Abstracts
Résumé
De Nuremberg à la Haye, un hiatus existait entre implication effective des individus et des personnes morales dans la commission des crimes contre l’humanité et possibilité de mettre en jeu la responsabilité de ces deux catégories d’acteurs. Cette asymétrie flagrante entre responsabilité de l’individu et irresponsabilité de la personne morale traduisait le sentiment diffus que le voile de la personnalité morale était un ticket d’accession à l’impunité. L’adoption, par la Commission du droit international (CDI), en 2017, du projet d’articles sur les crimes contre l’humanité, dont l’une des innovations majeures est la responsabilité des personnes morales, marque un changement de paradigme. Toutefois, l’efficacité de ce tournant majeur nécessite une définition d’un modèle propre d’imputation et une harmonisation de la sanction. Définir des critères d’imputation propres implique que l’on dépasse objectivement la conception d’une imputation fondée uniquement sur le substratum humain pour élaborer subjectivement une culpabilité propre aux être collectifs articulée autour des défaillances dans l’organisation de l’entité ou dans le devoir de surveiller les comportements des membres de l’entité. Le projet de la CDI laisse le soin aux États le choix de la sanction. L’option de l’alternative de la sanction présente de nombreux inconvénients qui nécessitent l’élaboration des règles de compétence globales et cohérentes. Les règles de compétence retenues par la CDI ont vocation à saisir les actes posés par les individus, elles sont silencieuses lorsque l’auteur est une personne morale. Il importe alors de définir des règles de compétence de nature à faire échec à la territorialité et de mettre en oeuvre la responsabilité directe des personnes morales. A cet égard, le choix d’une compétence concurrente entre les juridictions de l’État d’origine de la société mère et celles de l’État d’accueil de la filiale parait pertinent.
Abstract
From Nuremberg to The Hague, a hiatus existed between the implication of individuals and moral persons in the commission of crimes against humanity and the possibility to bring into play the responsibility of these two categories of actors. This gross asymmetry between the responsibility of the individual and the irresponsibility of the moral person translated the diffuse sentiment that the veil of the moral personality was a ticket of accession to impunity. The adoption by the International Law Commission (ILC), in 2017, of the draft articles on crimes against humanity, whose one of the major innovations is the responsibility of moral persons, marks a change of paradigm. However, the efficiency of this major turn requires a definition of a proper model of imputation and harmonisation of the sanction. To define proper imputation criteria implies an objective overtaking of the conception of the imputation solely based on the human substratum to subjectively elaborate a proper guilt on collective beings articulated around the failures of the entity’s organization or in the duty of controlling the behaviours of members of the entity. The draft of the ILC leaves the care to States to choose the sanction. The option of an alternative to the sanction presents numerous inconvenience which requires the elaboration of rules of global and coherent competence. The rules of competence retained by the ILC have a vocation to seize the actions performed by individuals, they are silent when the author is a moral person. It is therefore important to define rules of competence likely to fail the territoriality and to enforce the direct responsibility of moral persons. In this regard, the choice of a concurrent competence between the jurisdictions of the State of origin of the parent company and those of the host State of the subsidiary seems relevant.
Resumen
De Nuremberg a La Haya, existió un hiato entre la participación efectiva de las personas físicas y jurídicas en la comisión de crímenes de lesa humanidad y la posibilidad de poner en juego la responsabilidad de estas dos categorías de actores. Esta asimetría flagrante entre la responsabilidad individual y la irresponsabilidad corporativa reflejaba la sensación generalizada de que el velo corporativo era un boleto a la impunidad. La adopción por la Comisión de Derecho Internacional (CDI) en 2017, del proyecto de artículos sobre crímenes de lesa humanidad, una de cuyas principales innovaciones es la responsabilidad de las personas jurídicas, marca un cambio de paradigma. Sin embargo, la efectividad de este gran punto de inflexión requiere la definición de un modelo de imputación específico y la armonización de la sanción. Definir criterios de imputación adecuados implica que se va objetivamente más allá de la concepción de imputación basada únicamente en el substratum humano para elaborar subjetivamente una culpa específica de las entidades colectivas, articulada en torno a fallas en la organización de la entidad o en el deber de monitorear el comportamiento de los miembros de la entidad. El proyecto de la CDI deja la elección de la sanción a la discreción de los Estados. La opción de una alternativa a la sanción tiene muchos inconvenientes que requieren el desarrollo de reglas de competencia integrales y coherentes. Las reglas de jurisdicción retenidas por la CDI están destinadas a capturar los actos de los individuos, guardan silencio cuando el autor es una persona jurídica. Por lo tanto, es importante definir reglas de jurisdicción que puedan desafiar la territorialidad e implementar la responsabilidad directa de las personas jurídicas. A este respecto, la elección de la jurisdicción concurrente entre los tribunales del Estado de origen de la empresa matriz y los del Estado de la sociedad filial parece relevante.
Article body
À sa soixante et onzième session (2019), plus précisément à sa 3468e séance, tenue le 22 mai 2019, la Commission du droit international (CDI) a examiné et adopté en seconde lecture le Texte du projet d’articles sur les crimes contre l’humanité (Projet d’articles)[1]. Ce projet, fruit de cinq années de travaux au sein de la CDI[2], vise à combler une lacune du droit international. Des trois grandes catégories de crimes relevant de la compétence des juridictions pénales internationales, crimes contre l’humanité, génocide, crimes de guerre, seules les deux dernières font l’objet d’un traité mondial imposant aux États de prévenir ces crimes, d’en punir les auteurs et de coopérer à cette fin. Aucun traité de ce type n’existe en ce qui concerne les crimes contre l’humanité[3]. L’inscription du sujet « crimes contre l’humanité » au programme de travail de la CDI en 2014[4], avait pour objectif général d’élaborer un projet d’articles qui pourrait devenir un instrument juridique international sur la prévention et la répression de ce crime international. Un tel instrument devait, de l’avis de la CDI, mettre l’accent sur l’imposition de l’obligation aut dedere aut judicare[5], ainsi que d’autres obligations pertinentes à l’instar de celle de régler tout différend pouvant survenir entre États parties sur l’interprétation ou l’application de la convention[6]. L’un des défis des travaux de la CDI consistait à clarifier la relation entre une convention relative aux crimes contre l’humanité et d’autres régimes conventionnels existants, au regard des liens forts entre la définition des crimes contre l’humanité et certains crimes internationaux, de manière à éviter tout conflit avec ces derniers, spécifiquement le Statut de Rome[7].
Si d’un point de vue général, les États ont souscrit aux travaux de la CDI en soulignant l’intérêt du sujet et en accueillant favorablement les propositions[8], le débat aujourd’hui, après l’adoption du projet d’articles, se situe au niveau de l’établissement d’une convention contraignante. La France et le Royaume-Uni ont indiqué qu’une conférence des plénipotentiaires devrait être organisée afin que les États aient l’occasion de combler l’une des lacunes du droit international en matière de lutte contre l’un des crimes les plus odieux[9]. Contrairement à ces États, la Malaisie a suggéré d’axer le projet sur l’élaboration de directives plutôt que d’un instrument contraignant[10].
Le Projet d’articles envisage la responsabilité des personnes morales au paragraphe 8 de l’article 6[11]. L’adoption de ce texte a le mérite de relancer le débat que l’on avait cru éteint en 1998, lorsque fut rejetée la proposition française d’introduire dans le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) la responsabilité des personnes morales[12]. Plusieurs États et organisations non gouvernementales se sont intéressés à l’introduction de cette forme de responsabilité[13] avec des avis partagés. La France[14], la République tchèque[15], la Sierra Leone[16] ont accueilli favorablement cette disposition en soulignant son importance. Le Portugal[17] et la Suisse[18] ont indiqué que la formulation proposée offre une certaine souplesse et laisse aux États une marge d’appréciation en la matière et qu’il parait prudent de réserver les dispositions du droit interne dans ce domaine. Israël[19] et le Royaume-Uni[20] ont exprimé des points de vue peu favorables à l’inclusion de la responsabilité des personnes morales. Le premier a indiqué que le paragraphe 8 de l’article 6 ne reflète pas le droit international coutumier existant tandis que le second a estimé que cette disposition risque de susciter des controverses sans pour autant avoir des effets juridiques concrets. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme de la France a regretté que la formulation retenue de la responsabilité des personnes morales n’en fasse qu’une faculté et non une obligation.
Dès lors se pose la question de la pertinence des différents avis exprimés. Autrement dit, la formulation de la responsabilité des personnes morales au paragraphe 8 de l’article 6 constitue-t-elle une évolution entièrement importante dans la dynamique de prévention et de répression des crimes contre l’humanité ?
À l’analyse, l’introduction de la responsabilité des personnes morales dans le projet d’articles, s’il se concrétise, serait une grande première pour les trois grandes catégories des crimes internationaux relevant de la compétence des juridictions pénales internationales. Il s’agirait dès lors d’une évolution de la politique criminelle internationale dans la responsabilité des entités abstraites. L’exégèse des termes du paragraphe 8 de l’article 6 met en relief certains constats. D’abord, la CDI n’a pas fait le choix de donner un contenu singulier à la notion de personne morale[21]. Ensuite elle n’identifie pas de manière adéquate les critères d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale. Dans le même ordre d’idées, elle opte pour l’alternative de la sanction de la personne morale laissant le soin aux États de choisir entre sanction pénale, civile ou administrative. Enfin, elle ne tire aucune conséquence de la spécificité de l’imputation d’une infraction à la personne morale pour élaborer un régime particulier des règles de compétence nationale. Il s’agit donc d’une avancée significative (I) qui reste toutefois perfectible (II).
I. Une avancée majeure dans la dynamique d’admission de la responsabilité des entités pour crimes contre l’humanité
La reconnaissance de la responsabilité des personnes morales, envisagée au paragraphe 8 de l’article 6 du projet d’articles, marque une avancée significative dans la dynamique d’admission de la responsabilité des êtres collectifs en matière de crimes contre l’humanité. Les enjeux de la codification de la responsabilité des entités collectives (A) se situent aux confins des débats doctrinaux sur l’opportunité et la nécessité de l’admission de cette forme de responsabilité en droit international. Alors que dans certaines conventions internationales relatives aux crimes internationaux de gravité inférieure, la responsabilité des personnes morales existe, elle est inconnue en matière de crimes contre l’humanité en dépit de son degré de gravité élevée. Cette incohérence de la responsabilité de l’être collectif dans l’ordre juridique international est partiellement rectifiée par le libellé du paragraphe 8 de l’article 6 qui amorce le rééquilibrage du régime des crimes internationaux (B).
A. Les enjeux de la codification de la responsabilité de la personne morale
La formulation du paragraphe 8 de l’article 6 du projet d’articles s’inscrit, dans une certaine mesure, dans le cadre d’un débat doctrinal d’hier (1) et d’aujourd’hui (2) autour des motifs d’exclusion ou d’admission de cette forme de responsabilité en matière de crimes contre l’humanité.
1. Le débat d’hier
À l’occasion de l’élaboration des principaux instruments juridiques internationaux relatifs aux crimes contre l’humanité, notamment des statuts des juridictions pénales internationales, la question de la responsabilité de la personne morale a toujours été discutée pour finalement être rejetée. Les motifs généralement avancés à l’appui de cette exclusion tournent autour de la question de la divergence des systèmes et de l’opportunité de cette forme de responsabilité.
En premier lieu, depuis Nuremberg, les avis ont toujours divergé sur la nécessité d’inscrire la responsabilité des personnes morales dans les statuts des juridictions pénales internationales. Si dans la perspective des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, la question de la responsabilité des entités collectives revêtait un caractère accessoire[22], après Nuremberg le débat autour de l’opportunité de cette forme de responsabilité nait essentiellement de la divergence théorique entre systèmes juridiques. En effet, si de nombreux pays ont intégré le principe de la responsabilité pénale des personnes morales en droit interne, reste que plusieurs autres pays méconnaissent encore ce principe[23]. De même, parmi les pays ayant consacré la responsabilité pénale des personnes morales, de nombreuses divergences existent entre eux. Elles concernent non seulement les infractions susceptibles d’engager la responsabilité de la personne morale, mais aussi et surtout la catégorie des personnes physiques dont le comportement peut être attribué à la personne morale[24]. Les divergences de la communauté internationale au sujet de la responsabilité des personnes morales sont apparues lors de l’adoption du Statut de Rome[25].
En second lieu les débats sur les motifs d’exclusion de la responsabilité des personnes morales ont tourné autour de l’opportunité d’une telle responsabilité. Il s’est, alors, posé la question de savoir s’il était logique d’envisager la poursuite de la personne morale pour des faits commis par des individus au regard du principe de l’individualité de la responsabilité qui exclut en principe les sanctions collectives[26]. Il a été allégué qu’il parait irréaliste de faire reposer sur une entité abstraite un crime commis par des individus[27]. Dans ce sens, une formule du Tribunal militaire international de Nuremberg indique que « ce sont les hommes et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la répression s’impose comme sanction du droit international »[28]. Ces mots ont été formulés en réponse à l’argument de la défense qui faisait valoir que seul l’État pouvait être coupable d’un crime international[29]. Pareil argument rejoint la suggestion russe en vertu de laquelle la culpabilité des accusés reflétait celle de l’Allemagne. Sur la base de cette considération, a germé l’idée d’envisager la possibilité de mise en jeu de la responsabilité de l’État pour crimes contre l’humanité[30] à travers la notion de crime d’État. Les défenseurs de cette thèse ont avancé deux raisons. D’abord, qu’il convient de dépasser l’idée communément admise à l’appui de la responsabilité individuelle exclusive, suivant laquelle il faut « laisser les États tranquilles »[31] ou les reconsolider[32], et concevoir une responsabilité de l’État autour de la notion de « fait internationalement illicite »[33]. Ensuite, l’imputation d’un crime à l’État est une construction juridique, pas la description d’une réalité naturelle[34].
