Abstracts
Résumé
La présente contribution montre que si la Convention européenne des droits de l’homme a contribué à l’encadrement de l’administration de la justice militaire sous l’influence de la promotion de l’État de droit en droit international, il reste du chemin à parcourir dans ce domaine. En effet, l’article 6 de la Convention permet à la Cour d’assurer le respect du droit au juge qui cherche un équilibre entre la souveraineté de l’État d’une part, et la protection des droits et libertés des justiciables, d’autre part. Trouvant un écho dans l’action d’autres organes du Conseil de l’Europe et au-delà, la jurisprudence de la Cour montre une double dynamique d’humanisation et de civilisation de la justice militaire devant offrir des garanties d’indépendance et d’impartialité. Toutefois, dans certains cas, la Cour risque de balancer du côté de l’État lorsque surgit un conflit de normes internationales. Dès lors, sa contribution à l’encadrement de la justice militaire trouve ses limites notamment lorsqu’il s’agit d’établir la responsabilité d’États parties à la Convention pour des violations des droits dans le cadre d’opérations militaires à l’étranger sous le mandat d’organisations internationales. Dans ce cas, une interprétation misant sur le déni de justice pourrait permettre à la Cour d’aller plus loin dans l’encadrement de la justice militaire.
Abstract
This paper argues that while the European Convention on Human Rights (ECHR) has contributed to framing the administration of military justice under the influence of the promotion of the rule of law in international law, military justice remains concerning. Indeed, Article 6 of the Convention allows the Court to ensure respect for the right to a judge who seeks a balance between the sovereignty of the state, on the one hand, and the protection of rights and freedoms on the other. Echoing the work of other organs of the Council of Europe and beyond, the Court's jurisprudence shows a twofold dynamic of humanization and civilization of military justice required to be independent and impartial. However, in some instances, the Court is likely to protect the State when a conflict of norms arises under international law. Consequently, the Court’s contribution in monitoring military justice comes to count its limits, particularly when it comes to responsibility of states parties for human rights violations in the context of military operations abroad in cooperation with international organizations. Therefore, an interpretation based on the denial of justice could allow the Court to go further in framing military justice.
Resumen
La presente contribución muestra que, si bien el Convenio Europeo de Derechos Humanos ha contribuido a la regulación de la administración de la justicia militar bajo la influencia de la promoción del Estado de derecho en derecho internacional, aún queda camino por recorrer en este ámbito. En efecto, el artículo 6 del Convenio le permite al Tribunal garantizar el respeto del derecho del juez que busca un equilibrio entre la soberanía del Estado, por una parte, y la protección de los derechos y libertades de los justiciables, por otra. Inspirándose en la acción de otros órganos del Consejo Europeo y más allá, la jurisprudencia del Tribunal muestra una doble dinámica de humanización y de civilización de la justicia militar que debe ofrecer garantías de independencia e imparcialidad. Sin embargo, en algunos casos, el Tribunal podría inclinarse hacia el lado del Estado cuando surge un conflicto de normas internacionales. Por consiguiente, su contribución a la supervisión de la justicia militar encuentra sus límites, en particular cuando se trata de establecer la responsabilidad de los Estados parte del Convenio por violaciones de derechos en el contexto de operaciones militares en el extranjero bajo el mandato de las organizaciones internacionales. En este caso, una interpretación basada en la denegación de la justicia podría permitirle al Tribunal ir más allá en la supervisión de la justicia militar.
Article body
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[1] (ci-après, « CEDH » ou « la Convention ») repose sur le triptyque droit de l’homme, démocratie et État de droit, valeurs partagées par les membres du Conseil de l’Europe. Après avoir réaffirmé leur profond attachement à la démocratie dans le préambule de ce traité, les États membres se disent « résolus en tant que gouvernements d'États animés d'un même esprit et possédant un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit […] ». La Convention fait ainsi écho à l’article 3 du Statut constitutif du Conseil de l’Europe[2] énonçant que ses membres reconnaissent « […] le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
Développée au XIXe siècle en Europe, puis répandue à l’échelle mondiale selon des modèles institutionnels variés[3], la doctrine de l’État de droit se pose en « paradigme des relations internationales »[4]. L’État de droit entend limiter le pouvoir de l’État en préconisant l’existence de normes justes, égales pour tous et susceptibles de contrôle par des organes indépendants et impartiaux[5]. Cette doctrine est ainsi promue comme norme de référence pour évaluer la capacité d’un État de remplir ses obligations en matière des droits et libertés de la personne. Concept ancré en philosophie politique[6], l’État de droit est devenu un principe juridique. Celui-ci se manifeste par une double consécration du droit au juge dans des instruments régionaux comme l’article 6 de la CEDH et dans la jurisprudence d’organes de contrôle contribuant à la promotion de l’État de droit en droit international[7]. La diffusion de ce principe passe également par d’autres organes de coopération contribuant à en préciser le contenu[8]. L’État de droit met ainsi à la charge de l’État des normes d’administration de la justice, y compris la justice militaire.
