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Laissons l’émotion guider nos réflexions. Laissons l’empathie animer notre lecture. Laissons les ressentis éprouver nos âmes afin que nous puissions percevoir ce lien qui nous lie tous : l’humanité. Ce poème a pour vocation d’humaniser une situation qui peut sembler lointaine. Évoquant différents aspects du conflit, il se veut porteur de vérité, mais aussi d’espoir. Par le prisme des divers points de vue qui le traversent, il est possible de se mettre à la place de tous ceux qui souffrent – peu importe leur camp. Si le droit et la justice ont pour vocation de prévenir et réparer les atrocités, l’émotion et l’art ont pour mission de lier les humains entre eux. Par le biais des ressentis, nous pouvons tous percevoir que nous appartenons à une même humanité, que nous sommes habités par un même coeur. Russes ou Ukrainiens, les populations meurtries méritent d’avoir une voix, que leur parole soit diffusée, répandue et écoutée. Le tableau qui figure dans le texte est une peinture de l’artiste ukrainienne Maria Primachenko, figure emblématique de l’identité nationale ukrainienne. Durant le conflit, un musée contenant plusieurs de ses oeuvres a été réduit en cendres. Certaines de ses peintures ont pu être sauvées grâce au courage de locaux ayant pénétré dans le bâtiment en feu pour y extraire les oeuvres colorées et vives. La culture ne doit pas être anéantie, car elle porte la vie d’un peuple, une identité entière qui lui permet de se retrouver, mais aussi de se découvrir aux autres. Dans la même veine, la référence aux chemises brodées évoque les traditions populaires ukrainiennes. Il s’agit d’hommages à cette culture que je commence à connaitre, malheureusement dans des circonstances tragiques, mais qui me semble fascinante et si pleine de résilience. Résilience, renaissance : deux principes directeurs qui permettront de reconstruire un avenir positif.

« May I Give This Ukrainian Bread to All People in This Big Wide World » (Titre original : « Дарую українську паляницю всім людям на землі ») (oeuvre artistique) Maria Primachenko (1982)

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Je vois la fertilité opprimée

Des corps et des champs de blé

Sous les bruits étrangers

Les cités ne reconnaissent plus leur horizon

Esprits lacérés – chairs oubliées

Je joins mes paumes et implore ma propre résilience

Sous les bruits étrangers, je prie ma résistance

Les liens sont sectionnés : mon fils, ma terre, mon Aimé

Il y a le quotidien bafoué

Les enfants qui naissent malgré l’innocence dérobée

Les enfants qui rient sous les bruits étrangers

J’entends les fissures qui ne craqueront pas

Qui courent sur les murs attaqués et sous mes doigts

J’entends les pierres qui ne tomberont pas

J’attends les mères qui ne cesseront pas

J’entends les consciences qui ne s’effondreront pas

L’humanité n’est pas morte au combat

Les oiseaux reviendront pour chanter liberté

Des ailes coupées renaitront les avenirs rêvés

Et ne mourra jamais le chant des évadés

Des songeurs d’avenir, des résistants masqués

Nos chants infinis seront toujours enflammés

Peu importe le silence imposé par les bruits étrangers

Et l’oiseau de communion, et l’oiseau d’unisson

Leur envol dans le ciel restera immaculé –

Renaissance à chaque battement de plumes

Fières, elles délivrent nos inspirations

Icare n’est qu’un mirage – il nous faut voler vers le Soleil

Nos ailes ne failliront pas, elles se déploient et réveillent

Tout ce qu’il y a au fond d’un regard qui s’émerveille

Je vois Anastasia, Yulia et Oleksandra

Fermer les paupières et joindre les mains

Je les vois près de moi

Protégeant l’humanité en leur sein

Hymne de liberté – nous te chantons tous

Martyrs relevés, âmes célébrées

Nous ne voulons plus de renaissances fusillées

Et dans la confiance de ton cri

Se révèle la pureté des vies –

Et sera donné en partage le pain ukrainien

Pour chaque fin prématurée, cicatrisera de son dernier grain

Le tournesol volé des champs est martyr au bûcher

Au feu volent les humanités

Mais les regards fiers et les bras certains

D’un nouvel unisson, feront déferler les pavillons

Et vers fraternité ne cesseront de marcher

Les espoirs de peuples soudés

Aimons nos frères, aimons nos horizons

Car c’est ensemble qu’ils aspirent à une nouvelle vision

Les fondations réunies d’une nouvelle construction

Va à la fenêtre, vois l’obélisque blanc

De partout bientôt fusionneront les chants –

Et tu sais mon enfant, jamais ne tomberont les mémoires

De tous ceux perdus dans le noir des ruines, dans le noir du devoir

Ils sont comme cet oiseau des libertés

Enfermé dans une cage, qui ne peut plus s’y déployer

Mais tu sais mon fils, ses plumes réchaufferont leurs coeurs

D’avoir dû vers un ailleurs

Loin de toi s’envoler –

Il y a un pays qui se relève, au-delà de nos consciences, par-delà nos réalités

Un nouveau printemps, pour chacune des peurs qui a secoué tes os

Pour tous ces frémissements près de ta peau

Les oiseaux renaitront tous, et tu les verras

Quand vers le ciel tu lèveras tes bras

Accueille la mère, accueille le père

Accueille le pardon, accueille l’Autre

Accueille celui qui t’a combattu

Accueille celui que tu as vaincu

Oppose ta pureté aux coeurs déviés

Détourne leur obscurité par ton émotion

Il y aura une résurrection pour chacune de tes résignations –

À l’encre de ta vie, écris un nouveau destin

Des fractures en ton sein, coule un nouveau vin

Enfile ta vychyvanka couleur azur

Fais-en ton armure et murmure

Que notre mère est celle de tous

Que chaque enfant est celui de tous –

Liberté, c’est toi qui attires

Au rassemblement des martyrs

Si tu souffres aujourd’hui

C’est pour mieux repartir

Affectée, éprouvée, prouvée – ton identité

Jamais abattue – relevée et fière

Humanité, tu es forte de multitudes

L’aboutissement de tes certitudes

Tu lies nos solitudes

Citoyens et frères

Prêts à incarner cette prière, ensemble sur cette terre –

J’entends à présent

Les rêves rassemblés des esprits alliés

S’élever de la forêt sombre vers les villes sans désespoir

J’entends maintenant

La clameur des raisons s’incliner pour partager l’instant des passions

De la mer aux monts des regards exaltés

C’est l’horizon qui lie les mots

Construire une nouvelle force

Des confins lointains aux baies bondées

Nous devons reprendre la route

Vers le renouvellement des saisons

Et un enfant rit pour détourner

Tout renoncement à l’action libérée.