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L’invasion d’une partie de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine au matin du 24 février 2022 a surpris le monde. Si les tensions grandissantes des mois passés laissaient prévoir une escalade de la violence, une agression armée d’une telle ampleur apparaissait pourtant peu envisageable[1]. Dès lors, l’équilibre que connaissait le vieux continent ces dernières années a été profondément bouleversé. Ce retour de la « guerre de haute intensité »[2] a amené les États membres de l’Union européenne (UE) à réagir contre l’agresseur tout d’abord, avec un lot de sanctions économiques votées à l’encontre de la Russie[3], mais également en solidarité avec le peuple ukrainien fuyant les zones de combat. Le conflit a poussé de nombreux civils ukrainiens et étrangers à quitter le pays pour trouver refuge dans les États membres de l’Union européenne limitrophes.

Au cours du mois de mars 2022, on compte alors près de 2,3 millions de personnes déplacées en Pologne et pas moins de 364 000 personnes en Hongrie[4]. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), on compte près de 7,9 millions de personnes déplacées en provenance d’Ukraine à travers l’Europe[5]. Bien qu’il soit toujours délicat de réaliser un décompte précis lors d’un événement d’une telle ampleur, il s’agit sans aucun doute du plus grand déplacement de populations civiles en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale[6]. Ces entrées sur les territoires des États membres sont facilitées par le fait que les ressortissants ukrainiens sont exemptés de visas pour accéder au territoire de l’Union européenne. En effet, depuis le 11 mai 2017, les ressortissants ukrainiens bénéficient d’une exemption de visa pour le franchissement des frontières extérieures des États membres pour des séjours ne dépassant pas 90 jours sur une période de 180 jours[7]. Face à cette situation exceptionnelle et à ce phénomène de déplacement des populations inédit, le Conseil de l’Union européenne (Conseil), sur proposition de la Commission européenne (Commission), a décidé, le 4 mars 2022, d’activer le régime de la protection temporaire. Ce mécanisme juridique existe depuis 2001. Pour autant, celui-ci n’avait jamais été mis en application au cours des précédentes crises migratoires, notamment dans le cadre du conflit syrien. Certaines voix avaient plaidé, à l’époque, en faveur de l’activation du processus lors de l’épisode de la « crise des migrants »[8]. Cependant, faute d’une volonté politique en ce sens, cette proposition est restée lettre morte.

Afin de prendre la mesure de l’importance que représente l’activation du dispositif de la protection temporaire dans le cadre du conflit ukrainien, il semble nécessaire de revenir sur les échecs successifs rencontrés dans le cadre de la guerre en ex-Yougoslavie. Ce conflit fut à l’origine, à l’époque, du plus important déplacement de population sur le vieux continent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale[9]. Dès le milieu de l’année 1990, les déplacements de populations sont considérables dans les régions limitrophes à l’ex-Yougoslavie. Le phénomène s’intensifie durant les années qui suivent le début du conflit. On dénombre alors plus d’un million de déplacés à travers l’Europe et le monde au milieu des années 1990[10]. L’inexistence d’un instrument juridique commun a empêché une harmonisation des pratiques lors de l’accueil des déplacés yougoslaves par les différents États européens. Cette absence d’une protection européenne a créé des situations dissemblables :

Since there was no determined binding legal instruments or international legislation on conditions and limits of temporary protection then; European countries, who welcomed the asylum seekers from Former Yugoslavia due to civil war, provided different types of protection in their own circumstances based on their own interpretations[11].

La genèse de la Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 (Directive) est donc analogue aux échecs successifs qu’ont connus les États européens dans leur volonté de répartir plus équitablement les réfugiés et déplacés du conflit yougoslave. Il est indubitable que ces événements sont en grande partie à l’origine de la rédaction de la Directive relative à la protection temporaire[12].

En revanche, si le régime de la protection temporaire dans sa forme contemporaine apparaît avec la Directive, l’idée d’une protection juridique accordée lors d’une arrivée soudaine et massive de population n’est pas inédite. Bien que l’étude de l’accueil des réfugiés espagnols en France et en Angleterre permette d’entrevoir les prémices du dispositif de la Directive au travers de la notion de « refuge temporaire »[13] accordé au cours des années 1936-1939, il est trompeur de voir à travers cette notion de « refuge temporaire » les bases réelles de la Directive.

