Abstracts
Résumé
Depuis la signature de l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT) en 1993, le Canada et les États-Unis ont pris l’habitude d’inclure des dispositions en matière de travail dans la plupart des accords commerciaux qu’ils ont signé depuis lors. Alors que l’ANACT a été un échec dans la mesure où le mécanisme de résolution des différends n’a jamais pu être utilisé, les États-Unis ont fait évoluer leur modèle vers des chapitres sur le travail dès l’accord avec la Jordanie (2000). Malgré des reculs dès les accords commerciaux de l’ère Bush (2002-2006), une « Nouvelle politique commerciale » pour l’Amérique a permis de renforcer les obligations en matière de travail dans les accords signés entre 2007 et 2011 par les États-Unis. Du côté canadien, l’approche minimaliste conforme à l’ANACT a été maintenue jusqu’en 2008, date à laquelle de nouvelles dispositions sur le travail plus exigeantes ont été incluses dans les accords commerciaux signés entre 2008 et 2014. Par ailleurs, dans le cadre du Partenariat transpacifique global et progressiste, le Canada a maintenu son modèle, alors que dans l’Accord économique et commercial global, il a dû céder face aux exigences européennes, notamment en excluant toute possibilité de sanction en cas de non-respect des engagements pris en matière de travail. L’Accord Canada-États-Unis-Mexique s’est quant à lui matérialisé par une amélioration des dispositions incluses dans le chapitre sur le travail. Des engagements plus fermes (interdiction du travail forcé, égalité des genres, protection des travailleurs migrants), ainsi de que l’inclusion d’une annexe appelant à établir des mesures concrètes pour la protection effective du droit d’association au Mexique semble marquer la volonté de rendre les engagements en matière de travail plus rigoureux. Enfin, la mise en oeuvre d’un nouveau mécanisme de résolution rapide des litiges semble prometteuse, et fait porter pour la première fois la responsabilité d’un manquement sur l’entreprise fautive.
Abstract
Since the North American Agreement on Labor Cooperation (NAALC) has entered into force in 1993, Canada and the United States include labor provisions in most trade agreements they have signed. While the NAALC was a failure because of an unusable dispute resolution mechanism, the United States evolved its model into labor chapters as soon as the agreement with Jordan (2000). Despite setbacks from the Bush-era trade agreements (2002–2006), a “New Trade Policy” for America has made it possible to strengthen labor obligations in the agreements signed between 2007 and 2011 by the United States. On the Canadian side, the minimalist approach in accordance with the NAALC was maintained until 2008, when new stronger labor provisions were included in the trade agreements signed between 2008 and 2014. In addition, in within the framework of the Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership, Canada has maintained its model, while in the Comprehensive Economic and Trade Agreement, it had to give in to European requirements, in particular by excluding any possibility of sanctions in the case of non-compliance with commitments made in terms of labour. The Canada-United States-Mexico Agreement, on the other hand, materialized with an improvement in the provisions included in the chapter on labour. Stronger commitments (prohibition of forced labor, gender equality, protection of migrant workers), as well as the inclusion of an annex calling for the establishment of concrete measures for the effective protection of the right of association in Mexico seem to mark the desire to make labour commitments more rigorous. Finally, the implementation of a new rapid dispute resolution mechanism looks promising, and for the first time places responsibility for a breach on the offending company.
Resumen
Desde la firma del Acuerdo de Cooperación Laboral para América del Norte (ACLAN) en 1993, Canadá y Estados Unidos han adoptado como práctica incluir disposiciones laborales en la mayoría de los acuerdos comerciales que han firmado desde entonces. Si bien el ACLAN fue un fracaso en el sentido de que nunca se pudo utilizar el mecanismo de resolución de disputas, Estados Unidos evolucionó su modelo hacia capítulos laborales tan pronto como el acuerdo con Jordania (2000). A pesar de los retrocesos de los acuerdos comerciales de la era Bush (2002-2006), una “Nueva Política Comercial” para América permitió fortalecer las obligaciones laborales en los acuerdos firmados entre 2007 y 2011 por Estados Unidos. Del lado canadiense, el enfoque minimalista consistente con el ACLAN se mantuvo hasta 2008, cuando se incluyeron nuevas disposiciones laborales más exigentes en los acuerdos comerciales firmados entre 2008 y 2014. En el marco de la Tratado Integral y Progresivo de Asociación Transpacífico, Canadá mantuvo su modelo, mientras que en el Acuerdo Económico y Comercial Global tuvo que ceder ante las exigencias europeas, en particular excluyendo cualquier posibilidad de sanción en caso de incumplimiento de los compromisos laborales. El Tratado México-Estados Unidos-Canadá se materializó a través de una mejora de las disposiciones incluidas en el capítulo laboral. Compromisos más firmes (prohibición del trabajo forzoso, igualdad de género, protección de los trabajadores migrantes), así como la inclusión de un anexo llamando al establecimiento de medidas concretas para la protección efectiva del derecho de asociación en México parecen marcar la voluntad de hacer compromisos laborales más estrictos. Finalmente, la implementación de un nuevo mecanismo para la resolución rápida de disputas parece prometedora, y por primera vez coloca la responsabilidad de un incumplimiento en la empresa infractora.
Article body
Depuis la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain[1] (ALÉNA), les États-Unis et le Canada ont pris l’habitude d’inclure des dispositions juridiques pour lier les accords commerciaux au respect d’un certain nombre de droits des travailleurs. Que cela soit dans le cadre d’un accord parallèle (comme l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail associé[2] (ANACT) à l’ALÉNA) ou encore sous la forme d’un chapitre dans l’accord, ces dispositions nommées communément « clauses sociales » font partie intégrante des négociations commerciales d’un nombre toujours plus grand de pays et de régions du monde. Selon de nombreux spécialistes, il est possible de distinguer un modèle nord-américain de clauses sociales dans les accords commerciaux. Quel est ce modèle nord-américain ? Quelle a été l’évolution de celui-ci entre l’ALÉNA et l’Accord entre le Canada les États-Unis et le Mexique[3] (ACÉUM) ? Quelles sont les particularités de l’ACÉUM en la matière ? Nous verrons que si les chapitres sur le travail restent globalement insuffisants pour appuyer une protection effective des droits des travailleurs dans le cadre des accords commerciaux, nous pouvons observer une progression substantielle des mécanismes et des normes inclus dans ces chapitres ou accords parallèles. À ce titre, nous pouvons affirmer que l’ACÉUM est un accord qui semble confirmer cette tendance, même si c’est dans la mise en pratique que l’on pourra porter un jugement plus complet.
Dans un premier temps, nous reviendrons brièvement sur les caractéristiques des modèles américains et canadiens entre la signature de l’ALÉNA et les négociations de l’ACÉUM. Dans un deuxième temps, nous identifierons les éléments de contexte qui expliquent les tournures prises dans l’édification du chapitre sur le travail de l’ACÉUM ainsi que les principaux développements nouveaux au sein du chapitre sur le travail et dans les annexes qui lui sont reliées.
I. De l’ANACT au PTPGP
Les clauses sociales nord-américaines ont été incarnées par plusieurs modèles. Dans le cas des États-Unis[4], on peut distinguer quatre modèles : l’ANACT (1993), le modèle de son accord avec la Jordanie (2001), le modèle Bush (2002-2006) et le modèle de la « Nouvelle politique commerciale pour l’Amérique » (ci-après, NPCA (2007-2011)). Dans le cas du Canada, le modèle ANACT a été suivi d’accords ressemblant à cette première mouture jusqu’en 2008. Après l’accord avec le Pérou, le modèle canadien s’est rapproché de celui défendu par les États-Unis, version NPCA.
