’est-à-dire les efforts des participants pour éviter de penser à la situation ou encore la stratégie de « se parler » afin de s’autoréguler, étaient rapportées par cinq participants (N = 12 extraits). Parmi ces réactions cognitives, l’évitement cognitif, c’est-à-dire l’effort d’oublier la situation ou simplement de ne pas y porter attention, était le plus fréquemment mentionné (N = 9 extraits), suivi des réflexions apaisantes comme se dire que « c’est pas grave » ou que « c’est passé » (N = 2 extraits). Enfin, une participante a mentionné une tendance à réfléchir ultérieurement à l’incident et à donner raison aux commentaires faits par ses intimidateurs.
Les réactions émotionnelles étaient, quant à elles, rapportées par cinq participantes (N = 7 extraits). Plus particulièrement, ces cinq participants affirmaient avoir ressenti des émotions douloureuses à la suite des expériences d’intimidation qu’elles ont vécues. En effet, certaines rapportaient être devenues anxieuses lorsqu’elles croisaient les jeunes qui les intimidaient ou bien avoir eu peur que ceux-ci les humilient à nouveau. D’autres rapportaient éprouver de la colère vis-à-vis la situation ou encore se sentir attristées et blessées par les commentaires ou les actions dirigées vers elles.
DISCUSSION
La présente étude visait à documenter la nature des expériences d’intimidation par rapport au poids de jeunes présentant de l’embonpoint ou de l’obésité (actuel ou passé) ainsi que les facteurs pouvant les influencer et les réactions adoptées pour leur faire face. Les résultats obtenus soulignent la prépondérance de l’intimidation verbale et relationnelle lorsqu’il est question du poids. Ils témoignent également d’une tendance chez certains participants à vouloir minimiser la situation. De plus, la présence de relations interpersonnelles de soutien et l’utilisation de stratégies d’adaptation adéquates, comme s’affirmer et en parler, sont ressorties comme des facteurs pouvant possiblement influencer la portée des expériences d’intimidation.
Des quatorze participants interrogés, sept adolescentes ont rapporté des expériences d’intimidation par rapport à leur poids. L’intimidation verbale a été rapportée le plus fréquemment et par le plus grand nombre de participants, suivie de l’intimidation relationnelle et de la cyberintimidation. Ce résultat semble corroborer celui d’études antérieures, effectuées sur de larges échantillons d’adolescents et analysés de manière quantitative, qui ont également démontré une plus forte fréquence d’intimidation verbale, suivie par l’intimidation relationnelle, la cyberintimidation, puis l’intimidation physique (Puhl et al., 2011; Puhl, Peterson et Luedicke, 2013b). La forte prévalence de l’intimidation verbale peut s’expliquer par le fait qu’elle est plus facile à reconnaître que l’intimidation relationnelle (Thomas et al., 2016). Certes, étant donné la subtilité de l’intimidation relationnelle, il est possible que les jeunes ne soient pas au courant des rumeurs à leur sujet et peu enclins à se percevoir comme exclus socialement.
L’analyse des résultats a aussi révélé une tendance chez les participants à ne pas reconnaître l’intention agressive délibérée des personnes qui commettent de l’intimidation en lien avec le poids. En effet, plusieurs commentaires faits par les amis ou la famille étaient identifiés comme une forme de blague et n’étaient pas perçus comme malintentionnés. Une étude effectuée par Hunter, Boyle et Warden (2007) rapporte notamment que les élèves affirmant être intimidés ne sentent pas toujours que leur attaquant cherche à leur faire du tort. Dans la présente étude, non seulement certaines victimes, mais aussi trois participants ne s’étant pas identifiés comme victimes d’intimidation par rapport à leur poids, ont indiqué que les remarques négatives reçues à l’égard de leur corps ne représentaient pas de l’intimidation. Ainsi, il est possible que certaines victimes d’intimidation, en normalisant la situation, ne reconnaissent pas la gravité de celle-ci. Conséquemment, elles sont à risque de ne pas employer des mesures adaptées pour gérer la situation d’intimidation. Cette difficulté à reconnaître les situations d’intimidation indirectes, telles que l’intimidation relationnelle, constitue un obstacle à la mise en application de moyens d’intervention efficaces. Effectivement, si les jeunes ne reconnaissent pas l’intimidation relationnelle lorsque celle-ci a lieu, il y a peu de chances que la situation soit pris en main par des adultes, puisque ceux-ci sont reconnus comme étant encore moins enclins à percevoir et à intervenir par rapport à ce type d’intimidation (Blain-Arcaro, Smith, Cunningham, Vaillancourt et Rimas, 2012; Craig, Henderson et Murphy, 2000; Mishna, Scarcello, Pepler et Wiener, 2005). En fait, les enseignants tendent à considérer l’intimidation physique comme étant plus grave et plus digne d’intervention que l’intimidation verbale ou relationnelle (Blain-Arcaro et al., 2012; Craig et al., 2000; Mishna et al., 2005). Ainsi, des études ultérieures, évaluant les conséquences possiblement néfastes de la normalisation sur le plan de l’adoption de moyens de défense, devraient être conduites. En effet, il se peut que les victimes niant la présence d’intimidation en lien avec le poids et les émotions qui lui sont reliées soient plus enclines à se soumettre et plus à risque de développer des troubles internalisés.
