Le régime de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) fait l’objet de critiques par les différentes parties prenantes et par la doctrine à deux égards. D’une part l’aspect procédural en ce qui concerne l’organisation de tribunaux chargés de résoudre les litiges de RDIE, et d’autre part l’aspect substantiel en relation avec les accords internationaux d’investissement (AII) que les tribunaux de RDIE appliquent. Les préoccupations exprimées par rapport au régime de RDIE attestent de la crise de légitimité à laquelle il fait face. S’agissant de l’aspect procédural, plusieurs projets de réforme ont été proposés. Relativement aux parties impliquées ainsi à l’ampleur de la réforme proposée, les deux projets les plus conséquents sont le projet de tribunal multilatéral permanent des investissements de l’Union européenne et le vaste mandat accordé au Groupe de travail III de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) pour explorer d’éventuelles réformes du régime de RDIE. Concernant l’aspect substantiel des AII, l’une des réponses aux préoccupations exprimées par rapport aux résultats des anciens accords, qui se caractérisaient par la brièveté et la généralité de rédaction, est que les États ont commencé à développer davantage les AII pour détailler les protections ainsi que pour inclure des dispositions en relation avec la protection de l’environnement et les droits de la personne. La nouvelle génération d’accords a également pour objectif de préciser davantage les obligations de l’État hôte afin de préserver le pouvoir étatique de règlementer dans l’intérêt public. Wolfgang Alschner, dans son ouvrage, Investment Arbitration and State-Driven Reform: New Treaties, paru en 2022 avec Oxford University Press, analyse la première série de sentences arbitrales rendues en vertu de cette nouvelle génération d’accords et conclut qu’elle a échoué à atteindre l’objectif de préserver la liberté règlementaire de l’État hôte. La raison en est, selon l’auteur, la coexistence entre les accords appartenant à l’ancienne génération et à la nouvelle, couplée avec la tendance des tribunaux arbitraux à interpréter ces derniers par la logique des premiers au lieu de procéder à l’inverse. Alschner, professeur à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa, emploie dans son ouvrage le traitement du langage naturel en compagnie de l’analyse en composantes principales pour cartographier le contenu de plus de trois milles AII. L’emploi de ces outils informatiques présente deux avantages. Premièrement, contrairement à l’analyse des données manuellement par les chercheurs, il est possible par ces moyens informatiques de traiter un grand nombre d’accords. Deuxièmement, cela permet également de neutraliser les préconceptions qui peuvent influer sur l’analyse des données par des êtres humains. La première partie de l’ouvrage contient trois chapitres. Dans le premier chapitre, l’auteur met en oeuvre les outils de traitement informatique pour analyser les textes des AII. Cette étude empirique permet de distinguer entre les anciens et les nouveaux accords d’une manière inductive en fonction de la fréquence des mots clés dans le texte. Les accords qui obtiennent une marque élevée de fréquence tendent à être plus longs et détaillés et appartiennent à la nouvelle génération. Ceux qui obtiennent une marque moins élevée sont plus courts, manquent de flexibilité et appartiennent à l’ancienne génération. Alschner, dans le deuxième chapitre, mobilise la théorie des contrats pour rendre compte de la différence entre l’ancienne et la nouvelle génération d’accords issus de l’étude empirique. Il existe des techniques contractuelles qui aident à anticiper les lacunes et fournir des outils pour les combler, tel le fait d’inclure des clarifications et des exceptions ou déléguer le pouvoir d’interprétation des accords à certaines institutions. Ainsi, le développement des AII vers la nouvelle génération reflète l’emploi progressif de ces techniques d’exhaustivité contractuelle. L’auteur explique donc …