A. Le modèle de l’ANACT
L’histoire des clauses sociales nord-américaines commence avec la signature d’un accord parallèle à l’ALÉNA : l’ANACT. Cette clause sociale doit son existence à la volonté du président Clinton, nouvellement élu, et des élus démocrates au Congrès de se différencier de son prédécesseur républicain. L’enthousiasme du gouvernement américain pour promouvoir cette clause sociale, fort de l’appui des acteurs syndicaux et associatifs, a toutefois dû se confronter à la forte opposition des gouvernements mexicain et canadien, mais aussi des milieux d’affaires américains[5]. De cette situation conflictuelle, il en est ressorti une clause sociale ne satisfaisant personne. Selon les militants favorables aux droits des travailleurs ainsi que les spécialistes du droit du travail[6], l’ANACT n’a pas tenu ses promesses, contrairement à l’accord sur l’environnement. Rappelons tout de même que l’ANACT[7], signé en 1993 par le Canada, le Mexique et les États-Unis, engageait les pays signataires à respecter onze principes que « les parties ont à coeur [de] promouvoir »[8]. L’ANACT est doté d’une commission de coopération dans le domaine du travail. Celle-ci était dirigée par un conseil ministériel composé des trois ministres du Travail, ainsi que d’un secrétariat trinational permanent basé au départ à Dallas, déplacé plus tard à Washington[9], pour finalement être fermé en 2013. Celui-ci était doté d’un budget de 2,1 millions de dollars. À un deuxième niveau, les Bureaux administratifs nationaux (ci-après, les BAN) étaient chargés d’assurer la coopération trilatérale dans le domaine du travail au jour le jour, mais aussi d’enregistrer les témoignages et pétitions visant à dénoncer les manquements aux engagements souscrits[10]. Si la plainte était jugée acceptable, le BAN proposait la mise en place d’une consultation ministérielle.
Le non-respect répété des principes inscrits dans l’ANACT au sein d’un des trois pays pouvait en effet faire l’objet de plaintes ou de « communications du public ». La discussion portait sur les faits évoqués dans la plainte rédigée et étoffée par l’enquête du BAN. Les ministres décidaient collectivement de la solution à apporter aux problèmes soulevés. Dans le cas d’une absence de consensus, et seulement pour les droits non collectifs, un comité d’experts pouvait offrir un éclairage sur les dispositions à prendre pour résoudre le problème. Dans le cas de trois droits[11], et si la partie plaignante n’était pas satisfaite par les actions mises en place par la partie visée, un groupe spécial d’arbitrage pouvait être convoqué afin de trancher le litige. Et si le pays accusé n’applique pas les recommandations de ce groupe spécial, il devait alors s’acquitter d’une pénalité pouvant aller jusqu’à un maximum de 20 millions de dollars ou 0,007% de la valeur du commerce bilatéral entre les parties concernées, voire une suspension des privilèges reliés à l’ALÉNA si la partie refuse de payer la compensation financière, à un niveau permettant de recouvrer la valeur de la pénalité identifiée par le panel arbitral[12]. À ce titre, l’ANACT a permis le dépôt de trente-neuf pétitions alléguant qu’une des trois parties ne respectait pas ses engagements[13]. De toutes ces procédures, vingt-six ont été acceptées pour examen et dix-sept ont abouti à une consultation ministérielle et aucune n’a fait l’objet d’une consultation d’experts ni été portée devant le panel arbitral, ce qui est apparu pour les défenseurs des droits du travail comme un échec de la clause sociale parallèle à l’ALÉNA[14].
Cet accord a permis de rapprocher les ministères du Travail des trois parties et de faire émerger une certaine solidarité syndicale transfrontalière, mais qui s’est essoufflée avec le temps[15]. Il a pu aussi dans certains dossiers précis mettre à jour des pratiques prédatrices d’entreprises installées en Amérique du Nord, et, ce faisant, a contribué à les faire disparaître[16]. Toutefois, la plupart des spécialistes et des défenseurs des droits des travailleurs ont fortement critiqué ce modèle de clause sociale. Essentiellement, nous pouvons résumer deux limites de l’ANACT : l’accord ne serait pas assez contraignant, le texte comme les institutions seraient impuissants à protéger adéquatement des droits des travailleurs en Amérique du Nord[17] ; par ailleurs l’application de l’accord est étroitement soumise à la volonté politique des gouvernements[18].
Malgré toutes ces limites, le Canada a misé sur la continuité jusqu’en 2008. Il a négocié un accord « parallèle pratiquement identique avec le Chili en 1997 puis un second avec le Costa Rica en 2002. Le Canada a privilégié l’approche coopérative accompagnée d’un soutien financier et technique. Dans le cas de l’accord avec le Chili, le Canada a reproduit quasiment à l’identique le modèle institutionnel de l’ANACT[19]. L’accord avec le Costa Rica est également inclus dans la continuité des deux précédents. Il introduit quelques modifications institutionnelles[20]. D’une part, il fait explicitement référence aux droits fondamentaux de la Déclaration de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi[21] [DDFT] de 1998 et d’autre part, en cas de violation, l’accord prévoit la réunion d’un groupe spécial, il n’est plus question de pénalités monétaires ni de sanctions commerciales.
B. Les États-Unis : Une évolution par étapes avant la nouvelle politique commerciale pour l’Amérique
Contrairement au Canada, les États-Unis ont fait évoluer leur clause. Avant 2007, le gouvernement américain a promu deux nouveaux modèles de clauses sociales. Le premier d’entre eux est celui inclus dans l’Accord de libre-échange (ci-après, l’ALE) avec la Jordanie (2000-2001). Cet accord intègre des dispositions relatives au travail dans un chapitre qui est inclus dans le texte de l’ALE. Cet accord marque le retour aux « droits du travailleur internationalement reconnus »[22], qui est celui qui est traditionnellement inclus dans la politique commerciale des États-Unis. En cas de violation des dispositions du chapitre sur le travail, il prévoit des sanctions monétaires et commerciales similaires à celles des autres chapitres de l’accord[23]. L’accord engage surtout les parties à respecter leur législation nationale et précise que les faibles normes du travail ne doivent pas être utilisées pour encourager le commerce[24]. Ce modèle a longtemps été défendu comme la référence à suivre du côté des acteurs pro-clauses sociales américains.
Le deuxième de ces modèles regroupe les accords[25] conclus conformément à la loi de 2002 sur le commerce et ratifiés avant l’entente de mai 2007 : c’est le modèle Bush qui repose la même liste de droits que le modèle précédent. Toutefois, les accords de 2002-2006 limitent drastiquement le recours à l’arbitrage et créent un mécanisme spécifique dédié au chapitre sur le travail, dont les dispositions sont moins sévères que celles reliées aux autres chapitres. Ce modèle représentait bien la vision conservatrice de l’administration de l’époque : les normes du travail sont un bien de luxe et le libre-échange un droit de l’homme[26].
C. Première convergence : les accords commerciaux du Canada et des États-Unis avec le Pérou
Suite au retour de majorités démocrates dans les deux chambres du Congrès américain en 2006, l’administration Bush a dû renforcer les obligations en matière de respect des normes du travail dans les ALE, ce qui va devenir la NPCA. L’accord de « promotion des échanges » avec le Pérou a été le premier à intégrer ces nouvelles dispositions. La nouvelle version du chapitre 17 sur le travail illustre un quatrième modèle dont les éléments principaux sont : 1) l’engagement à intégrer dans les lois nationales les normes de la Déclaration de l’OIT de 1998[27] ; 2) une clause de non-dérogation ; 3) l’application de mécanismes de règlement des différends et des pénalités plus fortes ; 4) la mise en place d’un mécanisme de coopération et de renforcement des capacités administratives dans le domaine du travail.
Prenant acte des nouvelles méthodes d’inclusion du travail dans les accords commerciaux, le Canada abandonne l’approche reposant sur un « accord parallèle » en 2008, en lui substituant l’introduction d’un chapitre sur le travail dans le texte même de l’ALE avec le Pérou. Ce chapitre est assorti d’une annexe dont la forme et le contenu sont semblables aux accords parallèles accompagnant les ALE précédemment signés par le Canada. Il comporte cependant des éléments nouveaux qui suggèrent un renforcement de l’approche canadienne. Elle se résume à négocier : 1) des obligations faisant référence à l’« Agenda pour le travail décent » de l’OIT[28] et à la Déclaration de l’OIT de 1998 ; 2) une clause de non-dérogation[29] ; 3) des pénalités monétaires en cas de violation qui seront versées dans un fonds destiné à développer des activités de coopération en matière de travail[30]. Fait remarquable, les lois nationales peuvent, dans une certaine mesure, être contestées par le partenaire commercial dans le cas où elles n’incorporent pas les normes internationales de l’OIT ou si leur application fait défaut.