La notion de crime d’État a fait l’objet d’un vif débat au sein de la CDI autour de l’article 19 du Projet d’articles sur la responsabilité de l’État[35]. Les paragraphes 1[36], 2[37] et 3 de cette disposition sont au coeur des discussions sur la nature de la responsabilité de l’État plus spécifiquement sur son caractère pénal.
Face à la controverse, les États dans leur grande majorité ont rejeté la possibilité d’envisager une responsabilité pénale de l’État[38]. Trois arguments ont été avancés. D’abord, la différence de nature entre responsabilité de l’État et responsabilité de l’individu. Il a été soutenu dans ce sens si on admet que la responsabilité de l’État puisse être engagée pour fait internationalement illicite, même lorsque ce fait a pour base la violation des obligations contenues dans une convention de droit international pénal, il ne s’agit pas d’une responsabilité de caractère pénal,[39] mais plutôt d’une dualité de responsabilité[40]. Ensuite, les difficultés pratiques d’exécuter des sanctions sur l’État, car il est irréaliste de condamner pénalement l’État[41]. Enfin, l’État en tant que sujet primaire du droit international, détenteur de la souveraineté ne peut subir de sanctions pénales à ce titre. Ces arguments justifiés pour l’État ne sont pas valables pour les autres entités abstraites d’où l’évolution du débat aujourd’hui.
2. Le débat d’aujourd’hui
On assiste aujourd’hui à un changement de paradigme dans la perception de la responsabilité des personnes morales en droit international. De plus en plus, l’idée selon laquelle il n’y a pas une incompatibilité entre le droit international et le principe de la responsabilité pénale des êtres collectifs est admise[42]. Les réflexions menées autour de la responsabilité des entreprises pour violation des droits de l’homme ont amorcé ce mouvement[43]. Trois données majeures ont contribué à cette évolution.
Premièrement, il y a eu une évolution sur la question de l’applicabilité du droit international aux acteurs non étatiques en général[44]. Traditionnellement, la responsabilité des personnes morales a été rejetée en droit international pénal non seulement en raison de l’aphorisme societas delinquere non potest[45] mais aussi et surtout parce que la personne morale n’avait pas de personnalité juridique internationale, critère majeur d’accès à la dignité de sujet de droit international[46].
La doctrine a de manière constante reconnu la qualité de personnalité juridique internationale à l’État, sujet majeur du droit international[47]. L’avis consultatif de la CIJ de 1949 dans l’affaire de la Réparation des dommages subis aux services des Nations Unies[48], diversement interprété en doctrine[49], l’a étendu aux organisations internationales. Parmi elles, mention doit être faite du statut spécial et unique du Comité international de la Croix rouge qui bénéficie d’une immunité en vertu du droit international coutumier reconnue dans l’affaire Simic[50]. Réinterprétant à nouveau l’avis de la Cour de 1949, Pierre Marie Dupuy admet que la reconnaissance de la personnalité juridique internationale à d’autres acteurs internationaux ne devrait plus poser problème [51]. Le raisonnement de cet auteur s’appuie essentiellement sur l’analyse de la pratique contemporaine du droit international[52]. Aujourd’hui, l’éclatement de la notion de personnalité juridique internationale permet d’étendre la qualité de sujet de droit international aux acteurs non étatiques qui intègrent les groupes armés, les compagnies militaires privées.
Deuxièmement, à l’échelle de l’histoire, les entreprises ont contribué à la commission des crimes internationaux y compris les crimes contre l’humanité. Déjà au XVe siècle, la traite des esclaves a mis en lumière l’action négative de plusieurs entreprises commerciales dans la commission des traitements inhumains et dégradants[53]. Malgré la cruauté des comportements de ces entreprises qui s’analysent peu ou prou en crimes contre l’humanité, la mise en cause de leur responsabilité n’a jamais été envisagée. Les crimes d’esclavage sont allés au-delà du XVe siècle pour s’étendre à la période coloniale en Afrique en dépit de l’interdiction faite aux acteurs de la colonisation de se livrer à des mauvais traitements par les entreprises commerciales[54]. Pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autres compagnies se sont illustrées négativement dans la commission des atrocités. Les procès IG Farben et l’affaire Krupp ont démontré que les entreprises avaient joué un rôle dans la commission des crimes internationaux[55].
Le phénomène de décolonisation en Afrique n’a pas permis de mettre fin aux traitements inhumains infligés aux populations africaines par les entreprises. De nombreux conflits motivés par l’accès aux ressources ont été provoqués ou alimentés par les entreprises[56].
Devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TIPR), la réalité de la criminalité des personnes morales a été soulignée dans les affaires Jean Baptiste Barayagwiza, F. Nahimana, H. Ngeze[57], J. Serugendo[58] et G. Ruggiu[59]. Dans ces affaires, les juges ont expressément admis que les médias Radio Télévision des Mille Collines et le Journal Kangura avaient contribué à la commission des crimes de génocide au Rwanda[60]. Dans l’affaire Charles Taylor, le Tribunal spécial pour le Sierra Leone a montré comment le commerce des diamants pouvait jouer un rôle majeur dans la commission des atrocités [61].
Troisièmement, l’apport indirect des poursuites engagées contre les entreprises multinationales dans les pays occidentaux a contribué substantiellement à l’évolution du débat sur la responsabilité des personnes morales en droit international. Même si la plupart de ces poursuites ont été engagées au plan civil, reste que les faits sou tendant les recours étaient susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité. En France, des poursuites ont été engagées contre la société Total Fina Elf et le groupe Lafarge pour complicité en matière de crimes contre l’humanité. Aurelia Devos souligne qu’elles prennent de l’ampleur[62]. En Grande-Bretagne, mention doit être faite de l’affaire Vedanta et Kalima[63]. Une action similaire a été intentée au Canada contre Nevsun. En effet, l’entreprise Nevsun Ressources a été poursuivie pour crimes contre l’humanité contre les employés de la mine Bisha située en Érythrée et qui appartient à Nevsun[64]. Comme dans l’affaire Vedanta, la Cour suprême du Canada dans une décision rendue le 28 février 2020 a estimé que l’affaire pouvait être jugée au Canada. Dans les motifs de cette décision, la juge Abella (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Karakatsanis, Gascon et Martin) a indiqué qu’« il n’est pas “évident et manifeste” que les sociétés jouissent aujourd’hui d’une exclusion générale en droit international coutumier à l’égard de la responsabilité directe pour “violations des normes obligatoires, définissables et universelles de droit international” » [65].
Aux États unis, sur la base de l’Alien Tort Statute[66], plusieurs recours intentés contre les multinationales ont été décisifs. Les sociétés transnationales Chevron, Federal Laboratories Inc et Trans Technology Corp, Royal Dutch et Shell ont été poursuivies pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant les tribunaux américains[67]. Dans l’affaire Exxon Mobil, les compagnies Mobil Oil Corporations et Mobil Oil Indonesia[68] ont été poursuivies devant les juridictions américaines pour avoir engagé des unités militaires de l’armée nationale indonésienne qui avaient commis des actes de génocide à l’encontre de la population locale du peuple acihais[69]. Dans l’affaire Talisman Energy[70], une cour fédérale américaine a admis la possibilité de la responsabilité de cette entreprise canadienne pour des faits de complicité avec le gouvernement soudanais dans la commission des crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Après le succès de ces affaires dans la dynamique de changement de la perception de la responsabilité des entreprises en matière de crimes internationaux, une tendance à la régression s’observe de la part des juridictions américaines. Trois affaires significatives permettent de mettre en relief pareil constat : les affaires SNCF[71], Kiobel v Shell[72] et Jesner v Arab Bank[73]. Cette dernière décision a été vivement critiquée par la doctrine, car constituant une désactivation quasi totale des avancées majeures obtenues de l’Alien Tort Statute[74].
La position de la justice américaine dans ces deux dernières affaires constitue véritablement un recul au regard de l’apport indirect de l’Alien Tort Statute dans la dynamique de prise en compte dans la société internationale de l’importance du droit dans la mondialisation[75]. L’adoption par le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme des « principes Ruggie »[76] s’inscrit dans cette perspective. Ils consacrent une évolution sur la question de l’applicabilité du droit international aux entreprises. En outre, la position adoptée par le Tribunal spécial pour le Liban dans l’affaire Al Jadeed[77] marque une référence en matière de possibilité de mise en jeu de la responsabilité des personnes morales devant une juridiction pénale internationale. Ainsi le droit international est de plus en plus favorable à la mise en échec de l’impunité des entreprises en matière de crimes internationaux. Même si des incohérences s’observent.
B. Les incohérences de la responsabilité des personnes morales dans l’ordre juridique international
Depuis le début du XXIe siècle, il s’observe en droit international un mouvement de reconnaissance de la responsabilité des personnes morales. Ce mouvement concerne, paradoxalement, les crimes internationaux selon le mode d’incrimination (1), mais pas les crimes internationaux les plus graves, exception faite du Protocole portant amendements au protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme (Protocole de Malabo)[78]. Le paragraphe 8 de l’article 6 du projet d’articles vise à rétablir l’équilibre entre le régime des crimes internationaux (2).
1. La reconnaissance de la responsabilité des personnes morales dans les conventions pénales internationales relatives aux crimes internationaux selon le mode d’incrimination
De manière empirique, la doctrine considère les crimes de génocide, contre l’humanité, et de guerre comme les plus graves[79], ce qui signifie que les autres sont moins graves que ces trois catégories. Cette hiérarchisation des crimes internationaux est validée en droit positif par l’article 5 du Statut de Rome et la jurisprudence internationale[80]. Curieusement, la responsabilité des personnes morales a été reconnue pour les autres crimes internationaux, mais pas pour les plus graves. S’il est vrai que le mouvement en faveur de la reconnaissance de la responsabilité des personnes morales a été amorcé en 1973 avec la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid[81], puis en 1989 avec la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination[82] et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 1999[83], reste qu’il a pris de l’ampleur à partir du début des années 2000 avec l’adoption de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée de 2000[84], le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants de 2000[85], la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003[86], le Protocole au Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental de 2005[87].
L’insertion de la responsabilité des personnes morales dans ces conventions pénales internationales ne fournit pas d’indices fiables d’identification des bases objectives de la reconnaissance de cette forme de responsabilité.
Dans la Convention sur la répression du financement du terrorisme, les rédacteurs avaient
souligné que le projet de convention avait pour objet de cibler les commanditaires du terrorisme afin de provoquer un effet dissuasif, de les poursuivre et de punir leurs actes criminels sans pénaliser les activités légitimes des organisations humanitaires ou de celles qui fournissent des fonds en toute bonne foi. On a souligné qu’il était nécessaire à cet égard d’établir spécifiquement l’intention criminelle des bailleurs de fonds[88].
Il en découle que la nécessité d’incriminer la responsabilité des personnes morales se justifie par la prise en compte de l’idée que plusieurs acteurs interviennent dans la chaîne de commission de cette infraction. Il s’agit d’un crime collectif et organisé.
La même logique s’applique à la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales dans la Convention sur la criminalité transnationale organisée, le Protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur la corruption et le Protocole relatif à la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates formes. En effet toutes ces infractions ont trait à la criminalité de groupe et sont évoquées dans la convention sur la criminalité transnationale organisée[89]. En tant que crimes commis par des groupes structurés ou pas, il est apparu, semble-t-il, illogique de ne pas envisager la responsabilité des entités collectives dans la dynamique de prévention et de répression desdits crimes internationaux. La mise à l’écart de la responsabilité des personnes morales dans ces conventions était de nature à amoindrir l’effet dissuasif des objectifs poursuivis par ces textes.
La dimension collective, organisée des crimes internationaux pour lesquels le droit international a reconnu la responsabilité des personnes morales dans certaines conventions internationales est aussi présente dans les crimes contre l’humanité et pourtant la responsabilité des êtres collectifs a tardé à être reconnue en la matière. C’est ce rééquilibrage que tente de faire le projet d’articles.
2. Le rééquilibrage du régime des crimes internationaux selon le mode d’incrimination et celui des crimes graves
La reconnaissance de la responsabilité des personnes morales en matière de crimes contre l’humanité a tardé à être reconnue dans l’ordre juridique international. Le seul instrument juridique international à l’avoir consacré demeure le Protocole de Malabo. S’il entre en vigueur, ce sera « une première mondiale »[90]. Ce protocole a été adopté dans un contexte où l’Afrique voulait régionaliser la justice pénale internationale selon ses critères propres[91]. Il institue au sein de la future Cour africaine de justice, des droits de l’Homme et des peuples, une section pénale compétente en matière de 14 crimes internationaux, y compris les crimes contre l’humanité[92]. Cette juridiction est compétente pour juger non seulement les individus, mais aussi et surtout les personnes morales à l’exception de l’État[93].
