Abstracts
Résumé
Dans la présente étude, il est soutenu que l’existence de certaines exigences minimales de l’État de droit caractérise tout « État normal ». Ce sens restrictif de l’État de droit repose sur la capacité de tout « État normal » à prévenir et à punir les violations graves du droit objectif, notamment à prévenir les crimes de masse et à en assurer la répression en cas de violation grave. Il est donc question de l’effectivité de l’ordre juridique de l’État. En ce sens, Kelsen comme Kant assimilaient déjà l’État au droit, à un ordre de contrainte. Les États dans lesquels l’anarchie règne à la place du droit sont ainsi considérés comme des États défaillants, ce qui nécessiterait une réponse adaptée de la communauté internationale. Cette approche de l’État défaillant a le mérite de recentrer le débat y afférent sur la question de l’effectivité non plus du gouvernement, mais sur celle du droit, même si les deux sont liés.
Abstract
In this study, it is argued that the existence of certain minimum requirements of the rule of law characterizes any “normal state.” This restrictive sense of the rule of law is based on the ability of any “normal state” to prevent and punish serious violations of objective law, including the prevention of mass crimes and their punishment in cases of serious violations. It is therefore a question of the effectiveness of the legal order of the State. In this sense, Kelsen like Kant already assimilated the State to law, to an order of constraints. States in which anarchy reigns instead of law are thus considered failed states, which would require an appropriate response from the international community. This approach of the failed state has the merit of refocusing the related debate on the question of the effectiveness no longer of the government, but on that of the law, even if the two are linked.
Resumen
En este estudio, se argumenta que la existencia de ciertos requisitos mínimos del estado de derecho caracteriza a cualquier "estado normal". Este sentido restrictivo del estado de derecho se basa en la capacidad de cualquier "Estado normal" para prevenir y castigar las violaciones graves del derecho objetivo, incluida la prevención de los delitos masivos y su castigo en casos de graves violaciones. Se trata pues de la eficacia del ordenamiento jurídico del Estado. En este sentido, tanto Kelsen como Kant ya equiparaban el Estado con la ley, con un orden de compulsión. Los Estados en los que reina la anarquía en lugar de la ley son considerados, por tanto, como Estados fallidos, lo que requeriría una respuesta adecuada por parte de la comunidad internacional. Este enfoque del Estado fallido tiene el mérito de reenfocar el debate relacionado ya no en la cuestión de la efectividad del gobierno, sino en la de la ley, aunque los dos estén vinculados.
Article body
L’État défaillant est aujourd’hui au coeur de toutes les préoccupations internationales. Mais le contenu de cette notion reste encore assez incertain pour le juriste internationaliste qui pourrait, pour lever le voile sur cette incertitude, se servir de la boussole de l’État de droit.
Le vocable d’État défaillant ou encore État failli (on les distingue parfois) qui a émergé de la doctrine politiste américaine sous le terme de failed State rentre progressivement dans le langage des internationalistes. Il est désormais opératoire et incontournable pour traiter de certaines crises de l’État sous l’angle du droit international : celles qui le paralysent et le déstructurent. Toutefois, son imprécision ne facilite pas l’obtention d’un consensus sur ses implications juridiques. Sans s’étendre sur les controverses liées à sa définition restrictive ou extensive, il est possible de le saisir. Le concept est généralement utilisé pour désigner les États qui, du fait de l’absence d’un gouvernement effectif, sont incapables d’assurer les fonctions essentielles de l’État et ont besoin d’une assistance internationale[1]. Les États qui en sont victimes se trouvent généralement plongés dans un conflit armé interne parfois déstructuré ; il peut aussi s’agir de graves troubles intérieurs, paralysant le fonctionnement institutionnel et la délivrance des services publics de première nécessité aux populations.
Il est à remarquer qu’en général, la doctrine ne précise pas ce qu’il faut entendre par « fonctions essentielles » de l’État. Ces fonctions visent au minimum des obligations importantes de l’État en vertu du droit international. Sur ce dernier plan, il est possible de constater que les États ont la fonction de prévenir et réprimer les crimes de masse.
Quant au concept d’État de droit, il est un héritage de Kant et de Hegel. Il revêt une triple acception. Le sens formel correspond à l’origine allemande du concept de Rechtsstaat et vise un État qui agit au moyen du droit en la forme juridique. Le sens matériel quant à lui renvoie à l’empreinte française sur la notion. Il s’agit dans ce sens d’un État soustrait à l’arbitraire et donc soumis au droit. Une dernière approche de l’État de droit correspond à la Rule of Law britannique. C’est l’approche substantielle. L’accent est ici mis sur un certain nombre de valeurs à respecter par l’État : l’égalité des citoyens devant la loi, la séparation des pouvoirs, le respect des droits et libertés individuels, la proscription de l’arbitraire. Mais cette distinction est désormais atténuée, du fait que l’existence de l’État de droit est une condition préalable de la démocratie[2]. Une autre distinction au coeur de cette notion consiste à opposer l’État de droit au sens restreint ou minimal à l’État de droit au sens large. Le sens minimal se concentre sur le maintien de l’ordre et l’administration de la justice par l’État alors que le sens large inclut également le « bon gouvernement »[3]. Ces deux sens seront au coeur de l’étude.
La réception du concept d’État de droit dans les relations internationales est un progrès notable. Ainsi, la consécration juridique progressive d’un certain nombre de valeurs substantielles y compris les principes liés à la justice pénale internationale, les droits de la personne et même la démocratie sur le plan international, auxquels les États et leurs dirigeants seraient tenus de se conformer, implique nécessairement l’idée d’un État de droit promu par le droit international. Même si des doutes persistent sur sa valeur juridique ajoutée en tant que concept autonome[4], le noyau dur de son contenu est généralement bien accepté de nos jours. L’État de droit est ainsi devenu une préoccupation au plan international depuis quelques décennies. Cette préoccupation est relayée par exemple par la Charte de Paris[5] pour une nouvelle Europe, adoptée le 21 novembre 1990 par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe[6]. De nombreuses résolutions, rapports et déclarations des Nations Unies y font référence[7]comme un objectif de l’organisation mondiale, une exigence pour les États. Mais si la séparation entre l’ordre juridique interne et l’ordre international est un frein à l’épanouissement de l’État de droit au regard du droit international général, ce n’est pas le cas dans certains ordres régionaux, en particulier dans l’ordre juridique de l’Union européenne où l’effet direct du droit[8] et les recours offerts aux justiciables devant les instances communautaires lui confèrent son sens plénier[9].
Il a été vu plus haut que la notion d’État de droit est liée au respect des droits fondamentaux et que son existence est nécessaire au fonctionnement de la démocratie. S’agissant de cette dernière, en dehors de l’État de droit qui la conditionne, elle implique l’organisation d’élections libres, honnêtes et périodiques. Abstraction faite des divers procédés par lesquels elle s’est progressivement introduite dans l’ordre international général et régional, il est possible d’observer qu’elle n’est plus une simple pétition en droit international ; elle est une exigence[10], du moins dans les ordres régionaux. La juridictionnalisation et la « quasi-juridictionnalisation »[11] significative de la garantie internationale des droits de la personne est une réalité encore plus vivante et indiscutable en droit international général et surtout régional. Certains de ces droits comme l’interdiction de la torture, de l’esclavage, des crimes de masse (crime de génocide et crimes contre l’humanité) ont d’ailleurs acquis une valeur fondamentale au point de s’imposer à tous et sans dérogation possible[12].
Ainsi, avec la démocratie et l’État de droit, les droits de la personne ont trouvé un écho encore plus favorable dans les ordres juridiques régionaux qu’au plan universel. Sur ce plan, le Conseil de l’Europe correspond au modèle le plus abouti de garantie de ces exigences. Le système de garantie des droits de la personne offert par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[13] et la conditionnalité démocratique de l’adhésion au Conseil en sont les principaux vecteurs. Les États y sont régulièrement condamnés pour manquements aux droits de la personne, à la démocratie et à l’État de droit[14]. De même, les droits de la personne, la démocratie et l’État de droit font expressément partie des valeurs fondatrices de l’Union européenne aux termes de l’article 2 du Traité sur l’Union européenne[15]. L’organisation la promeut aussi dans ses rapports extérieurs à travers, notamment, la conditionnalité démocratique comme c’est le cas dans les relations ACP-UE (APE) même si les effets restent en partie incertains[16]. Il ne saurait être question de sous-évaluer le système de l’Organisation des États de l’Amérique[17] ou encore celui prévu au plan africain, même si la pratique n’y égale pas toujours les textes.
De ces premières précisions terminologiques, il ressort que l’État de droit inclut la garantie des droits de la personne, mais peut se conjuguer avec la démocratie, ou du moins qu’ils apparaissent ensemble comme un triptyque par leur interdépendance. La déclaration du sommet mondial du 15 septembre 2005 précise qu’ils sont des principes fondamentaux, universels et indivisibles des Nations Unies[18].
Il est à présent possible d’identifier les rapports entre la notion d’État de droit et la défaillance d’un État déterminé. L’on remarque que la défaillance d’État entretient un rapport ambivalent avec l’État de droit en ce qu’elle implique automatiquement le mépris de facto de celui-ci. Il apparaît même que le défaut d’un respect minimal de l’État de droit, c’est-à-dire d’une effectivité du droit de l’État, parvenant à s’imposer à sa population et aux entités non étatiques sur son territoire est une caractéristique fondamentale des États défaillants. En effet, chaque État dispose normalement d’un ordre juridique contraignant qui réussit à s’imposer sur son territoire. La perte de l’autorité qui caractérise les États défaillants est une perte de l’autorité du droit. C’est cette dimension que met en évidence la présente étude.
Deux grandes idées se dégagent de ce qui précède et serviront de canevas à l’argumentation. Dans un premier temps, les rapports entre les États défaillants et l’État de droit font de ces États un cadre de manquement régulier à leurs obligations relatives à l’État de droit qui ne s’effacent pas avec la survenance de la défaillance. Cet état de fait pourrait servir de critère d’identification de ces États (I). Le second volet des rapports entre les États défaillants et les exigences relatives à l’État de droit est lui, beaucoup plus heureux et fait de ces États un cadre où il est plus facile et d’ailleurs souhaitable de restaurer l’État de droit qui contribuera ainsi à la reconstruction du pouvoir de l’État (II).