D. Les accords commerciaux canadiens et américains bilatéraux après 2008, une continuité et quelques innovations
Le Canada a signé et entériné six accords depuis 2007 incluant des dispositions sur le travail[31], avec la Colombie, le Panama, la Jordanie, le Honduras, l’Ukraine et la Corée du Sud[32]. Les quatre premiers suivent le modèle de l’accord avec le Pérou : ils sont composés d’un chapitre intégré au texte de l’ALE et d’un accord parallèle. Ce dernier recouvre l’essentiel de la substance de la clause sociale. Les textes des ALE avec le Pérou et la Colombie tout comme leurs accords parallèles dans le domaine du travail se ressemblent en tous points[33]. Les accords avec le Panama, la Jordanie et le Honduras s'apparentent aussi au modèle établi dans l’accord avec le Pérou, avec quelques changements mineurs[34]. Pour ce qui est des accords avec la Corée du Sud et l’Ukraine, la clause sociale a été entièrement intégrée dans le cadre d’un chapitre de l’accord de libre-échange, sans qu’il y ait un accord parallèle sur le travail. Toutefois, une étude comparative du contenu du chapitre sur le travail de l’Accord Canada–Corée et des accords de coopération dans le cadre du travail (ACT) signés depuis 2007 nous permet de souligner que toutes les clauses traditionnelles autrefois incluses dans l’accord parallèle (obligation[35], non-dérogation[36], coopération[37], règlement des litiges, etc.) sont couvertes dans le cadre du chapitre sur le travail dans l’accord commercial et dans ses annexes.
Du côté américain, l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis a conduit à la mise en veilleuse des accords commerciaux déjà signés, mais non ratifiés par la précédente administration. Toutefois, le résultat des élections de mi-mandat qui ont eu lieu en 2010 aux États-Unis a obligé l’administration démocrate d’Obama à transiger avec la majorité parlementaire républicaine. Entre autres, les républicains vont exiger l’approbation des trois accords signés par l’administration Bush, mais non ratifiés, soient les accords avec le Panama, la Colombie et la Corée du Sud. Tous ces accords incluaient un chapitre sur le travail inspiré du modèle de la NPCA. La question des normes du travail a d’ailleurs soulevé des débats d’intensité variable selon les accords : la question n’était pas un problème dans le cas de la Corée du Sud[38] ; une question secondaire pour le Panama et, elle était plutôt un enjeu majeur dans le cas de l’Accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie. Pour ce qui est du Panama, l’administration démocrate a simplement exigé que le gouvernement de ce pays réforme son Code du travail de telle manière à ce que ses dispositions s'appliquent dans les zones économiques spéciales qui étaient exemptées jusque-là[39].
Restait donc le cas épineux de la Colombie, dont l’incapacité à faire respecter les droits syndicaux suscitait de nombreuses craintes[40]. Pour avoir une prise sur ce problème, le gouvernement américain a négocié avec le gouvernement colombien la mise en place d’un « plan d’action concernant le droit du travail en Colombie » en 2011, dont l’objectif était de fixer des balises de réformes législatives et administratives autour du droit du travail colombien[41]. Ce plan d’action s’est concentré sur six grands dossiers dont l’urgence faisait unanimité[42] : 1) le renforcement de l’inspection du travail ; 2) la réforme du Code criminel, condamnant les responsables de pratiques antisyndicales à des peines d’emprisonnement ; 3) la réforme du cadre législatif des entreprises coopératives[43] ; 4) empêcher les agences de travail temporaire de contourner les règles du Code du travail, 5) empêcher la mise en oeuvre de pactes collectifs[44] ; et 6) le renforcement de la protection des dirigeants syndicaux par les forces de l’ordre. En plus de toutes ces réformes, le plan d’action exigeait la mise en place d’une procédure de suivi aux deux ans en vue d’évaluer les efforts réalisés pour mettre en oeuvre de façon concrète toutes ces réformes. Suite à la mise en place des réformes par le gouvernement colombien durant les mois d’été 2011, le gouvernement américain a fait état de sa satisfaction et a autorisé le Congrès à lancer les procédures législatives en vue de faire adopter les trois accords commerciaux mentionnés.
Donc, sur la forme, les chapitres sur le travail des accords avec la Colombie, le Panama et la Corée du Sud sont quasiment identiques à celui inclus dans l’accord avec le Pérou. La principale innovation consiste en la mise en place d’un plan d’action pour la Colombie, qui conditionne l’accès aux bénéfices liés à tous les chapitres de l’accord commercial[45].
E. L’AÉCG et le PTPGP : les clauses sociales dans les partenariats intercontinentaux
Lancées depuis 2009, les négociations d’un accord commercial de grande ampleur entre le Canada et l’Union européenne[46] symbolisent le nouvel engouement pour les partenariats intercontinentaux[47]. Des chapitres spécifiques sur le travail et l’environnement ont été inclus, devancés d’un chapitre introductif consacré au développement durable. Parmi les innovations de cet accord du point de vue canadien, notons les suivantes : la création d’un forum permanent de la société civile amené à revoir les dispositions du chapitre sur le travail au besoin ; la volonté d’infléchir ses partenaires à ratifier les conventions de l’OIT en faisant par ailleurs une référence explicite à ces instruments[48] ; toutefois, le règlement des litiges marque clairement la prédominance de l’approche européenne, le débouché de tout arbitrage ne prévoyant aucune pénalité.
À l’étude du texte « final » du chapitre sur le travail du Partenariat transpacifique global et progressiste[49] (PTPGP), qui n’a pas été modifié de sa mouture initiale de 2015 (Partenariat transpacifique, PTP), il ressort une très forte ressemblance avec que les États-Unis appliquent depuis 2008, ce qui trahit l’influence des États-Unis. Toutefois, le PTP va plus loin que les accords précédents[50]. Un article inédit (19-6) insiste sur l’abolition du travail forcé dans les chaines de valeur. Une clause (15-8-5) autorise par ailleurs les pourvoyeurs de marchés publics à prendre en considération le respect des droits des travailleurs dans la dévolution de contrats. Enfin, même si les États-Unis se sont retirés, ces derniers avaient insisté pour inclure des lettres d’ententes et des plans de « cohérence » dans le domaine du travail, équivalents à des plans d’action, auprès de trois partenaires : Brunei, le Vietnam et la Malaisie.
II. L’Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique
A. La dimension politique des négociations sur le travail
L’idée de renégocier l’ALÉNA provenait initialement de la volonté de l’administration américaine dirigée par Donald Trump. Jugeant les accords commerciaux signés par ses prédécesseurs comme mauvais du point de vue des intérêts américains, il s’est lancé dans une série de mesures de politiques commerciales diverses et contradictoires, dont la renégociation de l’ALÉNA. Les questions reliées aux normes du travail ne faisaient pas partie des priorités de négociation de l’Administration Trump[51] et il semble que le mandat donné aux négociateurs du chapitre était de répliquer le chapitre sur le travail du Partenariat transpacifique (duquel l’administration Trump avait par ailleurs décidé de se retirer quelques mois plus tôt). Ceci dit, l’administration américaine a eu à traiter avec les mouvements sociaux et syndicaux américains et mexicains qui ont déposé deux pétitions contre le Mexique et les États-Unis dans le cadre de l’ANACT, démontrant leur volonté de mettre la pression pour améliorer substantiellement les dispositions reliées au travail dans le nouvel accord[52]. Donc, entre 2017 et 2019, le principal gouvernement à avoir mené une posture offensive était le gouvernement canadien. Depuis 2015, le gouvernement de Trudeau s’était donné pour mission de bâtir une politique commerciale progressiste dans lesquels le travail, l’environnement, mais aussi l’égalité des genres et les droits des Premières Nations seraient partie prenante[53]. Dans le domaine du travail, cela s’est traduit par une augmentation des exigences dans la négociation qui seront par ailleurs appuyées par un programme de consultations publiques[54]. Dans cette perspective, les changements opérés dans la première version du texte de l’accord, qui dans l’ensemble constituaient une bonification des exigences sont à mettre à l’actif de la pression mise par le Canada[55]. Cela a abouti à la première version finalisée de l’accord révélé au public le 30 novembre 2018[56]. À partir de 2019, relevons que le climat sera encore plus favorable à une augmentation des exigences en matière de travail dans l’accord. Premièrement, l’arrivée d’une majorité démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis allait obliger le gouvernement républicain à renégocier de nombreux chapitres. Le travail a alors été une des priorités et cela a obligé à des modifications. Deuxièmement, notons que l’arrivée au pouvoir d’Andrés Manuel López Obrador au Mexique a aussi permis une plus grande acceptation des mesures proposées en matière de travail. Ces changements se sont traduits par des cycles de renégociation qui ont abouti à un Protocole d’amendement de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique le 10 décembre 2019[57] et qui a renforcé considérablement le contenu du chapitre sur le travail[58], mais aussi la partie consacrée au travail dans le chapitre dédié au règlement des différends.
