On reconnaît le style (ou discours) indirect libre surtout en tant que forme particulière que prend le discours rapporté dans le texte littéraire; il est souvent comparé, sur le plan grammatical, au discours direct et au discours indirect, dont il partage certaines caractéristiques. Mais il est davantage défini négativement par rapport à ces deux modes de renvoi au discours d’autrui; vu l’absence de marques caractéristiques propres, le style indirect libre a été marginalisé face aux formes claires que sont la citation par le discours direct et la subordination par le discours indirect. Ce recueil d’articles réunis par Sylvie Mellet et Marc Vuillaume entend corriger la méconnaissance que nous avons de ce mode de rapport de parole en le plaçant d’entrée de jeu, non pas en concurrence avec les formes précédemment citées, mais dans un contexte discursif d’où il tire ses propriétés, comme nous le rappelle Vuillaume citant Authier : «[…] Le DIL apparaît, non pas comme une troisième forme grammaticale de DR, mais comme une configuration discursive particulière.» (Authier 1978 : 80, cité p. 107) Il reste à en définir les contours, ce que s’emploieront à faire les auteurs avec grand succès. Ils honoreront les buts qu’ils se sont donnés, à savoir de faire état des diverses manifestations du DIL ainsi que de ses contextes – les unes se confondant parfois avec les autres – dans une perspective pragmatique marquée de l’influence de Jacqueline Authier par les études précieuses et incontournables qu’elle a menées sur le discours rapporté. Aurait-on pu souhaiter une conclusion qui eût fait le point sur les diverses contributions présentées dans le recueil, il n’en demeure pas moins que ce dernier réussit à mettre en lumière la contribution transphrastique et textuelle de certaines constructions linguistiques, tout en balisant le DIL comme objet d’étude véritablement linguistique. Laurence Rosier invite à mettre en perspective le DIL à partir du passage du DD et du DI; plutôt que deux pôles du DR, ces formes se présenteraient en continuum, mais avec un glissement marqué vers le DD. L’exploitation dans différents types de textes de formes mixtes et l’approche énonciative de plus en plus considérée pour aborder ces phénomènes permettent un dépassement des fondements grammaticaux de ces types de DR (avec parataxe pour le DD et hypotaxe pour le DI). En effet, on ne peut mettre de côté le rôle que s’attribue le locuteur en présentant ainsi le discours d’autrui : énonciation restituée, reformulation du contenu (avec ou sans commentaires évaluatifs) ne sont là que quelques-unes des modalisations que revêt le DR. Ce que nous présente l’auteure est, en fait, un compte rendu de sa thèse, Le discours rapporté. Histoire, théories, pratiques, publiée chez Duculot en 1998; et d’ailleurs, le lecteur souhaitera sans doute s’y reporter et dépasser la présentation parfois trop synthétique livrée ici, qui laisse des questions sans réponses. Tout en relevant une tendance à faire du DD le «discours vrai», et du DI «le discours faux» sur le plan de la signification idéologique, l’article ne réussit pas à éclaircir le statut à accorder à cette dichotomie : représentations ou concepts opératoires d’analyse non exempts de réductionnisme? En revanche, des remarques fort pertinentes concernant le DIL surviennent à la fin de cette courte présentation : ce dernier favoriserait le cliché qui masque l’attribution, caractérisant ainsi une tendance moderne de l’écriture vers l’actualisation où prédomine le présent et les personnes allocutives. De manière originale et fort intéressante, les textes grecs et latins de l’Antiquité sont convoqués dans un article signé par Michèle Biraud et Sylvie Mellet. La discussion sous-jacente des limites et caractéristiques du DIL alimente un répertoire des faits …
Appendices
Références
- Lerch, E. 1928 «Ursprung und Bedeutung der sogenannten Erlebten Rede», Germanisch-romanische Monatsschrift 16 : 459-478.