Le soutien est également apparu comme un facteur pouvant influencer la portée de l’expérience d’intimidation. En effet, les données liées à ce thème ont pu être regroupées en trois grands sous-thèmes, soit: (a) la présence d’au moins une relation interpersonnelle empreinte de proximité, confiance et acceptation, (b) la manifestation de gestes de soutien provenant d’amis ou de membres de la famille ainsi que (c) l’obtention d’aide professionnelle, c’est-à-dire de la part du personnel scolaire ou de professionnels de la santé. Ces résultats s’inscrivent en continuité avec ceux d'études antérieures en ce qui concerne l’importance de liens d’amitié solides, soutenants et marqués de confiance (Aimé, Leblanc et Maïano, 2017; Goldbaum et al., 2007; Griffiths et Page, 2008; Smith Sweeting et Wright, 2013). D’ailleurs, les informations obtenues dénotent une tendance des participants à souvent mentionner se sentir en confiance lorsqu’ils parlaient de leurs amitiés. Par contre, même si les relations amicales sont reconnues pour contribuer au développement de l’identité, de l’estime de soi et des compétences sociales à l’adolescence (Pearce et al., 2002), les résultats actuels montrent que le soutien provenant de la famille demeure très important. En particulier, la proximité relationnelle avec les membres de la famille immédiate (parents et fratrie), le sentiment d’être entendu et accepté, de même que la tendance à rechercher des conseils auprès des proches ont été fréquemment rapportés par les adolescents interviewés. Ensemble, les résultats obtenus par rapport au soutien de la famille et des amis semblent appuyer ceux d’une étude de Puhl, Peterson et Luedicke (2013a) révélant que, lorsqu’interrogés par rapport aux interventions qu’ils aimeraient recevoir en situation d’intimidation par rapport à l’embonpoint, les jeunes présentant de l’embonpoint ou de l’obésité affirment souhaiter obtenir du soutien de leurs amis, camarades de classe et parents. D’un côté, les amis peuvent réduire l’isolement social (Puhl et al., 2013a), aider à trouver des stratégies pour contrer l’intimidation (Goldbaum et al., 2007) et favoriser le développement d’habiletés sociales (Griffiths et Page, 2008). D’un autre côté, les parents peuvent soutenir les jeunes en leur offrant des conseils, en les aidant à gérer les affects négatifs ressentis et en étant présents, à l’écoute et encourageants (Puhl et al., 2013a).
En ce qui concerne les réactions des participants ayant rapporté avoir subi des expériences d’intimidation par rapport au poids, les résultats révèlent l’utilisation de réactions comportementales (parler de la situation, l’éviter, en rigoler, figer ou bien prendre de grandes respirations), cognitives (éviter d’y penser, se parler, accepter/internaliser les commentaires mesquins) et émotionnelles (éprouver de l’anxiété, de la tristesse ou de la colère). Les réactions les plus fréquemment mentionnées sont les réactions comportementales, notamment parler de la situation et l’éviter. En particulier, confronter l’intimidateur ou bien parler à un membre du personnel scolaire, un ami ou un membre de la famille était le plus souvent rapporté par les participants. Ce type de confrontation ou de dévoilement peut avoir pour effet positif de diminuer la fréquence des expériences d’intimidation (Fox et Boulton, 2006; Goldbaum et al., 2007). Inversement, une réaction d’évitement semble, pour sa part, poser des risques à long terme (Puhl et Luedicke, 2012). En effet, bien que l’évitement de la situation puisse sembler être une bonne stratégie sur le coup, ne rien faire face à la situation peut entraîner une augmentation de celle-ci (Fox et Boulton, 2006; Goldbaum et al., 2007) ainsi qu’une augmentation de problèmes émotionnels et un risque plus élevé d’utiliser d’autres stratégies d’adaptation dysfonctionnelles, telles que manger plus ou avoir des crises de boulimie (Puhl et Luedicke, 2012). D’ailleurs, pour certaines victimes interrogées, quelques-unes de ces conséquences étaient apparentes dans les réactions émotionnelles et cognitives rapportées (p. ex., anxiété accrue, tristesse et internalisation des commentaires négatifs).