Définir la justice militaire n’est pas une tâchée aisée. Elle peut s’entendre toutefois de l’existence d’un système d’administration de la justice pour les militaires ou dans un contexte militaire avec des cours martiales, mais couvre également d’autres formes d’institutions variant d’un État à l’autre[9]. Selon la Cour suprême du Canada, ce système vise à assurer « l’efficacité, la discipline et le moral des troupes »[10]. Pareille position rappelle que sous l’Empire romain d’Occident, la justice militaire a été pensée pour servir les fins de membres d’une « société particulière » qui justifierait l’existence d’un système de justice correspondant[11]. Toutefois, le développement du droit international des droits de la personne a eu pour conséquence la remise en cause de la justice militaire, notamment vers les années 1960, puis de manière plus poussée vers les années 1990[12].
Dès lors, l’enjeu principal que présentent les exigences de l’État de droit pour la justice militaire réside dans le fait que, chasse gardée des États au nom de la souveraineté, la justice militaire doit respecter l’exigence de protection des droits tant des militaires que des victimes, y compris en cas de violations du droit commises par les forces armées à l’étranger[13]. Au cours des 70 ans de la CEDH, des requêtes liées à la justice militaire ont offert l’occasion à la Cour de préciser l’étendue des droits et obligations des États relativement au droit à un procès équitable prévu à l’article 6 de la Convention.
Procédant à une certaine humanisation de la justice militaire dans l’intérêt de la personne estimant son droit au juge lésé, la jurisprudence de la Cour exige des États membres que, lorsqu’elle existe, leur justice militaire doit, d’une part, respecter les exigences d’une justice rendue par un juge compétent, indépendant et impartial pour la tenue de procès équitables au regard de la CEDH (I). D’autre part, si elle ne va pas jusqu’à en condamner l’existence, la Cour rejoint une tendance internationale impliquant divers acteurs et portée par des normes de différentes sources, visant à la civilisation de la justice militaire en limitant la compétence de celle-ci aux membres des forces armées et en cherchant à soumettre le système au respect des normes de justice (II).
I. L’humanisation de la justice militaire fondée sur le droit à un procès équitable dans la jurisprudence de la Cour
L’action de la Cour EDH dans l’encadrement de la justice militaire s’inscrit dans un tournant que constitue la prise en compte des droits et libertés dans l’administration de la justice. À cet égard, a été proposée la normalisation comme une alternative face à l’existence de deux positions extrêmes. Il s’agit, d’une part, d’une sacralisation « tendant à faire de la justice militaire une justice à part (…) en la plaçant au-dessus des principes fondamentaux de l’État de droit », et d’autre part, d’une diabolisation de la justice militaire « au nom des expériences historiques d’un passé encore trop récent sur bien des continents »[14]. Ainsi, bien qu’elle demeure un domaine sensible, la justice militaire est-elle désormais encadrée par les exigences de l’article 6 de la CEDH[15] dont l’application vise à assurer une meilleure protection des droits tant des militaires que des victimes, les premiers étant des « citoyens presque comme les autres »[16]. Le droit à la justice se voyant reconnaître le caractère d’une norme indélogeable en raison de son importance pour la protection des droits et libertés reconnus en droit international, y compris en temps de crise[17], une interprétation large des dispositions de l’article 6 a ainsi permis à la Cour de préciser les exigences institutionnelles relatives à la justice militaire.
A. Une interprétation dynamique du droit à un tribunal touchant la matière militaire
La Cour fait observer que la « Convention vaut en principe pour les membres des forces armées et non pas uniquement pour les civils », mais qu’« en interprétant et appliquant les normes de ce texte (…), la Cour doit cependant être attentive aux particularités de la condition militaire et à ses conséquences sur la situation des membres des forces armées »[18]. Ainsi, en interprétant l’article 6, la Cour cherche-t-elle à encadrer l’action de l’État dans l’administration de la justice militaire au regard du droit à un procès équitable, selon une certaine évolution allant de la discipline militaire à des affaires impliquant des droits de caractère civil dans le contexte militaire.
1. Une jurisprudence initiée avec le droit au juge en matière de disciplinaire militaire
La structure de l’article 6 ouvre la voie à l’encadrement de la justice militaire à trois niveaux. D’abord, comme nous le verrons, le paragraphe 1 permet à la Cour de rappeler que la Convention consacre le droit au juge avec des garanties d’équité, d’indépendance et d’impartialité, l’organe devant être établi par la loi. Ensuite, le paragraphe 2 consacre la présomption d’innocence de tout accusé en matière pénale. Enfin, le paragraphe 3 de l’article 6 énumère une série d’éléments nécessaires à l’égalité des armes aux mains de l’accusé en vue d’un procès juste et équitable, avec le principe du contradictoire garantissant les droits de la défense. Cette composante du procès équitable présente des préoccupations pour la justice militaire non examinées ici[19], tout comme ne le sont les obligations positives entourant la protection, dans le contexte militaire, d’autres droits et libertés prévus par la Convention[20] ni l’examen de la recevabilité de requêtes au chapitre de l’épuisement des voies de recours internes effectifs et disponibles [21].
S’agissant du droit au juge, la Cour, adoptant une démarche nuancée, a étendu à la justice militaire l’applicabilité des principes du droit à un procès équitable à la notion d’accusation en matière pénale. La Cour exclut ainsi du volet pénal de l’article 6 les arrêts de rigueur pendant deux jours, jugés d’une durée trop courte pour relever de la sphère du « droit pénal »[22]. Elle a également exclu la révocation d’un officier de l’armée turque pour actes d’indiscipline au motif que pareille sanction était liée à son comportement regardé comme non conforme aux exigences de conduite d’un membre des forces armées dans une société démocratique[23]. Il en est de même d’une procédure disciplinaire militaire tendant à une interdiction de promotion et à une baisse de traitement[24].