I. La défaillance de l’État comme déficit d’État de droit
L’anomie dans laquelle se trouvent les États défaillants suppose nécessairement une défaillance de l’État de droit qui joue deux fonctions ambivalentes dans l’identification de la défaillance (A). Mais si les États défaillants sont appréhendés comme tels, c’est parce que leur situation ne les dispense pas du respect de l’État de droit dont ils demeurent en premier lieu responsables de la garantie (B).
A. L’ambivalent rapport entre la défaillance d’État et le défaut d’État de droit
« It is, first of all, necessary to differentiate [failed Sates’] causes and symptoms from the legal criteria that define a failed State »[19]. L’absence d’État de droit peut d’abord signifier que l’État n’est pas soumis au droit ; elle peut alors s’inscrire parmi les causes de la défaillance d’État (1). Dans certains cas, elle signifie que l’État ne parvient pas à faire respecter le droit, en ce compris le droit international, sur le plan interne ; elle est alors un critère de l’État défaillant (2).
1. Le défaut d’État de droit comme cause de la défaillance
Le phénomène de la défaillance d’État est en général associé à une guerre civile déstructurée[20] ou en tout cas à une situation de violence extrême impliquant une rupture de la concorde sociale ou du vouloir-vivre collectif qu’implique l’État-nation. C’est à ce genre de conflit que fait allusion Ruth Gordon lorsqu’elle précise que : « Civil war and/or overwhelming economic and social dysfunction have led to governments that cannot perform or deliver essential services »[21]. Selon Robert Rotberg, les dirigeants y perdent toute crédibilité et l’État-nation toute légitimité dans l’esprit des citoyens[22]. Dans ce contexte, et contrairement à l’idée classique théorisée dans le Léviathan de Hobbes selon laquelle en guerre, seuls les États sont ennemis, les particuliers, eux, n’étant ennemis qu’accidentellement, les clans, les groupes ethniques, les groupes religieux, voire les individus entre eux, peuvent être ennemis et s’affronter au sein du même État. En République centrafricaine (RCA), par exemple, la conflictualité repose, du moins selon les déclarations des protagonistes, sur une guerre interconfessionnelle entre le groupe des Antibalaka et celui des Séléka, d’une part, et entre eux et les forces gouvernementales d’autre part. Ce clivage n’a pas surgi fortuitement, mais a été préparé par des événements politiques et historiques liés à un recours à la violence, à l’arbitraire ainsi qu’aux milices à des fins de conquêtes ou de déstabilisation d’un pouvoir clivant[23], au regard de l’ethnicité et la religiosité. Comme l’observe le Secrétaire général des Nations unies, « les violences survenues à Bangui en octobre ont encore réduit la capacité des autorités de transition à gouverner effectivement le pays »[24]. Au Rwanda, il s’est agi d’une guerre interethnique entre Hutus et Tutsis, toujours en rapport avec la gestion et l’accession au pouvoir gouvernemental. La tension qui était à l’origine de la guerre civile trouve son origine dans la marginalisation d’un groupe ethnique dans la gestion du pouvoir[25]. Il en est de même en Libye où la défaillance, bien qu’ayant des causes multiples comme ailleurs, reste indissociable de la gestion antidémocratique du pouvoir par les ex-dirigeants. C’est elle qui est en partie à l’origine du renversement désastreux du régime en place, occasionnant la défaillance.
Dans l’étude menée par Babafemi Akinrinade, l’auteur en arrive à la conclusion que la violation massive des droits de la personne a souvent été l’une des causes de la défaillance d’États en Afrique[26]. Aussi, le lien entre la paix, la démocratie[27], l’État de droit[28] et la garantie des droits de la personne[29] a-t-il pleinement été reconnu par divers acteurs. Dans la déclaration précitée de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’État de droit aux niveaux national et international, les États soulignent « l’importance de l’État de droit en tant que l’un des éléments essentiels de la prévention des conflits, du maintien de la paix, du règlement des conflits et de la consolidation de la paix »[30], en ce sens qu’il facilite la confiance de la population aux institutions et le sentiment de justice[31]. Dans ces conditions, les régimes autoritaires qui régentent certains États qualifiés parfois d’« États voyous » (« Rogues States »)[32] ne maintiennent leurs États que dans l’antichambre de la défaillance. C’est le cas de la Libye de Mouammar Kadhafi, de l’Irak à l’époque de Saddam Hussein, et dans une certaine mesure, de la Syrie de Bachar El-Assad. Ces genres de régimes courent le risque d’un soulèvement populaire ou de l’émergence de groupes de contestation armés du pouvoir central qui peuvent occasionner la défaillance. En explorant d’autres pistes tout de même, il est bien possible de remarquer que le défaut de l’État de droit entretient des liens bien plus étroits avec la défaillance d’État, allant au-delà d’une simple cause.
2. Le défaut de l’État de droit au sens minimal comme un critère de la défaillance de l’État
Le défaut de gouvernement effectif rendant l’État incapable d’accomplir ses fonctions essentielles est traditionnellement présenté comme le critère de l’État défaillant[33]. Or, on sait que l’exigence d’un gouvernement effectif en droit international repose sur la nécessité que le gouvernement soit en mesure d’appliquer sur son territoire, les règles qui le lient. L’effectivité implique la capacité effective ou réelle de l’État à exercer ses fonctions essentielles incluant le maintien de l’ordre et l’exécution des engagements internationaux[34]. Cela reconduit vers la question de l’effectivité du droit dans l’ordre interne ou plus spécifiquement vers l’État de droit au sens restreint. L’État qui manque à cette exigence minimale est un État qui ne peut même pas donner plein effet à son ordre juridique (y compris les aspects du droit international contenus dans cet ordre) sur son territoire. En d’autres termes, pour satisfaire à cette obligation, l’État doit pouvoir assurer la répression de la criminalité, l’accès à la justice pour tous et plus généralement l’autorité de la loi[35]. Autrement, quel que soit l’état du droit, les vertus de l’État de droit ne seront jamais opérantes. En partant de la définition même de l’État failli par le dictionnaire encyclopédique de la justice pénale internationale, l’on perçoit clairement le rapport entre l’État de droit et la défaillance d’État. Ce dictionnaire précise à juste titre que
[l]es États dans lesquels le concept d’État de droit semble être tombé en désuétude sont nommés par certains commentateurs, auteurs et analystes politiques « États faillis », c’est-à-dire que ni la loi ni les institutions gouvernementales ne sont capables de gouverner. L’exemple paradigmatique d’un tel État est la Somalie, un territoire de non-droit où règnent les chefs de guerre tribaux[36].
Dans cette même logique, Olivier Corten relève que l’expression « État de droit » renvoie parfois non pas à la limitation de l’autorité de l’État, mais au renforcement de celle-ci — paradoxe. En ce sens, l’absence des exigences minimales de l’État de droit se caractérise par la faiblesse du droit ; son incapacité à régir la société qui se plonge dans le chaos[37]. À l’évidence, cette incapacité est intimement liée à l’ineffectivité du gouvernement de l’État censé être au service du droit voire incarner ce dernier. Ce lien entre l’État, son gouvernement et l’ordre juridique est fermement établi par Kelsen. Dans la pensée de cet auteur, l’existence d’un ordre de contrainte indépendant et efficace sur un territoire et une population est la principale caractéristique d’un État[38].
Dans ces conditions, l’État défaillant se caractérise et, partant, se distingue des autres États par le fait qu’à la place de l’État de droit, il y règne plutôt un état de nature avec un degré variable d’anarchie en fonction du degré de défaillance. Les entités privées, en particulier les groupes armés, ne sont plus soumises au droit de l’État, mais à leurs propres règles, et pour les combattre, les autorités de l’État se mettent parfois hors la loi. Le gouvernement de l’État ayant perdu tout monopole de l’usage de la force (comme suggéré par Weber et Gramsci)[39] ne peut imposer son droit et les factions armées (éventuelles) mènent quant à elles une lutte sans merci pour un contrôle finalement morcelé du territoire national au mépris de ce droit. En affirmant que l’absence des conditions minimales de l’État de droit caractérise la défaillance d’États, il n’est pas nié que celle-ci puisse être accompagnée d’effets additionnels.
En outre et comme déjà précisé, la garantie du droit et plus particulièrement du droit impératif au plan interne se révèle comme une fonction essentielle entendue comme une obligation internationale ou une charge importante non assumée par l’État défaillant. Dans un article récent qui fait couler beaucoup d’encre, Frédéric Mégret se propose de vérifier si le droit international assigne des fonctions essentielles à l’État ou encore s’il existe des fonctions inhérentes à la qualité d’État. L’auteur y soutient que la garantie des droits de la personne est une fonction inhérente à la qualité d’État et que cette fonction ne peut être privatisée comme les autres. Ces droits sont divers et ne se limitent pas aux droits civils et politiques comme le droit à la vie et l’intégrité physique et à la sécurité. Les droits de la personne incluent le droit à la santé, à un logement, à l’éducation, à l’eau potable, etc. qui supposent la mise en place par l’État d’infrastructures en mesure de fournir ces services.[40] L’on constate que certains aspects de ces droits coïncident avec la notion de fonctions régaliennes du droit interne[41].
L’idée est sous-jacente à la responsabilité de protéger aux termes de laquelle la souveraineté étatique implique une responsabilité (on pourrait dire une fonction) de protection de sa population. Le rapport de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États (CIISE) précise que l’on « passe d’une souveraineté de contrôle à une souveraineté de responsabilité, pour ce qui est tant des fonctions internes que des responsabilités externes [de l’État] »[42]. Un État qui ne protège pas sa population contre un génocide ou qui se livre à un acte de génocide porte atteinte à une norme impérative du droit international manque à une fonction essentielle. Sur ces questions précises, la souveraineté étatique ne suppose donc plus simplement l’indépendance comme l’avait « factorisé » l’arbitre Max Huber dans l’Affaire de l’île de Palmas[43] ; elle implique plutôt des charges obligatoires et des responsabilités. Dans cette mesure, lorsque l’État fait défaut dans l’accomplissement de ces tâches, il n’accomplit pas certaines de ses fonctions essentielles et pourrait donc être réputé défaillant au regard du droit international, et la communauté internationale pourrait intervenir avec l’autorisation du Conseil de sécurité pour mettre fin à ces crimes. Bien que la doctrine de la responsabilité de protéger vise toutes les situations de crimes de masse, il convient de rappeler que les États visés ici sont ceux au sein desquels ces crimes sont surtout commis par des entités non étatiques ou du fait de leur concurrence au gouvernement. La protection ainsi due aux populations n’est d’ailleurs pas antinomique à l’idée de domaine réservé de l’État, du moins dans sa conception fonctionnelle qui est la seule à garder une pertinence. Comme le note le professeur Bodeau-Livinec, le développement normatif et institutionnel de la protection internationale des droits de la personne conforte la compétence nationale tout en l’encadrant et en la contrôlant[44].