B. L’accord et le protocole : des dispositions sur le travail novatrices
L’ACÉUM intègre en général les innovations énumérées dans la section précédente. À ce titre, le contenu normatif est bien plus substantiel que celui de l’ANACT. Parmi les éléments repris des accords précédents, relevons les plus importants. Premièrement, les dispositions sur le travail sont intégrées dans un chapitre de l’accord et assujetti au mécanisme de règlement des différends général de l’accord[59]. Deuxièmement, l’accord fait une référence explicite à deux déclarations de l’OIT[60] alors que l’ANACT ne référait qu’aux droits du travail nationaux. Il s’agit d’un progrès ! Notons toutefois que contrairement au précédent de l’AÉCG, il n’y a aucune référence explicite aux conventions fondamentales de l’OIT, ce qui, selon de nombreux juristes, est une lacune dans la mesure où celles-ci sont le corpus de référence en matière de droit international du travail[61]. Troisièmement, la clause de non-dérogation reste à peu près inchangée[62]. Par ailleurs une note de bas de page vient élargir considérablement le champ d’application du chapitre puisque selon les termes utilisés :
Il est entendu qu’une « action ou inaction » est commise « d’une manière qui a un effet sur le commerce ou l’investissement entre les Parties » si elle concerne : 1) une personne ou un secteur qui produit des produits ou fournit des services faisant l’objet d’un échange commercial entre les Parties ou qui a un investissement sur le territoire de la Partie qui a omis de se conformer à l’obligation ; ou 2) une personne ou un secteur qui produit un produit ou fournit un service qui, sur le territoire d’une Partie, entre en concurrence avec un produit ou service d’une autre Partie.[63]
Donc, la définition de l’impact sur le commerce ou l’investissement s’applique de façon explicite à toutes les entreprises exportatrices ou réceptrices d’investissement (ce qui était déjà le cas), mais aussi à toutes leurs concurrentes. Quatrièmement, la partie consacrée à l’application du droit du travail reprend les termes utilisés depuis les accords canadiens et américains avec le Pérou. À savoir que les gouvernements doivent faire appliquer leur droit du travail, mais qu’en plus, « [a]ucune décision prise par une Partie qui manque à une obligation prévue par le présent chapitre concernant l’affectation des ressources en matière d’application de la loi ne justifie un manquement à cet égard »[64]. Le manque de ressources ne peut donc être invoqué comme raison valable pour manquer à son engagement.
Cinquièmement, nous pouvons noter un certain nombre d’innovations ou de dispositions prometteuses dans le domaine du travail forcé, des travailleurs migrants et de la lutte contre la discrimination en milieu de travail. Une section est consacrée à l’interdiction du travail forcé. Si elle avait déjà été incluse dans le PTPGP, cette nouvelle version est plus forte dans la mesure où l’on parle d’une interdiction à utiliser des intrants fabriqués à partir de travail forcé[75] :
Les Parties reconnaissent l’objectif consistant à éliminer toute forme de travail forcé ou obligatoire, y compris le travail forcé ou obligatoire des enfants. En conséquence, chacune des Parties interdit l’importation sur son territoire de produits provenant d’autres sources et issus, en entier ou en partie, du travail forcé ou obligatoire, y compris du travail forcé ou obligatoire des enfants[76].
Par ailleurs, l’accord inclut de nouvelles dispositions visant à « [l]utter contre la violence contre les travailleurs »[77]. Selon cet article inédit,
les travailleurs et les organisations syndicales doivent pouvoir exercer les droits énoncés à l’article 23.3 (Droits dans le domaine du travail) dans un environnement exempt de violence, de menaces et d’intimidation, et qu’il est impératif que les gouvernements traitent efficacement les situations où des travailleurs sont victimes de violence, de menaces et d’intimidation[78].
Pour ce qui est des travailleurs migrants, notons que les dispositions existaient déjà dans la liste des onze droits définis par l’ANACT et que le Canada a aussi inclus une disposition spécifique à l’égard des travailleurs migrants dans ses clauses sociales depuis l’accord de 2008 avec le Pérou. Dans le cadre de l’ACÉUM, les travailleurs migrants sont ciblés dans un point spécifique du chapitre « reconnaissant la vulnérabilité des travailleurs migrants en ce qui a trait aux protections en matière de travail défendre un meilleur respect des droits des travailleurs migrants »[79]. De ce fait, le nouvel accord exige que « chacune des Parties fa[sse] en sorte que les travailleurs migrants soient protégés sous le régime de son droit du travail, qu’ils soient ou non des ressortissants de la Partie»[80]. Un autre article apparait pour la première fois dans l’ACÉUM, celui qui engage à « [l]utter contre la discrimination en milieu de travail.[81] » Si l’ANACT avait inclus la non-discrimination dans la liste des onze droits que les parties s’engageaient à respecter à travers cet accord[82] et que les autres accords se basaient sur le contenu de la DDFT de 1998[83], l’ACÉUM vient ici préciser un ensemble d’engagements plus substantiels. En plus de promouvoir l’égalité des genres, l’article détermine que les parties doivent « mettre en oeuvre des politiques » assurant une protection contre « contre la discrimination en matière d’emploi fondée sur le sexe (y compris en ce qui concerne le harcèlement sexuel), la grossesse, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les responsabilités liées à la prestation de soins » ainsi que des programmes permettant de « prévoir un congé avec protection de l’emploi en cas de naissance ou d’adoption d’un enfant et pour les soins aux membres de la famille ; et de protéger contre la discrimination salariale »[84].
Sixièmement, s’appuyant sur les précédents de l’Accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie ainsi que sur les annexes au PTP, le chapitre est doté d’une annexe s’apparentant à un plan d’action et exigeant du Mexique une réforme des pratiques en milieu de travail ayant pour but d’assurer l’exercice des droits syndicaux sur le territoire de ce pays. Entre autres, selon l’annexe 23-A :
Le Mexique : a) Prévoit, dans son droit du travail, le droit des travailleurs de participer à des activités concertées aux fins de négociation ou de protection collective, et d’organiser ou de former le syndicat de leur choix et de s’y affilier, et interdit, dans son droit du travail, la domination ou l’ingérence des employeurs dans les activités syndicales, la discrimination ou la coercition envers les travailleurs en raison de leurs activités syndicales ou de leur adhésion à un syndicat, et le refus à la négociation collective avec un syndicat dûment reconnu[…][85].