Cette position rappelle celle de l’ancienne Commission, exprimée dans l’affaire Saraiva De Carvalho c. Portugal de 1981 où elle était amenée à examiner si une mesure disciplinaire pouvait entrer dans l’une ou l’autre de la catégorie « accusation pénale ou une obligation de caractère civil ». En l’espèce, était en cause la compatibilité à l’article 6 d’une décision de mise en réserve obligatoire par des juridictions militaires du Portugal pour atteinte à l’honneur de l’armée et incompatibilité d’activités du requérant avec son statut de militaire. La Commission a appliqué les critères établis par la Cour dans l’affaire Engel et autres c. Pays-Bas en 1976 concernant des sanctions disciplinaires infligées à des hommes de troupe et sous-officiers par leur supérieur : la nature pénale de l’infraction selon le droit interne de l’État, la nature même de l'infraction en distinguant le droit pénal du droit disciplinaire et le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l'intéressé. La Commission décida que
[l]a procédure disciplinaire à l'issue de laquelle un officier est puni de la sanction de la « mise en réserve de l'armée, pour atteinte à l'honneur de l'armée et activités incompatibles avec sa situation militaire, ne porte ni sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale, ni sur des droits et obligations de caractère civil[25].
Désormais, sans abandonner la distinction entre droit pénal et droit disciplinaire, « la Cour s’est réservé le pouvoir de s’assurer que la frontière ainsi tracée ne porte pas atteinte à l’objet et au but de l’article 6 »[26]. Elle considère que sont incluses dans la notion d’accusation en matière pénale qu’elle interprète de manière autonome, des procédures disciplinaires décidées à l’encontre de militaires. Ainsi, les infractions à la discipline militaire, impliquant l’affectation à une unité disciplinaire pour une période de quelques mois, relèvent-elles du volet pénal au sens de l'article 6[27].
Comme il est souligné plus loin, développée au rythme de l’évolution de la société internationale[28], cette jurisprudence trouve un écho dans l’action d’autres organes du Conseil de l’Europe. Il en est ainsi du Comité des ministres qui a adopté en 2010 une recommandation visant à encadrer la discipline militaire, en préconisant la primauté du droit, avec une procédure écrite et le respect des exigences du procès équitable[29]. Ces normes de soft law ne sont certes pas contraignantes. Toutefois, elles ne sont pas non plus sans effet sur le comportement des États[30], car leur place dans la diplomatie des droits de la personne peut contribuer à influencer le comportement de l’État et renforcer ainsi leur autorité, d’autant que la recommandation mentionnée renvoie à la CEDH.
Les exigences du procès équitable en matière de discipline militaire touchent également la publicité des audiences depuis l’affaire Engel et autres c. Pays-Bas. La Cour exige ainsi que, contrairement à la pratique constante de la Haute Cour militaire du Royaume-Uni, les débats contradictoires ne doivent pas se dérouler à huis clos[31]. Toutefois, l’article 6 énumère les motifs sur le fondement desquels le principe de publicité de l’audience peut faire l’objet de limitations nécessaires dans une société démocratique. Dès lors, la Cour effectue un test de proportionnalité pour examiner la nécessité des restrictions au droit à un procès équitable face aux intérêts de sécurité publique à protéger dans le cadre de procès impliquant des militaires, l’applicabilité de la Convention appelant son autonomie interprétative.
2. L’extension du champ d’applicabilité de l’article 6 fondée sur l’autonomie interprétative
La doctrine a souligné que la notion de procès équitable couvre des ensembles et sous-ensembles de garanties dans des circonstances variées[32]. Il en est ainsi de l’applicabilité de l’article 6 dans le cadre de contestations relatives à des droits de caractère civil entre l’État et ses agents, ici les militaires. En cette matière, la jurisprudence de la Cour a évolué. Dans un premier temps, elle a dit que
la Cour décide que sont seuls soustraits au champ d’application de l’article 6 § 1 de la Convention les litiges des agents publics dont l’emploi est caractéristique des activités spécifiques de l’administration publique (…) détentrice de la puissance publique (…). Un exemple manifeste de telles activités est constitué par les forces armées et la police[33].
Depuis l’arrêt de Grande Chambre Vilho Eskelinen et autres c. Finlande de 2007, la Cour a posé deux critères cumulatifs pour que l’État défendeur puisse opposer à un requérant fonctionnaire l’inapplicabilité de l’article 6 § 1. D’une part, « le requérant fonctionnaire doit être expressément privé du droit d’accéder à un tribunal d’après le droit national; d’autre part, l’exclusion des droits garantis à l’article 6 doit reposer sur des motifs objectifs liés à l’intérêt de l’État », jurisprudence confirmée dans l’arrêt de grande chambre Regner c. République Tchèque du 19 septembre 2017[34]. Par extension, dans un récent arrêt de Grande Chambre, la Cour étend le droit d’accès à un tribunal aux dommages causés à un civil par un autre civil avec du matériel militaire. Ainsi, à propos d’un accident de la route impliquant un civil et un camion militaire :
[l]a Cour rappelle que le droit à un procès équitable doit s’interpréter à la lumière du principe de la prééminence du droit, qui requiert l’existence d’une voie judiciaire effective permettant à la personne concernée d’obtenir la sanction de ses droits de caractère civil. Chaque justiciable a droit à faire statuer par un tribunal sur toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil[35].