Dans les faits, on constate effectivement une perte d’autorité du droit au sein des États considérés comme défaillants. Cela se constate particulièrement par des violations massives des droits de la personne. La situation implique des déplacements internes, des mouvements de masse de réfugiés et bien souvent des massacres des populations, y compris les exécutions sommaires et extrajudiciaires voire des trafics d’êtres humains comme c’est le cas en Libye[45]. Mais l’échec du droit au sein des États défaillants ne se limite pas à ces aspects du droit. Le droit de propriété est bafoué au sein de ces États par des groupes armés qui spolient les biens des populations et voire ceux de l’État. Dans certains cas, comme cela a été constaté en Somalie et en Centrafrique par exemple, les groupes armés instaurent des lois privées y compris en matière de prélèvement de taxes[46] au détriment du droit public (de l’État). Les ONG qui établissent les index d’États fragiles et/ou défaillants relèvent ces violations des droits de la personne et en font un indice de la défaillance[47].
Plus généralement, l’exemple de la Somalie, État défaillant par excellence entre la chute du régime de Siad Barre en 1991 et le début des années deux mille au moment où un gouvernement national fut mis en place, correspond parfaitement à ce narratif. Il en est de même des États comme la République démocratique du Congo (RDC), la RCA, l’Afghanistan, le Yémen, la Libye, le Soudan du Sud, le Rwanda, le Cambodge et la Sierra Leone, à l’époque où les crimes de masse ont été commis au sein de ces États. En clair, l’État défaillant pourrait s’assimiler aussi bien à un État qui n’a pas/plus le monopole de la violence légitime qu’à un État qui n’assure plus les fonctions normatives et répressives légitimes. La dimension « légitime » de la contrainte n’est pas à passer sous silence. Le pouvoir étatique doit lui-même être légitime pour prétendre assujettir durablement une population et cette légitimité passe par le droit comme montré plus haut.
Le rapport entre l’État de droit et la défaillance de l’État est, dans une certaine mesure, mis en évidence par le Statut de Rome[48] (ci-après, « Statut ») de la Cour pénale internationale (CPI). En effet, conformément au paragraphe 1(a et b) de l’article 17 de ce Statut, la CPI n’exerce sa compétence qu’en cas d’incapacité (défaillance) ou de manque de volonté des États compétents pour réprimer les infractions[49]. Les États défaillants y compris ceux dotés d’un gouvernement ineffectif se trouvent dans la première hypothèse correspondant également à une situation d’absence d’État de droit, du fait de l’impunité qui y règne même pour les crimes de masse. Frédéric Mégret insiste sur cette question de la capacité de répression de la violation des droits de la personne, pour relever le caractère inhérent de la fonction de protection de ces droits à la qualité d’État[50]. À titre illustratif, c’est l’incapacité de punir et donc de garantir l’État de droit qu’a opposée la CPI à l’État libyen lorsque ce dernier a entendu contester le mandat d’arrêt contre Saif Al-Islam Kadhafi aux motifs qu’il serait jugé par lui, alors même que l’État a de sérieuses difficultés à s’emparer de l’intéressé vivant sur le territoire national depuis plusieurs années[51]. Mais en dépit de ce défaut de l’État de droit, les États défaillants demeurent tenus par leurs obligations fondamentales.
B. La non-remise en cause des exigences de l’État de droit par la situation de défaillance d’un État
Une autre dimension du caractère essentiel des obligations minimales liées à l’État de droit réside dans le fait que la défaillance ne rompt pas la charge incombant aux États de les accomplir.
La qualité d’État des entités étatiques défaillantes n’est pas remise en cause. Partant, quand bien même la défaillance pourrait entraîner la suspension de certaines obligations des entités concernées, celles dont il est ici question sont maintenues. Ainsi, les États défaillants demeurent continuellement obligés de se conformer aux exigences liées à l’État de droit (1) et n’en sont suppléés par la communauté internationale qu’occasionnellement et provisoirement (2).
1. La responsabilité continue de l’État défaillant dans la garantie de l’État de droit
Même si le phénomène de défaillance d’État emporte en toute bonne logique la suspension de certaines obligations des États défaillants qui ne peuvent être accomplies en raison du défaut d’effectivité du gouvernement, il reste que ces États sont en premier lieu tenus de leurs fonctions essentielles, c’est-à-dire celles sans lesquelles la qualité d’État est inconcevable en droit international contemporain. À ce titre, les États défaillants doivent continuer de se donner les moyens de faire respecter l’État de droit et ces moyens passent par la dialectique de la force et de la légitimité. Ils ont une obligation de vigilance[52] quant à sa mise en oeuvre ; obligation de moyen comme l’observe la Cour internationale de justice dans l’Affaire du génocide, la diligence raisonnable oblige par exemple à « mettre en oeuvre tous les moyens qui sont raisonnablement » à la disposition de l’État pour éviter la commission d’un génocide par un groupe armé[53]. Il incombe donc à chaque État de mobiliser les moyens à sa disposition pour faire respecter l’État de droit. Que ces moyens soient limités pour les États défaillants ne met pas fin ou ne suspend pas cette obligation à leurs égards. Ceci est une conséquence de la conservation par cet État de sa qualité étatique et de l’applicabilité du droit international à son égard.
Plus spécifiquement, au regard du cortège de violences qu’infère la défaillance d’État, l’obligation de garantir le respect des droits élémentaires de la personne intimement liée à l’État de droit, demeure non seulement la plus urgente, mais également primordiale. Ainsi, bien que la philosophie traditionnelle des droits de la personne soit celle de la protection de la personne humaine contre l’État, les conventions internationales garantissent que de tels droits ne soient pas totalement suspendus et s’appliquent lors de la défaillance même accompagnée d’un conflit armé[54]. L’exemple est fourni par le cas de la Somalie qui, au pinacle de sa défaillance, n’a nullement cessé d’être interpellée (par les organes de contrôle de l’application des traités relatifs aux droits de la personne), quant à la protection de sa population[55].
Mais de telles obligations n’incombent plus seulement à l’État qui peut paraître, dans ces conditions, quasi inexistant. Tirant conséquence de l’incapacité de l’État à garantir les droits de la personne en période de défaillance et de la capacité de certains acteurs non étatiques à le faire (de façon circonstancielle), des efforts sont fournis par la communauté internationale en vue de responsabiliser tous les acteurs de la crise — y compris les groupes armés privés, entités non étatiques[56] — dans la protection des droits de la personne dont certains constituent d’ailleurs des obligations erga omnes. Dans ces circonstances de vide ou de carence étatique, il importe pour les acteurs de la promotion et de la protection des droits de la personne (ONG et organisations internationales) de garder un contact régulier avec les acteurs privés. Cela permet de leur rappeler constamment leurs obligations.
La conséquence en matière de responsabilité devrait être l’impossibilité d’attribuer systématiquement à l’État défaillant, en dépit du malaise que cela comporte,[57] chacune des violations spécifiques des droits de la personne, y compris celles commises par les groupes armés privés menant des luttes intestines ou luttant contre le gouvernement ineffectif de l’État. En effet, selon la règle coutumière codifiée à l’article 2 des Articles de la Commission du droit international (CDI) sur la responsabilité des États[58], la responsabilité de l’État suppose une violation d’une obligation internationale de l’État et son imputation à cet État. De fait, les agissements des groupes armés privés ne sauraient systématiquement être imputés à l’État défaillant au regard des articles de la CDI sur la responsabilité internationale de l’État, notamment l’article 9 portant sur le « comportement en cas d’absence ou de carence des autorités officielles », dont les conditions seront difficilement réunies en pareille circonstance. Ainsi, à titre illustratif, nul ne saurait songer à imputer les violations des droits de la personne par Daesh à la Syrie ou à l’Irak, États sur les territoires desquels l’entité a commis de nombreuses violations des droits de la personne. On peut considérer que l’État défaillant ne sera pas responsable de telles infractions, au regard de la particularité de la situation[59]. Il est obligé de faire le nécessaire et non l’impossible pour éviter ces violations. Toutefois, l’on ne voit pas ce qui pourrait empêcher d’imputer le fait des entités non étatiques à un État, dès lors que ces derniers prennent en charge l’exercice des services publics, en cas d’effondrement total ou partiel du gouvernement et y exercent des prérogatives de puissance publique, dans l’intérêt de la population. L’hypothèse de l’article 9 de la CDI n’est donc pas irréalisable[60].
Au demeurant, les actes imputables à un gouvernement non effectif, y compris ceux des entités privées, exerçant des prérogatives de puissance publique du fait d’une habilitation par ce gouvernement (article 5 de la CDI), eux, pourraient sans l’ombre d’aucun doute, engager la responsabilité de l’État. Il en sera de même pour ceux que le gouvernement non effectif ou le gouvernement reconstitué de l’État initialement sans gouvernement aurait légitimés ultérieurement[61]. Cette logique de protection continue des droits de la personne y compris en période de défaillance est d’ailleurs en partie à l’origine de la doctrine de la responsabilité de protéger qui suggère que la communauté internationale a elle aussi une responsabilité (une fonction) en cas de carence de l’État.