Le retard observé dans la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales en matière de crimes contre l’humanité peut s’expliquer par le fait que de tous les crimes internationaux les plus graves, seuls les crimes contre l’humanité n’ont pas encore fait l’objet d’une convention internationale spécifique. Ainsi la communauté internationale dans son ensemble, n’a pas eu l’occasion de discuter en profondeur de toutes les données de ce crime international, surtout d’analyser tous les enseignements reçus de l’activité des juridictions pénales internationales. Autrement dit, le présent projet d’articles offre aux États l’occasion de prendre en compte les leçons tirées de la jurisprudence de la Cour pénale internationale, des cours et tribunaux pénaux internationaux sur la dimension collective, planifiée et organisée des crimes contre l’humanité dont la commission est impossible en l’absence de la mobilisation de moyens importants par des entités collectives[94]. La CDI avait déjà perçu cette donnée dans ses travaux relatifs au projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de 1996 en indiquant que « c’est l’instigation ou la direction soit d’un gouvernement ou d’une organisation ou d’un groupe quelconque qui donne à l’acte sa dimension et en fait un crime contre l’humanité »[95].
Si les États ont pris en compte le caractère organisé de certains crimes internationaux de gravité inférieure aux crimes contre l’humanité, la même logique devrait à fortiori les animer dans la reconnaissance de la responsabilité des personnes morales pour ce crime grave du droit international. Le projet d’articles apparait alors comme l’occasion idoine pour amorcer l’équilibre entre le régime des crimes internationaux.
Ces avancées notées dans l’érection de la responsabilité des personnes morales ne doivent pas être interprétées comme entièrement satisfaisantes.
II. Une avancée perfectible dans la dynamique de la responsabilité des entités pour crimes contre l’humanité
L’érection de la responsabilité des personnes morales par le projet d’articles ne suffit pas en l’état pour atteindre pleinement l’objectif de lutte contre l’impunité. De ce point de vue, il importe de définir un modèle d’imputation (A), d’harmoniser la sanction (B) afin que toutes les personnes morales puissent répondre également des conséquences de leurs actes en matière de crimes contre l’humanité et enfin d’élaborer des règles de compétences globales et cohérentes (C).
A. La nécessité de définir un modèle d’imputation propre à la personne morale
L’opération d’imputation est au coeur du mécanisme de la responsabilité[96]. C’est elle qui permet d’établir le lien de rattachement entre l’acte répréhensible et son auteur. L’appliquer aux personnes morales dans le cadre d’un crime international figure au rang des questions les plus délicates à résoudre. La délicatesse de la question tient de ce que si l’imputation suppose la constatation de l’infraction pour ensuite l’opposer à la personne morale, elle s’entendrait beaucoup comme l’endossement, par une personne morale, de la qualité d’auteur ou de complice d’une infraction[97].
L’analyse de la plupart des droits pénaux nationaux ayant consacré la responsabilité pénale des personnes morales révèle que les solutions adoptées pour résoudre la question de l’imputation de l’infraction à la personne morale oscillent entre les théories positives systématisées par la doctrine : l’« identification theory »[98], la théorie de la responsabilité fonctionnelle appliquée aux Pays-Bas[99], la théorie de la responsabilité par ricochet ou d’emprunt, retenue dans le système français[100], le système de la responsabilité « propre à la personne morale » appliquée en Italie[101]. Malgré leur apparente diversité, toutes ces théories au fond, procèdent d’une même logique, la nécessaire intervention d’une personne physique pour engager la responsabilité de l’être moral[102].
Le rattachement des crimes contre l’humanité à la personne morale s’inscrit dans la perspective générale de la question de l’attribution de la responsabilité d’un fait individuel à une entité abstraite. Elle n’est pas totalement différente de celle relative à l’attribution de la responsabilité de l’État en droit international. De ce point de vue, l’élaboration des critères d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale (3) qui nécessite le dépassement du voile de la personnalité morale (2) pourrait s’inspirer du mécanisme d’attribution à l’État de la responsabilité en droit international (1).
1. Les leçons du mécanisme d’attribution à l’État de la responsabilité en droit international dans la dynamique d’élaboration des critères d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale
L’État est une personne morale de droit public. En tant qu’entité abstraite par essence, le droit international a conçu un mécanisme propre de mise en oeuvre de sa responsabilité. Les développements récents autour de deux conditions importantes de ce mécanisme de responsabilité, notamment la faute de l’État et la détermination de l’organe de l’État auteur de la faute, s’avèrent utiles dans l’élaboration des critères d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale.
Premièrement, on sait aujourd’hui que la responsabilité de l’État peut être internationalement engagée pour une faute, notamment la violation d’une obligation internationale. En matière de crimes contre l’humanité, et en accord avec la jurisprudence de la CIJ dans l’Affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie-Herzégovine et Serbie et Monténégro, il peut s’agir de la violation de l’obligation de ne pas commettre ou de la violation de l’obligation de ne pas laisser commettre les crimes contre l’humanité[103], étant entendu que l’obligation de ne pas commettre, donc de prévenir, est autonome[104] et se distingue de l’obligation de ne pas laisser commettre et donc de réprimer. Il ressort des principes Ruggie[105] que l’entreprise est soumise en matière des droits de l’homme aux obligations identiques à celles de l’État. Ainsi rien ne s’oppose à ce que l’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale émane de la violation de son obligation de ne pas commettre ou de laisser commettre les crimes contre l’humanité. La prise en compte de cette donnée dans l’élaboration de la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité impose aux entreprises des obligations fortes en termes de vigilance et de diligence. De manière comparative, le principe 17 de John Ruggie définit les paramètres de la diligence raisonnable des entreprises en matière de droits de l’homme tandis que les principes 18 à 21 détaillent les principales composantes. Suivant ces principes, les entreprises sont tenues d’évaluer les incidences effectives et potentielles de leurs activités sur les droits de l’homme, de regrouper les constatations et de leur donner une suite, de suivre les mesures prises et de faire savoir comment il est remédié à ces incidences[106].
Deuxièmement, la question de la détermination de l’organe de l’État auteur du fait internationalement illicite n’est pas aisée[107]. S’il est évident que, selon la CIJ, le concept d’« organe de l’État », au sens du droit international coutumier et de l’article 4 de la CDI sur la responsabilité des États, s’applique à toutes les personnes ou entités qui entrent dans l’organisation de l’État et qui agissent en son nom[108], il demeure constant que dans le cadre des conflits armés, le droit international a été confronté à la difficulté d’attribuer les agissements de certains individus ou entités à l’État. Pour résoudre cette difficulté, l’assiette des organes de l’État dont le comportement est de nature à engager la responsabilité internationale de l’État s’est étendue. Il peut s’agir d’organes de jure ou de facto avec la précision qu’ils soient reconnus comme tels par le droit interne de l’État. Une autre question s’est posée de savoir sur quels critères objectifs on peut attribuer les agissements de tels organes à l’État. Elle a fait l’objet de vives controverses aussi bien en jurisprudence qu’en doctrine[109].
Au départ, la CIJ a eu recours à la notion de « contrôle effectif »[110] et au critère de la dépendance et de l’autorité[111]. En d’autres termes pour engager la responsabilité de l’État du fait des agissements sur une certaine entité, il convient de prouver que l’État exerce sur l’entité en question, sur toutes ses activités, une autorité et que cette entité dépend totalement de l’aide de cet État. En outre, la CIJ a indiqué qu’il
convient d’aller au-delà du seul statut juridique, pour appréhender la réalité des rapports entre la personne qui agit et l’État auquel elle se rattache si étroitement qu’elle en apparaît comme le simple agent : toute autre solution permettrait aux États d’échapper à leur responsabilité internationale en choisissant d’agir par le truchement de personnes ou d’entités dont l’autonomie à leur égard serait une pure fiction[112].
Selon la CIJ un État n’est responsable que du comportement, des personnes qui, à quelque titre que ce soit, agissent en son nom. Un tel comportement peut être accompli par ses organes officiels, et aussi par des personnes ou entités qui, bien que le droit interne de l’État ne les reconnaisse pas formellement comme tels, doivent être assimilées à des organes de l’État parce qu’ils se trouvent placés sous sa dépendance totale.
Par la suite, le TPIY pour sa part se réfère à la notion de « contrôle global », [113] car d’une part, le critère de « contrôle effectif » ne s’accorde pas avec la logique du droit de la responsabilité internationale de l’État en ce que les principes du droit international relatifs à l’imputation aux États d’actes accomplis par des particuliers ne reposent pas sur des critères rigides et uniformes[114], et d’autre part, il ne s’accorde pas avec la pratique judiciaire et étatique[115]. Ainsi, pour attribuer la responsabilité des agissements d’un groupe à un État, il faut établir qu’il exerce un contrôle global et général sur le groupe « non seulement en l’équipant et le finançant, mais également en coordonnant ou en prêtant son concours à la planification d’ensemble de ses activités »[116]. De l’avis du TPIY, la condition relative aux instructions ou ordres donnés par l’État au groupe est indifférente.
Le critère de « contrôle global » a été rejeté par la CIJ en ce qu’il étend le champ de la responsabilité des États bien au-delà du principe fondamental qui gouverne le droit de la responsabilité internationale, en tant que tel, il distend trop, jusqu’à le rompre presque, le lien qui doit exister entre le comportement des organes de l’État et la responsabilité internationale de ce dernier[117].
Au-delà de cette controverse, il convient de souligner avec Hervé Ascensio que les critères de dépendance, d’autorité, de contrôle, d’unité de projet politique sont pertinents dans la perspective de l’attribution des actes de l’organe de l’État à celui-ci[118]. Ces critères permettent de rattacher l’acte commis par une personne, quelle que soit sa position dans la hiérarchie de l’entité collective ou ses liens avec ladite entité à cette dernière.
L’élaboration des critères d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale gagnerait à s’inspirer de l’évolution des débats sur la question de l’attribution à l’État de la responsabilité internationale. Cela permettrait d’élargir l’assiette du substratum humain en évitant de la limiter uniquement aux personnes bien placées dans la hiérarchie de la personne morale afin de l’étendre aux simples employés, à toutes les personnes intervenant dans la chaîne d’activités et autres personnes liées à la personne morale d’une quelconque manière. Autrement dit, de transgresser le voile de la personne morale.
2. La nécessité de percer le voile de la personne morale
L’efficacité de la mise en jeu de la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité nécessite d’élaborer des critères juridiques objectifs de nature à percer le voile de la personne morale. Il s’agit ici de surmonter deux obstacles majeurs : l’identification de la personne morale en cause et le contournement de l’autonomie juridique des entités, composant un groupe de sociétés, socle du droit des sociétés.
Relativement au premier obstacle, la détermination de la personne morale à qui imputer un crime contre l’humanité suppose de dépasser la notion technique de personne morale[119]. De fait, les réalités contextuelles montrent une sophistication croissante des montages juridiques et des restructurations permanentes des groupes pour entraver les mécanismes d’imputation[120]. L’option de la notion de « personne morale » au détriment de toute autre appellation laisse libre cours à l’interprétation. Elle peut laisser croire que seules les collectivités dotées de la personnalité juridique peuvent répondre des crimes contre l’humanité. Pareille interprétation est de nature à limiter la responsabilité pour crimes contre l’humanité aux seules entités dotées de la personnalité juridique, ainsi la personnalité juridique serait alors perçue comme un élément majeur de la responsabilité des personnes morales, une condition de son existence. En pareille occurrence, les groupements sans personnalité juridique, à l’instar des sociétés de fait ou celles créées de fait, seraient exclus du champ de la responsabilité. Dans le même sens, les sociétés dotées de la personnalité juridique au moment de la commission des crimes contre l’humanité, qui auraient perdu celle-ci, à la suite par exemple d’une fusion ou d’une dissolution, seraient également exclues du domaine de la responsabilité pour crimes contre l’humanité[121]. Le principe de la personnalité de la peine s’oppose, dans l’hypothèse d’une fusion absorption, à la transmission de la responsabilité de la société absorbée à la société absorbante. En France, la Cour de cassation avait indiqué dans un arrêt que « la fusion faisant perdre son existence juridique à la société absorbée, l’action publique est éteinte à son égard »[122]. Cette position française se situe aux antipodes de celles de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour suprême du Canada suivant lesquelles aucune fusion ne peut faire obstacle aux poursuites contre la nouvelle entité à l’égard des infractions commises avant la fusion[123]. L’approche française, en ce qu’elle permet, sous le couvert du voile de la personnalité morale, l’irresponsabilité en matière de crimes contre l’humanité en cas de fusion-absorption, mérite d’être abandonnée au profit de l’approche canadienne qui favorise le transfert de responsabilité de la société absorbée à la nouvelle entité. Quoi qu’il en soit, pour éviter les pratiques de fusions-absorptions ou de dissolutions frauduleuses, qui peuvent créer des « trous noirs », sources d’inefficacité et d’impunité[124] dans la responsabilité des êtres collectifs, il importe de rendre opératoire les notions d’entreprise, entité, groupement unique, continuité économique et/ou juridique. Ces notions sont, selon la formule de Géneviève Giudicelli-Delage, les « seules à même de permettre la mise en oeuvre d’un système efficace de responsabilité »[125].
