Rédigé par le professeur Damien Scalia, le présent essai présente une recherche à la fois juridique et sociologique, portant sur l’expérience des accusés de crimes de masse face à la justice pénale internationale. Le droit international pénal ayant fait l’objet de son doctorat, l’auteur enseigne le droit pénal et pénitentiaire à l’Université libre de Bruxelles, puis a été chercheur et professeur invité auprès de plusieurs universités américaines et européennes. Cet essai constitue une prémisse à la réflexion portant sur l’efficacité d’une justice internationale face aux enjeux contemporains. L’ouvrage est composé de trois parties, traitant de la rencontre avec les répondants, l’expérience pénale et la conception d’une bataille continue dans le procès. Le chapitre introductif débute avec quelques illustrations du déni de légitimité des juridictions internationales. L’objet de recherche du professeur Scalia s’articule autour de l’expérience vécue par les accusés de crimes de masse, excluant les facteurs ayant encouragé la commission des actes. L’auteur interroge un échantillon composé d’une soixantaine d’individus condamnés et acquittés, jugés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR). Les entretiens visent à retracer la place effacée des accusés et leur déni de responsabilité au sein du processus pénal, ainsi que leur vision d’une justice alimentant la guerre et contraire aux attentes envers le procès. L’essai vise plus précisément à mettre en lumière les lacunes et les enjeux entourant la justice pénale. La première partie de l’ouvrage présente l’échantillonnage des rencontres effectuées dans le cadre de la recherche empirique. Dans le premier chapitre, le professeur Scalia cherche à ce que ces individus « génocidaires » puissent faire entendre leur voix au sein de la justice internationale pénale. La « recherche singulière » exposée dans le présent essai illustre l’incertitude quant à une réalisation possible du travail envisagé, axé sur l’empathie. Initialement orientée vers les survivants de la Seconde Guerre mondiale, une option davantage réaliste se présente par la rencontre des « génocidaires » jugés par le TPIY et TPIR. Malgré tout, de nombreux obstacles, tels que l’obtention des autorisations nécessaires pour rentrer en contact avec les pénitenciers et l’affrontement d’une barrière culturelle renforçant la réticence des répondants, se sont présentés dans la réalisation du projet. Les discussions contribuent à une prise de conscience par l’auteur du « (dys)fonctionnement » de ce système de justice. Puisque la recherche empirique s’inscrit dans une approche proactive, les participants ont le choix du lieu destiné aux entretiens afin de favoriser une liberté dans les échanges. Étant une expérience de vie immergée dans le quotidien des « génocidaires », le professeur Scalia cherche à briser la conception traditionnellement statique venant catégoriser ces personnages. Dans le second chapitre, l’auteur mène une réflexion sur le rôle des accusés en abordant l’émergence de la justice internationale pénale, fruit de l’évolution d’une condamnation au moyen des armes. Quatre fondements relatifs aux peines abordent les « objectifs pénologiques » afin d’illustrer la confrontation entre la vérité historique et le récit juridique, qui repose sur le poids d’une conviction argumentative d’un énoncé normatif. La condamnation et l’acte de juger constituent les deux premiers fondements. Le troisième porte sur les fins visées par un procès pénal et se compose de trois éléments déterminant la peine: la prévention spéciale prévenant une récidive, la prévention générale dissuadant la commission des crimes semblables auprès de la société et la réinsertion des « génocidaires ». Cette dernière constitue également le dernier fondement pénologique et renforce davantage la philosophie rétributive en raison d’une considération jurisprudentielle la réduisant à une forme « d’admonestation morale ». Contrairement au récit stratégique dressé par les tribunaux nationaux, les tribunaux internationaux reconstituent la réalité …
Damien Scalia, Génocidaire(s) : au coeur de la justice internationale pénale, Paris, Dalloz, 2022[Record]
Étudiante au baccalauréat en droit à l’Université du Québec à Montréal et stagiaire à la Revue québécoise de droit international.