2. La responsabilité solidaire de la communauté internationale dans la mise en oeuvre de l’État de droit
Comme observé plus haut, la doctrine de la responsabilité de protéger correspond à un « prêt-à-porter » face à la situation des États défaillants à laquelle elle est bien adaptée. Mais il ne s’agit pas du seul moyen par lequel la communauté internationale peut se substituer à un État défaillant. La décision de la Cour pénale internationale, par exemple, de lancer des poursuites et de juger les individus ayant commis des violations graves des droits de la personne ou du droit international humanitaire, face à l’incapacité de l’État à le faire, est constitutive d’une forme de responsabilité assumée par la communauté internationale, dans la mise en oeuvre de l’État de droit. Toutefois, cette responsabilité entendue ici au sens de charge ou fonction assumée par la communauté internationale n’est pas (encore) constitutive d’une obligation juridique à plus forte raison une obligation exigible. Il en est de même de la compétence universelle exercée par les autres États en matière de crimes graves du droit international commis au sein des États défaillants. Cette dernière quant à elle est constitutive d’une obligation aux termes de certaines conventions contenant le principe aut dedere aut judicare (obligation de juger ou extrader).
Les réflexions ayant été à l’origine de la responsabilité de protéger témoignent de cette logique. Cette dernière répond à la question suivante :
si l’intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible à la souveraineté, comment devons-nous réagir face à des situations comme celles dont nous avons été témoins au Rwanda et à Srebrenica, devant des violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l’homme ?[62].
La question est de savoir à qui échoit la fonction de protéger les populations à l’occasion d’un conflit au sein d’un État défaillant. Une partie du rapport de la CIISE est d’ailleurs consacrée aux droits de la personne, à la sécurité humaine et les nouvelles pratiques afférentes. Ces nouvelles pratiques sont constitutives du principe émergent de la responsabilité de protéger selon les termes de la CIISE. Ce principe consacre une possibilité d’intervenir dans ces conditions pour sauver les populations décimées ou risquant de l’être[63]. L’intervention de la communauté internationale contribue donc à assurer le respect du droit notamment de certains droits fondamentaux de la personne sur le territoire de l’État défaillant. Mais les premières applications de cette doctrine, en particulier en Libye, ont obtenu un résultat très mitigé, augmentant les critiques contre celle-ci[64] ainsi que des hésitations quant à sa mise en oeuvre pour d’autres cas comme en Syrie.
En effet, la responsabilité de la communauté internationale est encadrée et ne peut intervenir systématiquement en cas de violation des droits de la personne ou du droit international humanitaire. Le rapport de la CIISE la limitait aux hypothèses de « pertes considérables en vies humaines » et « nettoyage ethnique de grande échelle »[65]. La Résolution 67/1restreindre encore son champ en le réduisant aux situations de crimes de guerre, crime contre l’humanité, génocide et nettoyage ethnique[66], quoique le doute soit permis quant à la question de savoir si la responsabilité de protéger ne peut pas être convoquée dans des circonstances autres que celles-ci[67]. Encore faut-il que les « dieux du Conseil de sécurité » soient cléments envers ces populations décimées dans les situations d’anarchie et assument leur responsabilité. L’impasse face à la crise syrienne témoigne bien de cette difficulté dont la solution peut aussi être recherchée à travers une réforme profonde du Conseil lui-même. Par son rôle de garant de la paix et de la sécurité internationales, le Conseil de sécurité semble bien favorable à une procédure d’assistance et de reconstruction des États défaillants qui redonnent vie à l’État de droit.
II. La restauration de l’État de droit, réponse à la défaillance de l’État
Lors de l’intervention au sein des États défaillants, le redressement de l’État de droit s’avère prioritaire. L’intervention peut se faire à deux niveaux qui peuvent se dérouler sur une même période ou non. Elle peut d’abord procéder d’un exercice direct des fonctions étatiques liées à l’État de droit par des instances extérieures en vue de maintenir la souveraineté étatique (A) et plus spécifiquement par une procédure de restauration des institutions au prisme de l’État de droit (B).
A. L’administration internationale d’un État, forme de « gel » de la défaillance de cet État
Comme l’observe Olivier Corten, les programmes de renforcement de l’État de droit développé par les Nations unies en faveur des sociétés post-conflictuelles correspondent essentiellement à des opérations de rétablissement de l’autorité de l’État, y compris par un renforcement de la chaine pénale (police, justice, prisons). Dans ce sens, l’État de droit est mobilisé pour faire respecter le droit par les acteurs privés[68]. Ce qui correspond aux exigences minimales de l’État de droit.
Bien que le Kosovo et le Timor oriental ne puissent pas à proprement parler être qualifiés d’États défaillants, les expériences d’administration internationale de ces territoires ont révélé qu’assurer le respect de l’État de droit représente une composante essentielle de l’administration internationale. La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor oriental (UNTAET) ont eu pour priorité immédiate la mise en oeuvre de l’État de droit au sens restreint. Le plan de mise en oeuvre des normes adoptées au Kosovo en mars de 2004 indique par exemple que « an effective rule of law requires above all that every member of every community in Kosovo is able to alive, work and travel in a peaceful and secure environment »[69]. Cela pourrait se transposer à la situation des États défaillants qui peuvent faire l’objet d’une telle administration. Il en était ainsi en Bosnie-Herzégovine où le Haut Représentant avait de larges pouvoirs. Il exerçait avec l’administration dont il disposait « des pouvoirs normatifs très étendus, ayant pour effet de rendre largement fictives les compétences du gouvernement en place »[70]. Si l’Opération des Nations Unies en Somalie II (ONUSOM II) n’est pas constitutive d’une véritable administration internationale[71] du territoire de cet État par les Nations unies[72], elle a néanmoins contribué à révéler la difficulté pour l’ONU de se substituer unilatéralement aux autorités nationales d’un État défaillant en l’administrant directement. Toutefois, à travers ses nouvelles opérations de paix qui se distinguent de l’administration internationale de territoire proprement dite par leur coexistence avec les autorités nationales[73], l’organisation a montré qu’elle pouvait assister les États défaillants dans l’accomplissement de certaines fonctions gouvernementales. En particulier, celles en rapport avec la construction ou la rénovation et surtout la mise en oeuvre de l’État de droit. Les mutations ayant affecté les opérations de paix depuis le début des années quatre-vingt-dix, ont fait d’elles des opérations multidimensionnelles qui incluent bien souvent une diversité d’acteurs (civils, policiers et militaires) avec pour objet, non seulement de maintenir la paix, mais aussi de la consolider durablement, y compris en faisant respecter l’État de droit et les droits de la personne[74]. Consécutif au Rapport Brahimi de l’an 2000 sur la réforme des opérations de paix, qui lui-même fait suite au drame de Srebrenica et au génocide des Tutsis au Rwanda, le concept de la paix robuste, même s’il n’est pas expressément mentionné dans le rapport, vise avant tout à permettre l’usage de la force pour faire respecter le mandat de l’opération. La doctrine est particulièrement développée et expliquée dans trois documents : la Doctrine Capstone de 2008, le New Partnership Agenda de 2009 et la Robust Peacekeeping Draft Concept Note de 2010[75].
Ainsi, du fait que le mandat de telles opérations inclut de plus en plus la protection des populations, il leur est aussi de plus en plus permis de recourir à la force, y compris pour protéger ces populations contrairement à la logique classique qui réduisait l’emploi de la force à l’hypothèse de légitime défense. De nombreux exemples témoignent de cette nouvelle pratique. Ainsi, à titre illustratif, le Conseil de sécurité
[a]gissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, décide que dans l’accomplissement de son mandat la MINUSIL (Mission des Nations Unies en Sierra Leone) pourra prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la liberté de circulation de son personnel et, à l’intérieur de ses zones d’opérations et en fonction de ses moyens, la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques, en tenant compte des responsabilités du Gouvernement sierra-léonais et de l’ECOMOG (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group)[76].
En cela, l’administration internationale tout comme l’assistance à la stabilisation des États défaillants contribue au respect de l’État de droit au sens restreint. C’est à l’issue de cette étape de stabilisation que débute véritablement la restauration de l’État. Le Secrétaire général des Nations unies observait au sujet de la Somalie que dans les régions où la stabilité et la sécurité étaient désormais assurées, des activités de reconstruction de l’État somalien pouvaient débuter[77]. Aussi, ce procédé va-t-il de pair avec la restauration de l’État de droit entendu cette fois-ci au sens large.
B. La restauration de l’État de droit, gage de restauration durable de l’État défaillant
Du prix est attaché à la qualité des nouvelles institutions dans le processus de restauration des États. Jean D’Aspremont observe que c’est à l’occasion de l’ONUSOM II que l’on a vu apparaître pour la première fois dans le mandat d’une opération de maintien de la paix la mission d’établir un État démocratique[78]. La notion de « bon gouvernement »[79] qui a émergé depuis un moment ne saurait se dissocier de ces situations dans lesquelles la communauté internationale intervient au sein des États défaillants pour « réparer » les organes de l’État ou le doter de nouveaux organes. À ce niveau, la stratégie de la communauté internationale (ONU à titre principal) vise à saisir l’occasion de mettre sur pied des institutions conformes aux standards internationaux du « bon gouvernement ». Cela passe par l’implication des acteurs internationaux intéressés dans l’organisation de nouvelles élections, l’élaboration de nouvelles constitutions, de nouvelles lois avec un contenu conforme aux standards internationaux, le renforcement du système judiciaire qui sera chargé de réprimer les atteintes aux droits de la personne, les auteurs de coups d’État éventuels, etc. L’article 45 du Protocole de Lomé[80] du 10 décembre 1999, intitulé « Restauration de l’autorité politique », établit clairement ce lien entre le renforcement du pouvoir de gouvernement et les élections démocratiques, dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. L’implication des acteurs internationaux comme l’ONU, l’Union européenne ou l’Union africaine dans la démocratisation des États défaillants, en particulier dans l’organisation des élections et l’avènement de nouvelles autorités légitimes, se décline à travers diverses modalités. Les élections peuvent être organisées directement par des acteurs internationaux ou seulement avec leur assistance logistique et technique y compris la certification, l’observation. Les actions en faveur de la démocratie peuvent aussi passer par l’éducation civique et aux droits de la personne, des séances de formation sur le droit électoral, etc.