C’est toutefois une interprétation large du terme « tribunal », qui a permis à la Cour d’intégrer les tribunaux militaires dans le champ d’application de l’article 6. Celle-ci a en effet établi que « par "tribunal", l’article 6 § 1 n’entend pas nécessairement une juridiction de type classique, intégrée aux structures judiciaires ordinaires du pays »[36].
C’est dire que dans les circonstances de chaque affaire touchant la matière militaire, la Convention permet à la Cour d’assurer le respect du droit au juge en cherchant un équilibre entre, d’une part, la souveraineté de l’État et, d’autre part, la protection des droits des justiciables. D’une certaine manière – le contentieux de la discipline militaire évoquée précédemment le montre – il apparait que pour autant qu’une affaire permet à la Cour de promouvoir les droits et libertés dans une société démocratique, sa décision risque de balancer soit du côté du requérant, soit du côté de l’État. Mais encore faut-il que la justice militaire de l’État présente les garanties d’équité, d’indépendance et d’impartialité.
B. Une justice militaire soumise aux exigences d’indépendance et d’impartialité
La justice militaire doit satisfaire aux exigences d’indépendance et d’impartialité requises du tribunal, « droit absolu qui ne souffre aucune exception »[37]. Dans la même veine, le projet de Principes sur l’administration de la justice militaire (Principes Decaux) énonce qu’il convient d’inscrire les tribunaux militaires
[d]ans les principes de l’État de droit, à commencer par ceux de la séparation des pouvoirs et de la hiérarchie des normes, le principe de la séparation des pouvoirs [allant] de pair avec l’exigence de garanties statutaires prévues au plus haut niveau de la hiérarchie des normes (…) en évitant toute immixtion du pouvoir exécutif ou de l’autorité militaire dans le fonctionnement de la justice[38].
En même temps, l’indépendance et l’impartialité sont complexes, avec un double contenu objectif et subjectif au titre de la théorie des apparences : « justice should not only be done, but should be seen to be done »[39].
1. De nécessaires garanties fonctionnelles et personnelles
Au cours des deux dernières décennies se dégage un certain consensus sur l’idée que dans le cadre de la justice militaire, les garanties d’indépendance et d’impartialité concernent les garanties statutaires du juge militaire par rapport à la hiérarchie militaire. Elles comprennent la carrière, l’organisation et le fonctionnement des tribunaux militaires, avec un accent sur la nécessité d’une présence de juges civils en leur sein, l’absence de juges et procureurs sans visages, mais également la formation et l’expérience assurant la compétence technique des juges et procureurs militaires[40].
C’est ce fil conducteur qu’on retrouve dans la jurisprudence de la Cour qui opère un double contrôle in abstracto sur les dispositions de droit interne et in concreto sur la pratique des États membres[41]. Afin de circonscrire l’indépendance et l’impartialité du tribunal, « la Cour rappelle que, pour établir si un tribunal peut passer pour « indépendant » aux fins de l’article 6 § 1, il faut notamment prendre en compte le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance »[42]. Comme elle l’a dit dans l’affaire Kyprianou c. Chypre dans laquelle l’article 6 a été invoqué par le requérant condamné pour outrage au tribunal, l’analyse de la jurisprudence de la Cour montre deux situations dans lesquelles se pose la question d’un manque d’indépendance et d’impartialité du tribunal :
Le premier, d'ordre fonctionnel, regroupe les cas où la conduite personnelle du juge n'est absolument pas en cause, mais où, par exemple, l'exercice par la même personne de différentes fonctions dans le cadre du processus judiciaire (…) ou des liens hiérarchiques ou autres avec un autre acteur de la procédure (comme dans les affaires de cours martiales) suscitent des doutes objectivement justifiés quant à l'impartialité du tribunal, lequel ne répond donc pas aux normes de la Convention selon la démarche objective. Le second type de situations est d'ordre personnel et se rapporte à la conduite des juges dans une affaire donnée. (…) Pareille conduite peut suffire à fonder des craintes légitimes et objectivement justifiées, mais peut également poser problème dans le cadre de la démarche subjective (…) [43].
Ces principes orientent la jurisprudence de la Cour ayant condamné des États membres dont les tribunaux n’ont pas respecté les exigences de l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH, exigeant ainsi des États des garanties institutionnelles de la justice militaire[44].
2. De nécessaires garanties institutionnelles encadrant l’exercice de la compétence
Les arrêts Findlay c. Royaume-Uni[45], Incal c. Turquie[46] et Grives c. Royaume-Uni ont permis à la Cour de fixer une ligne directrice
pour établir si un tribunal peut passer pour « indépendant », il faut prendre en compte, notamment, le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, l'existence d'une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s'il y a ou non apparence d'indépendance[47].