Enfin, septièmement, notons que le plus grand changement en particulier depuis le mémorandum du 10 décembre 2019 concerne le règlement des différends[86]. Les annexes 31-A et B au chapitre sur le règlement des différends[87] consistent en la création d’un mécanisme de « résolution rapide » dans le cadre de litiges reliés au chapitre sur le travail pour ce qui concerne les dénis de droit d’association et de négociation collective[88]. Le but est d’éviter qu’un différend en matière de travail ne s’éternise comme ce fut le cas dans le litige ayant opposé les États-Unis et le Guatemala (neuf ans de procédures au total)[89]. Selon cette nouvelle procédure de résolution rapide, en cas de violation des droits des travailleurs alléguée par une partie, l’autre partie a quarante-cinq jours pour supprimer le déni de droit. Si aucune action n’est prise par la partie défenderesse, « la Partie plaignante peut suspendre le règlement final des comptes douaniers lié aux entrées de produits en provenance de l’Installation visée »[90]. Suite à cela, un panel d’arbitrage pourra être mis en oeuvre dans les cinq jours ouvrables s’il n’y a pas de solution négociée. Ce groupe spécial a un pouvoir de vérification et doit rendre une décision dans les trente jours après la constitution du panel ou encore dans les « trente jours suivant la vérification »[91]. La partie plaignante pourra maintenir les sanctions aussi longtemps que le déni de droit ne sera pas supprimé, ou encore que le panel d’arbitrage en appel à la levée des sanctions[92]. En plus de la rapidité, le mécanisme en appellera à la responsabilité de la firme dans la mise en oeuvre de pratique de travail décent, et plus uniquement au pays ne respectant pas ses engagements internationaux[93]. Selon les recommandations du groupe spécial, « [l]es mesures de réparation peuvent comprendre la suspension du traitement tarifaire préférentiel pour les produits qui sont produits dans l’Installation visée, ou l’imposition de pénalités sur les produits qui sont produits dans l’Installation visée ou sur les services qui sont fournis par cette dernière »[94]. De plus, le commerce d’un produit entre la partie plaignante et la partie défenderesse pourrait même être bloqué suite à trois litiges démontrant les torts d’entreprises déniant les droits mentionnés dans l’accord. Selon l’article 31B10(4) du Protocole :
Si une Installation visée ou une Installation visée possédée ou contrôlée par la même personne produisant les mêmes produits ou des produits apparentés ou fournissant les mêmes services ou des services apparentés a fait l’objet d’une décision antérieure concluant à l’existence d’un déni des droits à au moins deux reprises, les mesures de réparation peuvent comprendre la suspension du traitement tarifaire préférentiel pour ces produits, l’imposition de pénalités sur ces produits ou services, ou le refus d’entrée de ces produits.[95]
Par ailleurs, le fardeau de la preuve est renversé : c’est à la partie attaquée de prouver qu’il n’y a pas eu de violation des engagements liés au chapitre sur le travail[96]. Selon l’expression consacrée dans de multiples notes de bas de page de l’accord commercial : « Aux fins du règlement des différends, un groupe spécial présume qu’un manquement est commis d’une manière qui a un effet sur le commerce ou l’investissement entre les Parties, à moins que la Partie défenderesse ne démontre le contraire »[97]. En bref, ces changements répondent assez drastiquement à la demande de renforcer le mécanisme en place lors de la résolution de litiges liés au chapitre sur le travail. Toutefois, si le Canada a joué le jeu et a accepté de bon coeur ces changements, c’est à la majorité démocrate à la Chambre des Représentants aux États-Unis que l’on doit ces modifications suite à une partie de bras de fer avec l’administration américaine en place.
Il est à noter par ailleurs deux éléments nouveaux concernant le travail et qui sont inclus dans d’autres chapitres. Premièrement, dans le cadre du chapitre sur les règles d’origine, l’accord prévoit d’obliger la production du secteur automobile à mettre en place un salaire horaire minimal de 16 dollars des EUA dans toute l’Amérique du Nord, chose totalement inédite à ce jour[98]. Deuxièmement, exactement comme cela a été fait dans le cadre du PTPGP, une clause du chapitre sur les marchés publics a été ajoutée pour garantir le droit des États à prendre en considération le respect des droits des travailleurs dans l’évaluation des dossiers lors d’appels d’offres des administrations publiques[99].
III. Conclusion, des innovations prometteuses à tester, et des lacunes
En bref, les dispositions en matière de travail de l’ACÉUM surpassent largement le contenu de l’ANACT. Les dispositions juridiques sont plus mordantes, l’accès en mécanisme de règlement des différends est plus facile et le contenu juridique plus solide. Les dispositions sur le travail forcé, l’égalité des genres et l’annexe consacrée aux respects des droits d’association et de négociation collective au Mexique marquent la volonté d’en finir avec les manquements en matière de respect des droits des travailleurs. Par ailleurs, le mécanisme de résolution rapide des différends en matière de travail semble renforcer les possibilités de supprimer les dénis de droit en matière de travail. Plus encore, pour la première fois, les entreprises pourraient être directement pénalisées par un blocage de ses exportations en cas de déni de droit et non plus seulement le gouvernement responsable de faire respecter sa législation sur le travail.
Un certain nombre de dimensions du chapitre sur le travail restent, toutefois, insatisfaisantes et marquent clairement des reculs comparativement à des accords précédemment signés. Tout d’abord, l’ACÉUM ne fait pas de références explicites aux conventions internationales de l’OIT. Si la référence aux déclarations est pertinente, une référence aux conventions (comme dans le cas de l’AÉCG) est généralement considérée comme préférable, car celles-ci définissent un certain nombre de principes et sont munies d’une jurisprudence qui peut améliorer l’application des droits des travailleurs dans les pays concernés. Par ailleurs, la société civile est la grande absente du nouvel accord. Alors que l’AÉCG avait abouti à un forum annuel de la société civile dans lequel gouvernement et acteurs non gouvernementaux doivent se rencontrer, rien de tel n’existe dans le nouvel accord nord-américain. Enfin, alors que l’ANACT était doté d’un secrétariat permanent, aucune institution de ce type n’est prévue dans l’ACÉUM. Même si le contenu du chapitre est prometteur, l’épreuve des faits sera le seul moyen de juger si les innovations mises en place auront un effet positif sur le respect des droits des travailleurs en Amérique du Nord.
Appendices
Notes
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[1]
Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d’Amérique, 17 décembre 1992, RT Can 1994 no 2 (entrée en vigueur : 1er janvier 1994) [ALÉNA].
-
[2]
Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, 13 septembre 1993 (entrée en vigueur : 1994) [ANACT].
-
[3]
Accord Canada–États-Unis–Mexique, Canada États-Unis et Mexique, 30 novembre 2018 (entrée en vigueur : 1 juillet 2020) [ACÉUM].
-
[4]
Depuis l’ALÉNA, les États-Unis ont négocié des ALE avec dix-sept pays (Jordanie, Chili, Singapour, Australie, Maroc, Bahreïn, Oman, République dominicaine, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Pérou, Colombie, Panama et Corée).
-
[5]
Frederick D Mayer, Interpreting NAFTA : The Art and Science of Political Analysis, New York, Columbia University Press, 1998; Sylvain Zini, « Exporter le New Deal: les normes du travail dans la politique commerciale des États-Unis » (2016) Québec, Presses de l’Université du Québec ; Sylvain Zini, « L’ANACT, d’un précédent original à un cuisant échec ? Retour sur son origine et sa portée » dans Dorval Brunelle, dir, L’ALÉNA à 20 ans : un accord en sursis un modèle en essor, Éditions IEIM, Montréal, 2014, à la p 349.
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[6]
Voir entre autres : Pharis Harvey, « North American Agreement on Labor Cooperation: A Non-Governmental View » Conference on Social Clauses and Environmental Standards in International Trade Agreements : Links, Implementation and Prospects, présenté à Bruxelles, 31 mai 1996 ; Lance A. Compa, « NAFTA’s Labor Side Agreement and International Labor Solidarity » (2001) 33:3 Antipode 451-467 ; et Jonathan Graubart, « Legalizing Transnational Activism: The Struggle to Gain Social Change from NAFTA’s Citizen Petitions », (2008) Pennsylvania State University Press à la p 184.
-
[7]
L’ANACT est doté d’une structure à cinq niveaux : 1) Commission de coopération dans le domaine du travail ; 2) un Conseil ministériel composé des trois ministres du Travail ; 3) des Bureaux administratifs nationaux (BAN) qui sont chargés d’enregistrer les témoignages et pétitions visant à dénoncer les manquements aux engagements souscrits ; 4) un Comité évaluatif d’expert chargé de documenter une cause en arbitrage dans le cas où le conseil ministériel n’est pas capable de s’entendre et 5) un groupe spécial arbitral chargé de régler les litiges en dernier recours.