Au Cambodge, les élections ont été organisées et certifiées par les Nations Unies. L’Accord pour un règlement politique global du conflit du Cambodge (Accords de Paris)[81] prévoit en ses articles 1, 12 et 13 l’organisation d’élections démocratiques au Cambodge sous les auspices de l’Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge[82] qui devrait disposer du pouvoir administratif de l’État[83] aux côtés d’un Conseil national suprême détenteur de la souveraineté[84]. « Le régime imposé est celui de la démocratie pluraliste et libérale »[85] qui fera l’objet d’une consécration à l’article premier de la Constitution du 21 septembre 1993. Le pouvoir souverain se trouve conféré au peuple avec une rupture face au régime monarchique qu’avait connu le Cambodge. De nombreuses libertés fondamentales devaient également être consacrées, ce qui fera l’objet du chapitre III de la Constitution garantissant le droit à la vie, l’interdiction de la peine de mort, le droit de propriété, la liberté d’association, le droit à un recours effectif, etc. S’agissant de cet attachement aux droits de la personne et à la démocratie dans les constitutions des États en reconstruction, il est à relever qu’en règle générale ― et contrairement à ce qu’on a l’habitude de voir dans les constitutions adoptées dans des circonstances « normales » — ces constitutions prennent le soin d’énoncer avec détails les droits de la personne dont elles assurent le respect. Il en est ainsi de la constitution afghane de 2004 (chapitre 2), de celle irakienne de 2005 (chapitre 2), de même que de la constitution de Bosnie-Herzégovine du 14 décembre 1995 (article 2 contenant huit paragraphes) issue des Accords de Dayton[86] signés le 14 décembre 1995[87].
Contrairement au cas du Cambodge où il s’est agi de restaurer un État, en Bosnie-Herzégovine, il était question d’en instaurer un. Lorsque la Bosnie-Herzégovine émerge sur la scène internationale, elle présente une déficience gouvernementale acquise de l’ex-Yougoslavie dont elle est issue. Pour pallier cette carence et consolider le nouvel État, des propositions ont été formulées de créer un Haut Représentant en Bosnie-Herzégovine qui sera chargé d’assister le gouvernement dans l’instauration des institutions conforme à un État de droit. L’Annexe IV aux Accords de Dayton qui correspond à une constitution presque imposée à la Bosnie-Herzégovine dispose en son article 2 que « [l]a Bosnie-Herzégovine est un État démocratique, qui agit comme un État de droit et avec des élections libres et démocratiques »[88].
La Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti avait pour mission d’aider le gouvernement en place à restaurer l’autorité de l’État :
[a]ppuyer le processus constitutionnel et politique en cours en Haïti, notamment par ses bons offices, et promouvoir les principes de la gouvernance démocratique et du développement des institutions […] aider le gouvernement de transition à organiser, surveiller et tenir au plus vite des élections municipales, parlementaires et présidentielles libres et régulières[89].
Le cas du Kosovo mérite aussi d’être relevé quoique le registre soit un peu différent de celui dont il est question ici, du fait que l’administration internationale établie dans ce pays a eu pour mission non pas de restaurer un État défaillant, mais plutôt d’aider une entité en quête de la qualité d’État à s’insérer avec moins de peine dans le concert des nations. De nombreux acteurs s’y sont succédé et y ont aussi cohabité. En dehors des Nations Unies, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et l’Union européenne y ont apporté leur savoir-faire. L’Union européenne, dont l’article 21 du Traité sur l’Union européenne[90] guide l’action extérieure, s’est particulièrement impliquée dans la construction d’un État de droit au Kosovo. Une Mission de construction d’État de droit (EULEX Kosovo)[91] a été spécialement mise en place en 2008 par l’Union européenne à la suite de la déclaration d’indépendance du Kosovo et placée sous l’autorité de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, établie par la Résolution 1244 (1999)[92] du Conseil de sécurité. Cette mission de l’Union européenne a pris le relais de la MINUK en matière de gestion et d’édification de l’État de droit qui serait logiquement indispensable pour une éventuelle admission du Kosovo au sein de l’Union européenne. À ce titre, la Mission semble avoir gagné le pari, malgré un certain nombre de difficultés. Comme l’observe Joelle Hivonnet :
EULEX-Kosovo Mission has clearly helped, as a long-term commitment between the EU and Kosovo to strengthen the rule of law, focusing on the judiciary, the fight against organised crime and the fight against corruption, as part of the enlargement process[93].
Si le pari a été gagné dans la restauration de certains États, pour d’autres, l’échec a été cuisant et le départ du contingent américain de l’Afghanistan ne le démentira point.
Mais cette implication substantielle d’acteurs internationaux dans la définition du contenu de l’ordre juridique interne des États en (re)construction, n’est pas sans soulever des interrogations au sujet de la souveraineté des États défaillants en dépit de l’affirmation répétée par le Conseil de sécurité que ces entités demeuraient souveraines. En effet, dans ces conditions où la souveraineté de l’État est déjà de facto réduite, voire inexistante, l’interférence de la communauté internationale pour inévitable qu’elle soit (en particulier l’introduction de nouveaux éléments dans le droit interne de l’État) pourrait s’apparenter à une véritable atteinte, voire une suspension de jure de la souveraineté[94] de ces États. En d’autres termes, le partage de l’exercice de fonctions souvent essentielles de l’État entre les autorités nationales et des entités externes conduisant à l’établissement ou au rétablissement (« autoritaire » pour reprendre le terme de Patrick Daillier[95]) d’un certain état du droit, infère nécessairement une limitation de la souveraineté de l’État désormais sous contrôle international. Toutefois, si l’État semble minimisé dans ces conditions, le regain est en faveur de l’individu et du peuple qui sont au coeur des différentes préoccupations. De plus, dans la mesure où la restauration de l’État prend en compte la dimension de sa légitimité, gageure d’une durabilité de l’effectivité en construction, on ne pourrait douter de ses bienfaits pour l’État lui-même.
Aussi, le prix attaché à l’État de droit, à la démocratie et aux droits de la personne dans ces conditions post-conflictuelles est-il assez révélateur de leurs rapports avec la défaillance.
La construction d’un État « neutre » et fondé sur le droit apparaît alors comme un élément central pour rétablir la coexistence entre des communautés auparavant opposées. Il s’agit d’un élément crucial pour restaurer la confiance des citoyens dans l’appareil d’État, auparavant souvent vécu par les populations locales (ou une partie d’entre elles) comme un instrument d’oppression[96].
Mais une telle démarche ne saurait être vue comme une simple recherche d’un gouvernement démocratique. L’effectivité recherchée dans la restauration des organes de l’État défaillant va de pair avec le « bon gouvernement » qui doit être vu comme un gouvernement effectif et dont la légitimité confère un surcroît de pérennité à cette effectivité. En d’autres termes, la restauration des organes ne peut se borner à une remise en place des institutions comme elles étaient avant la crise, voire à une recherche de l’unique effectivité au risque d’une résurgence de la défaillance, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Elle doit inévitablement prendre en compte les exigences d’un État de droit international, garant d’une stabilité durable[97]. La stabilité et la viabilité gouvernementale sont donc au coeur de la stratégie des institutions internationales lors de la reconstruction du pouvoir gouvernemental qui passe par l’adaptation des nouvelles institutions aux standards liés à l’État de droit. Ceux-ci constituent inévitablement des instruments permettant de mettre définitivement un terme aux conflits maintenant l’État en léthargie et surtout de prévenir leur survenance ou leur résurgence[98].
***
Il ressort des développements précédents que l’État de droit au sens restreint est une caractéristique qu’on retrouve normalement chez tous les États. Dans cette acception minimale de la notion, contrairement aux États défaillants à l’instar de la Somalie ou la Libye, certains États comme l’Iran ou la Corée du Nord qui ne remplissent pas les critères du « bon gouvernement » se caractérisent par une forme d’État de droit au sens restreint. S’agissant de la défaillance d’État, lorsque le droit a perdu de sa capacité de régir les rapports humains sur un territoire étatique désormais sous le règne de l’anarchie, l’État est défaillant et l’assistance première dont il bénéficie de l’ONU et des autres acteurs étatiques et non étatiques doit permettre d’assurer cette fonction à sa place puis de la reconstituer. Il est symptomatique que dans ces conditions, la communauté internationale partage substantiellement l’exercice des fonctions étatiques avec les États défaillants. Ce partage de responsabilités qui vise en partie à assurer la sécurité et la stabilité des autres États[99] n’aurait pas de sens s’il ne contribuait, ce faisant, à redonner la voix et la souveraineté au corps social de ces États et à faire respecter le droit. À cet égard, la démocratisation des États défaillants et leur adaptation aux standards relatifs aux droits de la personne et à l’État de droit en général lors de leur restauration s’avèrent impérieuses. D’abord, elles redonnent vie à la dimension interne du droit des peuples à l’autodétermination et aux droits de la personne. Ce faisant, elles permettent de recoudre le tissu social. Ensuite, en considérant le lien existant entre l’État de droit et la construction d’une paix durable, elle contribue à la durabilité de la restauration du pouvoir de gouvernement. Cette réalité ne doit pas échapper aux « rénovateurs » des États.
Appendices
Notes
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[1]
Définition proposée en 2006 par le Crisis States Research Centre qui avait été créé au sein de la London School of Economics and Political Science pour étudier ces États et deux ans plus tôt par le rapport de l’Advisory Council on International Affairs (Pays-Bas), Failing States. A Global Responsibility, n° 35, 2004 à la p 10, en ligne : Advisory Council on International Affairs <www.advisorycouncilinternationalaffairs.nl/documents/publications/2004/05/07/failing-states>, où on parle des États où il y a un défaut de « government authority » et qui sont incapables de fournir « protection and other essential services ». Voir aussi, pour les études basées sur cette logique, Daniel Thürer, « The ‟failed State” and international law » (1999) 836 RICR 731 aux pp 733-34; François Gaulme, « “États faillis”, “États fragiles” : concepts jumelés d’une nouvelle réflexion mondiale », (2011) 1 Politique étrangère 17 à la p 22; Gérard Cahin, « Le droit international face aux États défaillants » dans Société française de droit international, dir, L’État dans la mondialisation, colloque de la SFDI, Paris, Pedone, 2013, 51 aux pp 55-56; Serge Sur, « Sur les “États défaillants” » (2005) 112:4 Commentaire 891 à la p 891; Ousseni Illy, « “L’État failli” en droit international » (2015) 28:2 RQDI 53 à la p 53.