S’agissant du second obstacle, il s’agit de contourner l’un des principes essentiels du droit des sociétés, l’autonomie juridique de chaque entité composant un groupe de sociétés, qui peut constituer potentiellement un obstacle majeur à l’établissement de la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité[126]. L’enjeu d’un tel contournement consiste à contrer les effets pervers de l’organisation réticulaire des personnes morales qui peuvent favoriser une irresponsabilité[127]. De fait, les sociétés transnationales peuvent se dissimuler derrière le voile de la personnalité afin d’éviter la mise en cause de la responsabilité de la société mère pour des crimes contre l’humanité perpétrés par une de ses filiales[128]. Ce problème se pose lorsque les entreprises comptent un grand nombre d’entités dans leurs chaînes de valeur. La société mère peut se cacher derrière la règle d’autonomie de chacune des entités pour échapper à sa responsabilité. Il importerait alors d’envisager la possibilité de mettre en jeu la responsabilité de la société mère sur la base de la violation de son obligation de due diligence qui, en vertu des principes Ruggie, oblige les entreprises à identifier les domaines généraux où le risque d’incidences négatives sur les droits de l’homme est le plus important[129]. En d’autres termes, la responsabilité de la société mère est envisagée ici en ce qu’elle n’a pas veillé à ce que le cadre d’exploitation de ses fournisseurs ou clients, des activités de ses filiales soit exempt de la commission des crimes contre l’humanité.
3. La nécessité de définir les critères d’imputation
Les leçons tirées du mécanisme d’attribution à l’État de la responsabilité internationale en matière de définition des critères d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale conduisent à identifier objectivement l’individu, agent de la personne morale dont l’acte criminel lui est attribuable (a), et à identifier subjectivement la faute de la personne morale susceptible de mettre en jeu sa responsabilité pour crimes contre l’humanité (b).
a) L’identification des critères objectifs d’imputation
Définir des critères objectifs d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale, dans une perspective d’efficacité de la responsabilité des entités collectives en la matière, nécessite un dépassement des conceptions traditionnelles des modèles théoriques de la responsabilité pénale des personnes morales en droit interne. Il s’agit de scruter les dispositions pénales nationales en matière de responsabilité des personnes morales dans la perspective de mettre en évidence les traits communs à même non seulement de fédérer au niveau international, mais aussi et surtout de rendre efficace la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité. À cet égard, deux pistes peuvent être envisagées : l’identification objective du substratum humain dont l’acte permet de réaliser l’imputation matérielle et morale pour le compte de la personne morale et le lien de rattachement entre agissement individuel et entité collective.
On sait, d’un point de vue général, que la personnalité juridique attribuée à l’entité collective est une fiction juridique, les personnes morales ne sont toujours pas vraiment des personnes comme les autres[130]. En tant que telle, l’imputation d’un fait à la personne morale exige qu’une personne physique pose un acte ou s’abstienne. L’opération d’imputation d’un crime contre l’humanité, crime international par nature, à une personne morale n’est pas une évidence. Au regard des enjeux de la répression de cette infraction internationale, l’imputation du crime contre l’humanité à la personne morale exige une identification objective du substratum humain[131]. La détermination de l’être humain auteur de l’acte imputable à la personne morale est indispensable. Si en droit interne, certains systèmes pénaux ayant consacrés la responsabilité pénale des personnes morales retiennent l’action des dirigeants ou représentants de la personne morale en rejetant celle des simples employés, sauf ceux bénéficiaires de la délégation de pouvoir, dans le cadre des crimes contre l’humanité, l’impératif de lutte contre l’impunité exige un dépassement de ce paradigme. Dès lors, le substratum humain devrait être étendu au-delà de la catégorie des dirigeants. Pour atteindre cet idéal de manière objective, le substratum humain devrait prendre en compte l’action des individus, des personnes physiques dotées de pouvoir de représentation, d’administration, de direction, de gestion ou de contrôle. Autrement dit, l’action des individus situés au sommet[132] de la personne morale est un élément indispensable de l’imputation des crimes contre l’humanité à cette entité collective. Elle n’est pas suffisante, elle devrait également s’étendre à celle des individus soumis au pouvoir de représentation, d’administration, de direction, de gestion, ou de contrôle d’autrui, c’est-à-dire les individus subordonnés[133].
Au-delà d’être en position de sommet ou subordonné au sein de la personne morale, l’action des individus pour engager la responsabilité de l’être collectif exige que soit clairement établi un lien de rattachement. L’établissement du lien de rattachement entre les agissements des individus et la personne morale, dans la perspective de l’efficacité du système d’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale, nécessite le recours aux notions d’« intérêt » et de « profit » de manière alternative. Autrement dit, l’imputation des crimes contre l’humanité à la personne morale suppose que les individus en position apicale ou para-apicale au sein de l’entité collective aient agi dans l’intérêt ou au profit de la personne morale. Le critère de profit se justifie dans la mesure où il est généralement admis que là où est le profit doit être la charge[134]. Le recours aux notions d’intérêt et de profit comme critères d’imputation du crime contre l’humanité à l’entité collective l’oblige à prendre des mesures pour veiller à ce que ses intérêts et ses profits s’obtiennent sainement à défaut de se voir imputer subjectivement la commission d’un crime international.
b) L’identification des critères subjectifs d’imputation
La nécessité de recourir aux critères subjectifs d’imputation dans la dynamique de la responsabilité des personnes morales se justifie, d’une part, par les lacunes observées dans le système de la responsabilité par ricochet[135], et d’autre part, par l’efficacité des expériences extra pénales observées en droit international et en droit interne et par certains systèmes pénaux à l’instar de l’Italie, la Suisse et l’Autriche.
Les critères subjectifs d’imputation consistent à concevoir un système de culpabilité propre aux entités collectives articulé autour de l’outil de la compliance[136] et fondé sur la faute d’organisation de l’entreprise[137]. Il s’agit d’un système d’attribution de la responsabilité à la personne morale en raison de son organisation défectueuse[138]. Les critères subjectifs d’imputation visent à saisir soit les défaillances dans l’organisation de l’entité ou dans le devoir de surveillance des comportements des sujets subordonnés, soit les comportements délibérés d’entreprises de commissions d’infractions[139].
Le recours aux critères subjectifs d’imputation pourrait jouer un rôle majeur dans la perspective de la prévention des crimes contre l’humanité en ce qu’ils imposent aux personnes morales des obligations fortes en termes de vigilance, de due diligence. L’obligation de vigilance[140] pourrait consister pour les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordre d’établir un plan de vigilance comportant des mesures de vigilance raisonnables à même de prévenir et d’empêcher la commission des crimes contre l’humanité. L’obligation de due diligence pourrait consister pour les entreprises non seulement à s’abstenir de commettre des crimes contre l’humanité, mais aussi et surtout de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et éviter que leurs activités puissent participer de quelque manière que ce soit à la commission des crimes contre l’humanité. Pour s’acquitter de ces deux obligations essentielles, les personnes morales seraient tenues d’élaborer des mécanismes stricts à l’instar des codes de conduite, charte éthique, reporting, programmes de conformité[141].
L’intérêt de la systématisation des critères subjectifs d’imputation de la responsabilité de la personne morale en cas de crimes contre l’humanité est indéniable. Ces critères visent à appréhender l’entité qui détient réellement le pouvoir d’établir la politique de l’entreprise, mais oblige en même temps l’entreprise à s’engager dans la prévention des crimes contre l’humanité en son sein[142]. La subjectivation de l’imputation est le système capable de « responsabiliser » l’entreprise[143] et de prévenir efficacement les crimes contre l’humanité.
Ainsi l’efficacité de la mise en jeu de la responsabilité de la personne morale pour crimes contre l’humanité exige une définition claire d’un modèle d’imputation. Cela implique que l’on dépasse objectivement la conception d’une imputation fondée uniquement sur le substratum humain[144] pour élaborer subjectivement une culpabilité propre aux entités collectives articulée autour des défaillances dans l’organisation de l’entité ou dans le devoir de surveiller les comportements des membres de l’entité. L’élaboration des critères objectifs et subjectifs d’imputation favorise l’application des sanctions.
B. La nécessité d’opter pour une harmonisation de la sanction
Le paragraphe 8 de l’article 6 du Projet d’articles dispose que
sous réserve des dispositions de son droit interne, tout État prend, s’il y a lieu, les mesures qui s’imposent, afin d’établir la responsabilité des personnes morales pour les infractions visées dans le présent projet d’article. Selon les principes juridiques de l’État, cette responsabilité peut être pénale, civile ou administrative[145].
La rédaction de cette disposition laisse le soin aux États le choix de la sanction en cas de mise en jeu de la responsabilité de la personne morale. La teneur de l’option de l’alternative de la sanction (1) justifiée par le souci des rédacteurs de respecter la souveraineté des États est critiquable (2).
1. La teneur de l’option de l’alternative de la sanction
L’option de l’alternative de la sanction contenue au paragraphe 8 de l’article 6 du Projet d’articles vise à laisser le soin aux États de choisir, selon ses dispositions juridiques internes, le type de sanction applicable à la personne morale. Ce choix peut varier entre la sanction pénale, civile ou administrative. L’option de l’alternative de la sanction pour crime international n’est pas nouvelle en droit international[146]. D’ailleurs dans le commentaire du Projet d’articles, il est admis que le libellé de ce texte a été inspiré du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, adopté par l’Assemblée générale en 2000 et entré en vigueur en 2002. En juillet 2017, 175 États étaient parties à cet instrument et neuf l’avaient signé, mais pas encore ratifié[147]. La forte adhésion des États à cet instrument fournissait, sans doute un indice important de l’acceptation de cette option d’alternative de la sanction dans le cadre de la responsabilité des personnes morales pour crimes internationaux par la communauté internationale. Les rédacteurs du projet d’articles, en laissant une marge de manoeuvre aux États dans le choix du type de sanction, ont voulu tenir compte de la diversité des approches en droit interne[148]. Au-delà de la pertinence des raisons à la base de cette option de l’alternative de la sanction, ce choix est critiquable.
2. La critique de l’option de l’alternative de la sanction
L’option de l’alternative de la sanction peut poser des problèmes au moins de deux ordres. Elle peut rendre la coopération judiciaire pénale, relativement aux personnes morales, difficile. Elle peut déboucher sur une disparité d’approches entre États de nature à rendre inefficace et peu dissuasif le mécanisme de la responsabilisation des êtres collectifs pour crimes contre l’humanité.
Premièrement, l’option de l’alternative de la sanction peut rendre la coopération judiciaire pénale, relativement aux personnes morales, difficile entre États ayant choisi des sanctions de nature différente au regard de la règle de la réciprocité d’incrimination, base du système de coopération judiciaire en droit pénal international. Il est évident que le rapporteur spécial Sean D. Murphy avait indiqué dans son rapport du 23 janvier 2017 que la règle de la double incrimination ne concerne pas les infractions de crimes contre l’humanité, mais plutôt la responsabilité des personnes morales à l’égard de ces infractions et que les procédures d’extradition portent sur le transfert de personne physique[149]. Reste que l’option de l’alternative de la sanction envisagée par le paragraphe 8 de l’article 6 est susceptible de poser problème sur le terrain de l’entraide judiciaire. En effet si le paragraphe 2 de l’article 14 traite de l’entraide judiciaire de manière spécifique à la personne morale en souhaitant qu’elle soit la « plus large possible », le même texte s’empresse d’indiquer que cette entraide doit se faire uniquement dans la mesure où « les lois, traités, accords et arrangements pertinents de l’État requis le permettent ». À ce titre la disparité d’approches entre États sera potentiellement source de problèmes. Ainsi si un État d’accueil condamne une entreprise pour des faits de crimes contre l’humanité commis sur son territoire au pénal, pareille condamnation peut être difficilement reconnue et exécutée par l’État d’origine qui n’aurait pas consacré cette forme de responsabilité. Cet État pourrait à juste titre invoquer le paragraphe 2 de l’article 14 susvisé. À l’échelle européenne, en dépit du degré élevé de coopération entre les États, ce type de difficultés se posent, les seules sanctions pénales dont l’exécution sera assurée par un État autre que celui qui les aura prononcées sont les sanctions de nature financière[150].
Deuxièmement, l’option de l’alternative de la sanction risque de donner lieu à l’existence de différences majeures entre ordres juridiques. Ces différences sont de nature à inhiber l’effet escompté de punir les personnes morales. Autrement dit, la disparité des options peut s’avérer inefficace et peu dissuasive[151]. L’expérience de la politique criminelle de l’Union européenne en matière de responsabilité des personnes morales, notamment en ce que ses textes se veulent aussi neutres en ce qui tient à l’alternative entre sanction administrative et véritable peine, a amené la doctrine à conclure que cette option présentait un risque sur l’efficacité du mécanisme de la responsabilité des personnes morales[152].
C. L’élaboration des règles de compétence globales et cohérentes
Les règles de compétence actuellement retenues par la CDI (1) méritent d’être renforcées (2) afin d’atteindre l’objectif de la responsabilisation des personnes morales.
1. Les règles de compétence actuellement retenues
L’élaboration des règles de compétence globales et cohérentes spécifiques relatives à la responsabilité des personnes morales apparait comme un moyen efficace et dissuasif en matière de prévention et de répression des crimes contre l’humanité. La teneur des règles de compétence retenues par le Projet d’articles à l’article 7 n’est pas à même d’atteindre cet objectif. Ce texte dispose :
Article 7 Établissement de la compétence nationale 1. Tout État prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions couvertes par les présents projets d’article dans les cas suivants : a) quand l’infraction a été commise sur tout territoire sous sa juridiction ou à bord d’un navire ou d’un aéronef immatriculé dans cet État; b) quand l’auteur présumé de l’infraction est un ressortissant dudit État ou, si cet État le juge approprié, un apatride qui réside habituellement sur son territoire; c) quand la victime est un ressortissant dudit État si cet État le juge approprié. 2. Tout État prend également les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions couvertes par les présents projets d’article dans les cas où l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et où il ne l’extrade ou ne le remet pas conformément au présent projet d’articles. 3. Le présent projet d’articles n’exclut l’exercice d’aucune compétence pénale établie par un État conformément à son droit interne[153].