Il est néanmoins intéressant de relever que l’accueil, bien que temporaire, des réfugiés espagnols fuyant la guerre civile, avait été étudié et en partie réalisé. En 1936, face à l’arrivée importante de réfugiés civils espagnols sur le territoire français, le gouvernement de Léon Blum organise l’accueil de ces populations et met en place de nombreuses mesures afin de résorber cette arrivée de déplacés espagnols : centre d’hébergement, mesures sanitaires, campagnes de vaccination ou encore apprentissage du français pour les enfants[14]. Dans un aspect un peu plus contemporain, on retrouve en 1992, un rapport du HCR traitant de l’accueil des déplacés de guerre dans les États limitrophes aux zones de conflit en faisant un lien avec le conflit se déroulant en ex-Yougoslavie[15]. Ce rapport préconisait la mise en place d’une protection temporaire qui « devrait inclure, au minimum, l’admission dans le pays où une telle protection est demandée, le respect du principe de non-refoulement et des droits fondamentaux de l’homme »[16]. Il n’est d’ailleurs pas anodin que certains auteurs voient dans ce texte l’un des premiers instruments juridiques posant les bases de l’actuelle protection temporaire[17]. Le rapport met en lumière les éléments constitutifs du régime de l’actuelle protection : son caractère temporaire, dans lequel se déclinent plusieurs aspects pleinement matériels qui donneraient suite à la possibilité d’un retour des populations dans leur État d’origine.

Le cas ukrainien est différent sur de nombreux points. La forte mobilisation de la société civile en Pologne et en Hongrie pour aider et accueillir les personnes déplacées en provenance d’Ukraine, dès les premiers jours de l’invasion russe, a sans doute renforcé le sentiment de solidarité à l’égard de cette population fuyant les zones de guerre. Les gouvernements des États membres, animés d’un sentiment de fraternité, feint ou réel, et d’aspirations politiques ont vu, dans le dispositif de la protection temporaire, l’outil « le plus approprié » pour répondre à la crise à venir. Pour autant, si la réponse apportée par l’Union européenne est louable, de nombreux incidents sont à répertorier lors des mouvements de population durant les premiers jours de déplacement des populations. En effet, de nombreux étudiants d’origine étrangère (majoritairement d’origine africaine) n’ont pas été autorisés à quitter l’Ukraine et ainsi gagner le territoire de l’Union européenne[18].

La Directive 2001/55/CE vise à « mettre en place un dispositif exceptionnel assurant une protection immédiate et de caractère temporaire »[19] en cas de nombre important d’entrées sur le territoire de l’Union européenne en provenance d’un pays tiers[20]. Le régime de la protection temporaire se différencie de l’asile et de l’immigration humanitaire au sens de l’article 25 du Code des visas de l’Union européenne par leurs objectifs, leurs critères d’éligibilité et leur durée de validité. L’asile est un régime de protection durable accordé aux individus qui fuient leur pays d’origine en raison de persécutions liées à leurs race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social particulier ou opinions politiques. L’immigration humanitaire, quant à elle, concerne l’admission de personnes vulnérables ou ayant des besoins spécifiques pour des raisons humanitaires. Celle-ci est généralement accordée à titre individuel, en fonction des circonstances particulières de chaque cas.

Les standards de protection ou « normes minimales », selon le texte de la Directive, obligent les États durant toute la durée du dispositif. Le système repose sur un équilibre consenti entre les États membres de l’Union européenne et un partage équitable des charges afin de « supporter les conséquences de cet accueil ». Cette coopération entre les États membres et la logique de solidarité communautaire semblent toutefois s’inscrire à rebours de la politique migratoire européenne jusqu’alors en vigueur. Le « modèle Dublin »[21] qui faisait peser la charge de l’enregistrement des demandes d’asile, l’accueil et l’entretien matériel des demandeurs sur les États d’entrée du territoire européen avait mis à mal la coopération en matière migratoire à l’échelle communautaire[22]. Les oppositions de certains représentants politiques et d’une partie de l’opinion publique européenne avaient entravé toute ambition de remodeler vers le haut le système européen[23]. La refonte impossible de la politique d’asile européen ne pouvait laisser imaginer un jour l’activation du mécanisme de la protection temporaire. L’année 2022 a prouvé de façon tragique que ce texte était résolument moderne.

Cet article a pour ambition d’examiner la mise en oeuvre de la protection temporaire au sein de l’Union européenne, en se concentrant sur l’angle juridique, à la lumière de la situation ukrainienne. Il vise à analyser les mécanismes et les politiques en place pour offrir une protection temporaire aux personnes touchées par le conflit en Ukraine. L’étude examinera les cadres juridiques pertinents, les obligations des États membres de l’UE et les défis rencontrés dans la mise en oeuvre effective de la protection temporaire. À cet effet, il conviendra de revenir dans un premier temps sur les aspects généraux et les origines du mécanisme de la protection temporaire. Ensuite, il s’agira d’étudier son opérationnalisation dans le cadre du conflit ukrainien pour enfin en établir les limites mises en lumière par une année de pratique.