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[2]
Voir Jacques Chevallier, « État de droit » dans Joël Andriantsimbazovina et al, dir, Dictionnaire des droits de l’homme, Paris, PUF, 2008 aux pp 307-09; Jacques Chevallier, « État de droit » (1988) RDP 313; Michel Troper, « Le concept d’État de droit » (1992) 1:15 Droits 51; John Bell, « Le règne du droit et le règne du juge. Vers une interprétation substantielle de l’État de droit » dans L’État de droit, Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, 15.
-
[3]
Pierre Klein, « L’administration internationale de territoire : quelle place pour l’État de droit ? » dans Société française de droit international, dir, L’État de droit en droit international, colloque de Bruxelles de la SFDI, Paris, Pedone, 2009, 385 aux pp 388-92 [Klein]. Pour la notion de « bon gouvernement », voir la partie III-B, ci-dessous.
-
[4]
Voir Olivier Corten, « Rapport général, l’État de droit en droit international : quelle valeur juridique ajoutée » dans L’État de droit en droit international, colloque de Bruxelles de la SFDI, 11 aux pp 27-36. Pour une vision plutôt optimiste aux termes de laquelle l’État de droit est un principe du droit international, voir Jacques-Yvan Morin, L’État de droit : émergence d’un principe du droit international, recueil de cours, Académie de droit international de La Haye, vol 254, 1995 aux pp 9-462.
-
[5]
Charte de Paris pour une nouvelle Europe, 19-21 novembre 1990, 30 I.L.M. 190 [Charte de Paris].
-
[6]
Voir dans le même sens la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, Déclaration et programme d’action de Vienne, Doc off A/Conf.157/23 (1993).
-
[7]
Pour l’Assemblée générale, voir L’état de droit aux niveaux national et international, Rés AG 61/39, Doc off AG NU, 61e sess, Doc NU A/RES/61/39 (2006); L’état de droit aux niveaux national et international, Rés AG 62/70, Doc off AG NU, 62e sess, Doc NU A/RES/62/70 (2007); L’État de droit aux niveaux national et international, Rés AG 64/116, Doc off AG NU, 64e sess, Doc NU A/RES/64/116 (2009); L’État de droit aux niveaux national et international, Rés AG 65/32, Doc off AG NU, 65e sess, Doc NU A/RES/65/32 (2010); L’État de droit aux niveaux national et international, Rés AG 69/123, Doc off AG NU, 69e sess, Doc NU A/RES/69/123 (2014); Promotion d’un ordre international démocratique et équitable, Rés AG 73/169, Doc off AG NU, 73e sess, Doc NU A/RES/73/169 (2018). Pour le Secrétariat Général, voir Rapport du secrétaire général-Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit, Doc off CS NU, Doc NU S/2004/616 (2004); Rapport du secrétaire général-Unir nos forces : Renforcer l’appui des Nations Unies pour l’état de droit, Doc off AG CS NU, 61e sess, Doc NU A/61/636-S/2006/980 (2006). Voir aussi le discours du Secrétaire Général Kofi Annan à l’occasion de sa réception du prix Nobel de la paix à Oslo le 10 décembre 2001, où il mettait l’accent sur la promotion de la démocratie comme priorité des Nations Unies pour le siècle : Kofi Annan, « Nobel Lecture », Prix Nobel de la paix, présenté à Oslo, 10 décembre 2001, en ligne : The Nobel Prize <www.nobelprize.org/prizes/peace/2001/annan/lecture/>. Pour le Conseil de sécurité, voir la déclaration de son président par laquelle il considère que l’État de droit doit être universellement instauré et respecté Déclaration du Président du Conseil de sécurité, Doc off CS NU, 2014, Doc NU S/PRST/2014/5 et la Déclaration du Président du Conseil de sécurité, Doc off CS NU, 2004, Doc NU S/PRST/34.
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[8]
L’effet direct est reconnu depuis l’arrêt NV Algemene Transport en Expeditie Onderneming van Gend & Loos c Administration fiscale néerlandaise, C-26/62, [1963] Rec CE I-3 du 5 février 1963, [Arrêt Van Gend en Loos]. Il suppose que les particuliers peuvent invoquer certaines normes de l’Union directement devant les juridictions nationales sans besoin d’une transposition par les instances étatiques. Il ne bénéficie pas à toutes les normes. Les directives et les règlements sont pleinement dotés de cet effet. À ces derniers, il faut ajouter certaines décisions et les accords internationaux adoptés au niveau de l’Union lorsque les dispositions sont suffisamment précises et inconditionnelles.
-
[9]
Monique Chemillier-Gendreau, « L’État de droit au carrefour des droits nationaux et du droit international » dans Mélanges Guy Braibant, dans L’État de droit, Mélanges en l’honneur de Guy Braibant, Paris, Dalloz, 1996, 57 aux pp 62-63.
-
[10]
Voir à titre d’échantillon, les contributions suivantes : Rafaa Ben Achour, « La contribution de Boutros Boutros-Ghali à l’émergence d’un droit international positif de la démocratie » dans Boutros Boutros-Ghali, dir, Amicorum Discipulorumque Liber. Paix, développement, démocratie, Bruxelles, Bruylant, 1998, 909; Linos-Alexandre Sicilianos, L’ONU et la démocratisation de l’État, Paris, Pedone, 2000; René-Jean Dupuy, « Concept de démocratie et action des Nations Unies. Rapport introductif » (1993) 7-8 Bull Centre d’information Nations Unies 59; James Crawford, « Democracy and International Law » (1993) 64 Brit YB Intl L113.
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[11]
Une quasi-juridiction est un organe qui, sans être une vraie juridiction, rend néanmoins des décisions pas vraiment contraignantes à la suite d’une procédure contradictoire comparable à celle appliquée devant les juridictions. De nombreux traités relatifs à la protection des droits de la personne ont prévu des organes de ce genre pour garantir leur respect. C’est le cas du Comité des droits de l’homme prévu par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 RTNU 171 (entrée en vigueur : 23 mars 1976).
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[12]
Voir, pour l’interdiction du génocide l’arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la requête, Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c Rwanda), [2006] CIJ Rec 6 à la p 27, au para 65; Le Procureur c Kayishema et Ruzindana, ICTR-95-1-T, ordonnance fixant des délais de dépôt (21 mai 1999) aux para 88-89 (Tribunal pénal international pour le Rwanda, Chambre d’appel), en ligne : TPIR <ucr.irmct.org/scasedocs/case/ICTR-95-01#fra>. Pour l’interdiction de la torture, voir Le Procureur c Anto Furundzija, IT-95-17/1-T10, Jugement (10 décembre 1998) au para 153 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie); Al-Adsani c Royaume-Uni [GC], n° 35763/97 (21 novembre 2001) aux para 60-61; voir aussi Comité des droits de l’homme, Observation générale n◦ 29: États d’urgence (art 4), Doc off CDH NU, Doc NU CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 (2001) au para 11.
-
[13]
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213 RTNU 221 (entrée en vigueur : 3 septembre 1953) [Convention EDH].
-
[14]
La Cour européenne des droits de l’homme a par exemple reconnu que le fait qu’une juridiction méconnaisse la décision d’une cour constitutionnelle rendant des arrêts définitifs et contraignants, y compris en matière de recours individuel, constitue un mépris des principes fondamentaux de l’État de droit et de la sécurité juridique inhérents à la protection offerte par l’article 5 au paragraphe 1 de la Convention EDH, ibid, qui protège contre l’arbitraire : Şahin Alpay c Turquie, n◦16538/17 (20 mars 2018) au para 118.
-
[15]
Traité sur l’Union européenne, 2 octobre 1997 JO, C 326 (entrée en vigueur : 1er novembre 1993). [TUE].
-
[16]
Rostane Mehdi, « Le respect de l’État de droit en droit européen et dans les relations extérieures de l’Union européenne » dans Société française de droit international, L’État de droit en droit international, colloque de Bruxelles de la SFDI, Paris, Pedone, 2009, 219 aux pp 232-33.
-
[17]
Sur tous ces développements, voir Linos-Alexandre Sicilianos, L’ONU et la démocratisation de l’État: systèmes régionaux et ordre juridique universel, Paris, Pedone, 2000 aux pp 46-86; Linos-Alexandre Sicilianos, « Le respect de l’État de droit comme obligation internationale » dans Société française de droit international, L’État de droit en droit international, colloque de Bruxelles de la SFDI, Paris, Pedone, 2009, 143 aux pp 144-145.
-
[18]
Document final du Sommet mondial de 2005, Doc off AG NU, 60e sess, Doc NU A/60/L.1 NU (2005) aux para 119 et 135; Déclaration de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’État de droit aux niveaux national et international, Res AG 67/1, Doc off AG NU, 67e sess, Doc NU A/RES/67/1 (2012) au para 5 [Résolution 67/1].
-
[19]
Robin Geiss, « Failed States: Legal Aspects and Security Implications » (2004) 47 German YB Intl L 457 à la p 460.
-
[20]
La plupart des États en alerte élevée au regard de l’index des États fragiles établi par le Fund for peace, Fragiles States Index Annual Report 2020, Washington DC, The Fund for Peace, 2020, en ligne (pdf) : Fragiles States Index <fragilestatesindex.org/wp-content/uploads/2020/05/fsi2020-report.pdf>, se trouvent être les États les moins pacifiques, conformément au Institute for Economics & Peace, Global Peace Index 2020: Measuring Peace in a Complex World, Sydney, Institute for Economics & Peace, 2020, en ligne (pdf) : Vision of humanity <www.visionofhumanity.org/wp-content/uploads/2020/10/GPI_2020_web.pdf>. Voir aussi Comité international de la Croix-Rouge, « Les conflits armés liés à la désintégration des structures de l’État » (23 janvier 1998), en ligne : CICR <www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/misc/5fzfn9.htm>.
-
[21]
Ruth Gordon, « Some legal problems with Trusteeship » (1995) 28 Cornell Intl LJ 301 à la p 304. Voir aussi Boutros Boutros-Ghali, Supplément à l’Agenda pour la paix, Rapport de situation du Secrétaire général à l’occasion du cinquantenaire de l’ONU, Doc off AG CS NU, 50e sess, Doc NU A/50/60-S/1995/1 (1995) aux para 12-13.