L’exégèse de ce texte indique que le projet d’articles opte, de manière explicite pour les principes de la compétence territoriale[154], personnelle active[155] et passive[156], et de manière implicite pour la compétence universelle territorialisée[157]. Ces règles de compétence sont rédigées de manière générale et ont vocation a priori à saisir les actes posés par les individus auteurs des crimes contre l’humanité. En d’autres termes, la rédaction de l’article 7 susvisé relatif à l’établissement de la compétence nationale ne prend en compte que les situations dans lesquelles l’auteur des crimes contre l’humanité est une personne physique. Elle est silencieuse lorsque l’auteur des crimes contre l’humanité est une personne morale. Ce mutisme, souligné par le Portugal dans son commentaire du Projet d’articles[158], est susceptible de vider de son sens l’enjeu de la consécration de la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité.
L’appréhension des actes posés par les personnes morales nécessite en effet de prévoir des règles spécifiques de compétence qui prennent en compte toutes les données de la responsabilité de cette catégorie particulière d’acteur des crimes contre l’humanité.
2. Les règles de compétence à renforcer
Les règles de compétence actuellement retenues par la CDI méritent d’être renforcées de manière à saisir la spécificité de la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité. L’élaboration des règles de compétence globales et cohérentes spécifiques à la responsabilité des personnes morales doit tenir compte de deux données majeures : d’abord, elles doivent prendre en compte les défaillances dans l’organisation de cette entité collective, étant entendu que ces défaillances peuvent s’étaler sur les frontières de plus d’un État. Ensuite, la mondialisation de l’économie caractérisée par une course effrénée aux investissements directs étrangers laisse apparaitre une disparité de traitement juridique des personnes morales sur la scène internationale. Si dans les pays développés la réglementation est rigide, tel n’est pas le cas pour les pays en développement[159]. Cette divergence de règles juridiques est de nature à créer des « trous noirs » dans la responsabilité des entités en cas de crimes contre l’humanité.
La prise en compte de ces données conduit à élaborer des règles de compétence, en matière de responsabilité de la personne morale pour crimes contre l’humanité, de nature à faire échec à la territorialité et de mettre en oeuvre la responsabilité directe des personnes morales de manière globale et cohérente. À cet égard, le contenu des règles de compétence extraterritoriale devrait dépendre de la question de la nationalité des corporations. Elle est importante ici pour deux raisons.
Premièrement, l’adoption d’une conception large de la nationalité est intéressante dans la perspective de faire en sorte qu’aucune personne morale ne puisse échapper aisément au juste châtiment en matière de crimes contre l’humanité.
On sait qu’il n’existe pas en droit international un critère exclusif de détermination de la nationalité des personnes morales. Les États ont le choix de déterminer sur quelle base ils considèrent telle société comme ayant leur nationalité. Toutefois, cette liberté de choix est tempérée par l’obligation pour les États de recourir à des critères suffisamment clairs et précis. L’absence de déterminants opposables aux États dans le choix de la nationalité ne saurait nullement être interprétée comme s’il n’existe pas en la matière des indices de rattachement d’une société à un État. En effet, d’après la pratique internationale, le lieu d’enregistrement, le lieu d’établissement, le lieu où se situe le centre d’activités apparaissent comme les critères majeurs sur lesquels les États se fondent pour revendiquer la nationalité des sociétés.
Dans l’affaire Barcelona Traction[160], la question de la détermination de la nationalité de la société à partir de la nationalité des actionnaires a été discutée. La CIJ l’a exclue pour la protection diplomatique, mais a indiqué que la levée du voile social, permettant de surmonter la division des personnalités juridiques entre l’entreprise et ses actionnaires, pouvait s’envisager dans certaines circonstances, à l’instar de ce qui a lieu en droit national[161]. À partir de cette prise de position, il s’est posé la question de l’extension des conditions de détermination de la nationalité au-delà de la protection diplomatique notamment dans le domaine du droit de l’investissement où la nationalité des investisseurs prime sur celles des entreprises où ils ont investi[162]. La pratique en droit de l’investissement indique que les États, s’appuyant sur la liberté de choix des critères de la nationalité, adoptent une conception large de la nationalité, qui leur permet d’exercer une compétence extraterritoriale en vue de protéger les intérêts de leurs nationaux ayant investi à l’étranger[163].
Deuxièmement, elle permettra de repenser la compétence personnelle et universelle de manière spécifique à la responsabilité des personnes morales. Ainsi, sur le fondement de la compétence personnelle, il sera possible de retenir de manière concurrente la compétence des juridictions de l’État d’origine de la société mère et celles de l’État de la filiale étant entendu que la compétence des juridictions du premier joue automatiquement lorsqu’il est avéré que l’État du second soit incapable ou peu soucieux de sanctionner la personne morale pour crimes contre l’humanité[164]. Le principe de la personnalité, repensée au moyen d’une conception large de la nationalité, permettra aux États parties à la future convention de s’engager à établir la compétence de leurs juridictions toutes les fois que les défaillances dans l’organisation de l’entité collective ont conduit à la commission des crimes contre l’humanité même en dehors de leur territoire. Dans ce dernier cas, le seul critère de rattachement exigible serait l’exercice d’une branche d’activité de l’entité collective sur le territoire dudit État. Il s’agit en réalité de systématiser la compétence des juridictions de l’État d’origine, État du siège de la société mère, toutes les fois que l’une des filiales a participé à la commission des crimes contre l’humanité. Autrement dit, l’État d’origine de la société mère doit établir la compétence de ses juridictions pour les actes constitutifs de crimes contre l’humanité, même commis par la filiale en dehors du territoire dudit État[165].
***
Les crimes contre l’humanité se singularisent par leur caractère collectif. Leur mise en oeuvre nécessite une organisation qui ne peut être le fait que d’entités collectives. La prise en compte de cette donnée dans la formulation de la proposition d’introduire la responsabilité de la personne morale dans le projet d’articles constitue une avancée majeure dans la lutte contre l’impunité. Il s’agit d’une évolution positive dans le débat sur la question de la responsabilité des personnes morales dans l’ordre juridique international. Hier cette forme de responsabilité était rejetée non seulement en raison de la divergence théorique entre les systèmes juridiques, mais aussi et surtout parce qu’il apparaissait irréaliste de faire reposer sur une entité abstraite les faits commis par un individu. Aujourd’hui, le changement de paradigme opéré à partir des années 1990, notamment les réflexions autour de la responsabilité des entreprises pour violation des droits de l’homme, a contribué positivement à l’évolution du débat. De ce point de vue, le principe de la responsabilité des personnes morales et le droit international ne se pose plus en termes d’incompatibilité. Cette avancée importante est perfectible. L’amélioration du régime de la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité passe par la définition d’un modèle propre d’imputation de ce crime à l’entité collective. Ce modèle peut s’inspirer de la question de l’imputation d’un fait internationalement illicite à l’État. De ce point de vue, la responsabilité de la personne morale pourra être engagée non seulement pour violation de l’obligation de ne pas commettre les crimes contre l’humanité, mais aussi pour violation de l’obligation de laisser commettre les crimes contre l’humanité. L’assiette des personnes physiques dont l’action criminelle est attribuable à la personne morale ne devrait pas se réduire aux seules personnes haut placées, elle devrait inclure les simples employés ou agents dès lors que ceux-ci ont agi pour le compte ou au profit de l’entité collective. Il importe aussi, pour l’efficacité de ce mécanisme de responsabilité, que la sanction soit harmonisée. À cet égard, l’option de l’alternative de la sanction mérite d’être repensée. De même, les États doivent adopter une conception large de la nationalité des entreprises leur permettant d’exercer une compétence extraterritoriale plus large afin de ne pas laisser certaines entités collectives impunies. Il est en définitive souhaitable que les États s’engagent véritablement à transformer le projet d’articles en convention et n’omettent pas, comme ce fut le cas pour la CPI, de reconnaître la responsabilité des personnes morales pour crimes contre l’humanité. Il s’agirait alors d’une véritable avancée mondiale.
Appendices
Notes
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[1]
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 71e session, Doc Off AG NU, 74e sess, supp n°10, Doc NU A/74/10 (2019) à la p 11 [Rapport de la CDI sur le projet d’articles].
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[2]
Le premier rapport du Rapporteur spécial a été examiné par la CDI en 2015 : Sean D. Murphy, rapporteur spécial, Premier rapport sur les crimes contre l'humanité, Doc off AG NU, 67e sess, supp n°10, Doc NU A/CN.4/680 [Premier rapport]. Il a abouti à l’adoption provisoire de quatre projets d’article et les commentaires relatifs: voir Rapport de la commission du droit international sur les travaux de sa 67e session, Doc off AG NU, 70e sess, supp n°10, Doc NU A/70/10 (2015) aux para 110-117. Le deuxième rapport, présenté en 2016, faisait état de l’incrimination en droit interne (chap I), de l’établissement de la compétence interne (chap II), de l’enquête générale et de la coopération aux fins de l’identification de l’auteur présumé (chap III), de l’exercice par l’État de sa compétence nationale lorsque l’auteur présumé se trouve sur son territoire (chap IV), du principe aut dedere aut judicare (chap V), du traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction (chap VI) et du programme de travail futur sur le sujet (chap VII): Sean D. Murphy, rapporteur spécial, Deuxième rapport sur les crimes contre l'humanité, Doc Off AG NU, 68e sess, supp n°10, Doc NU A/CN.4/690 (2016) [Deuxième rapport]. Ce rapport proposait six projets d’article : projet d’article 5 (incrimination en droit interne); projet d’article 6 (établissement de la compétence nationale); projet d’article 7 (enquête générale et coopération aux fins de l’identification de l’auteur présumé); projet d’article 8 (exercice par l’État de sa compétence nationale lorsque l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur son territoire); projet d’article 9 (principe aut dedere aut judicare); et projet d’article 10 (traitement équitable de l’auteur présumé de l’infraction). Ces projets d’articles après examen, ont été adoptés provisoirement le 9 août 2016. Le troisième rapport, présenté en 2017 traitait, en particulier, des questions suivantes : l’extradition, le non-refoulement, l’entraide judiciaire, les victimes, témoins et autres personnes touchées, les relations avec les juridictions pénales internationales compétentes, les obligations des États fédéraux, les mécanismes de suivi et le règlement des différends, d’autres questions, le préambule du projet d’articles, et les clauses finales d’une convention: Sean D. Murphy, rapporteur spécial, Troisième rapport sur les crimes contre l'humanité, Doc off AG NU, 69e sess, supp n°10, Doc NU A/CN.4/704 (2017) [Troisième rapport]. A ses 3366e et 3377e séance, les 1er juin et 19 juillet 2017, la Commission a adopté en première lecture l’ensemble complet du projet d’articles sur les crimes contre l’humanité (composé d’un projet de préambule, de 15 projets d’article et d’un projet d’annexe, avec les commentaires relatifs : Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 69e session, Doc Off AG NU, 72e sess, supp n°10, Doc NU A/72/10 (2017). Le quatrième rapport présenté en 2019 reprenait les questions traitées dans le troisième rapport à l’aune des commentaires et observations des États : Sean D. Murphy, rapporteur spécial, Quatrième rapport sur les crimes contre l'humanité, Doc Off AG NU, 71e sess, supp n°10, Doc NU A/CN.4/725 et Add.1 (2019). Le 22 mai 2019, la Commission a adopté en seconde lecture l’ensemble du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. Du 31 juillet au 05 août 2019, elle a adopté les commentaires relatifs audit projet d’articles.
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[3]
Premier rapport, supra note 2 à la p 6.
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[4]
L’idée d’inscrire ce sujet au programme de la CDI, fait suite à l’élection de Sean D. Murphy au sein de cette commission en 2012. Il avait formulé ladite proposition et les discussions ont été entamées dès la fin 2013 au sein de la CDI. Voir Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 65e session, Doc off AG NU, 68e sess, supp n°10, Doc NU A/68/10 (2013) annexe B, à la p 120. À sa 66e session (2014), la CDI a décidé d’inscrire le sujet « crimes contre l’humanité » à son programme de travail en cours et a désigné M. Sean D. Murphy Rapporteur spécial pour le sujet : voir Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 66e session, Doc off AG NU, 69e sess, supp n°10, Doc NU A/69/10 (2014) à la p 276. L’Assemblée générale des Nations Unies a pris note de cette décision : Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 10 décembre 2014, Rés AG NU, Doc off NU, 69e sess, Doc NU A/RES/69/118 (2014) au para 7.
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[5]
Ezéchiel Amani Cirimwami et Stefaan Smis, « Le régime des obligations positives de prévenir et de poursuivre à défaut d’extrader ou de remise prévues dans le texte des projets d’articles sur les crimes contre l’humanité provisoirement adoptés par la Commission du droit international » (2017) 30-1 RQDI 1 à la p 4.
