Revue québécoise de linguistique
Volume 19, Number 2, 1990 La phonétique
Table of contents (10 articles)
Articles thématiques
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Indices de perceptibilité et de différenciabilité des timbres vocaliques : la variabilité [e] - [ε] en français
Pierre R. Léon and Jeff Tennant
pp. 9–22
AbstractFR:
Devant les incertitudes de la discrimination auditive, en particulier pour la perception du « double timbre » des voyelles en français, on a tenté d’établir des critères objectifs à l’aide de l’analyse acoustique. On a établi deux critères d’analyse formantiques : l’indice de perceptibilité (représentant l’écart acoustique entre F1 et F2) et l’indice de différenciabilité (écart entre les indices de perceptibilité de deux timbres différents). Ils ont permis d’établir une échelle des valeurs acoustiques des timbres du E fermé et ouvert en position accentuée, dans l’idiolecte d’un locuteur français.
L’étude perceptive a montré que l’indice de perceptibilité joue un rôle essentiel; donc le fait que le spectre vocalique est diffus ou compact — plutôt que la hauteur absolue des formants. Elle montre également que les timbres ont des réalisations acoustiques extrêmement fluctuantes. Cette variabilité acoustique contraste ici avec le système de réalisations phonétiques nettement catégorisé du locuteur examiné.
Les indices établis pourraient probablement être appliqués de manière plus efficace et plus nette à la détermination des timbres inaccentués.
FR:
Due to the uncertainty of aural discrimination, particularly for the perception of the so called "double timbre" of French vowels, an attempt has been made to establish objective criteria, with the help of acoustical analysis. Two criteria of formant analysis were established: the perceptibility index (representing the acoustical difference between F1 and F2) and the distinguishability index (difference between two perceptibility indexes of two different timbres). We used them in order to establish a scale of acoustical values of timbres for open and closed E in stressed position, in a French speaker's idiolect.
A perceptual study showed that the perceptibility index plays an important role and is the most relevant factor for the sake of perception, and that the compactness or diffuseness of the acoustical spectrum is more important than the absolute fixed formant height. This study also shows that timbres have extremely variable acoustic actualisations. This acoustic variability is in contrast here with a rather strict system of phonic realizations, sharply categorized in our speaker's speech.
The two indexes that we established here could probably be used in a more efficient and evident way to determine the timbres of unstressed vowels.
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L’accentuation québécoise : une approche tonale
Henrietta J. Cedergren, Hélène Perreault, François Poiré and Pascale Rousseau
pp. 25–38
AbstractFR:
Cet article basé sur une analyse de trois locuteurs cherche à apporter des éléments d’éclaircissement sur les notions d’accent tonal et d’accent dynamique et sur les modalités de réalisation des accents tonals complexes dans le français québécois spontané.
EN:
This article based on an analysis of three speakers aims at clarifying the distinction between stress accent and pitch accent in French and contributes evidence on the modalities of phonetic implementation of a complex pitch accent in spontaneous Quebec French.
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La condition de non-contiguïté accentuelle en français : théorie et pratique
Laurent Santerre
pp. 39–56
AbstractFR:
Dell (1984) soutient que la condition de non-contiguïté accentuelle, qui est propre au français, interdit d’accentuer deux syllabes consécutives dans un même tronçon intonatif. En vertu de ce principe, un mot d’une syllabe en fin de tronçon désaccentue la syllabe finale du mot précédent; il faudrait donc prononcer les seaux de l’élève roux coulent comme si l’on disait les seaux de l’élève roucoulent. J’ai fait enregistrer par l’auteur en studio à Paris une centaine d’exemples tirés de son article pour les analyser phonétiquement et les soumettre à des tests de perception. Certaines de ses réalisations contredisent sa théorie.
EN:
Dell (1984) maintains that the lack of accentual contiguity in French does not allow the stressing of consecutive syllables within the same intonational stretch. According to this principle, a monosyllabic word at the end of a stretch "unstresses" the final syllable of the preceding word; therefore, les seaux de l’élève roux coulent should be intoned as would be les seaux de l’élève roucoulent. We recorded the author's realization of about a hundred examples drawn from his own article in order to make a phonetic analysis and a number of perception tests. We found that some of them contradict the author's theory.
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Étude de trois indices acoustiques du voisement des consonnes fricatives en français de Montréal
Benoît Jacques
pp. 59–71
AbstractFR:
Le sonagramme d’une consonne fricative sonore comporte d’ordinaire à sa base une barre de voisement souvent surmontée de formants également voisés. Or l’examen de spectres de consonnes fricatives sonores ne comportant aucune barre de voisement nous amène à nous interroger sur le caractère prépondérant de ce paramètre dans la distinction des consonnes fricatives entre sourdes et sonores. Dans cette optique, nous avons analysé un corpus de 1 790 consonnes fricatives dont 940 sourdes et 850 sonores produites par 4 sujets francophones de Montréal. À partir de mesures acoustiques, la durée de la barre de voisement a été mise en relation avec la durée de la consonne et celle de la voyelle précédente, deux paramètres pouvant contribuer à la distinction recherchée. Les résultats montrent que, si la présence d’une barre de voisement est un indice majeur, les autres paramètres ne sont pas non plus sans importance, le poids relatif de chacun de ces indices variant selon la position du segment dans la syllabe et dans la phrase.