Tout en reconnaissant que la connaissance d’accusations pénales par les tribunaux militaires n’est pas en soi incompatible avec l’article 6[48], elle a reproché aux États défendeurs le fait de mettre en place un système de justice avec des juges militaires baignant dans un océan de liens de subordination avec la chaîne de commandement, ces juges étant également des officiers soumis à la hiérarchie militaire[49].
La Cour a également relevé que la présence d’un officier supérieur siégeant au sein du tribunal jette un doute sérieux sur son indépendance et son impartialité, dès lors que les membres de ce dernier peuvent recevoir des ordres dudit supérieur[50]. Dans l’affaire Sürek c. Turquie dans laquelle le requérant- un rédacteur en chef et propriétaire d’une revue ayant publié une lettre touchant les forces armées- alléguait le manque d’indépendance d’une Cour de sûreté de l’État comprenant un militaire et qui le jugea pour « propagande contre l’indivisibilité de l’État et d’incitation du peuple à l’hostilité et à la haine », la Cour a rappelé que
(…) certaines caractéristiques du statut de ces juges rendaient leur indépendance et leur impartialité sujettes à caution […], comme le fait qu’il s’agisse de militaires continuant d’appartenir à l’armée, laquelle dépend à son tour du pouvoir exécutif, le fait qu’ils restent soumis à la discipline militaire et le fait que leurs désignation et nomination requièrent pour une large part l’intervention de l’administration et de l’armée[51].
Dans la même veine, la Cour notait que
[the] military officer remained in the service of the army and was subject to military discipline. These officers were appointed as judges by their hierarchical superiors and did not enjoy the same constitutional safeguards provided to the other two military judges. The Court thus concludes that the Military Criminal Court which tried and convicted the applicant cannot be considered to have been independent and impartial[52].
Au titre des garanties devant être offertes, les États faisant siéger un membre civil dans les tribunaux militaires franchissent déjà un pas vers l’indépendance du tribunal. Toutefois
[l]a Cour considère […] que l’apparence d’indépendance de la juridiction concernée ne tient pas uniquement à celle de sa composition lorsqu’elle se prononce sur la condamnation de l’accusé. Pour se conformer aux exigences de l’article 6 en matière d’indépendance, la juridiction contestée doit paraître indépendante des pouvoirs exécutif ou législatif dans chacune des trois phases de la procédure, à savoir l’instruction, le procès et le verdict […][53].
De fait, le contentieux impliquant le jugement de civils par les tribunaux militaires reste un terrain fertile pour la Cour traçant des limites à la justice. En effet, elle n’admet qu’exceptionnellement la connaissance par les tribunaux miliaires d’accusations pénales contre des civils comme étant compatible avec les exigences du paragraphe 1 de l’article 6[54]. Elle tient compte du critère de l’apparence dans l’examen de l’indépendance et de l’impartialité et considère que le jugement de civils par des tribunaux militaires peut ne pas remplir les exigences de l’article 6[55], même lorsqu’un juge militaire n’a été associé dans une telle procédure qu’à l’adoption d’une décision avant dire droit, comme il a été jugé dans l’affaire Öcalan c. Turquie [56]. Dans l’affaire Ergin c. Turquie, la Cour a jugé qu’
un tribunal militaire exer[çant] sa juridiction relativement à un civil pour des actes dirigés contre les forces armées, suscit[e] des doutes raisonnables quant à l’impartialité objective d’un tel tribunal. [Ce] système peut facilement être perçu comme annihilant la distance nécessaire entre la juridiction et les parties à une procédure pénale […][57].
Ces exigences relatives à l’indépendance et l’impartialité du tribunal ont été réaffirmées dans l’arrêt Mustafa c. Bulgarie du 28 novembre 2019 sur laquelle nous reviendrons[58]. En l’espèce, un civil était jugé pour organisation et direction d’un groupe criminel dont faisait partie un membre des forces armées par un tribunal militaire composé d’un juge et de deux jurés, alors que la cour militaire d’appel s’est prononcée en formation de trois juges militaires. Le requérant a invoqué une violation de l’article 6 pour défaut d’indépendance et d’impartialité du tribunal. La Cour en a profité pour confirmer l’essentiel de sa jurisprudence sur les tribunaux militaires et les exigences relatives de la Convention. Elle condamne ainsi un
manque d’impartialité structurelle de tel ou tel tribunal globalement [comme] dans l’affaire Boyan Gospodinov c. Bulgarie, où le tribunal pénal devant lequel le requérant était passé en jugement était en même temps partie défenderesse dans un procès civil distinct en réparation intenté par le requérant[59].
À travers cette jurisprudence, la Convention a eu des incidences sur la politique de défense et, en son sein, la justice militaire des États membres. Des travaux ayant adopté une perspective comparée ont montré en 2007 que « [d]ans les pays qui appartiennent au Conseil de l'Europe […], ou bien le respect des règles du procès équitable est effectif, ou bien, sous l'impact des condamnations de la CEDH, se produit une évolution vers l'effectivité […] »[60].