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[6]
Premier rapport, supra note 2 aux pp 7-8.
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[7]
Ibid à la p 10.
-
[8]
Deuxième rapport, supra note 2 à la p 13.
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[9]
Les déclarations de ces États sont disponibles, en ligne : <https://papersmart.unmeetings.org/fr/ga/sixth/74th-session/agenda/>.
-
[10]
Troisième rapport, supra note 2 à la p 5.
-
[11]
Ce texte indique que « Sous réserve des dispositions de son droit interne, tout État prend, s’il y a lieu, les mesures qui s’imposent, afin d’établir la responsabilité des personnes morales pour les infractions visées dans le présent projet d’article. Selon les principes juridiques de l’État, cette responsabilité peut être pénale, civile ou administrative » : Rapport de la CDI sur le projet d’articles, supra note 1 à la p 69.
-
[12]
Commission plénière, groupe de Travail sur les principes généraux du droit pénal, Document de travail sur l’article 23, paragraphes 5 et 6, Doc off UN, 1998, Doc NU A/CONF.183/C.1/WGGP/L.5/Rev.2 (1998) aux pp 1-2. Les paragraphes 5 et 6 de l’article 23 du projet d’articles sur la CPI reconnaissait la compétence de la Cour à l’égard des personnes morales. Cet article s’appuyait sur la proposition de la France soutenue par l’Algérie, la Corée du Sud, la Jordanie, la Tunisie et la Tanzanie. Voir Anne Laure Vaurs-Chaumette, « Les personnes pénalement responsables », dans Hervé Ascensio et al, dir, Droit international pénal, 2e éd, Paris, Pedone, 2012, 477 à la p 480.
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[13]
Si en 2017, seuls trois États, la République Tchèque, la Hongrie et le Mexique avaient réagi à l’introduction de cette forme de responsabilité, en 2019 ce cercle a largement augmenté. Voir Troisième rapport, supra note 2 à la p 5.
-
[14]
Crimes contre l’humanité. Commentaires et observations reçus des États, organisations internationales et autres entités, Doc Off AG NU, 71e sess, 2019, Doc NU A/CN.4/726 (2019) à la p 74 [Commentaires et observation des États].
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[15]
Ibid à la p 73.
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[16]
Ibid à la p 83.
-
[17]
Ibid à la p 79.
-
[18]
Ibid aux pp 84-85.
-
[19]
Ibid à la p 76.
-
[20]
Ibid à la p 85.
-
[21]
Ce choix assumé par la CDI est justifié selon elle par l’idée que la plupart des conventions internationales consacrant la responsabilité des personnes morales, qui ont inspiré la proposition d’inclure cette forme de responsabilité dans le projet d’articles, laissent le soin aux États de définir les personnes morales selon leur législation. Voir Rapport de la CDI sur le projet d’articles, supra note 1, aux pp 86-87. La précision de cette notion est importante pour l’efficacité de la prévention et la répression du crime contre l’humanité. Elle a non seulement le mérite de lever les inquiétudes de certains États de voir la responsabilité des entités publiques engagées, et de dissiper certaines confusions entre personnes morales, organisations criminelles et autres acteurs non étatiques. La définition de la personne morale contenue dans la Convention pénale sur la corruption adoptée par le Conseil de l’Europe parait pertinente. Suivant cette convention, la « “personne morale” s’entend de toute entité ayant ce statut en vertu du droit national applicable, exception faite des États ou des autres entités publiques dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique et des organisations internationales publiques » : Convention pénale sur la corruption, Conseil de l'Europe, STCE no 73 (entrée en vigueur : 2002), art 1d).
-
[22]
Henri Donnedieu de Vabres, « Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international », dans Recueil des cours de l’académie de La Haye, vol 70, Leiden, Brill-Nijhoff, 1947, 481 à la p 545.
-
[23]
Voir par exemple le code pénal de la Biélorussie.
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[24]
Mark Pieth et Radha Ivory, « Emergence and Convergence: Corporate Criminal Liability Principles in Overview » dans Mark Pieth et Radha Ivory, dir, Corporate Criminal Liability: Emergence, Convergence and Risk, New York, Springer, 2011, 3 aux pp 13-53.
-
[25]
Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale Vol I, Doc Off AG NU, 51e sess, supp n° 22, Doc NU A/51/22 [Vol I] (1996) aux pp 47-48; Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale Vol II, Doc Off AG NU, 51e sess, supp n° 22, Doc NU A/51/22 [Vol II] (1996) à la p 83; Conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d’une cour pénale internationale Vol III, Doc Off NU, 1998, Doc NU A/CONF.183/13 [Vol II] (1998) à la p 31; Le statut et le jugement du tribunal de Nuremberg. Historique et analyse (mémorandum du secrétaire général), Doc off AG NU, 1949, Doc NU A/CN.4/5 (1949) à la p 83 [Le statut et le jugement du tribunal de Nuremberg].
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[26]
Le statut et le jugement du tribunal de Nuremberg, supra note 25 à la p 83.
-
[27]
Yann Yurovics, Réflexions sur la spécificité du crime contre l’humanité, Paris, LGDJ, 2002 à la p 405.
-
[28]
Le statut et le jugement du tribunal de Nuremberg, supra note 25 à la p 44; Tribunal militaire internationale (Nuremberg), Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, t XXII, 14 novembre 1945-1er octobre 1946, Nuremberg, 1949 à la p 496.
-
[29]
Ibid aux pp 41-42.
-
[30]
La mise en oeuvre d’une telle responsabilité partirait du postulat selon lequel le crime contre l’humanité a été juridiquement crée en réaction à la criminalité du troisième Reich en tant que tel il est le fruit d’une politique d’État dont la perpétration ne peut émaner que des moyens, d’institutions et de personnels de caractère étatique. Voir dans ce sens Yurovics, supra note 27 aux pp 405-406.
-
[31]
Emmanuel Pasquier, « Hans Kelsen, la poursuite des criminels de guerre et la structure interétatique », dans Ninon Grange et François Ramel, dir, Le droit international selon Hans Kelsen, Criminalités, responsabilités, normativités, Lyon, ENS éd, 2018 à la p 72.
-
[32]
Ibid à la p 72.
-
[33]
Maurice Kamto, « La question de la responsabilité de l’État dans les contentieux frontaliers et territoriaux », (2018) 122:1 RGDIP 305 à la p 305.
-
[34]
Pasquier, supra note 31 à la p 75.
-
[35]
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 53e session, Doc Off AG NU, 53e sess, supp n°10, Doc NU A/56/10 (2001) à la p 178.
-
[36]
Il a été interprété par une partie de la doctrine, à l’aune de l’affaire Décrets de nationalité promulgués à Tunis et au Maroc de la Cour pénale de justice internationale (CPJI), comme ne limitant pas l’assujettissement de l’État à des obligations internationales en des matières précises à l’exclusion d’autres. Voir Décrets de nationalité promulgués à Tunis et au Maroc (1923) Avis Consultatif, CPJI (sér B) n°4 aux pp 23-27. Selon ces auteurs, la CIJ aurait endossé une telle position dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique) [1986] CIJ Rec 14 à la p 131 [Activités militaires au Nicaragua].
-
[37]
Il a été allégué que son contenu du crime international était une tautologie. Face à ce reproche, la CDI lui a ajouté le paragraphe 3 en insérant le critère de gravité dans l’appréhension du crime international. Cet ajout a été fortement critiqué en ce qu’il donne une définition aléatoire et tout à fait diluée du crime international. Voir James Crawford rapporteur spécial, Premier rapport sur la responsabilité des États, Doc off NU, 50e sess, 1998, Doc NU A/CN.4/490/add.1 (1998) aux pp 4-5 [Premier rapport sur la responsabilité des États].
-
[38]
Ibid aux pp 6 et s.
-
[39]
Même s’il existe dans l’ordre juridique international des conventions relatives aux crimes internationaux envisageant la possibilité de mise en jeu de la responsabilité de l’État, à l’instar de la convention sur le génocide, il ne s’agit nullement d’une responsabilité pénale. Voir Yurovics, supra note 27 à la p 412.
-
[40]
Pierre Marie Dupuy, « Crime sans châtiment ou mission accomplie ? », (2007) 111:2 RGDIP 243 à la p 246.
-
[41]
Premier rapport sur la responsabilité des États, supra note 37 à la p 6.
-
[42]
Amissi Melchiade Manirabona, « La compétence de la future Cour pénale africaine à l’égard des personnes morales : propositions en vue du renforcement de ce régime inédit », (2017) 55:1 ACDI 293 à la p 307.
-
[43]
John Ruggie, Rapport du représentant spécial du Secrétaire Général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, Doc off CDH NU, 17e sess, 2011, Doc NU A/HRC/17/31 (2011) à la p 3 [Rapport Ruggie]; Olivier de Frouville, Droit international pénal: Sources, Incriminations, Responsabilité, Paris, Pedone, 2012, à la p 345.
-
[44]
Horatia Muir Watt, « De l’irresponsabilité des personnes morales au regard du droit international ; vers l’éclipse de l’Alien Tort Statute ? » (2018) 3 Revue crit dr int privé 670 à la p 675 [Watt, « personnes morales »].
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[45]
Thomas Weigend, « Societas delinquere non potest? A German Perspective », (2008) 6 J Intl Crim Just 927 aux pp 927-45; Robert Valeur, La responsabilité pénale des personnes morales dans les droits français et anglo-américains, Paris, M. Giard. 1931; Henri Donnedieu De Vabres, Traité de droit criminel et de législation pénale comparé, 2e éd, Paris, Sirey, 1947, aux pp 148 et s ; Georges Levasseur, « Les personnes morales victimes, auteurs ou complices d’infractions en droit français » (1954-55) R Dr pénal & Criminologie 827; Pierre Faivre, « La responsabilité pénale des personnes morales » (1958) 3 R Sc Crim & Dr pénal comp 551.
-
[46]
Christian Dominice, « La personnalité juridique dans le système du droit des gens » dans Jerzy Makarczyk, éd, Theory of International Law at the treshold of the 21st century : Essays in Honour of Krzysztof Skubiszewski, La Haye, Kluwer Law Intern, 1996, 147 à la p 148; Thomas Margueritte et Rémy Prouveze, « Le droit international et la doctrine saisis par le fait : la diversification des sujets de droit international saisie sous l’effet de la pratique » (2016) Hors-série RQDI 159 à la p 175.
-
[47]
Hermann Mosler, « Subjects of International Law », dans Rudolf Bernhardt, dir, Encyclopedia of Public International Law, Instalment 7, Amsterdam, North-Holland,1984, 442 à la p 442. Une controverse est apparue sur la question de l’extension des sujets du droit international : Voir AnneLaure VaursChaumette, Les sujets du droit international pénal : vers une nouvelle définition de la personnalité juridique internationale ?, Paris, Pedone, 2009, à la p 2 ; Michel Cosnard, « Rapport introductif » dans Société Française pour le droit international, éd, Le sujet en droit international, Paris, Pedone, 2005, 13 à la p 23 ; Margueritte et Prouveze, supra note 46 à la p 161.
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[48]
Réparation des dommages subis aux services des Nations Unies, Avis Consultatif [1949] CIJ Rec 8.
-
[49]
Voir Mosler, supra note 46 à la p 443; Dionisio Anzilotti, Cours de droit international public, Paris, Panthéon-Assas , 1999 à la p 121; Jean Combacau et Serge Sur, Droit international public, 8e éd, Paris, LGDJ, 2008 à la p 316; Manfredi Siotto Pintor, « Les sujets du droit international autres que les États » dans Recueil des cours de l’académie de La Haye, vol 41, Leiden, Brill-Nijhoff, 1932, 245 aux pp 278-79 ; Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international public, 11e éd, Paris, Dalloz, 2012 à la p 27; Constantin Th. Eustathiades, « Les sujets du droit international et la responsabilité internationale — nouvelles tendances » dans Recueil des cours de l’académie de La Haye, vol 84, Leiden, Brill-Nijhoff, 1953, 397 à la p 414; Frédéric Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, 8e éd, Paris, PUF, 2006 à la p 68; Giovanni Distefano, « Observations éparses sur les caractères de la personnalité juridique internationale » (2007) 53 Ann Fr Dr Intl 105 à la p 117 ; Prosper Weil, « Le droit international en quête de son identité » dans Recueil des cours de l’académie de La Haye, vol 237, Leiden, Brill-Nijhoff, 1992, 9 à la p 122.
-
[50]
Prosecutor v Blagoje Simić, Miroslav Tadic, Simo Zaric, IT-95-9-T, Decision on the Prosecution Motion Under Rule 73 for a Ruling Concerning the Testimony of a Witness (27 juillet 1999) aux para 72–74 (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)). Le TPIY avait souligné que « The ratification of the Geneva Conventions by 188 States can be considered as reflecting the opinio juris of these State Parties, which, in addition to the general practice of States in relation to the ICRC as described above, leads the Trial Chamber to conclude that the ICRC has a right under customary international law to non-disclosure of the Information ». Cette décision a été confirmée par la Chambre d’appel du TPIY) et par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) : voir Prosecutor v Brdjanin, IT-99-36, Decision on Interlocutory Appeal (11 décembre 2002) au para 32 (TPIY, chambre d’appel); Le Procureur c. Muvunyi, ICTR-2000-55, Reasons for the Chamber’s Decision on the Accused’s Motion to Exclude Witness TQ (15 juillet 2005) aux para 14–16 (TPIR)).
