Recensions

Cheryl Lawther et Luke Moffet, dir, Research Handbook on Transnational Justice, 2e éd, Cheltenham (R-U), Edward Elgar Publishing, 2023[Record]

  • Justine Monette-Tremblay

Candidate au doctorat à la Faculté de droit, Section de droit civil de l’Université d’Ottawa et membre du Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne. Ses recherches portent sur les commissions de vérité et de réconciliation et le sentiment de justice des victimes.

Selon l’outil Rule of Law in Armed Conflicts, on compte cent dix conflits armés dans le monde à l’heure actuelle. On peut penser que pour la plupart, ces conflits seront suivis de mesures de justice transitionnelle. La justice transitionnelle se définit comme étant les débats entourant la manière dont un nouvel État devrait gérer les violations massives de droits humains qui ont été commises pendant le régime autoritaire qui le précédait et repose sur quatre piliers : la vérité, la justice, la réconciliation et la transition. Avec dix-sept exemples en cours dans le monde, et plus d’une cinquantaine conclus depuis la fin des années 80, la justice transitionnelle est d’une grande actualité, mais doit être constamment actualisée pour en assurer la pertinence. La seconde édition de ce manuel de recherche, dirigé par Cheryl Lawther et Luke Moffett, respectivement maîtresse et maître de conférences à la Faculté de droit de la Queen’s University de Belfast, vise à contribuer à l’actualisation de la justice transitionnelle en proposant l’élargissement des champs de recherche conventionnels, que la première édition de cet ouvrage, publiée en 2017, avait d’ailleurs aidé à définir. Cette seconde édition s’appuie sur un constat : la justice transitionnelle demeure sous-théorisée. Dès l’introduction, Lawther et Moffett soulignent que l’expansion rapide de ce champ a laissé de nombreuses questions en suspens quant à sa clarté théorique et son applicabilité en pratique. À travers ses quatre sections et vingt-neuf chapitres, dont les méthodologies varient d’une autrice et auteur à l’autre, la seconde édition de cet ouvrage met en lumière comment la justice transitionnelle est une « créature de compromis ». Plus d’une trentaine de collaboratrices et collaborateurs ont participé à cet ouvrage, dont plus de la moitié n’avait pas contribué à la première version. Ces autrices et auteurs, qui sont notamment chercheuses et chercheurs, professeures et professeurs, activistes, avocates et avocats spécialisés en défense des droits humains, conseillères et conseillers spéciaux aux Nations unies, s’affairent à repousser les frontières qui définissent la justice transitionnelle, en se penchant sur les angles morts de cette discipline. La première partie de l’ouvrage porte sur les bases conceptuelles de la justice transitionnelle et soulève l’idée que la domination du juridique dans ce champ de recherche serait la cause des lacunes théoriques, présentant l’interdisciplinarité dans la recherche comme une solution pour pallier les lacunes du droit. C’est d’ailleurs expressément l’objet du chapitre 3. En retraçant les origines de la justice transitionnelle, le chapitre 2 pose l’idée que cette forme de justice est elle-même en transition. Cette affirmation donne le ton à cette section, puisque les chapitres qui suivent tenteront d’illustrer ces « transitions » au sein de la discipline. Par exemple, le chapitre 4 conteste le lien maintes fois établi entre les notions d’état de droit et de justice transitionnelle, qu’il qualifie d’« illusoire ». Ou encore, le chapitre 5 propose qu’une plus grande place soit accordée au pluralisme juridique afin de rendre cette forme de justice réellement « globale ». Les deux chapitres suivants constituent des plaidoyers pour une conception plus holistique de la notion de genre et dénoncent que cette notion soit trop souvent synonyme de « femme » (chapitre 6), en plus de l’absence d’études spécifiques sur la masculinité (chapitre 7). Le chapitre 8 propose de regarder la justice transitionnelle comme étant une forme de contrôle social, offrant ainsi une solution à la fragmentation des cadres d’analyse et à l’abondance du jargon technocratique. Finalement, le chapitre 9 se penche sur l’influence des religions, pour le meilleur et pour le pire, sur le développement de la justice transitionnelle. La seconde partie de l’ouvrage porte sur les …

Appendices