-
[22]
Robert Rotberg, « The failure and collapse of nation-States: breakdown, prevention, and repair » dans Robert I Rotberg, dir, When States fail: causes and consequences, Princeton, Princeton University Press, 2004 1 à la p 1. Voir également Igor V Ponkin, « Dysfunctional State and Failed State » (2014) Studia Universitatis Babes-Bolyai Jurisprudentia 83 à la p 85.
-
[23]
Voir Roland Marchal, « Premières leçons d’une “drôle” de transition en République centrafricaine » (2015) 139:3 Politique africaine 123 à la p 128.
-
[24]
Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine, Doc off CS NU, Doc NU S/2014/857 (2014) aux pp 1-4.
-
[25]
Voir Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Les réfugiés dans le monde : Cinquante ans d’action humanitaire, Paris, Éditions Autrement, 2000 au chapitre 10, en ligne (pdf) : UNHCR <www.unhcr.org/fr/4ad2f954f.pdf>; Fatsah Ouguergouz, « La tragédie rwandaise du printemps 1994 : quelques considérations sur les premières réactions de l’Organisation des Nations Unies » (1996) 100 RGDIP 149 aux pp 152-54; Jean-Denis Mouton, « La crise rwandaise de 1994 et les Nations Unies » (1994) 40 AFDI 214 aux pp 214-15.
-
[26]
Voir Babafemi Akinrinade, Human rights and State collapse in Africa, Utrecht, Eleven International, 2009 aux pp 4, 73 et s, 119 et s.
-
[27]
Voir par ex Simon Tordjman, « La paix par la démocratie, formation d’un champ d’intervention à l’interface du développement et de la sécurité » dans Anne Bazin et Charles Tenenbaum, dir, L’Union européenne et la paix. L’invention d’un modèle européen de gestion des conflits, Paris, Presses de Science Po, 2017, 87.
-
[28]
Voir par ex André Moine, « L’État de droit, un instrument international au service de la paix » (2016) 37:2 Civitas Europa 65.
-
[29]
Document final du Sommet mondial de 2005, Doc off AG NU, 60e sess, Doc NU A/60/L.1 NU (2005) au para 9 : « Nous reconnaissons que le développement, la paix et la sécurité et les droits de l’homme sont inséparables et se renforcent mutuellement ».
-
[30]
Résolution 67/1, supra note 18 au para 18.
-
[31]
Ibid aux para 18 et 25. Dans le même sens, lors de son discours à la réunion du Conseil de sécurité sur l’efficacité de l’appui du système des Nations Unies à la promotion de l’État de droit dans les situations de conflit et post conflit, le Vice-Secrétaire général de l’ONU, Monsieur Jan Eliasson, faisait observer qu’il n’y a ni paix ni développement sans l’État de droit et le respect des droits de la personne. Voir également Secrétaire général des Nations Unies, Les causes des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique, Doc off AG CS NU, 72e sess, Doc NU A/72/269 (2017).
-
[32]
Voir Maurice Vaïsse, Dictionnaire des relations internationales de 1990 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2009 à la p 135; André Cartapanis, « L’État défaillant » dans Jean-Hervé Lorenzi, dir, Qui capture l’État?, Cahiers du Cercle des économistes, Paris, PUF, 2012, 19. La notion de « State of concern », littéralement « États source d’inquiétude » qui est un fourre-tout, est aujourd’hui privilégié par le Département d’État américain par rapport à la notion d’État voyou : Noam Chomsky, « L’Amérique, “État voyou” », Le Monde diplomatique (août 2000) aux pp 4-5, en ligne : <www.monde-diplomatique.fr/2000/08/CHOMSKY/1930>. Pour davantage de précisions sur ces concepts, voir Soraya Sidani, « Rogue States, States of concern, etc. : de l’élasticité du critère démocratique en politique étrangère » (2017) 2:106 R Intl & stratégique 121; Paul Bacot, « Qualifier les États. Enjeux de classement et dénomination » dans Josiane Tercinet, dir, États et sécurité internationale, Bruxelles, Bruylant, 2012, 5 à la p 24.
-
[33]
Voir par ex Gerard Kreijen, State failure, Sovereignty and Effectiveness, Legal Lessons from the Decolonization of Sub-Saharan Africa, Leiden, The Netherlands, Koninklijke Brill NV, 2004 aux pp 92-98; Gerard Cahin, « Reconstruction et construction de l’État en droit international » recueil de cours, Académie de droit international de La Haye, vol 411, 2019 aux pp 86-97 [Cahin, « Reconstruction »].
-
[34]
Patrick Daillier et al, Droit international public, 9e éd, Paris, LGDJ, 2022 à la p 602.
-
[35]
Klein, supra note 3 aux pp 388-89.
-
[36]
Sian Lewis-Anthony, « État de droit – État failli » dans Olivier Beauvallet, dir, Dictionnaire encyclopédique de la justice pénale internationale, Boulogne-Billancourt, Berger-Levrault, 2017, 428.
-
[37]
Olivier Corten, « État de droit » dans Valère Ndiordir, dir, Dictionnaire de l’actualité internationale, Paris, Pedone, 2021, 234. Voir aussi la contribution de Thierry Garcia, « État failli », dans ibid, 236.
-
[38]
Hans Kelsen, Théorie pure du droit, 2e éd, traduit par Charles Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962 à la p 28.
-
[39]
Selon l’approche sociologique de l’État, ce dernier dispose du monopole de la violence légitime : voir Marian Eabrasu, « Les états de la définition wébérienne de l’État », Raisons politiques 1:45 (2012) 187.
-
[40]
Frédéric Megret, « Are there “inherently sovereign functions” in international law? » (2021) 115:3 AJIL 452 aux pp 478-89 [Megret].
-
[41]
Voir Armel Le Divellec et Michel De Villiers, Dictionnaire du droit constitutionnel, 11e éd, Paris, Dalloz, 2017 à la p 155.
-
[42]
Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États, La responsabilité de protéger, Ottawa, Centre de recherches pour le développement international, 2001 au para 2.14 [Rapport de la CIISE].
-
[43]
Affaire de l’île de Palmas (ou Miangas), États-Unis d’Amérique c Pays-Bas, (1928) II RIAA 829.
-
[44]
Pierre Bodeau-Livinec, « Le domaine réservé : persistance ou déliquescence des fonctions étatiques face à la mondialisation ? » dans Société française de droit international, L’État dans la mondialisation, colloque de la SFDI, Paris, Pedone, 2013, 153 à la p 168.
-
[45]
Voir par ex les Résolution 794 (1992), Rés CS CES 794, Doc off CS NU, 47e sess, Doc NU S/RES/794 (1992) aux pp 3-4; Résolution 912 (1994), Rés CS 912, Doc off CS NU, 49e sess, Doc NU S/RES/912 (1994) aux para 5-6; Résolution 764 (1992), Rés CS 764, Doc off CS NU, 47e sess, Doc NU S/RES/764 (1992) au para 10 au sujet des violations massives des droits de la personne respectivement en Somalie, au Rwanda et en ex-Yougoslavie.
-
[46]
Cahin, « Reconstruction », supra note 33 à la p 345.
-
[47]
C’est le cas du « Fund for peace » (dernière consultation le 22 mai 2023), en ligne : FFP <fundforpeace.org/>; « Indicator Descriptions » (dernière consultation le 22 mai 2023), en ligne : Country Indicators for Foreign Policy <carleton.ca/cifp/failed-fragile-states/indicator-descriptions/> (Ces ONG se basent sur certains indices comme le respect des droits de la personne, de l’État de droit, de la démocratie, et aussi sur d’autres comme les soins de santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, etc.).
-
[48]
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 RTNU 3 (entrée en vigueur : 1er juillet 2002).
-
[49]
« [W]hen a State fails, the precondition for the exercise of ICC’s jurisdiction is met as it would be unable to investigate or prosecute war criminals » : Emily Choo, « Failed States and the suspension of the Rome Statute of the International Criminal Court » (2011) 29 Sing L Rev 71 à la p 71.
-
[50]
Megret, supra note 40 à la p 485.
-
[51]
Voir Le Procureur c Saif Al-Islam Kadhafi et Abdullah Al-Senussi, ICC-01/11-01/11, Décision sur admissibilité (31 mai 2013) aux pp 82-90 (Cour pénale internationale, Chambre préliminaire); Le Procureur c Saif Al-Islam Gaddafi, ICC-01/11-01/11, Jugement (21 mai 2014) aux pp 95-96 (Cour pénale internationale, Chambre d’appel), relatif à l’appel de la Libye contre la décision de la Chambre préliminaire du 31 mai 2013.
-
[52]
Obligation liée aux actes illicites par omission ou négligence en référence à un standard minimal de comportement requis. Voir Jean SALMON, dir, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001 aux pp 770-71. Gerard Kreijen observe que : « as far as the failed State’s substantive obligations are concerned, responsibility persists, but can no longer be realized » : Kreijen, supra note 33 à la p 286.
-
[53]
Affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro), [2007] CIJ Rec 43 au para 430 [Affaire du génocide].
-
[54]
« De manière plus générale, la Cour estime que la protection offerte par les conventions régissant les droits de l’homme ne cesse pas en cas de conflit armé, si ce n’est par l’effet de clauses dérogatoires du type de celle figurant à l’article 4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques » : Conséquences juridiques de l’édification d’un mûr dans le territoire palestinien occupé, Avis consultatif, [2004] CIJ Rec 136 au para 106; voir également Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif, [1996] CIJ Rec 226 au para 25; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Ouganda), [2005] CIJ Rec 168 aux para 216-17.
-
[55]
Gérard Cahin, « L’État défaillant en droit international : quel régime pour quelle notion? » dans Nicolas Angelet et al, dir, Droit du pouvoir, pouvoir du droit, Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruylant, Bruxelles, 2007, 177 à la p 195.
-
[56]
Voir Résolution 1894 (2009), Rés CS 1894, Doc off CS NU, 2009, Doc NU S/RES/1894, où le Conseil de sécurité appelle toutes les parties aux conflits armés au respect du droit international humanitaire, des droits de la personne et du droit des réfugiés; Résolution 1417 (2002), Rés CS 1417, Doc off CS NU, 2002, Doc NU S/RES/1417 au para 5. C’est ce qui ressort également de l’avis de nombreux rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la question (Voir par ex Philip Alston, Droits civils et politiques, notamment la question des disparitions et des exécutions sommaires: Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Doc off CES NU, 62e sess, Doc NU E/CN.4/2006/53/Add.5 (2006) au para 25) et de la Document final du Sommet mondial de 2005, supra note 18 au para 117. Pour une vue plus complète sur la question, voir les analyses de Andrew Clapham, Human Rights Obligations of Non-State Actors, Oxford, OUP, 2006; Markos Karavias, « Non-State actors in control of territory as “actors of protection” in international refugee law » (2014) 2 Rev b dr Intern 487 aux pp 495-97.