En effet, des États membres du Conseil de l’Europe ont entrepris des réformes de la justice militaire dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité, incluant des réformes juridiques et institutionnelles, au niveau constitutionnel ou législatif. Certains ont éliminé la justice militaire en temps de paix. C’est le cas de : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Estonie, la France, la Norvège, les Pays-Bas, la Slovénie, la République Tchèque et la Suède[61]. D’autres ont encadré la justice militaire, en intégrant celle-ci dans la justice ordinaire ou en renforçant la justice militaire avec la présence de juges civils. Il en est ainsi du Portugal, de la Finlande, du Royaume-Uni et de la Hongrie, alors que la Grèce et l’Italie ont « prohibé la pratique des jugements de civils par les tribunaux militaires »[62].
Si la CEDH a contribué à cette tendance, ses incidences ne découlent pas du seul office de la Cour ni ne se limitent, dans une certaine mesure, au cercle fermé des États parties à la CEDH. En effet la coopération internationale et les références croisées d’organes chargés de la promotion et de la protection des droits humains peuvent contribuer à renforcer l’influence de la CEDH.
II. Une complexe quête de civilisation de la justice militaire inscrite dans une tendance internationale portée par une diversité d’acteurs
Comme le souligne Federico Andreu-Guzmán,
il est fort de constater l’émergence croissante d’une tendance à réduire le champ de compétence des juridictions militaires- tant rationae tempori et rationae personae comme rationae materiae-, à aligner les procédures pénales militaires sur celles de la juridiction ordinaire et […] à les intégrer dans la juridiction ordinaire (…)[63].
C’est là une influence du droit international des droits de la personne sur le système national de justice militaire, contribuant ainsi à l’émergence d’un droit global en ce qui concerne le droit à la justice[64]. La CEDH contribue à cette tendance illustrant une certaine volonté d’harmoniser la compétence des tribunaux militaires sur le fondement d’une normativité internationale. L’on serait même tenté d’avancer que se forme en catimini la voie vers la formation d’une norme de droit international coutumier visant l’encadrement de la justice militaire. En effet, une quête d’harmonisation peut être illustrée par l’existence d’une double dynamique. D’une part, dans une vision d’ensemble, au niveau du Conseil de l’Europe, des institutions contribuent à faire passer le message de la Convention et de la Cour à travers des formes variées, lesquelles peuvent conduire à des changements de politiques juridiques et de réformes institutionnelles touchant la justice militaire à l’échelle nationale. D’autre part, au-delà de l’espace juridique européen de la Convention, grâce à des méthodes d’interprétation et la pratique de références croisées des organes de protection des droits humains aux niveaux universel et régional, ainsi que de mécanismes de coopération internationale soumis toutefois aux aléas juridiques et diplomatiques, circule le message selon lequel la justice militaire doit être « civilisée ». Reste que dans le cadre des interventions militaires à l’étranger, la justice militaire constitue un défi complexe pour la primauté du droit, tant la volonté politique dans ce domaine sensible et la nécessaire protection des droits semblent rimer difficilement.
A. Une institutionnalisation servant la promotion de l’État de droit au sein du Conseil de l’Europe
Il convient de noter le rôle de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire qui s’est penchée sur la question des droits des membres des forces armées[65]. Considérant le sens de la démocratie pour l’essence même de cet organe et l’accent mis sur les droits de la personne et l’État de droit dans son travail, y compris par le moyen de la diplomatie parlementaire, l’Assemblée parlementaire peut contribuer à faire la promotion d’une justice militaire conforme à la CEDH. Par ailleurs, trois autres organes du Conseil de l’Europe concourent à la promotion et la protection des exigences de l’État de droit.
D’abord, le Comité des ministres, composé des ministres des Affaires étrangères de tous les États membres ou de leurs représentants permanents auprès du Conseil de l’Europe, joue un rôle important dans l’exécution des arrêts de la Cour en vertu des dispositions de l’article 46 de la CEDH. Il le fait notamment à travers ses réunions concernant les droits humains et le recours en manquement pour non-exécution des arrêts qu'il peut exercer devant la Cour avec l’entrée en vigueur du Protocole 14[66]. Ses résolutions sur l’exécution des arrêts donnent un aperçu du travail de cet organe dans la réparation des dommages subis par les requérants, tout comme lorsque des décisions sous-tendent l’adoption de mesures générales, comme en Turquie[67]. À cheval sur le droit et la diplomatie, le rôle du Comité des ministres a toute sa place lorsqu’on tient compte de la dimension sensible du domaine des droits de la personne.
Ensuite, le Commissaire aux droits de l’homme, poste créé en 1999, joue un rôle majeur dans la promotion de l’État de droit[68]. Pouvant agir au titre de la tierce intervention devant la Cour, cet organe voit sa place établie dans le domaine de la diplomatie des droits de la personne. Le Commissaire aux droits de l’homme coopère en effet avec les institutions nationales des droits de l’homme des États membres du Conseil de l’Europe, organes créés par ceux-ci et dont la mission est de contribuer à la promotion et à la protection des droits de la personne et, partant, à l’État de droit[69]. La doctrine a montré l’intérêt d’une telle coopération avec de telles institutions, le Commissaire aux droits de l’homme contribuant à une « multi-stakeholder approach and multi-track Diplomacy for Human Rights Diplomacy » [70].
Enfin, la Commission pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) contribue à une importante conceptualisation de la justice militaire[71]. Créée en mai 1990 comme organe consultatif du Conseil de l’Europe, elle interagit avec la Direction générale - Droits de l’Homme et État de droit, fournit des conseils aux États et est impliquée dans la coopération pour le renforcement institutionnel et des réformes touchant à la justice militaire[72].