I. Le mécanisme de la protection temporaire : outil de solidarité européenne

À la suite de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie le 24 février 2022, le Conseil européen a immédiatement condamné avec la « plus grande fermeté l’agression militaire non provoquée et injustifiée »[24]. Cette réunion extraordinaire a également été l’occasion de rappeler la solidarité des partenaires européens avec le peuple ukrainien. Il convient d’y voir une première forme d’application du dispositif de la protection temporaire qui sera activé par la suite. Face au risque d’une importante pression migratoire en provenance d’Ukraine, la Commission a proposé au Conseil le 2 mars 2022 l’activation du dispositif de la protection temporaire. Ce dispositif issu de la Directive poursuit un objectif principal :

Instaurer des normes minimales relatives à l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine et de contribuer à un déséquilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil[25].

Ainsi, le 4 mars 2022, sur proposition de la Commission, le Conseil de l’Union européenne a-t-il adopté une décision, « constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la Directive 2001/55/CE et ayant effet d’introduire une protection temporaire »[26].

La Directive poursuit un double objectif. Premièrement, la protection temporaire répond à un devoir de solidarité et d’humanité face à la réalité vécue par les millions de civils déplacés en provenance d’Ukraine. À cet égard, la Directive, à la lettre de son article 25, semble pleinement explicite quant à la nature même de la protection accordée : « les États membres accueillent, dans un esprit de solidarité communautaire, les personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire »[27]. Secondement, la Directive répond à un objectif de sécurisation et de protection des systèmes d’asile des États membres de l’Union européenne. En effet, au-delà de la protection accordée, l’objectif poursuivi est donc de sauvegarder l’équilibre et le bon fonctionnement institutionnels des États membres en sécurisant leurs systèmes d’asile face à un afflux massif de déplacés. La Directive, au travers de son mécanisme de protection accordée temporairement par les gouvernements européens, joue alors le rôle d’une soupape face à une pression migratoire trop importante imposée aux systèmes « conventionnels » d’asile dans les différents États membres. Cette acception est pleinement identifiable à la lecture de la proposition de directive du Conseil peu avant sa rédaction :

Les conséquences d’un afflux massif de personnes déplacées dans l’Union européenne imposent au système d’asile des pressions telles que des arrangements spécifiques sont indispensables afin d’accorder immédiatement une protection aux personnes concernées et éviter l’engorgement du système d’asile au détriment de l’intérêt des États mais aussi des autres personnes qui sollicitent une protection en dehors de l’afflux massif[28].

Cette idée d’une « pression migratoire » se retrouve également dans la décision du 4 mars 2022[29]. Le Conseil y relève que le conflit s’opérant sur le territoire ukrainien « a déjà des implications pour l’Union, y compris la probabilité qu’une forte pression migratoire soit exercée sur ses frontières orientales »[30]. Le considérant sept de la décision dans sa rédaction est explicite quant à la crainte d’une pression trop importante sur les systèmes d’asile des États membres :

Ces chiffres montrent que l’Union est susceptible d’être confrontée à une situation caractérisée par un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine qui ne sont pas en mesure de retourner vers leur pays ou région d’origine en raison de l’agression militaire russe. L’ampleur de cet afflux serait vraisemblablement telle que les régimes d’asile des États membres risquent manifestement de ne pas être en mesure de traiter ces arrivées sans qu’il soit porté atteinte au bon fonctionnement de ces régimes, ainsi qu’aux intérêts des personnes concernées et à ceux d’autres demandeurs d’une protection[31].

La situation créée par le conflit ukrainien et l’ampleur des arrivées, tout particulièrement dans les États membres limitrophes à l’Ukraine, aurait sans aucun doute amené à une saturation rapide des systèmes d’asile nationaux sans une intervention des institutions européennes. Il apparaît alors que la volonté affichée par l’Union européenne d’un accueil digne des populations déplacées dans un esprit de « solidarité communautaire » est intimement liée à la sauvegarde de la capacité d’action des États membres dans le domaine de l’asile.

Depuis 2015, l’Union européenne était invitée à refondre son « système des migrations et examiner comment ses politiques et ses concepts de base en la matière pourraient être réorientés dans le sens d’une approche fondée sur les droits de l’homme »[32]. Les réactions des États membres de l’Union européenne et le déclenchement du dispositif de la protection temporaire seront peut-être le point d’amorce pour des négociations saines autour du nouveau pacte sur l’asile et la migration proposé par la Commission le 23 septembre 2020. Jusqu’ici, les États membres ne sont pas parvenus à trouver un terrain d’entente propice à la création d’un « système de solidarité permanent » souhaité par la Commission et le Parlement européen[33]. Ce nouveau modèle de solidarité en cas de crise envisagée donne aux États membres la possibilité de choisir de participer soit à la relocalisation soit à une participation au retour des demandeurs d’asile[34]. Toutefois, cette nouvelle approche de la politique d’asile pourrait entrer en conflit avec le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les États membres qui, conformément à l’article 80 du TFUE[35], régissent la politique de l’Union en matière d’asile[36]. De plus, les réticences de certains États membres face à toute modification plus contraignante du modèle d’asile ainsi que les interrogations persistantes autour de l’effet obligatoire du Pacte ne permettent pas d’entrevoir la création d’un nouveau modèle d’asile européen cohérent.