-
[51]
Dans son cours à l’Académie de droit international en 2002, cet auteur estime que l’avis de 1949 allait clore le débat sur la question de sujet de droit international. Voir Pierre-Marie Dupuy, « L’unité de l’ordre juridique international » dans Recueil des cours de l’académie de La Haye, vol 297, Leiden, Brill-Nijhoff, 2002, 9 à la p 109. Cet auteur revient sur cette analyse : Voir Pierre-Marie Dupuy, Ordre juridique et désordre international, Paris, Pedone, 2018, aux pp 51-53.
-
[52]
Ibid à la p 57.
-
[53]
Manirabona, supra note 42 aux pp 299-300. Selon cet auteur, parmi ces compagnies commerciales se trouvent la Compagnie d’Angola, la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales et la Compagnie Grou et Michel devenues plus tard la Compagnie de Guinée. Des liens ont été établis entre ces compagnies et d’autres actuelles à l’instar des compagnies américaines Aetna Inc, New York Life et AIG ou les géants financiers J.P. Morgan Chase & Company, Bank of America, et FleetBoston Financial Corporation.
-
[54]
Ibid, à la p 301. Selon cet auteur, parmi les compagnies qui se sont livrées à ces actes se trouvent la Société générale de Belgique et ses filiales (Union minière du Haut-Katanga, Forminière et Comité spécial du Katanga), la Tanganyika Concessions Ltd., la Compagnie française de l’Afrique Noire, la Société commerciale de l’Ouest africain, la British East Africa Company, la British South Africa Company, la Royal Niger Company, la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, la Compagnie royale d’Afrique (Royal African Company), la Compagnie des aventuriers d’Afrique, De Beers Consolidated Mines et Ashanti Goldfields Selection Trust.
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[55]
Krauch et autres (IG Farben Trial), 29 juillet 1948, I.R.T.W.C., vol. X ; I.L.R., vol 15, case n°218 à la p 678 (Tribunal militaire des États Unis, Nuremberg (Allemagne)).
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[56]
Voir dans ce sens les commentaires de la Sierra Leone au projet d’articles : Commentaires et observation des États, supra note 14 à la p 83; Manirabona, supra note 42 à la p 303.
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[57]
Le Procureur c Jean Bosco Barayagwiza, F. Nahimana, H. Ngeze, ICTR-99-52-A, Arrêt (28 novembre 2007) (TPIR (chambre d’appel)) [Barayagwiza et al].
-
[58]
Le Procureur c J Serugendo, ICTR-05-84-T, Jugement (06 juin 2006) (TPIR).
-
[59]
Le Procureur c G Ruggiu, ICTR-97-32-I, Jugement (1er juin 2000) (TPIR).
-
[60]
Barayagwiza et al, supra note 57 au para 502.
-
[61]
Le Procureur c Charles Ghankay Taylor, SCSL-03-01-T, Jugement, Chambre de première instance II, (18 mai 2012) aux para 6913-14, 6906-53 et 6954-71(Tribunal spécial pour le Sierra Leone).
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[62]
Aurelia Devos, « Le pôle crime contre l’humanité, crimes et délits de guerre : un premier bilan », dans Jean Fernandez, dir, La justice pénale internationale, Paris, CNRS, 2016, 195 aux pp 196-206.
-
[63]
Vedanta Resources Plc and Konkola Copper Mines Plc v Lungowe and Or, [2019] UKSC 20. Dans cette affaire, des zambiens avaient saisi un tribunal au Royaume-Uni en septembre 2015 contre Vedanta Resources pour des faits de pollution d’eau causée par l’action de sa filiale locale dans des mines de cuivre. Le 27 mai 2016, un juge d’instance avait accédé à la requête des plaignants en estimant que les poursuites pouvaient se poursuivre. Cette décision avait été confirmée en appel le 13 octobre 2017 et le 10 avril 2019 par la Cour suprême du Royaume-Uni qui avait déclaré que l’affaire pouvait être jugée dans ce pays.
-
[64]
Araya v Nevsun Ltd, 2017 BCCA 401. En novembre 2017, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait rejeté l’appel de Nevsun et avait permis que l’affaire soit entendue sur le fond. Pour aller plus loin, lire Jolane T. Lauzon, « Araya v. Nevsun Resources: Remedies for victims of human rights violations committed by Canadian mining companies abroad » (2018) 31.1 RQDI 143.
-
[65]
Nevsun Resources Ltd c Araya, 2020 CSC 5 au para 113.
-
[66]
Alien Tort Claims Act, 28 USC § 1350. Pour une étude générale sur l’Alien Tort Statute, lire Isabelle Moulier, « Observations sur l’Alien Tort Claims Act et ses implications internationales » (2003) 49 Ann Fr Dr Intl 129.
-
[67]
Voir dans ce sens Beth Stephens, « Corporate Accountability : International Human Rights Litigation Against Corporations in US Courts », dans Menon T. Kamminga et Saman Zia-Zarifi, dir, Liability of Multinational Corporations under International Law, La Haye, Kluwer Law International, 2000, 209.
-
[68]
Complaint 37-49, John Doe v Exxon Mobil, N°1, 01CV01357 (D. DC Filed June 20, 2001).
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[69]
Yann Queinnec et Marie-Caroline Caillet, « Des outils juridiques pour une régulation efficace des activités des sociétés transnationales ? » dans Isabelle Daugareilh, dir, Responsabilité sociale de l’entreprise transnationale et globalisation de l’économie, Bruxelles, Bruylant, 2010 à la p 687.
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[70]
The Presbyterian Church of Sudan et al v Talisman Energy Inc and the Republic of Sudan, 244 F Supp (2d) 289 (SDNY 2009).
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[71]
Notamment les affaires Freund v Société nationale des chemins de fer, 391 F App 939 (2d Cir 2010); Abrams v Société nationale des chemins de fer, US Court of Appeals for the Second Circuit, 9 Nov 2004 [order dismissing plaintiffs' complaint]; Abrams v Société nationale des chemins de fer, 332 F (3d) 173 (2d Cir 2003); Abrams v. Société Nationale des Chemins de Fer Français, 175 F Supp (2d) 423 (EDNY 2001). Pour une analyse détaillée des affaires SNCF devant les juridictions américaines, se référer utilement à Horatia Muir Watt, « Privatisation du contentieux des droits de l’homme et vocation universelle du juge américain : réflexions à partir des actions en justice des victimes de l’holocauste devant les tribunaux des États unis » (2003) 55:4 Rev Intl Dr Comp 883.
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[72]
Kiobel, individually and on behalf of her late husband Kiobel, et al v Royal Dutch Petroleum Co et al, 569 US 108 (2013). Cette affaire marque un tournant majeur dans la déconstruction de la dynamique de mise en jeu de la responsabilité des entreprises pour violations du droit international. Voir Thierry Fleury Graff, « L’arrêt de la cour suprême des États Unis du 17 avril 2013, Kiobel et al v. Royal Dutch Petroleum Co. et al. : présomption contre l’extraterritorialité de la compétence juridictionnelle nationale en matière de violations du droit international » (2013) 59 Ann Fr Dr Intl 17.
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[73]
Jesner v Arab Bank, 584 US (2018).
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[74]
Watt personnes morales, supra note 44 à la p 671 ; Johann Morri, « Alien Tort Statute : nouveau tour de vis sur la compétence des juridictions civiles américaines en matière de violations du droit international » (2 juin 2018), en ligne : La Revue des droits de l’homme - Actualités Droits-Libertés <http://journals.openedition.org/revdh/3865>.
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[75]
Watt, « personnes morales », supra note 44 à la p 675.
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[76]
Rapport Ruggie, supra note 43. Ce rapport, bien que relevant de la soft law, fait partie de la galaxie des normes, régissant la question des entreprises et des droits de l’homme, qui s’intègrent de plus en plus et s’influencent progressivement dans la perspective de s’imposer aux entreprises. Voir aussi Elise Groulx Diggs, Mitt Regan et Béatrice Parance, « Business and human rights as a galaxy of norms », (2019) 50:2 Geo J Intl L 309.
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[77]
New Tv S.A.L. & Karma Mohamed Tahsin Al Khayat, STL-14-05/PT/AP/AR126.1, Décision relative à l’appel interlocutoire concernant la compétence personnelle du tribunal en matière d’outrage (2 octobre 2014) (Tribunal spécial pour le Liban (collège d’appel)).
-
[78]
Protocole portant amendements au protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, 27 juin 2014, en ligne : <https://au.int/sites/default/files/treaties/36398-treaty-0045_-_protocol_on_amendments_to_the_protocol_on_the_statute_of_the_african_court_of_justice_and_human_rights_f.pdf> (non encore en vigueur) [Protocole de Malabo]; Ce traité n’est pas encore en vigueur. Seul 15 États l’ont signé et la dernière signature celle du Togo date du 02 avril 2019.
-
[79]
Chérif Bassiouni, Introduction au droit pénal international, Bruxelles, Bruylant, 2002 à la p 100.
-
[80]
Le Procureur c Furundziya, IT-95-17/1, Jugement (10 décembre 1998) (TPIY).
-
[81]
Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, 30 novembre 1973, 1015 RTNU 243 (entrée en vigueur : 18 juillet 1976), art 1(2) : « Les États parties à la présente Convention déclarent criminels les organisations, les institutions et les individus qui commettent le crime d’apartheid ».
-
[82]
Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, 22 mars 1989, 1673 RTNU 57 (entrée en vigueur : 5 mai 1992), art. 2(14) et 4(3) : « Aux fins de la présente Convention, [on] entend par “personne” toute personne physique ou morale » et « Les Parties considèrent que le trafic illicite de déchets dangereux ou d’autres déchets constitue une infraction pénale ».
-
[83]
Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, 9 décembre 1999, 2178 RTNU 197 (entrée en vigueur : 10 avril 2002), art 5.
-
[84]
Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, 15 novembre 2000, 2225 RTNU 209 (entrée en vigueur : 29 septembre 2003), art 10.
-
[85]
Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, 25 mai 2000, 2171 RTNU 227 (entrée en vigueur : 18 janvier 2002), art 3(4).
-
[86]
Convention des Nations Unies contre la corruption, 31 octobre 2003, 2349 RTNU 41 (entrée en vigueur : 14 décembre 2005), art 26.
-
[87]
Protocole de 2005 au Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental, 14 octobre 2005 (entrée en vigueur : 28 juillet 2010), art 5.
-
[88]
Mesures visant à éliminer le terrorisme international rapport du groupe de travail, Doc off AGNU, 54e sess, 1999, Doc NU A/C.6/54/L.2 (1999) à la p 57.
-
[89]
Dans le préambule de la Convention contre la criminalité transnationale organisée il est expressément indiqué que « la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée constituera un outil efficace et le cadre juridique nécessaire de la coopération internationale dans la lutte contre, notamment, des activités criminelles telles que le blanchiment d’argent, la corruption, le trafic illicite des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, les atteintes au patrimoine culturel, et contre les liens croissants entre la criminalité transnationale organisée et les crimes terroristes » : supra note 86.
-
[90]
Manirabona, supra note 42 à la p 295.
-
[91]
En effet, les pays africains menaçaient de se retirer de la CPI, car elle ne s’intéressait, selon eux, qu’à l’Afrique. Voir Fannie Lafontaine, « Regards critiques de jeunes chercheurs sur certains des grands enjeux de la justice internationale pénale », (2017) Hors-série RQDI 1 à la p 4 ; Abdoul Kader Bitié, « L’africanisation de la justice pénale internationale : entre motivations politiques et juridiques », (2017) Hors-série RQDI 143.
-
[92]
Voir l’article 14 qui insère le nouvel article 28(A) dans le Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme relatif à la compétence de la Cour africaine de justice, des droits de l’homme et des peuples : Protocole de Malabo, supra note 78.
-
[93]
Voir l’article 22 instituant le nouvel article 46(c) du Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme. Cet article est intitulé « responsabilité des entreprises », mais dans son contenu il parle de personnes morales à l’exception de l’État : Protocole de Malabo, supra note 78.
-
[94]
Le Procureur c Dragoljub Kunarac, Radomir Kovač et Zoran Vuković, IT-96-23-T & 23/1-T, Arrêt (12 juin 2002), au para 13 (TPIY (chambre d’appel)); Le Procureur c Ndindabahizi Emmanuel, ICTR-01-71, Jugement (15 juillet 2004) au para 477 (TPIR); Le Procureur c Kamuhanda Jean de Dieu, ICTR-99-54A, Jugement (22 janvier 2004) au para 664 (TPIR); Le Procureur c Kajelijeli Juvénal, ICTR-98-44A, Jugement (1er décembre 2003) au para 871(TPIR); Le Procureur c Jean-Pierre Bemba Gombo, ICC-01/05-01/08, Jugement (21 mars 2016( au para 163 (Cour pénale internationale); Voir Philippe Currat, Les crimes contre l’humanité dans le Statut de la Cour pénale internationale, Genève, Schulthess, 2006 à la p 103.
-
[95]
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 48e session, Doc off AG NU, 51e sess, Supp n°10, Doc NU A/51/10 (1996) à la p 235.
-
[96]
Pour une vue d’ensemble du concept d’imputabilité en droit, lire avec intérêt Patrice Jourdain, Recherche sur l’imputabilité en matière de responsabilité civile et pénale, thèse de doctorat en droit, Université Panthéon-Assas (Paris), 1982 [non publié]; Patrice Jourdain, « Retour sur l’imputabilité », dans Les droits et le droit : mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Paris, Dalloz, 2007, 511.