C’est dire que la jurisprudence de la Cour sur les exigences de l’article 6 trouve un certain prolongement dans le travail d’autres organes du Conseil de l’Europe concourant à la diffusion et au respect des normes de la Convention, relatives au droit à la justice. La volonté des États reste toujours essentielle pour donner des effets pratiques à cette dynamique, mais cette approche impliquant divers acteurs et méthodes ne saurait que contribuer à renforcer la coopération pour la formation d’une opinio juris favorable à l’encadrement de la justice militaire. C’est à cette quête que contribuent également d’autres acteurs internationaux.
B. Une coopération prometteuse à consolider pour promouvoir plus d’imputabilité
Comme il a été précédemment indiqué, l’encadrement de la justice militaire a été concomitant au développement du droit international des droits de la personne. Alors que la justice militaire était considérée comme relevant du domaine réservé des États, l’idée que l’État est limité par les droits de la personne a inspiré l’approche visant à protéger les civils contre une justice militaire parallèle, de sorte que la civilisation de celle-ci est regardée comme une bonne pratique à promouvoir. Cette contribution reste l’oeuvre d’une pluralité d’acteurs, montrant ainsi des virtualités de la coopération internationale, y compris le développement de la diplomatie de défense. Il y a toutefois encore du chemin à parcourir dans la répression et la réparation de crimes commis par des militaires à l’étranger.
1. Des normes internationales inspirant une méthode d’interprétation croisée
Sur le fondement d’une normativité évolutive, divers organes dans le cadre d’organisations internationales ont contribué à encadrer la justice militaire avec de la Soft Law trouvant un écho dans l’interprétation d’obligations conventionnelles, pratique renforcée par des références croisées qu’effectuent des juridictions et quasi-juridictions des droits de la personne. Au sein de l’ONU, l’ancienne Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme a été le fer de lance de cette dynamique. Des travaux précurseurs de rapporteurs sur la justice militaire dans le prolongement des Principes de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats[73], de Louis Joinet à Emmanuel Decaux, ont conduit aux Principes régissant l’administration de la justice par les tribunaux militaires adoptés par la Sous-Commission en 2006[74]. Ces travaux trouvent une continuité dans l’oeuvre du rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats[75] au sein du Conseil des droits de l’homme qui s’est activité ces dernières années, avec la tenue d’une consultation d’experts avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme[76]. Mais aussi, des comités onusiens, dont le Comité des droits de l’homme, le Comité sur les disparitions forcées et le Comité contre la torture, ont été au coeur de cette dynamique, notamment avec des déclarations, observations générales[77] ou finales[78].
Comme le montrent certaines contributions, cette dynamique touchant la civilisation de la justice militaire trouve un prolongement au sein de systèmes régionaux, dont les systèmes interaméricain et africain des droits de la personne[79]. Dans le cadre du système européen, dans les arrêts Ergin c. Turquie[80] et Maszni c. Roumanie[81] rendus en 2006, l’année d’adoption des Principes Decaux, la Cour EDH s’est référée expressément aux principes de ce texte relatif à la création des juridictions militaires par la constitution ou la loi, au respect des normes de droit international, y compris le droit international humanitaire et à l’incompétence des juridictions militaires pour juger des civils[82]. Récemment, dans l’affaire Mustafa c. Bulgarie renvoyant aux Principes Decaux comme « droit pertinent », il a été jugé que :
[l]a Cour est confortée dans son approche par la tendance qui existe au niveau international à exclure de la juridiction des tribunaux militaires le domaine pénal lorsqu’il s’agit de juger des civils. Elle rappelle que la place particulière qu’occupe l’armée dans l’organisation constitutionnelle des États démocratiques doit être limitée au domaine de la sécurité nationale, le pouvoir judiciaire relevant pour sa part, en principe, du domaine de la société civile. (…) Le pouvoir de la justice pénale militaire ne devrait s’étendre aux civils que s’il existe des raisons impérieuses justifiant une telle situation, et ce, en s’appuyant sur une base légale claire et prévisible. L’existence de telles raisons doit être démontrée pour chaque cas, in concreto. L’attribution in abstracto par la législation nationale de certaines catégories de délits aux juridictions militaires ne saurait suffire[83].
Dès lors, deux remarques peuvent être formulées à propos de l’influence des Principes Decaux sur la justice militaire. D’une part, si ces Principes sont un instrument de soft law, ses effets sont perceptibles à travers l’oeuvre de juridictions et quasi-juridictions internationales de promotion et de protection des droits de la personne par l'entremise de l’interprétation de traités universels ou régionaux dont ces organes surveillent le respect par les États parties.