L’activation du mécanisme de la protection temporaire dans le cadre du conflit ukrainien pourrait cependant poser la première pierre d’une réflexion autour d’une solidarité plus coordonnée envers les personnes nécessitant une protection. Si les objectifs poursuivis par la Directive sont louables, cette activation du dispositif de la protection temporaire nourrit néanmoins de nombreuses critiques sur l’opportunité d’emploi dans le cadre des crises migratoires récentes[37].

II. Une première activation du mécanisme de la protection temporaire

Une notion centrale de la Directive est indubitablement celle « d’afflux massif de personnes déplacées en provenance de pays tiers ». En effet, la Directive énonce clairement que son activation peut être considérée dans l’hypothèse :

d’afflux massif de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine et de contribuer à un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil[38].

Or, si l’existence d’un « afflux massif de personnes déplacées » est une condition sine qua non de l’activation du mécanisme, la définition apportée par la Directive elle-même ne permet pas de lever les doutes sur la nature exacte de cet « afflux massif ». La Directive le définit comme tel en son article 2 d) :

d) “afflux massif”, l’arrivée dans la Communauté d’un nombre important de personnes déplacées, en provenance d’un pays ou d’une zone géographique déterminés, que leur arrivée dans la Communauté soit spontanée ou organisée, par exemple dans le cadre d’un programme d’évacuation[39].

La Directive peine toutefois à apporter une définition suffisamment précise du terme « d’afflux massif ». Dès lors, un pouvoir large d’interprétation de la notion est laissé aux États membres et plus particulièrement au Conseil. S’il n’existe pas réellement de seuil permettant de qualifier une situation migratoire d’afflux massif, la lecture de la définition à la lumière des objectifs poursuivis par la Directive laisse supposer la nécessité d’une ampleur suffisamment importante pour être qualifiée de massive. L’afflux de personnes déplacées doit, en effet, être d’une ampleur telle « que les régimes d’asile des États membres risquent manifestement de ne pas être en mesure de traiter ces arrivées »[40]. L’ampleur de l’arrivée des personnes déplacées doit donc créer une pression sur les régimes d’asile des États membres suffisamment grave et importante pour pouvoir retenir la qualification « d’afflux massif ». La Directive retient également la notion d’imminence. Le texte emploie ainsi indistinctement la notion « d’afflux massif » ou « d’afflux massif imminent »[41] sans pour autant expliciter la différence entre les deux expressions. De manière semblable, la rédaction du considérant treize laisse place à de nombreuses interrogations sur ce caractère « imminent » :

(13) Compte tenu du caractère exceptionnel des dispositions établies par la présente directive pour faire face à un afflux massif, actuel ou imminent, de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, la protection offerte devrait avoir une durée limitée[42].

L’emploi de la conjonction de coordination « ou » laisse entendre que l’afflux de personnes déplacées pourrait être indifféremment massif ou imminent. Cette zone d’ombre persistante dans le corps de la Directive accorde une place centrale à l’interprétation par la Commission et a fortiori par le Conseil de cette notion « d’afflux massif de personnes déplacées ».

Cette interprétation intervient lors de la qualification et la constatation de la situation. Il ne s’agit nullement d’une simple question de précision des termes mais bien d’une obligation imposée par la Directive en son article 5, précisant la procédure nécessaire pour l’activation du mécanisme de la protection temporaire. Une lecture approfondie permet d’y constater le rôle primordial accordé à la Commission européenne. La décision d’exécution du Conseil ne peut être prise uniquement sur proposition préalable de la Commission. De cette manière, la Décision d’exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 vient acter la reconnaissance de cet « afflux massif de personnes déplacées » en provenance d’Ukraine et indique la nécessité d’activer la Directive.