-
[8]
Ces principes sont les suivants : « 1) liberté d’association et droit d’organisation ; 2) droit de négociation collective ; 3) droit de grève ; 4) interdiction du travail forcé ; 5) protections accordées aux enfants et aux jeunes gens en matière de travail ; 6) normes minimales d’emploi ; 7) élimination de la discrimination en matière d’emploi ; 8) égalité de rémunération entre les hommes et les femmes ; 9) prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ; 10) indemnisation en cas d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ; 11) protection des travailleurs migrants », ANACT, supra note 2.
-
[9]
La Commission l’ANACT possédait un champ d’intervention très large : coopération, réalisation d’études indépendantes, mise en oeuvre de séminaires de formation, etc., mais limitée à de la coopération. Elle ne joue aucun rôle dans le processus de contrôle des mécanismes de l’accord. ANACT, supra note 2.
-
[10]
Mary Jane Bolle, « NAFTA Labor Side Agreement: Lessons for the Worker Rights and Fast-Track Debate » (2001), Congressional research service, CRS report for Congress, Washington D.C.
-
[11]
Seuls les principes liés à la santé et à la sécurité au travail, au travail des enfants ou au salaire minimum sont assujettis au mécanisme de règlement des différends pouvant conduire à des pénalités monétaires, ANACT, supra note 2.
-
[12]
ANACT, ibid.
-
[13]
É-U, Department of Labor, Division of Trade Agreement Administration and Technical Cooperation, U.S. Department Of Labor Status of Submissions under The North American Agreement on Labor Cooperation (NAALC), Washington D.C., U.S. Govt. (2021) ANACT, 2014, « Summary of public communications ».
-
[14]
Graubart, supra note 6 et Robert G. Finbow, The Limits of Regionalism : NAFTA’s Labour Accord, International political economy of new regionalisms series, New York(NY), Ashgate Pub, 2006 à la p 29.
-
[15]
Dalil Maschino, « L’ALENA et le travail : un cas précurseur ou une entente aujourd’hui dépassée » dans Dorval Brunelle & Christian Deblock, dir, L’ALENA : Le Libre-Échange En Défaut, Montréal (Qc), Fides, 2004 à la p 345.
-
[16]
Par exemple, suite à une pétition rédigée par Human Rights Watch et l’International Labor Rights Fund en 1997, le gouvernement américain a sollicité une consultation ministérielle concernant des allégations avec preuve selon lesquelles des entreprises mexicaines localisées dans les maquiladoras faisaient passée des tests de grossesse à l’embauche ou après embauche aux femmes afin d’éviter de payer des prestations de maternité. Ce cas flagrant de discrimination à l’embauche a donc été traité et a débouché sur une déclaration gouvernementale tripartite (États-Unis–Canada–Mexique) visant à mettre fin à cette pratique. Si cela n’a pas éliminé définitivement le problème, les entreprises visées ont dû renoncer à ces pratiques discriminatoires, l’attention médiatique et gouvernementale les contraignant à réviser leur pratique. Voir Human rights watch et le International Labor Rights Fund, Submission Concerning Pregnancy-Based Sex Discrimination in Mexico’s Maquiladora Sector to the United States, National Administrative Office, submission n 9701, Washington DC, 1997 à la p 4.
-
[17]
Les possibilités de recours sont très limitées et les mécanismes de règlement des différends semblent inopérants. La structure juridique qui les fonde est trop floue pour permettre quelque application concrète que ce soit. Par ailleurs les institutions qui régissent les accords commerce-travail sont tout sauf transparentes et efficaces. La Commission de coopération dans le domaine du travail est régie par un Secrétariat qui pilote des recherches sur des questions d’ordre essentiellement technique de manière à éviter toute tension diplomatique. De plus, les limites techniques et financières empêchent une forme d’implication plus sérieuse. Dans le cas des plaintes soumises aux BAN, les procédures d’examen sont extrêmement longues, ne freinant pas la poursuite de pratiques prédatrices avant plusieurs années. L’aboutissement d’une procédure est donc plus qu’incertain. Voir entre autres Jonathan Graubart, « Giving Teeth to NAFTA’s Labour Side Agreement » dans John J. Kirton et Virginia White Maclaren, dir, Linking Trade, Environment, and Social Cohesion : NAFTA Experiences, Global Challenges, Aldershot (ON), Ashgate, 2002 à la p 222.
-
[18]
Le degré d’implication des gouvernements au sujet de droits des travailleurs varie fortement selon leur sensibilité politique et leur idéologie. Plus précisément, les gouvernements progressistes ont davantage joué le jeu que ceux qui étaient plus conservateurs. Voir Zini, supra note 5.
-
[19]
Cet accord est quasiment identique à l’ANACT. Cependant, les pénalités monétaires sont moindres (10 millions de dollars en regard de 20 millions de dollars pour l’ANACT) et il ne prévoit pas la suspension d’avantages commerciaux. Voir Yanick Noiseux, Le Canada et la gouvernance du travail dans le contexte de la mondialisation : état des lieux, Rapport du projet Gouvernance globale du travail, Montréal : CEIM, 2006.
-
[20]
Accord Canada-Costa Rica de coopération dans le domaine du travail, Canada et Costa-Rica, avril 2001, (entrée en vigueur : novembre 2002) [ACCRCT].
-
[21]
Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, 18 juin 1998, OIT, (Genève, Bureau international du travail) [Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi ou DDFT].
-
[22]
Selon la loi américaine, depuis 1984, les droits du travailleur internationalement reconnus [DTIR] sont : « (A) the right of association; (B) the right to organize and bargain collectively; (C) a prohibition on the use of any form of forced or compulsory labour; (D) a minimum age for the employment of children (E) acceptable conditions of work with respect to minimum wages, hours of work, and occupational safety and health. » United States, Trade and Tariff Act of 1984, Title V, 19 USC au para 2461.
-
[23]
Cela dit, il faut souligner que ces deux pays ont par ailleurs convenu dans une communication écrite que les disputes seraient résolues sans avoir recours aux sanctions et que, les droits fondamentaux du travail internationalement reconnus sont ceux qui sont définis par les États-Unis.
-
[24]
Carol Pier, « Workers’ Rights Provisions in Fast Track Authority, 1974–2007: An Historical Perspective and Current Analysis » (2006) 13:1 Ind J of Global Leg Stud 77 à la p 103.
-
[25]
Ce sont les pays suivants : Chili, Singapour, Australie, Maroc, Bahreïn, Oman. S’y ajoutent les six pays de l’accord avec l’Amérique centrale et la République dominicaine.
-
[26]
Christian Deblock, Les États-Unis, le commerce et les normes du travail : Une perspective historique, Gouvernance globale du travail, Rapport de recherche Gouvernance globale du travail, Montréal, CEIM, 2008; Zini, supra note 5.
-
[27]
Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, supra note 20.
-
[28]
Accord Canada-Pérou de coopération dans le domaine du travail et Accord de libre-échange Canada-Pérou, Canada et Pérou, janvier 2008, (entrée en vigueur : 2009) [Accord Canada-Pérou].
-
[29]
Cette clause, pour prendre l’exemple de l’Accord Canada-Pérou est celle qui stipule que « Toute Partie ne renonce pas ou ne déroge pas, ni n’offre de renoncer ou de déroger, à son droit du travail d’une façon qui affaiblisse ou qui diminue l’adhésion aux principes et aux droits du travail internationalement reconnus énoncés à l’article 1, dans le but de stimuler le commerce ou l’investissement. », Accord Canada-Pérou, ibid art 2.
-
[30]
Ce lien existait auparavant, mais il avait été abandonné dans l’Accord Canada-Costa Rica qui ne prévoyait pas de pénalités monétaires.
-
[31]
À noter qu’aucune disposition en matière de travail n’a été intégrée dans l’Accord entre le Canada et l’AÉLÉ, si ce n’est d’une mention dans le préambule de l’accord.
