Études

L’Organisation internationale du travail[Record]

  • Renée-Claude Drouin

Professeure titulaire, Faculté de droit de l’Université de Montréal. La professeure Drouin est membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT), ainsi du Comité de rédaction pour le Québec du Canadian Labour & Employment Law Journal.

L’année 2019 marquait le centenaire de l’Organisation internationale du travail (OIT), cette « vieille dame » des Nations Unies dont les objectifs sont voués à la promotion de la justice sociale, principalement par le biais de l’adoption de normes internationales du travail. C’est la Partie XIII du Traité de Versailles, mettant un terme à la Première Guerre mondiale, qui crée l’Organisation et en énonce les principes fondateurs essentiels, dont le premier, selon lequel : « une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la justice sociale ». Déjà, au XIXe siècle, le contexte de la révolution industrielle impliquant des conditions de travail difficiles pour les ouvriers avait fait germer dans l’esprit d’industriels et de réformateurs humanistes l’idée d’une association internationale dédiée à la protection des travailleurs. La dette de gratitude envers les travailleurs ayant fait d’énormes sacrifices durant le conflit et la crainte de l’expansion de la révolution bolchévique à l’ouest de l’Europe poussèrent les anciens pays belligérants à associer les travailleurs à la création de cette nouvelle institution lors des pourparlers de paix. De cet engagement initial avec les partenaires sociaux découle le caractère tripartite de l’Organisation, toujours inégalé dans le système onusien, qui s’exprime dans ses activités par une représentation des États membres composée à la fois de délégués gouvernementaux, mais aussi de délégués représentant les travailleurs et les employeurs. Les premières années de l’existence de l’OIT sont marquées par une activité normative soutenue et une interprétation large de son mandat autour des questions sociales et économiques. Durant la Seconde Guerre mondiale, son siège est déplacé de Genève à Montréal et elle survit ainsi au démantèlement de la Société des Nations. Soucieuse de préserver son rôle dans l’architecture des institutions internationales d’après-guerre qui se dessine, elle adopte, en 1944, la Déclaration de Philadelphie, qui actualise le mandat de l’Organisation autour de l’affirmation de droits de la personne universels et de l’objectif du plein emploi. L’OIT devient l’une des agences spécialisées de l’Organisation des Nations Unies en 1946, peu après sa création. Les Trente Glorieuses marquent la période de l’État providence, de la poursuite de programmes économiques de type keynésien, et de l’affirmation des droits fondamentaux. Sur le plan politique, l’OIT doit faire face aux enjeux de la décolonisation en admettant en son sein comme États membres de nouveaux pays indépendants à des niveaux de développement variés, ce qui entraîne une certaine pression pour une plus grande flexibilité des normes et une demande accrue pour l’assistance technique, tout en brisant le caractère homogène originel de l’Organisation. La guerre froide est par ailleurs source d’affrontements, notamment en raison des enjeux relatifs à l'indépendance des représentants des délégations tripartites des États membres communistes, amenant même le retrait temporaire des États-Unis de 1977 à 1980. À l’occasion de son cinquantième anniversaire en 1969, l’OIT reçoit le prix Nobel de la paix pour son action continue dans la promotion de ses objectifs de justice sociale. Les années de la décennie 1970 sont teintées par les discussions autour du rôle des entreprises multinationales quant au respect et à la promotion des normes du travail qui déboucheront sur l’adoption par le Conseil d’administration de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale en 1977. À partir des années 1980, l’Organisation n’est pas épargnée par les discours sur la libéralisation économique et la réduction de la taille de l’État qui deviennent prédominants et provoquent un ralentissement des activités normatives. Face aux défis posés par la mondialisation économique à laquelle elle cherche à donner une dimension sociale, l’OIT adopte successivement la Déclaration de 1998 sur les principes …

Appendices