Cependant, force est de reconnaître que lors des précédentes crises migratoires, notamment syrienne, l’activation de la Directive n’avait pas été envisagée. Dès lors, cet « afflux massif de personnes déplacées en provenance d’un pays tiers » aurait-il été qualifié autrement dans l’hypothèse d’un « pays tiers » autre que l’Ukraine ? Dans cette situation, ce qui semble orienter l’application de la Directive et de la qualification qui l’accompagne n’est pas tant « l’afflux massif de personnes déplacées », mais plutôt le « pays tiers » et les intérêts pris en compte. Les situations diffèrent de même que les réponses apportées par l’Union européenne dans la gestion de la crise. Plusieurs éléments peuvent être apportés afin de justifier cette dissimilitude. La représentation positive par l’opinion publique des États membres de l’Union européenne des populations fuyant les combats en Ukraine a sans doute joué un rôle dans la décision du Conseil[43]. De la même manière, la couverture médiatique et le traitement de l’information sur les réseaux sociaux ont probablement renforcé ce sentiment en présentant « des portraits humains des réfugiés, privilégiant le récit de leurs vies et la résilience de ceux qui sont obligés de quitter leur pays »[44]. En outre, la proximité géographique de l’Ukraine aux portes de l’Union européenne ainsi que la présence de communautés ukrainiennes avant le début de l’invasion ont pu conforter la décision du Conseil :

La proximité de l’Ukraine se traduit par d’importants flux vers l’Europe puisque (en date du 29 mars 2022) des centaines de milliers de réfugiés ukrainiens ont été recensés en Pologne (2 336 799), Roumanie (608 936), Moldavie (387 151), Hongrie (364 804), et Slovaquie (281 172). Ces pays font également partie de ceux accueillant le plus de migrants ukrainiens avant l’invasion de la Russie, soulignant l’importance des effets de réseaux dans les choix migratoires. Ces derniers s’expliquent par la capacité des migrants établis depuis un certain temps dans le pays d’accueil à faciliter la migration d’individus en provenance du même pays d’origine[45].

La prise de décision de l’Union européenne quant à l’activation de mesures de protection temporaire peut être interprétée comme une manifestation de solidarité envers la population ukrainienne touchée par le conflit, ainsi qu’une affirmation de son rôle politique en tant qu’acteur régional. Toutefois, il convient de souligner que ces décisions résultent d’une délicate conciliation entre considérations politiques, humanitaires et juridiques, témoignant de la complexité inhérente à la gestion de telles situations.

III. Le rôle des États membres dans le mécanisme de la protection temporaire

La décision d’exécution du Conseil vient préciser les catégories de personnes éligibles à la protection temporaire. En dehors de l’article 2 c), la Directive ne précise nullement les catégories qui pourraient bénéficier du dispositif. Cette détermination est donc l’apanage du Conseil qui doit déterminer ces catégories dans sa décision d’exécution. L’article 2 de la décision Personnes auxquelles s’applique la protection temporaire énonce :

1. La présente décision s’applique aux catégories suivantes de personnes déplacées d’Ukraine le 24 février 2022 ou après cette date, à la suite de l’invasion militaire par les forces armées russes qui a commencé à cette date :

a) les ressortissants ukrainiens résidant en Ukraine avant le 24 février 2022 ;

b) les apatrides, et les ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine, qui ont bénéficié d’une protection internationale ou d’une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022 ; et,

c) les membres de la famille des personnes visées aux points a) et b)[46].

Pour autant, si la décision d’exécution semble limitative, les États membres ne sont pas liés par celle-ci et peuvent, s’ils le souhaitent, accorder le bénéfice de la protection temporaire à des personnes ne répondant pas strictement à ces critères. En effet, à la lecture de l’article 2 de la Décision, il ressort que plusieurs catégories de personnes sont exclues du bénéfice de la Directive. Il s’agit tout d’abord des ressortissants ukrainiens, les bénéficiaires d’une protection délivrés par les autorités ukrainiennes ainsi que les ressortissants de pays tiers résidant de manière permanente, qui avaient quitté l’Ukraine avant le 24 février 2022 (date du début du conflit). Il convient de s’interroger sur cette restriction implicite. Le bénéfice de la protection temporaire peut s’expliquer, en partie, par l’impossibilité pour les déplacés de rejoindre l’Ukraine du fait de la situation particulièrement dangereuse. Cependant, pour quelles raisons celle-ci le serait moins pour des ressortissants ukrainiens ayant quitté leur pays avant le début du conflit ? Il semble difficile d’apporter une réponse objective à cette interrogation.