-
[32]
Cette section repose sur une analyse comparative des textes réalisée par l’auteur. Accord de libre-échange Canada–Colombie, 2008 (entrée en vigueur : depuis le 15 août 2011) ; Accord de libre-échange entre le Canada et la Jordanie, (entrée en vigueur : 1er octobre 2012); Accord de libre-échange Canada–Panama (entrée en vigueur : 1er avril 2013); Accord de libre-échange Canada–Honduras (entrée en vigueur : 1er octobre 2014); Accord de libre-échange Canada–Corée (ALECC), 22 septembre 2014 (entrée en vigueur : 1er janvier 2015). Pour les accords parallèles voir : Négociation et mise en oeuvre d’accord internationaux de coopération dans le domaine du travail. Gouvernement du Canada.
-
[33]
À titre d’illustration, les deux chapitres et ACT sont composés exactement du même nombre d’articles disposés dans le même ordre et explicitant un contenu quasiment identique.
-
[34]
Les chapitres dans ces accords (avec le Panama, la Jordanie et le Honduras) ont un contenu proche de modèle Canada Pérou, toutefois, certains articles ont migré de l’accord commercial vers l’accord parallèle, bien que conservés en intégralité. Par ailleurs certaines sections intégrées dans le corps du texte de l’accord parallèle Canada–Pérou ont été déplacées vers des annexes des autres accords.
-
[35]
Accord Canada-Pérou, supra note 28.
-
[36]
Ibid.
-
[37]
Quels sont la modalité et le contenu des activités coopératives ? Par exemple, l’accord avec la Corée prévoit la possibilité d’échange d’information, de délégation ou encore la tenue de conférences conjointes. Le champ des activités coopératives peut toucher tous les sujets reliés aux principes énoncés dans le chapitre sur le travail ; Voir Accord de libre-échange Canada–Corée, supra note 32.
-
[38]
É-U, Congressional Research Services, The U.S. –South Korea Free Trade Agreement (KORUS FTA): Provisions and Implementation, R42884, sous la direction de Brock R. Williams, 2014.
-
[39]
É-U, Congressional Research Services, The U.S.–Panama Free Trade Agreement, RL32540, sous la direction de J.F. Hornbeck, 2012.
-
[40]
É-U, The U.S.–Colombia Free Trade Agreement: Background and Issues, RL34470, Congressional Research Services, par Angeles Villareal, 2014.
-
[41]
Il faut noter par ailleurs que depuis 2010, la Colombie a élu un nouveau président : Juan Manuel Santos. Si ce dernier a été élu sous la bannière du même parti que son prédécesseur (Alvaro Uribe), Santos avait un profil beaucoup moins conservateur. Il voyait d’un bon oeil la possibilité de renforcer son code du travail.
-
[42]
Office of the United-States Trade Representative, Colombian Action Plan Related to Labor Rights, Washington, 7 avril 2011.
-
[43]
Des entrepreneurs transformaient leur entreprise en coopératives pour éviter d’appliquer les règles du Code du travail puisque les travailleurs devenaient des « associés ».
-
[44]
Ces derniers consistaient à ce que des entreprises puissent court-circuiter les tentatives de syndicalisation en offrant des avantages sociaux minimes à ses travailleurs.
-
[45]
« Labor in the US—Colombia trade promotion Agreement », en ligne : Office of the United State Trade Representative <ustr.gov/uscolombiatpa/labor>.
-
[46]
Accord économique et commercial global entre le Canada d’une part et l’Union européenne (UE) et ses États-membres, Membres de l’Union Européenne et le Canada, 30 octobre 2016, (entrée en vigueur : septembre 2017), à la p 184 [AECG] en ligne : <http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2016/february/tradoc_154329.pdf>.
-
[47]
En plus de l’AÉCG et du partenariat transpacifique traité dans cette section, des négociations avaient été entamées entre les États-Unis et l’Union européenne en vue d’un partenariat transatlantique, projet qui a été sabordé par l’Administration Trump. Pour cette dynamique de partenariat intercontinentaux voir : Christian Deblock, et al, Un nouveau pont sur l’Atlantique : l’Accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2015 et Christian Deblock et David Dagenais, « De l’intégration à l’interconnexion : Le Partenariat transpacifique » dans Mathieu Arès et Éric Boulanger, dir, Christophe Colomb découvre enfin l’Asie : intégration économique, chaînes de valeur et recomposition transpacifique, Outremont, Athéna Éditions, Collection Économie politique internationale, 2016.
-
[48]
Normes et accords multilatéraux en matière de travail, ibid, art 23.3 à la p 185.
-
[49]
Gouvernement du Canada, Texte du Partenariat transpacifique consolidé, Ottawa, 4 février 2016, en ligne : <https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/tpp-ptp/text-texte/19.aspx?lang=fra> [Texte du Partenariat transpacifique consolidé].
-
[50]
Du point de vue canadien, il peut sembler toutefois qu’il y a une régression dans le niveau d’obligation par rapport au modèle de 2008. En particulier, nous pouvons souligner que dans l’accord avec le Pérou (art. 2 de l’accord parallèle) : « Toute Partie ne renonce pas ou ne déroge pas, ni n’offre de renoncer ou de déroger, à son droit du travail d’une façon qui affaiblisse ou qui diminue l’adhésion aux principes et aux droits du travail internationalement reconnus énoncés à l’article 1, dans le but de stimuler le commerce ou l’investissement. » Accord Canada-Pérou de coopération dans le domaine du travail et Accord Canada-Pérou, supra note 28; Dans le cas du PTP (article 19.5.1 de l’Accord), « Une Partie ne néglige pas d’appliquer de manière effective son droit du travail par une façon de procéder, ou par une omission, prolongée ou répétée de manière à avoir un effet sur le commerce ou l’investissement entre les Parties après la date d’entrée en vigueur du présent accord », Texte du Partenariat transpacifique consolidée, supra note 49. (Nous soulignons). Notons que ce dernier engagement est beaucoup plus restrictif dans la mesure ou l’entrave doit être prolongée ou répétée.
-
[51]
Le travail figure bien dans les objectifs de négociation initiaux de l’Administration américaine, mais le contenu reflète effectivement la défense du statu quo par rapport aux accords précédents. Voir Office of the United States Trade Representative, Summary objectives of the NAFTA renegotiation, 17 juillet 2017, Washington DC, en ligne : <https://ustr.gov/sites/default/files/files/Press/Releases/NAFTAObjectives.pdf>.
-
[52]
Lance Compa, « Trump, Trade, and Trabajo: Renegotiating NAFTA’s Labor Accord in a Fraught Political Climate » (2019) 26:1 Ind J Global Leg Stud 263 à la p 304.
-
[53]
Voir en autres le discours de la ministre du Commerce du premier gouvernement Trudeau : « Discours de la ministre du Commerce international, l’honorable Chrystia Freeland, devant le Conseil canadien pour les Amériques sur Le Canada et l’Alliance du Pacifique », Toronto (Ontario), Le 17 juin 2016.
-
[54]
Pour les résultats de la consultation : Rioux, Michèle et Sylvain Zini, dir, « Un défi pour le Canada et ses partenaires », Rapport synthèse issu de la consultation publique pancanadienne Canada : vers une politique commerciale socialement responsable, étude financée par Emploi et développement social Canada, 2017 à la p 4; Voir aussi Sylvain Zini, « Le Canada et le commerce progressiste en matière de droits des travailleurs. Origines et impacts » (2021) 65 Revue interventions économiques ; et Sylvain Zini, Éric Boulanger & Michèle Rioux dir, Vers une politique commerciale socialement responsable dans un contexte de tensions commerciales, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2021 à la p 101.
-
[55]
Le gouvernement canadien ira même jusqu’à remettre en question la pertinence et l’adéquation des lois « right to work » qui limitent drastiquement les droits syndicaux et de négociation collective aux États-Unis durant le processus de négociation, ce qui pour le moins démontre la posture offensive du gouvernement canadien à ce moment-là.
-
[56]
ACÉUM, supra note 3.
-
[57]
Protocole d’amendement de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis Mexicains, Canada États-Unis et Mexique, Accord Canada-États-Unis-Mexique 10 décembre 2019 [Protocole ACÉUM].
-
[58]
Nous nous référerons par la suite au texte de l’accord tel que révisé par le Protocole d’amendement : Accord Canada–États-Unis–Mexique tel que modifié par le Protocole d’amendement du 10 décembre 2019, et en particulier le chapitre 23 sur le travail.
