Notes et commentaires

Il est temps d’en finir avec la Global Gag Rule[Record]

  • Félix Pominville Archambault

B.A. en Études Internationales (2016), LL.B. (2019), formation professionnelle de l’École du Barreau (2020) et candidat à la LL.M. à l’Université de Montréal.

Aux États-Unis, le droit à l’avortement est sous attaque. En 2021 seulement, les législatures de 19 différents États américains ont promulgué à travers de multiples lois un total de 108 nouvelles restrictions limitant l’accès à l’avortement. En un an, il s’agit d’un record depuis la décision de 1973 Roe v Wade (Roe) où la Cour suprême américaine a reconnu que la Constitution des États-Unis protège le droit d’une femme enceinte de choisir de recourir à un avortement avant la viabilité du foetus aujourd’hui considérée à environ 22 à 24 semaines. Cet engouement s’explique par l’espoir que la super majorité conservatrice de six juges à la Cour suprême qui s’est concrétisée durant le mandat du président républicain Donald Trump renversera Roe. Cet espoir semble fondé puisque, le 1er septembre 2021, à la suite du refus de la Cour suprême de suspendre d’urgence son entrée en vigueur, une heart beat law entre en vigueur pour la première fois dans un État américain. Appelée SB8, cette loi aujourd’hui mise en oeuvre et appliquée au Texas ne respecte clairement pas Roe et la jurisprudence qui en découle en faisant fi du droit à l’avortement jusqu’à la viabilité du foetus. En effet, SB8 interdit de recourir à un avortement après l’apparition des premiers battements de coeur du foetus, soit environ dès la sixième semaine de la grossesse. Or, à ce stade, plusieurs ne savent même pas être enceintes. Cette loi offre une exception permettant l’avortement après l’apparition des battements de coeur soit uniquement lorsqu’une urgence médicale survient et que la grossesse met en danger la vie et la santé de la femme. Rien n’est prévu pour les victimes de viol et d’inceste. De plus, ayant décidé d’entendre l’affaire Dobbs v Jackson Women’s Health Organization mettant en cause une loi du Mississippi présentement inopérante qui interdit pratiquement tous les avortements survenant après la 15e semaine de la grossesse, la Cour suprême envoie le signal qu’elle est prête à reconsidérer Roe et la jurisprudence en matière d’accès à l’avortement depuis 1973. Elle rappelle ainsi que le droit à l’avortement ne tient finalement qu’à un fil aux États-Unis. La lutte entre anti-choix et pro-choix aux États-Unis fait régulièrement la manchette autant dans les médias américains qu’internationaux. Plus loin des projecteurs, il existe toutefois un autre front contre l’avortement tout aussi délétère pour les femmes sinon plus. Effectivement, tel qu’il le sera démontré dans ce court essai, par le biais de la Mexico City Policy, tout président américain peut, par voie exécutive, empêcher des femmes de partout à travers le monde d’exercer leur droit humain qu’est leur droit à un avortement médicalisé et sécuritaire. Chaque président républicain le fait depuis Ronald Reagan. Mettant ainsi en danger la santé et la vie de ces femmes, la Mexico City Policy doit donc être amenée sous les projecteurs. La Mexico City Policy est une politique gouvernementale américaine instituée pour la première fois en 1984 en vertu du pouvoir exécutif et des lois fédérales encadrant l’utilisation de l’aide étrangère américaine. Sous peine de perdre certains types d’aide étrangère américaine leur étant attribuée, elle conditionne les organisations non gouvernementales (ONG) étrangères à certifier qu’elles n’utiliseront aucun fonds (incluant même ceux ne provenant pas du gouvernement américain) pour pratiquer des avortements et/ou en faire la promotion activement comme méthode de planification familiale. Les ONG étrangères étant alors bâillonnées en matière d’avortement, les opposants à la Mexico City Policy la surnomment la Global Gag Rule (GGR). Le 26 mars 2019, alors Secrétaire d’État américain dans l’administration Trump, Mike Pompeo tient une conférence de presse et est questionné par …

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