Une autre catégorie de personnes inéligibles à la protection temporaire est les ressortissants de pays tiers résidant en Ukraine au 24 février 2022 sans titre de séjour permanent. Une nouvelle fois, cette différence de traitement interroge au regard du principe de non-discrimination. Il s’agit sans aucun doute du cas de figure le plus problématique auquel ont été confrontés les États membres dans la mise en pratique du dispositif sur leur territoire. Quid des étudiants étrangers fuyant la guerre et souhaitant trouver refuge dans les pays d’Europe occidentale ? Les étudiants étrangers de pays tiers qui étudiaient en Ukraine au 24 février 2022 ont rencontré de très grandes difficultés pour voir leur situation administrative être reconnue par les États européens d’accueil. Bien que la Directive permette aux États membres d’adopter une conception large et d’accorder la protection temporaire à des personnes ne réunissant pas les conditions imposées par la Directive, certains étudiants ont été contraints de retourner dans leurs pays d’origine[47]. Quid des membres de communautés arméniennes vivant depuis plusieurs générations sur le territoire sans un statut de résident permanent accordé par les autorités ukrainiennes ? En France, les services déconcentrés de l’État chargés de l’instruction de demande de protection temporaire ont été confrontés à un nombre important de déplacés de nationalité arménienne en provenance d’Ukraine. Ces derniers vivaient sur le territoire ukrainien depuis la chute de l’ex-URSS sans n’avoir jamais obtenu un statut de résident permanent délivré par les autorités ukrainiennes. Dès lors, comme l’a jugé le Conseil d’État, les États membres ne sont pas tenus d’accorder le bénéfice de la protection temporaire[48]. C’est dans de telles situations que la pratique des États membres peut différer, les situations particulières pouvant parfois donner lieu à des interprétations larges de la Directive. La France a initialement choisi la voie d’une application rigoureuse des dispositions de la décision du Conseil, ne laissant que peu de place à l’étude de cas particuliers. Aussi, l’instruction du ministère de l’Intérieur du 10 mars 2022[49], confirmée par la Circulaire du 22 mars 2022,[50] ne prévoyait-elle aucune possibilité pour les étudiants ressortissants de pays tiers qui poursuivaient leurs études en Ukraine de bénéficier de la protection temporaire. Ces derniers, lors de leur rendez-vous en préfecture, étaient invités à réaliser une demande de visa étudiant dans les ambassades françaises de leurs pays d’origine afin de poursuivre leur scolarité sur le sol français.

La décision d’exécution semble accorder aux États membres la possibilité d’adopter une position assez libérale quant à l’octroi de la protection temporaire. En son considérant quatorze, la décision du Conseil énonce :

Les États membres peuvent également faire bénéficier de la protection temporaire d’autres catégories de personnes déplacées outre celles auxquelles la présente décision s’applique, lorsqu’elles sont déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d’origine que celles et ceux visés dans la présente décision. Dans ce cas, les États membres devraient en informer immédiatement le Conseil et la Commission. Dans ce contexte, les États membres devraient être encouragés à envisager d’étendre la protection temporaire aux personnes qui ont fui l’Ukraine peu avant le 24 février 2022, alors que les tensions augmentaient, ou qui se sont retrouvées sur le territoire de l’Union (par exemple, en vacances ou pour des raisons professionnelles) juste avant cette date et qui, en raison du conflit armé, ne peuvent pas retourner en Ukraine[51].

Afin d’harmoniser au mieux les pratiques par les États membres et de faciliter la mise en application de la Directive, la Commission a publié le 21 mars 2022 des lignes directrices opérationnelles[52]. La Commission semble également encourager les États membres à « envisager d’étendre la protection temporaire » dès lors que « ces personnes ne seront en tout état de cause pas en mesure de retourner en Ukraine en tant que pays d’origine ou de refuge »[53]. Une nouvelle fois, la Commission semble inviter les États membres à instruire les demandes de protection temporaire avec une certaine souplesse quant aux conditions d’octroi.

À cet effet, il est étonnant de relever qu’aucune information n’est apportée sur la procédure d’octroi de la protection temporaire. De fait, il n’existe aucune procédure uniformisée et commune à l’ensemble des États membres. Un tour d’horizon permet de constater que chaque État d’accueil a décliné cette procédure d’octroi de la protection temporaire d’une manière différente. En Belgique par exemple, les enregistrements des demandes pour les personnes déplacées sont à réaliser au sein de « centre d’enregistrement de l’Office des étrangers »[54]. En France, les personnes déplacées en provenance d’Ukraine doivent nécessairement se présenter auprès des préfectures de département[55]. Ces services déconcentrés de l’État sont les seules autorités compétentes pour réaliser un enregistrement d’une demande de protection temporaire[56]. L’instruction des dossiers est relativement simple et rapide. Les demandeurs doivent déclarer leur arrivée sur le territoire du département de la préfecture. Un rendez-vous est alors fixé par les services de l’État. À l’issue d’un entretien avec des fonctionnaires, une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité maximale de six mois est remise aux demandeurs. Dès lors, ces derniers sont reconnus comme étant bénéficiaires de la protection temporaire. Cette reconnaissance ouvre un large panel de droits aux bénéficiaires et fait peser sur les États membres un certain nombre d’obligations[57].