-
[59]
Nous verrons plus loin que les mécanismes d’arbitrage sont même, dans une certaine mesure, plus contraignants que pour les litiges commerciaux.
-
[60]
En plus de la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et de son suivi de 1998 (Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, supra note 19), le texte fait référence à la Déclaration de 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, à l’image des accords canadiens signés depuis 2008 (DJSME) : Conférence internationale du travail, Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, 10 juin 2008, Organisation internationale du travail, BIT [Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable ou DJSME].
-
[61]
Michael A Cabin, « Labor rights in the Peru Agreement: can vague principles yield concrete change? » (2009) 109 : 5 Colum L Rev 1047 à la p 1093. Pour la critique de la déclaration de 1998, voir aussi : Isabelle Duplessis, « La Déclaration de l’OIT relative aux droits fondamentaux au travail : Une nouvelle forme de régulation efficace ? » (2004) 59 :1 RI 52 à la p 72 et Philip Alston, « Core Labour Standards’ and the Transformation of the International Labour Rights Regime » dans Social issues, globalisation and international institutions : labour rights and the EU, ILO, OECD and WTO International Studies on Human Rights, Virginia Leary, dir, Leiden, Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2006.
-
[62]
C’est celle-ci qui indique explicitement que : « Une Partie ne manque pas d’appliquer de manière effective son droit du travail, par une façon d’agir ou de ne pas agir soutenue ou récurrente, d’une manière qui a un effet sur le commerce ou l’investissement entre les Parties après la date d’entrée en vigueur du présent accord ».
-
[63]
Protocole ACÉUM, supra note 57.
-
[64]
Ibid.
-
[66]
Supra note 21.
-
[67]
Supra note 60.
-
[68]
Droits du travailleur internationalement reconnus telles que définis par les États-Unis, supra note 22.
-
[65]
Supra note 6.
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[69]
Engagement à ne pas déroger à son propre droit du travail, voir Accord Canada-Pérou, supra note 29.
-
[70]
Mécanisme de pétition disponible au public afin de dénoncer auprès de son administration nationale un manquement aux engagements en matière de travail d’une autre partie signataire de l’accord.
-
[71]
Bureaux administratifs nationaux reliés à chacun des ministères du Travail des parties de l’accord.
-
[72]
Rencontre ministérielle entre ministres du Travail visant à résoudre les litiges par consultation.
-
[73]
Comité visant à évaluer le degré de respect (ou non-respect des engagements suite à une plainte non résolue par le conseil ministériel).
-
[74]
Plan de réformes législatives et administratives afin de permettre à une partie de pouvoir respecter ses engagements en matière de travail, lorsque l’application du droit du travail est défaillante avant la signature de l’accord.
-
[75]
Notons que dans le PTPGP, chaque partie « décourage également, par les initiatives qu’elle estime appropriées, l’importation de biens provenant d’autres sources et qui sont issus, en entier ou en partie, du travail forcé ou obligatoire, y compris du travail forcé ou obligatoire des enfants », dans le cas de l’ACÉUM, la pratique est interdite. Et la mention « par les initiatives qu’elle estime appropriées » a été enlevée de l’ACÉUM suite au mémorandum du 10 décembre 2019.
-
[76]
Protocole ACÉUM, supra note 57, art 23.6.1.
-
[77]
Accord Canada–États-Unis–Mexique, supra note 3, art 23.7.
-
[78]
Ibid, art 23.3.
-
[79]
Ibid, art 23.8.
-
[80]
Ibid.
-
[81]
Ibid art 23.9.
-
[82]
Pour la liste des 11 droits définis dans l’ANACT, supra note 8.
-
[83]
Selon la déclaration de 1998, le quatrième droit fondamental consiste en : « l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession », voir Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, supra note 21.
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[84]
Protocole ACÉUM, supra note 57 art 23.9.
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[85]
ACÉUM, supra note 3, art 23-A.
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[86]
Protocole ACÉUM, supra note 57.
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[87]
L’annexe 31-A est le mécanisme de résolution rapide États-Unis–Mexique et l’Annexe 31-B est le mécanisme de résolution rapide Canada–Mexique. Les deux textes sont identiques. Nous prendrons l’Annexe 31-A en exemple.
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[88]
Pour les autres droits inclus dans le chapitre, c’est le mécanisme régulier de règlement des différends qui prévaut. Notons aussi que de nombreuses discussions ont eu lieu entre les Mexique et les États-Unis au sujet de ces droits collectifs du travail dans le cadre du PTP, l’administration Obama cherchant à engager le Mexique dans des réformes du Code du travail à même de conformer le Mexique à ses engagements internationaux. Voir Kimberly A. Nolan García, « Disputa en materia laboral entre México y EEUU: balance del Protocolo Modificatorio del T-MEC », Globalitika, Mars 2020 ; et Zini, supra note 54.
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[89]
Une plainte a été déposée le 23 avril 2008 par l’AFL-CIO au sujet de la violation des droits syndicaux, celle-ci a été acceptée par le département américain du travail en janvier 2009. Le 30 juillet 2010 l’USTR et de la secrétaire au travail ont demandé une consultation auprès du gouvernement guatémaltèque. Celle-ci s’est déroulée entre septembre et décembre 2010, sans résultats probants. Le 16 mai 2011, les États-Unis ont réclamé une réunion de la commission du libre-échange de l’ALEAC-RD qui s’est finalement déroulée le 7 juin. Aucun accord n’a été trouvé ce qui explique pourquoi les États-Unis ont réclamé la constitution d’un panel arbitral pour se pencher sur le litige le 9 août 2011. Toutefois, le Guatemala est revenu vers des consultations en décembre 2011, ce qui a abouti à un d’un plan de mise en application des lois du travail au Guatemala le 4 septembre 2013. Insatisfaits, les États-Unis ont réclamé un panel d’arbitrage en 2014, suivi de la rédaction des témoignages écrits par les États-Unis et le Guatemala en novembre 2014 et en février 2015 et de réponses aux témoignages adverses par les parties concernées mars et avril 2015. En avril et en mai 2015, le panel a recueilli témoignages des ONG et les réponses des gouvernements à ces témoignages. En juin 2015, le panel débute ses auditions. Suite à des changements dans la structure du panel, il a fallu attendre deux années supplémentaires, soit en juin 2017 pour que le panel établisse son rapport alléguant que le Guatemala ne contrevenait pas à ses engagements, malgré de nombreuses exactions en matière de droit du travail. Voir Bureau of International Labor Affairs, Department of Labor, Submissions under the Labor Provisions of Free Trade Agreements. Pour le rapport du groupe d’arbitrage : Dominican Republic – Central America – United States free trade agreement, Final Report of the Panel, Arbitral panel established pursuant to chapter twenty, (2017) In the Matter of Guatemala – Issues Relating to the Obligations Under Article 16.2.1(a) of the CAFTA-DR.
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[90]
Protocole ACÉUM, supra note 57, art 23.9.
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[91]
Ibid, art 31-A.8.
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[92]
Ibid, art 31-A.6.
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[93]
Ibid.
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[94]
Ibid, art 31-A.6.
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[95]
Mécanisme de réaction rapide applicable à des installations particulières entre le Canada et le Mexique dans Protocole ACÉUM, supra note 57, art 31-B.
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[96]
David A. Gantz et Sergio Puig, « The Scorecard of the USMCA Protocol of Amendment », Blog of the European Journal of International Law, (23 décembre 2019).
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[97]
ACÉUM, supra note 3, aux notes 5, 9, 12 et 14 du chapitre 23 sur le travail.
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[98]
Ibid, chapitre 4B, art 7.3.
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[99]
« Article 13.7-5. Il est entendu que le présent article ne vise pas à empêcher une entité contractante de favoriser le respect de la législation relative aux droits dans le domaine du travail sur le territoire à l’intérieur duquel la marchandise est fabriquée ou le service est fourni, selon ce qui est reconnu par les Parties et énoncé à l’article 23.3 (Droits dans le domaine du travail), à condition que les mesures à cet égard soient appliquées conformément au chapitre 29 (Publication et Administration), et qu’elles ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les Parties, soit une restriction déguisée au commerce entre les Parties.» ACÉUM, supra note 3.