Limites
Certaines limites de l’étude actuelle doivent être soulignées. Dans un premier temps, notons que, malgré la saturation des données obtenues, la faible taille de l’échantillon ne permet pas d’effectuer des généralisations qui s’appliqueraient à l’ensemble des adolescents présentant de l’embonpoint ou de l’obésité dans la communauté. Toutefois, les résultats mettent en évidence d’intéressantes pistes à examiner lors de recherches ultérieures, notamment celle de l’effet de la normalisation de l’intimidation sur l’adoption de moyens de défense.
Deuxièmement, compte tenu du recrutement de participants ayant antérieurement présenté un embonpoint ou une obésité, il aurait été intéressant de spécifier à quel âge les expériences d’intimidation rapportées ont eu lieu. Toutefois, la grille d’entrevue a été conçue dans un effort de laisser émerger les informations et d’ainsi laisser les participants répondre librement selon les situations qui leur semblaient mieux représenter leur expérience individuelle. Or, il pourrait être intéressant, lors d’une étude ultérieure comportant un échantillon de plus grande taille, de regarder selon des tranches d’âge ou des périodes développementales afin d’examiner si cela a une incidence sur l’expérience d’intimidation par rapport au poids.
Enfin, il doit être noté qu’aucun membre de l’équipe de recherche impliqué dans la collecte et l’analyse des données ne présentait lui-même de l’embonpoint ou de l’obésité. Ceci peut donc avoir influencé le type de données obtenues et la façon dont celles-ci étaient analysées. En effet, il est possible que les jeunes, ayant tous déjà présenté de l’embonpoint ou de l’obésité et devant discuter de cette expérience, aient été plus à l’aise et enclins à se dévoiler si l’intervieweuse avait aussi présenté de l’embonpoint (Neumark-Sztainer, Story, Faibish, Ohlson et Adamiak, 1999).
Implications pratiques et théoriques
Les résultats de cette étude ont des implications pour les milieux scolaires et cliniques de même que des implications familiales. Premièrement, le taux plus élevé d’expériences d’intimidation verbale et relationnelle rapporté, de même que la tendance des jeunes à minimiser les incidents, soulignent l’importance de renforcer la compréhension des différents types d’intimidation, et ce, pour les élèves autant que pour le personnel scolaire (Aimé et al., 2017; Blain-Arcaro et al., 2012; Craig et al., 2000; Mishna et al., 2005; van der Wal et al., 2003) et les parents (Keery et al., 2005; Puhl et al., 2013a). La mise en oeuvre de programmes d’intervention visant à conscientiser les élèves et les adultes face aux types d’intimidation moins visibles et face aux biais d’attribution par rapport au poids favoriserait la reconnaissance et l’intervention lors de tels incidents. Il semble par ailleurs essentiel d’outiller les jeunes à reconnaître et intervenir adéquatement lorsqu’ils sont témoins ou victimes d’intimidation par rapport au poids. Les résultats obtenus par la présente étude semblent également souligner l’importance et la qualité protectrice du soutien acquis auprès de relations interpersonnelles proches et empreintes de confiance. D’une part, ces relations donnent aux jeunes qui subissent de l’intimidation par rapport à leur poids l’accès au soutien et aux conseils nécessaires pour gérer adéquatement la situation et, d’autre part, celles-ci leur offrent un environnement sécurisant pour se confier et se sentir accepté. De plus, considérant que les parents peuvent aussi manifester des biais par rapport au poids (Puhl et Latner, 2007; Puhl et al., 2013b), il semble pertinent de les éduquer afin qu’ils soient conscients de l’effet de tels commentaires et de leur permettre d’encourager l’utilisation de stratégies d’adaptation adéquates (p. ex., s’affirmer sans violence, aller chercher de l’aide, en parler). Enfin, en milieu clinique, il serait bénéfique d’enseigner des stratégies favorisant le développement d’habiletés sociales (Griffiths et Page, 2008), la gestion des affects négatifs (Puhl et Luedicke, 2012) et la diminution de comportements inadaptés (p. ex., faire appel au soutien des pairs et de la famille; King et al., 2013).
Appendices
Annexe
MATÉRIEL SUPPLÉMENTAIRE
Note
-
[1]
Adresse de correspondance : Département de psychoéducation et de psychologie, Campus Saint-Jérôme, 5, rue Saint-Joseph, Saint-Jérôme (QC), J7Z 0B7. Téléphone : 450-530-7616, poste 2362. Courriel : annie.aime@uqo.ca
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