Les États d’accueil doivent délivrer des titres de séjour afin de permettre de résider de façon temporaire sur son territoire[58]. Les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent avoir un accès au marché du travail et ainsi exercer une activité salariée sur le territoire de l’État d’accueil « sous réserve des règles applicables à la profession choisie » ainsi qu’un accès à la formation professionnelle[59]. Les bénéficiaires peuvent également bénéficier d’un accès à un « hébergement approprié », reçoivent « le soutien nécessaire en matière d’aide sociale et de subsistance, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes, ainsi que de soins médicaux »[60]. De la même manière, les États doivent garantir aux enfants mineurs bénéficiaires de la protection temporaire « l’accès au système éducatif dans les mêmes conditions que les ressortissants de l’État membre d’accueil »[61]. Cette mesure trouve un écho particulier au regard de la composition des populations déplacées en provenance d’Ukraine. En effet, selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), les enfants mineurs composent une part importante des flux des personnes déplacées en provenance d’Ukraine[62]. Enfin, les bénéficiaires de la protection temporaire ont aussi la possibilité de déposer une demande de protection internationale. Néanmoins, les États peuvent reporter l’étude des demandes d’asile jusqu’à la fin de leur protection temporaire s’ils le jugent nécessaire.

IV. Quelles leçons tirer de la mise en pratique du mécanisme de la protection temporaire ?

Cette expérimentation du dispositif de la protection temporaire à travers sa première mise en pratique durant toute l’année 2022 doit être le terreau fertile d’une large réflexion s’appuyant sur les retours d’expérience des États membres. Cette première expérience, certes limitée dans le temps, a permis de constater les limites et les axes d’amélioration du dispositif.

L’une des grandes critiques qui a pu longtemps être formulée à l’égard de la directive a été son inutilité. L’inutilisation du dispositif dans le cadre de la crise en Libye, en Syrie ou en Afghanistan a pourtant été décriée à de nombreuses occasions[63]. Ainsi, dans le cadre des discussions autour du « nouveau pacte sur la migration et l’asile »[64], la Commission avait proposé purement et simplement de retirer la directive relative à la protection temporaire :

Compte tenu de l’élaboration des notions et des règles relatives aux conditions requises pour bénéficier d’une protection internationale, et compte tenu du fait que la nouvelle législation fixerait des règles pour l’octroi d’un statut de protection immédiate en situation de crise, la directive sur la protection temporaire serait abrogée[65].

L’année 2022, plus que jamais, a prouvé à la Commission la nécessité de préserver le texte de la Directive intact. Si le débat peut être ouvert sous l’opportunité de ne pas avoir fait usage de la Directive dans les situations antérieures, il ne peut être que salué la décision d’exécution prise par le Conseil. Au-delà des considérations humanitaires, la crise des déplacés ukrainiens a su redonner à l’Union européenne une place de premier rang sur la scène internationale.

La coopération des États membres et le travail de coordination dans la mise en place du dispositif de protection sont également à souligner. Il est rare qu’un tel compromis soit trouvé dans le domaine migratoire. La Commission européenne a établi de nouveaux outils permettant ainsi une meilleure communication entre les États membres. Ces nouveaux procédés ont permis de rendre l’action communautaire plus efficiente face à la crise[66]. Les actions de la Commission européenne se sont articulées principalement autour de la création d’une plateforme commune permettant une communication instantanée entre les États membres. Les dossiers de demande de protection temporaire ainsi que les refus éventuels des États membres ont ainsi été partagés. Ce suivi opéré a permis aux États de lutter contre les doublons de procédures et contre les potentielles fraudes[67]. Un autre point très important du travail de la Commission a porté sur la mise en place de procédures de standardisation des procédures d’octroi de la protection temporaire, notamment dans l’accompagnement des enfants mineurs. Ces points d’attention ont permis de lutter contre les phénomènes de traite mais également une meilleure inclusion des enfants ukrainiens au sein des systèmes scolaires des États membres[68]. Ces mesures apparaissent essentielles afin de protéger et préserver des populations à risque :

La majorité de ceux qui viennent d’Ukraine sont des femmes et des enfants. Parallèlement aux mesures immédiates dans les centres d’accueil et d’hébergement, la plateforme de solidarité, sous la direction du coordinateur anti-traite de l’UE, travaillera avec les États membres et les agences de l’UE, y compris l’Autorité européenne du travail, pour développer un plan commun de lutte contre la traite pour faire face aux risques de traite et soutenir les victimes potentielles. Le plan sera basé sur la stratégie de l’UE de lutte contre la traite des êtres humains (2021-2025) et abordera les défis spécifiques résultant de la guerre d’Ukraine, par exemple en fournissant des informations aux personnes qui arrivent, en mettant en place des lignes d’assistance téléphoniques dédiées, en dispensant une formation aux agents de première ligne pour identifier les victimes, coordonner les inspections du travail dans les secteurs à haut risque et renforcer la surveillance des risques hors ligne et en ligne avec le soutien d’Europol[69].

