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Si l’oeuvre académique et tout autant politique du professeur Daniel Turp s’enracine dans la question récurrente, à ce jour non résolue, de la souveraineté du Québec, c’est bien conjointement que son oeuvre scientifique est consacrée à l’étude, à la pratique, à la promotion du droit international public[1], mais aussi du droit constitutionnel : une oeuvre illustrée par de nombreuses publications, couvrant un champ disciplinaire interactif et comparatif : du Québec[2] à la Catalogne[3], sans oublier le regard sur l’intégration européenne[4]. Comment aussi ne pas évoquer ici le thème de la culture, illustré par son cours à l’Académie de droit international de La Haye, consacré à « La contribution du droit international au maintien de la diversité culturelle »[5] et bien sûr son attachement à l’art lyrique.

Mais l’auteur de ces lignes amicales voudrait souligner la contribution de Daniel Turp à l’Université d’été, organisée sous ma direction, par l’Université de Versailles-St-Quentin (Paris Saclay) à l’Université de Montréal de 1995 à 2001, à laquelle il a participé avec conviction et éloquence, offrant aux étudiants français conférences et visites exceptionnelles, à Ottawa à la Chambre des communes, à Québec à l’Assemblée nationale. Qu’on en juge à travers la plupart des propos tenus par Daniel Turp, tels que rapportés dans les rapports d’évaluation de cette Université d’été.

Le 17 juillet 1995, il entretient les étudiants français de « l’avenir du Québec et de l’influence de la construction européenne ». Le 17 juillet 1996, il éclaire l’auditoire sur la revendication durable et historique au Québec, à savoir la souveraineté avec les tentatives d’accession, « le possible virage » des années 90, avant d’aborder la question de la légalité en droit international public avec le droit de libre disposition par autodétermination, sans oublier le rôle de la reconnaissance internationale. Daniel Turp, militant et juriste n’envisage qu’une « démarche démocratique », comme il l’avait fortement souligné dès le 15 mai 1996, lors d’une conférence à la Délégation générale du Québec à Paris.

Le 17 juillet 1997, c’est en sa qualité de député du Bloc québécois à la Chambre des communes (1997-2000) qu’il nous parle à nouveau de l’avenir politique du Québec et du Canada. Le 21 juillet 1998, il évoque le renvoi à la Cour suprême des questions posées par le gouvernement fédéral sur la revendication de sécession du Québec. Daniel Turp estime alors fonder le droit à l’autodétermination, à raison de la qualité de peuple québécois, pouvant découler selon lui de la Déclaration sur les relations amicales de l’Assemblée générale de l’ONU de 1970[6]. Dans leur ouvrage Demain le Québec, Jacques-Yvan Morin et José Woehrling rappellent le contexte colonial de la Déclaration de 1970 qui à l’époque ne fondait pas un droit de sécession, en dehors précisément de ce contexte[7].

Dans l’ouvrage contenant diverses contributions des participants à l’Université d’été précitée[8], Daniel Turp s’exprime sur le fait que la Cour suprême dans son avis consultatif du 20 aout 1998 a refusé de statuer sur la sécession unilatérale, la Cour insistant sur l’obligation constitutionnelle de négocier. Daniel Turp analyse ensuite d’une part la riposte fédérale qui suivit l’avis de la Cour avec le vote très contestable de la Loi sur la clarté, refusant le principe pourtant admis de la majorité de 50 % des suffrages plus un suffrage et d’autre part la réplique québécoise en 2000 avec la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec. Jacques-Yvan Morin considérera aussi que cette obligation de négocier est truffée de garanties fédérales, autant d’obstacles « infranchissables » pour le Québec[9].

Le 22 juillet 1999, Daniel Turp, député de Beauharnois-Salaberry à la Chambre des communes et porte-parole du Bloc québécois pour les affaires intergouvernementales, explique aux étudiants français l’échec du projet de fédération, attribué à la centralisation jugée excessive des pouvoirs canadiens et la recherche d’un projet de pays souverain à définir, présenté comme « solution à l’impasse constitutionnelle », mais sans nier la nécessité politique d’un partenariat avec le Canada. Le 24 juillet 2000, toujours à la Chambre des communes, il reprend ce thème central. Sa bibliographie communiquée à l’auditoire mentionne ses interventions sur le projet de Constitution du Québec et la question du partenariat entre le Québec et le Canada.

Le 20 juillet 2001, à l’Assemblée nationale du Québec, Daniel Turp qui sera député de Mercier de 2003 à 2008 et dont on connait par ailleurs l’attachement militant à la cause et à la surveillance du respect des droits humains en toute circonstance[10], nous fait bénéficier d’une visite exceptionnelle et de ses remarques en sa qualité de membre de la Commission des observateurs indépendants du Ministère de la sécurité publique, sur les incidents policiers survenus lors du IIIe Sommet des Amériques.

Qu’il soit permis de souligner que la participation de Daniel Turp à l’Université d’été de l’Université de Versailles-St-Quentin (Paris Saclay) à l’Université de Montréal de 1995 à 2001, c’était aussi l’attrait ludique de mémorables soirées montréalaises en sa compagnie.

Enfin, rendre hommage au professeur Daniel Turp, comme il rendit autrefois hommage au professeur Michel Virally, directeur d’un séminaire d’organisations internationales et diplomatie multilatérale en doctorat à l’Université de Paris II, dont il se considérait comme « un modeste ayant droit intellectuel »[11], c’est pour les générations d’étudiants qui ont suivi à l’Université de Montréal les cours du professeur Daniel Turp en droit international public et notamment ceux sur les droits humains, la chance pour chacun d’être eux de se considérer comme un « modeste ayant droit intellectuel ».