-
[97]
Germain Ntono Tsimi, « Le devenir de la responsabilité pénale des personnes morales en droit camerounais. Des dispositions spéciales vers un énoncé général ? » (2011) 33:1 Archives Pol Crim 221 à la p 237.
-
[98]
Appliquée en Angleterre, cette théorie de l’identification issue des limites de la strict liability et de la vicarious liability s’appuie sur une doctrine du droit civil, selon laquelle, dans chaque société, certaines personnes physiques déterminent plus que d’autres les activités de la société. Leurs comportements sont les comportements de la société.
-
[99]
Cette théorie, qui aboutit à la distinction du comportement réel et du comportement fonctionnel, permet d’attribuer l’acte criminel d’une personne physique à une personne morale, à condition que le comportement réel de cette personne physique corresponde à l’accomplissement d’une fonction déterminée dans la société par la personne morale concernée.
-
[100]
Selon cette théorie, il faut un support humain à la responsabilité pénale. Encore appelée responsabilité par procuration, la responsabilité pénale des personnes morales suppose, dans ce cas, qu’une infraction ait été commise qui soit susceptible d’être reprochée à une personne physique. Ici, le juge aura simplement à vérifier qu’un fait a été commis et que ce fait l’a été pour le compte de la personne morale ainsi que par l’un de ses organes ou représentants. Ce système est le plus simple au plan conceptuel et en même temps le moins satisfaisant eu égard aux principes fondateurs du droit pénal raison pour laquelle quelques signes de son affaiblissement sont constatés aujourd’hui. Lire dans ce sens Stefano Manacorda, « La responsabilité des personnes morales et l’harmonisation pénale européenne : modèles normatifs et obstacles théoriques », dans Geneviève Giudicelli-Delage et Stefano Manacorda, dir, La responsabilité pénale des personnes morales : perspectives européenne et internationales, Paris, Société de législation comparée, 2013, 25 [Manacorda, « responsabilité »].
-
[101]
Ce système résulte d’une construction normative particulièrement respectueuse des piliers de l’imputation pénale. Il tend aujourd’hui à se répandre à l’échelle comparative en Europe : Ibid à la p 25.
-
[102]
Tsimi, supra note 97 à la p 237.
-
[103]
Affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie-Herzégovine et Serbie et Monténégro, [2007] CIJ Rec 43 aux para 166 et s [Affaire relative à la Bosnie].
-
[104]
Ibid au para 427; Philippe Weckel, « L’arrêt sur le génocide : le souffle de l’Avis de 1951 n’a pas transporté la Cour » (2007) 111:2 RGDIP 305 à la p 324.
-
[105]
Rapport Ruggie, supra note 43.
-
[106]
Ibid à la p 19.
-
[107]
Hervé Ascencio et Béatrice I. Bonafe, « L’absence d’immunité des agents de l’État en cas de crime international : pourquoi en débattre encore? » (2018) 122:4 RGDIP 821 à la p 834; Weckel, supra note 104 à la p 318.
-
[108]
Affaire relative à la Bosnie, supra note 103 au para 388.
-
[109]
Sur ces controverses, voir Ascencio et Bonafe, supra note 107 à la p 834.
-
[110]
Activités militaires au Nicaragua, supra note 36 au para 115.
-
[111]
Il convient de relever ici qu’il s’agit bel et bien de deux critères différents selon la CIJ. Le premier critère (contrôle effectif) vise à rechercher si l’auteur de l’acte est un agent de l’État. Le second critère (dépendance et autorité) vise à rechercher, dans l’hypothèse où l’auteur de l’acte n’a pas la qualité d’agent de l’État ou n’est pas reconnu comme tel en vertu de son droit interne, si l’auteur était en situation de totale dépendance vis-à-vis de l’État. Voir Affaire relative à la Bosnie, supra note 103 au para 397.
-
[112]
Ibid au para 392.
-
[113]
Le Procureur c Dusko Tadic, IT-94-1-A, Arrêt (15 juillet 1999) aux para 131 et s (TPIY (chambre d’appel)).
-
[114]
Ibid au para 117.
-
[115]
Ibid aux para 124 et s.
-
[116]
Ibid au para. 131.
-
[117]
Affaire relative à la Bosnie, supra note 103 au para 406.
-
[118]
Hervé Ascencio, « La responsabilité selon le Cour Internationale de Justice dans l’affaire du génocide bosniaque » (2007) 111:2 RGDIP 285.
-
[119]
Geneviève Giudicelli-Delage, « Conclusions », Geneviève Giudicelli-Delage et Stefano Manacorda, dir, La responsabilité pénale des personnes morales : perspectives européenne et internationales, Paris, Société de législation comparée, 2013, 301 [Giudicelli-Delage, « conclusions »].
-
[120]
Ibid, à la p 302.
-
[121]
Cass crim, 9 septembre 2009, n°8-87. 312. Voir aussi Cass crim, 25 octobre 2016, [2007] Bull, no16-80.366. Lire à ce sujet les commentaires de Haritini Matsopoulou, « Infractions relevant du droit des sociétés » (2017) 2:2 Rev Sc Crim Dr Pénal Comp 297.
-
[122]
Marc Segonds, « Frauder l’article 121-2 du Code pénal » (2009) 9 Droit pénal 19 (LexisNexis).
-
[123]
Manirabona, supra note 42 à la p 312.
-
[124]
Geneviève Giudicelli-Delage, « Repenser la responsabilité pénale des personnes morales », dans Droit répressif au pluriel : droit interne, droit international, droit européen, droits de l’homme, Bruxelle, Anthemis, 2014, 249 aux pp 254 et s.
-
[125]
Giudicelli-Delage, « conclusions », supra note 119, à la p 301.
-
[126]
Queinnec et Caillet, supra note 69 à la p 702.
-
[127]
Kathia Martin Chenut et Caroline Devaux, « Quels remèdes à l’irresponsabilité des États et des ETN en matière environnementale, sociale et financière? » dans Alain Supiot et Mireille Delmas-Marty, dir, Prendre la responsabilité au sérieux, Paris, PUF, 2015, 361 aux pp 363 et s.
-
[128]
Queinnec et Caillet, supra note 69 à la p 638.
-
[129]
Rapport Ruggie, supra note 43 aux pp 19-20.
-
[130]
Denis Mazeaud, « Les personnes morales ne sont toujours pas vraiment des personnes comme les autres » (2018) 3 RTD Civ 624.
-
[131]
Marie-Christine Sordino, « La responsabilité pénale des personnes morales, à propos de l’identification du substratum humain », La semaine juridique — entreprise et affaires no 13 (26 mars 2009) 1308 (LexisNexis).
-
[132]
Manacorda, « responsabilité », supra note 100 à la p 32.
-
[133]
Ibid.
-
[134]
Alain Supiot, « Face à l’insoutenable : les ressources du droit de la responsabilité », dans Alain Supiot et Mireille Delmas-Marty, dir, Prendre la responsabilité au sérieux, Paris, PUF, 2015, 9 à la p 27.
-
[135]
Stefano Manacorda, « La dynamique des programmes de conformité des entreprises : déclin ou transfiguration du droit pénal des affaires ? », dans Alain Supiot, dir, L’entreprise dans un monde sans frontières. Perspectives économiques et juridiques, Paris, Dalloz, 2015, 203 [Manacorda, « conformité »].
-
[136]
La compliance est une institution propre au système de la common law elle oblige les entreprises à adopter des programmes de conformité. Elle est efficace dans la perspective de prévention des crimes. Cette institution tend à se généraliser à l’échelle internationale. Elle a été adoptée dans des pays de tradition juridique romano-germanique. La France l’a introduit dans son arsenal juridique à travers les articles 17, 18, 22 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Loi Sapin II » : Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, JO, 10 décembre 2016, n°2016-1691. Sur la question de la compliance, se référer utilement à Celia Wells, « Corporate criminal liability in England and Wales : Past, present and future », dans dans Mark Pieth et Radha Ivory, dir, Corporate Criminal Liability: Emergence, Convergence and Risk, New York, Springer, 2011, 91.
-
[137]
Le concept de faute dans l’organisation a été élaborée pour la première fois par la doctrine allemande dans les années 1980. Voir dans ce sens Martina Galli, « Une justice pénale propre aux personnes morales : réflexions sur la convention judiciaire d’intérêt public », (2018) 2 Rev Sc Crim Dr Pénal Comp 359 aux pp 378-379.
-
[138]
Manacorda, « responsabilité », supra note 100 à la p 33.
-
[139]
Galli, supra note 137 à la p 379; Giudicelli-Delage, « conclusions », supra note 119 à la p 302.
-
[140]
Le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a fait l’objet en France de la loi n°2017-399 du 27 mars 2017 : Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, JO, 28 mars 2017, n°2017-399. Pour une étude détaillée du devoir de vigilance des sociétés mères se référer à Ivan Tchotourian et Jean Christophe Bernier, Devoir de prudence et de diligence des administrateurs et RSE : approche comparative et prospective, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2014.
-
[141]
Giudicelli-Delage, « conclusions », supra note 119 à la p 302. Pour une étude générale des règles de conformité lire utilement Juliette Tricot, « La conformité, outil de juridicisation de la RSE et de la transformation du droit » dans Kathia Martin-Chenut et René de Quenaudon, dir, La RSE saisie par le droit. Perspectives internes et internationales, Paris, Pedone, 2016, 303 à la p 316.
-
[142]
Galli, supra note 137 à la p 378.
-
[143]
Manacorda, « conformité », supra note 135 à la p 203.
-
[144]
Selon Juliette Tricot, l’imputation plus ou moins directe de la responsabilité pénale à des personnes morales est toujours demeurée tributaire d’une théorie de la responsabilité pénale individuelle. Voir Juliette Tricot, « Le droit pénal à l’épreuve de la responsabilité des personnes morales : l’exemple français » (2012) 1 Rev Sc Crim Dr Pénal Comp 19 aux pp 23-24.
-
[145]
Rapport de la CDI sur le projet d’articles, supra note 1 à la p 69.
-
[146]
Elle figure dans certains traités relatifs aux crimes internationaux à l’instar de la Convention des Nations Unies de 2000 contre la criminalité transnationale organisée, supra note 84, art 10(2); Convention des Nations Unies contre la corruption, supra note 86, art 26(2); Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, supra note 83, art 5(1).
-
[147]
Rapport de la CDI sur le projet d’articles, supra note 1, à la p 87.
-
[148]
Ibid à la p 88.
-
[149]
Troisième rapport sur les crimes contre l’humanité, supra note 2 à la p 16.
-
[150]
Olivier de Schutter, « Les affaires Total et Unocal : complexité et extraterritorialité dans l’imposition aux entreprises d’obligations en matière de droits de l’homme » (2006) 52 AFDI 55 à la p 91, n 137.
-
[151]
Manacorda, « responsabilité », supra note 100 aux pp 26-44.
-
[152]
Ibid.
-
[153]
Rapport de la CDI sur le projet d’articles, supra note 1 à la p 88.
-
[154]
Ibid, art 7(1)a).
-
[155]
Ibid, art 7(1)b).
-
[156]
Ibid, art 7(1)c).
-
[157]
Ibid, art 7(2) et (3). En effet la CDI indique, s’agissant du paragraphe, « que si tout État a l’obligation d’établir certains types de compétence, cela n’exclut aucun autre chef de compétence prévu par le droit interne de l’État concerné. En effet, pour sauvegarder le droit de tout État partie d’aller au-delà des prescriptions conventionnelles lorsqu’il établit sa compétence nationale, et sans préjudice des règles de droit international applicables, les traités répressifs laissent généralement ouverte la possibilité qu’un État partie ait établi d’autres chefs de compétence juridictionnelle pour amener l’auteur présumé de telle ou telle infraction à en répondre ». Voir Rapport de la CDI sur le projet d’articles, supra note 1 à la p 82.
-
[158]
Commentaires et observation des États, supra note 14 à la p 79.
-
[159]
Voir aussi Olivier De Schutter, « La responsabilité des États dans le contrôle des sociétés transnationales : vers une convention internationale sur la lutte contre les atteintes aux droits de l’Homme commises par les sociétés transnationales », dans Emmanuel Decaux, dir, La responsabilité des entreprises multinationales en matière de droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2010, 701 à la p 751.
-
[160]
Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Co. (Belgique c. Espagne), [1970] CIJ Rec 3.
-
[161]
Ibid aux pp 38-39.
-
[162]
Olivier de Schutter, supra note 150 à la p 92.
-
[163]
Ibid à la p 93.
-
[164]
L’affaire Total en Birmanie est une illustration parfaite de l’incapacité ou de l’insouciance de l’État d’accueil à engager les poursuites contre la personne morale en cas de crime contre l’humanité. Voir Pierre François Docquir et Ludovic Hennebel, « L’entreprise titulaire et garante des droits de l’homme », dans Thomas Berns et al, dir, Responsabilités des entreprises et corégulation, Bruxelles, Bruylant, 2007, 79 aux pp 132-133; voir aussi Rapport Ruggie, supra note 43 à la p 13.
-
[165]
Les poursuites engagées en France contre le groupe Lafarge pour les actes de complicité de crime contre l’humanité commis en Syrie sont instructives à cet égard.