Au niveau national, le travail entre les acteurs du secteur privé et les services de l’État a permis de faire face de manière efficace à la situation de ces derniers mois. En France, l’adaptation des services déconcentrés de l’État a permis une prise en charge rapide des personnes déplacées en provenance d’Ukraine[70]. Le lien étroit de certaines préfectures avec l’Office français de l’immigration et intégration (OFII) a contribué à renforcer l’efficacité et la qualité dans le traitement des demandes de protection temporaire[71]. Toutefois, les services de l’État ont parfois dû faire preuve d’une grande souplesse et d’adaptabilité pour faire face à cette nouvelle situation. L’immédiateté a dicté l’action des services publics. Pour cette raison et afin de répondre aux enjeux conséquents de l’accueil des populations déplacées en provenance d’Ukraine, les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales, en lien avec le milieu associatif, ont dû parfois trouver des solutions alternatives. Les collectivités locales, en première ligne dans l’accueil des déplacés ukrainiens, ont rencontré de nombreuses difficultés quant à l’accompagnement des familles et la scolarisation des enfants[72].

Les associations ont également très largement participé à mener à bien l’accueil des déplacés ukrainiens sur le territoire national. Ces dernières ont su accompagner les familles dans les démarches administratives et l’accès au logement. C’est également la mobilisation de ces mêmes associations qui a permis une meilleure en prise en charge par les autorités françaises des étudiants étrangers originaires d’un pays tiers qui souhaitaient poursuivre leurs études en France[73].

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Le conflit ukrainien a obligé les États membres de l’Union européenne à s’adapter rapidement afin d’être à la hauteur des enjeux historiques qui se présentent. Temporaire, la protection accordée aux personnes déplacées en provenance d’Ukraine prendra fin dans un futur proche. Les institutions européennes, assujetties à une évolution positive du conflit en Ukraine, doivent alors envisager un après afin d’accompagner dignement les populations civiles ayant quitté l’Ukraine. Néanmoins, l’un des aspects essentiels, non abordé dans cette étude, est la capacité matérielle des États membres de pouvoir poursuivre l’application de la Directive. Par définition, la protection temporaire ne pourra être envisagée comme une solution pérenne dans le temps. Le choix devrait être laissé aux bénéficiaires de pouvoir réaliser une demande d’asile et pouvoir ainsi espérer, à terme, une régularisation de leur situation administrative au sein des pays d’accueil. Les enfants, désormais scolarisés par les États membres où le processus d’insertion et d’intégration des personnes déplacées par le travail, sont autant d’éléments qui plaident en faveur d’une possible intégration et régularisation de ces populations au sein des États membres. Il apparaît ainsi nécessaire que l’Union européenne se saisisse de cette thématique pour ne pas être confrontée dans un futur proche à cette problématique. Il convient alors de mettre en place des outils juridiques de transition afin d’anticiper la fin de l’application de la Directive.

Certaines voix s’élèvent et plaident en faveur d’une modification de la directive européenne de 2003 sur les résidents de longue durée[74]. La possibilité d’intégrer les bénéficiaires de la protection temporaire dans le champ d’application de la directive permettrait de réaliser un décompte des mois passés sous le bénéfice de la protection temporaire comme durée de résidence au sens de l’article 4 de la Directive[75]. On comprend dès lors que cet outil permettrait d’appréhender sur le long terme une sortie de crise et de cette situation d’exception connue avec le dispositif de la protection temporaire. Pour autant, si la solution apparaît comme pratique, elle semble en parfaite contradiction avec l’esprit de la Directive. Le régime de la protection temporaire vise à protéger sur une durée donnée les personnes déplacées. La finalité entendue est de permettre aux bénéficiaires de la protection temporaire de pouvoir rentrer dans leurs pays d’origine et non de s’installer durablement dans l’État d’accueil comme le prévoit la directive en son considérant 19 :

(19) Il convient de prévoir les principes et mesures gouvernant le retour dans le pays d’origine et les mesures à prendre par les États membres à l’égard des personnes dont la protection temporaire a expiré[76].

La volonté légitime des déplacés forcés de retourner en Ukraine a déjà pu être observée depuis le début du conflit à destination de régions encore touchées par la guerre alors même que le conflit n’a pas réduit en intensité au fil des mois[77]. Cet événement ne doit toutefois pas être apprécié comme un comportement généralisé adopté par les personnes déplacées en provenance d’Ukraine[78].

La responsabilité de faire évoluer le sens de cette directive incombe donc aux États membres de l’Union européenne qui ont pu constater durant la mise en application du mécanisme l’existence de disparités et de déséquilibres. À travers cette application du dispositif de la protection temporaire, c’est l’ensemble du modèle migratoire et d’intégration de l’Union européenne qu’il convient de repenser afin de le rendre plus efficace, en prévision des crises futures menaçant le vieux continent.