EN:
On a sonagram, a voiced fricative consonant usually shows a voice bar at the bottom of its spectrum and, in many cases, some formants, voiced as well. But one can often see spectra of voiced fricatives without any voice bar. This is the reason why we questioned the predominance of the voice bar as a cue for the distinction between voiced and voiceless fricatives by analysing a big material. 1,790 fricatives including 940 voiceless and 850 voiced were pronounced by 4 French speaking informants born and living in Montreal. On the basis of acoustic measurements, the duration of the voice bar was compared to the duration of the whole consonant and the duration of the preceding vowel. The results show that, if the voice bar is a major cue, the other cues are not without importance, the relative weight of each of them varying according to the place of the consonant in the syllable and in the sentence.
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Phonostylistique de l’intonation : différenciations dues au milieu social et au sexe des locuteurs
Elsa Mora
pp. 73–92
AbstractFR:
À partir d’échantillons de parole spontanée d’espagnol du Vénézuéla, l’auteur étudie plusieurs facteurs prosodiques chez les hommes et les femmes de trois groupes sociaux. Les résultats montrent que les différences prosodiques les plus significatives sont sociales et non sexuelles. Le groupe le plus favorisé des hommes comme des femmes module davantage ses éconcés. Les énoncés sémantiquement terminaux tendent à être de pente mélodique montante pour le groupe le plus favorisé. Cette même pente se retrouve pour le groupe défavorisé mais il s’y ajoute une particule de nature interrogative ou phatique. Les groupes non terminaux n’ont pas de pente significative. Quant au débit, on remarque que ce sont les groupes masculins qui prononcent le plus grand nombre de syllabe à la seconde.
EN:
Several prosodic parameters extracted from a corpus of Venezuelan Spanish are examined for men and women of three social groups. Results show that the most significant differences are not sexual but social. The upper-class groups of men as well as women have a larger melodic range than the lower-class groups. Semantically terminal sequences tend to show a rising slope in the upper-class group. The same is true for the lower-class group but this group adds a tag element which sounds interrogative or phatic. Non-terminal utterances have no significant slopes. It is in the male groups that the speech rate has been found to be the most greatest.
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Le syntagme intonatif en langage spontané : étude préliminaire
François Poiré, Juan M. Sosa, Hélène Perreault and Henrietta J. Cedergren
pp. 93–108
AbstractFR:
Une étude portant sur le syntagme intonatif (SI) en langage spontané menée à partir d’un corpus de français du Québec révèle des valeurs relativement stables quant à la longueur de ces SI exprimée en termes d’unités prosodiques minimales. La variabilité rencontrée ne peut être exprimée à l’aide de paramètres sociaux.
EN:
A study of intonational phrasing (IP) in a corpus of spontaneous speech of Quebec French reveals relatively stable values of length of IPs when expressed in terms of minimal prosodic units. Variability in IP length is not statistically related to the social characteristics of the speakers.
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Questions totales en français du Québec : le statut acoustique des morphèmes -tu et -ti
Nicole Maury
pp. 111–134
AbstractFR:
À partir de quatre entrevues familières entre Québécoises et Québécois, on évoque les moyens interrogatifs utilisés dans les questions totales directes à syntaxe complète. Les résultats d’une étude acoustique sont résumés du point de vue segmental et suprasegmental. Les spectrogrammes de huit séquences comportant le morphème -tu, qu’il soit pronom inversé ou particule, sont présentés et commentés par référence aux sons qui suivent le morphème, aux données accentuelles et intonatives. On explore les mécanismes qui peuvent intervenir à différents niveaux (linguistique, situationnel, conversationnel) pour déterminer le choix des moyens interrogatifs et, dans le cas de -tu et -ti, leur actualisation.
EN:
Four colloquial interviews between Québécoises and Québécois are used to discuss the variety of interrogative forms in Yes-No Questions. The results of an acoustic study, at both segmental and suprasegmental levels, are summarized. Spectrogramms of eight sequences including the morpheme -tu, either pronoun or particle, are shown and discussed, in relation to following sounds, stress and intonation. Various levels of analysis (linguistic, situational, conversational) are explored in order to take into account the diversity of interrogative forms—and, for -tu and -ti, their actualization.
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Frequency of Occurence of Phonemes in American Spanish
Miguelina Guirao and María A. García Jurado
pp. 135–149
AbstractEN:
A computer aided inventory of the frequency and distribution of American Spanish phonemes is reported. The corpus, drawn from five modern plays, contained 163,861 phonemes in 74,460 syllables and 43,306 words. First single elements were counted. The seven first sounds /e a o s n r i/ account for 67.5% of the total occurrences. The relative distribution of phonemes in the most frequent syllables was calculated. Higher scores correspond to /a e o/ and /s n d k t/. All phonemes were distributed according to their initial and final syllable and words position.
FR:
On a fait un inventaire des phonèmes de l’espagnol américain en faisant une statistique informatisée de leurs fréquences et leurs distributions. Le corpus a été relevé dans cinq pièces du théâtre contemporain, et il comprend 74 460 syllables dont 163 861 phonèmes et 43 306 mots. En premier lieu, les sons ont été traités séparément. Les phonèmes /e a о s n r i/ ont obtenu 67,5 % de l’occurrence totale. Il a également également été calculé la distribution relative des phonèmes dans les syllables les plus fréquentes. Les plus hauts pourcentages correspondent à /a e o/ et /s n d t k/. De plus, ils se distribuent en tenant compte de leur position initiale et finale, tant dans les syllabes que dans les mots.
La forte incidence des voyelles, ainsi que celle des consonnes neutralisées en position finale des segments syllabiques, met en évidence le caractère vocalique de la langue espagnole.