-
[57]
Pour les États, reconnaître plus d’obligations aux mouvements rebelles revient à leur reconnaître aussi des droits et une certaine légitimité : Yves Sandoz, « Les situations de conflits armés ou d’occupation : quelle place pour l’État de droit? » dans Société française de droit international, L’État de droit en droit international, colloque de Bruxelles de la SFDI, Paris, Pedone, 2009, 361 aux pp 375-76.
-
[58]
Rapport de la Commission du droit international, Doc off AG NU, 56e sess, supp n° 10, Doc NU A/56/10 29.
-
[59]
Voir Illy, supra note 1 aux pp 73-74; Karine Bannelier, « Les effets des conflits armés sur les traités : et si la Convention de Vienne et le droit de la responsabilité suffisaient? » dans Angelet et al, Droit du pouvoir, pouvoir du droit, Mélanges offerts à Jean Salmon, Bruylant, Bruxelles, 2007,, 125 aux pp 150-52.
-
[60]
Voir les analyses de Crawford au sujet de l’article 9 : James Crawford, State responsibility, Cambridge, Cambridge University Press, 2013 aux pp 168-70.
-
[61]
CDI, supra note 58, art 11. La CIJ a eu l’occasion de l’affirmer en ces termes : « L’ayatollah Khomeini et d’autres organes de l’État iranien ayant approuvé ces faits et décidé de les perpétuer, l’occupation continue de l’ambassade et la détention persistante des otages ont pris le caractère d’actes dudit État. Les militants, auteurs de l’invasion et geôliers des otages, sont alors devenus des agents de l’État iranien dont les actes engagent sa responsabilité internationale » : Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, [1980] CIJ Rec 3 au para 74.
-
[62]
Kofi A Annan, Nous les peuples : le rôle des Nations Unies au XXIe siècle, 2000, en ligne : Rapport du millénaire du Secrétaire général des Nations Unies <www.un.org/french/millenaire/sg/report/full.htm>.
-
[63]
Rapport de la CIISE, supra note 42 au para 2.25.
-
[64]
Prenant en compte les violations flagrantes et systématiques des droits de la personne et rappelant les manquements de l’État libyen face à sa responsabilité de protéger sa population, le Conseil de sécurité a ainsi autorisé les États qui en ont formulé la demande, « à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les populations et zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle partie du territoire libyen » : Résolution 1973 (2011), Rés CS 1973, Doc off CS NU, 2011, Doc NU S/RES/1973.
-
[65]
Rapport de la CIISE, supra note 42 au para 4.19.
-
[66]
Joseph Maïla, « L’évolution du concept de responsabilité de protéger » dans Anne-Laure Chaumette et Jean-Marc Thouvenin, dir, La responsabilité de protéger, dix ans après, Paris, Pedone, 2013, 41 à la p 43.
-
[67]
Voir Luigi Condorelli, « La responsabilité de protéger, nouvelle norme du droit international? » dans Anne-Laure Chaumette et Jean-Marc Thouvenin, dir, La responsabilité de protéger, dix ans après, Paris, Pedone, 2013, 163 aux pp 164-65; Stefanos Gakis, « Théorie et pratique de la responsabilité de protéger : bilan de 20 ans » (2022) 126:1 RGDIP 37 aux pp 41-47.
-
[68]
Corten, « État de droit », supra note 37 à la p 235.
-
[69]
Cité dans Klein, supra note 3 aux pp 388-89.
-
[70]
Yves Daudet, « L’exercice de compétences territoriales par les Nations Unies », (2007) XXXIV Curso derecho internacional 17 à la p 29 [Daudet, « Compétences »].
-
[71]
La MINUK au Kosovo (Résolution 1244 (1999), Rés CS 1244, Doc off CS NU, 1999, Doc NU S/RES/1244) et l’ATNUTO au Timor oriental (Résolution 1272 (1999), Rés CS 1272, Doc off CS NU, 1999, Doc NU S/RES/1272) ont eu pour mission d’administrer de façon complète les territoires respectifs de ces entités étatiques naissantes à travers de larges pouvoirs couvrant tous les domaines de l’administration de territoire. Voir Klein, supra note 3 aux pp 386-87.
-
[72]
Yves Daudet souligne qu’il n’est pas évident que l’administration territoriale soit une composante ou doive se confondre à une opération de maintien de la paix (Daudet, « Compétences », supra note 69 à la p 27. Ionanis Prezas fait une distinction nette entre une telle administration et les opérations de paix n’ayant pas cette finalité (Ionanis Prezas, L’administration de collectivités territoriales par les Nations Unies, Étude de la substitution de l’organisation internationale à l’État dans l’exercice des pouvoirs de gouvernement, Limal, Anthemis, 2012 à la p 39).
-
[73]
D’après Ionanis Prezas, l’administration internationale ne se rapporte pas aux cas où il existe déjà un État dont les autorités sont assistées : exemple du Congo avec l’ONUC, du Cambodge avec l’Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge : Prezas, ibid, aux pp 37-49.
-
[74]
Au sujet de cette mutation, voir Brigitte Stern, « L’évolution du rôle des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales » dans Organisation des Nations unies, dir, Le droit international comme langage des relations internationales, La Haye, Kluwer Law International, 1996, 58.
-
[75]
Thierry Tardy, « Le maintien de la paix robuste. Contraintes politiques et opérationnelles » (2011) Centre de Politique de Sécurité, Genève n° 10, en ligne (pdf) : <www.files.ethz.ch/isn/127743/GCSP%20Policy%20Paper%2010.pdf>.
-
[76]
Résolution 1270 (1999), Rés CS 1270, Doc off CS NU, 1999, Doc NU S/RES/1270 au para 14. Voir également pour la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo , la Résolution 1291 (2000), Rés CS 1291, Doc off CS NU, 2000, Doc NU S/RES/1291 au para 8 et pour la Mission conjointe des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour, la Résolution 1769 (2007), Rés CS 1769, Doc off CS NU, 2007, Doc NU S/RES/1769 au para 15.
-
[77]
Cité dans Yves Daudet, « La restauration de l’État, nouvelle mission des Nations Unies? » dans Yves Daudet, dir, Les Nations Unies et la restauration de l’État, Rencontres internationales de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence, Paris, Pedone, 1994 à la p 26 [Daudet, « Restauration »].
-
[78]
Jean D’Aspermont, « Les administrations internationales de territoire et la création internationale d’États démocratiques » (2018), en ligne : European Society of International Law <esil-sedi.eu/wp-content/uploads/2018/04/DAspremont.pdf>.
-
[79]
Notion assignant une qualité aux institutions de l’État et qui implique un ensemble d’exigences, notamment une bonne administration de la justice avec une indépendance des instances qui l’administre, la protection des droits fondamentaux, la séparation des pouvoirs, la sécurité juridique, le maintien de l’ordre, la transparence et l’accessibilité des lois : Klein, supra note 3 à la p 390.
-
[80]
CEDEAO, Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, et de maintien de la paix et de la sécurité, 10 décembre 1999.
-
[81]
Accord pour un règlement politique global du conflit du Cambodge, 23 octobre 1991, 1663 RTNU 27 [Accords de Paris].
-
[82]
Elle fut créée par la Résolution 745 du Conseil de sécurité, Rés CS 745, Doc off CS NU, 1992, Doc NU S/RES/745.
-
[83]
Accords de Paris, supra note 81 à la section B de l’annexe 1.
-
[84]
Ibid, art 3.
-
[85]
Ibid au para 4 de l’annexe V, cité par Paul Isoart, « L’Organisation des Nations Unies et le Cambodge » (1993) 97 RGDIP 645 à la p 669.
-
[86]
Voir Kévin Ferdinand Ndjimba, L’internationalisation des constitutions des États en crise : réflexions sur les rapports entre droit international et droit constitutionnel, thèse de doctorat en droit, Université Nancy 2, 2011 [non publiée] aux pp 266-71.
-
[87]
Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine, 14 décembre 1995, en ligne : Digithèque de matériaux juridiques et politiques <mjp.univ-perp.fr/constit/ba1995dayton.htm>.
-
[88]
Ibid.
-
[89]
Résolution 1542 (2004), Rés CS 1542, Doc off CS NU, 2004, Doc NU S/RES/1542.
-
[90]
Il dispose : « L’action de l’Union sur la scène internationale repose sur… la démocratie, l’État de droit, l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d’égalité et de solidarité et le respect des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international » (Traité sur l’Union européenne (version consolidée), 26 octobre 2012, [2012] JO C 326/13 art 21 (entrée en vigueur : 26 octobre 2012).
-
[91]
« European Union External action » (dernière consultation le 22 mai 2023), en ligne : EULEX <eulex-kosovo.eu/?page=2,1>.
-
[92]
Résolution 1244 (1999), supra note 71.
-
[93]
Joelle Hivonnet, « The EU and the promotion of rule of law in post-conflict situations : the case of Kosovo » (2013) 2 Rev b dr Intern 325 à la p 339.
-
[94]
Voir les analyses de Barbara Delcourt, « Le principe de souveraineté à l’épreuve des nouvelles formes d’administration internationale de territoires », Revue du Centre d’études et de recherches en administration publique 9 (2005) 87.
-
[95]
Patrick Daillier, « Les opérations multinationales consécutives à des conflits armés en vue du rétablissement de la paix » recueil de cours, Académie de droit international de La Haye, vol 314, 2005, 233 aux pp 394-95.
-
[96]
Sandoz, supra note 57 à la p 391.
-
[97]
Pierre Bodeau-Livinec, Le gouvernement de l’État du point de vue du droit international, thèse de doctorat en droit public, Université Paris Nanterre, 2008 [non publiée] à la p 620.
-
[98]
Daudet, « Restauration », supra note 77 à la p 28.
-
[99]
Daudet, « Compétences », supra note 70 à la p 22.