D’autre part, indirectement via l’influence de la CEDH, les Principes Decaux peuvent inspirer la démocratisation des forces de défense et de sécurité dans le cadre de la diplomatie de défense permettant de diffuser de « bonnes pratiques » touchant les forces armées à l’aide de moyens variés[84]. Il en est ainsi par exemple lorsque, en marge d’un colloque international tenu à l’Université d’Ottawa sur la justice militaire en 2016, le Juge-avocat général du Royaume-Uni, l’honorable Jeffrey Blackett, invite à une réforme du système de justice militaire canadien, en partageant l’expérience britannique dans ce domaine sous l’influence de la CEDH[85]. C’est dire que le message issu de la Convention peut contribuer à faire progresser l’opinion pour l’indépendance de la justice militaire, au-delà des frontières européennes, jusqu’aux portes du législateur un jour. Ainsi que le souligne l’expert Michel Drapeau, une telle voie apparait souhaitable en vue de consolider de récentes réformes touchant notamment les droits des victimes[86]. Elle l’est d’autant plus que dans le récent arrêt R c. Stillman où étaient en cause des infractions civiles incluant des agressions sexuelles commises par des membres des forces armées canadiennes, la Cour suprême a récemment jugé que la justice militaire est compatible avec l’exception au droit à un procès avec jury prévu par la Charte canadienne des droits et libertés, alors que la demande invoquait le bénéfice du droit commun au lieu de l’exception militaire fondant la compétente des tribunaux militaires[87].
Par ailleurs, alors que la coopération internationale touche la réforme du secteur de la sécurité dans le cadre de la promotion de l’État de droit, sans exagérer la portée des Principes Decaux, il va sans dire que dans la coopération avec l’État en démocratisation, des États du Nord global embrassant la civilisation de la justice militaire peuvent insuffler des réformes du secteur de la sécurité dans le cadre de la coopération bilatérale ou multilatérale touchant l’État en démocratisation, d’autant que des acteurs non étatiques soutiennent de telles réformes entreprises par les États[88].
Ainsi, depuis les années 1990, la CEDH contribue-t-elle à la circulation de normes et de bonnes pratiques à l’échelle internationale concernant la rationalisation de la justice militaire. Selon ces normes développées dans les arrêts de principe précités et d’autres arrêts plus récents incluant l’affaire Içen c. Turquie du 31 mai 2011[89], tout tribunal militaire doit être indépendant et impartial. Lorsqu’il est composé exclusivement de magistrats militaires, il ne peut juger de civils que dans des circonstances exceptionnelles. Dans l’arrêt Mustafa c. Bulgarie précité, la Cour a non seulement rappelé que le pouvoir de la justice militaire ne devait s’étendre aux civils que lorsqu’il existe des raisons impérieuses prévues par la loi, mais elle a également dit que l’étendue des compétences materiae et personae du tribunal militaire devait être strictement réservée à des militaires et non des civils, en excluant la compétence de tels tribunaux en cas de violations graves des droits de la personne.
De même, les garanties d’un procès équitable dans le respect de l’égalité des armes sont-elles au coeur des orientations voulues en matière de réformes du secteur de la sécurité. Ces garanties incluent l’idée que l’État doive mettre en place des voies de recours devant les plus hautes juridictions ordinaires contre les décisions de justice militaire; que la compétence fonctionnelle de celle-ci soit réservée au premier degré de juridiction; que la résolution des conflits de compétence soit réservée aux plus hautes juridictions ordinaires dans certains systèmes, de manière à ce que les tribunaux militaires qui ont connu de nombreuses critiques, « ne forment pas un système de justice parallèle, compétent(te) pour juger des militaires et assimilés», une sorte de « justice par les pairs, hors du contrôle du pouvoir judiciaire » [90].
C’est dire que des sources et moyens variés permettent une circulation de normes protectrices des droits et ont conduit à des réformes institutionnelles. Cette normativité peut circuler également par la voie du dialogue qu’entretiennent les organes de contrôle des droits de la personne[91]. Pour autant, il convient de noter que pareille évolution n’a pas encore conduit la Cour à adopter une interprétation de la Convention qui puisse permettre de juger toute violation des droits par les États membres du Conseil de l’Europe, notamment lorsque les faits sont commis par les forces armées d’États membres agissant à l’étranger.
2. Une contribution limitée dans le cadre d’actions impliquant les forces armées à l’étranger
On a pu certes observer depuis 2011 une certaine dynamique dans la jurisprudence de la Cour visant la protection des droits de la personne dans leurs liens avec le droit international humanitaire dans le cadre de conflits armés[92], grâce à une application extraterritoriale de la Convention, c’est-à-dire aux actes accomplis ou déployés par un État membre en dehors de son territoire[93]. Il en est ainsi dans les affaires Al-Saadoon et Mufdhi c. Royaume-Uni, Al-Jedda c. Royaume-Uni, Al-Skeini et autres ce Royaume-Uni, Hassan c. Royaume-Uni dans lesquelles étaient impliquées les forces armées britanniques dans le cadre de l’intervention armée en Irak au printemps 2003. Toutefois, cette applicabilité de la Convention tenant compte du critère du contrôle effectif demeure exceptionnelle, car la juridiction d’un État, au sens de l’article 1 de la Convention, est principalement territoriale[94].
Dès lors, l’imputabilité de la responsabilité aux divers acteurs impliqués dans les interventions armées internationales, de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité de l’État et des organisations internationales, n’est pas aisée à établir en raison de règles concurrentes soulevant des conflits de normes[95], alors que la question demeure politiquement sensible. C’est ce que montre la jurisprudence de la Cour, confirmant l’affaire Behrami de 2007[96]. En l’espèce, elle s’était déclarée incompétente alors qu’elle était invitée à trancher la question de savoir quel acteur, de l’ONU, de l’OTAN ou des États membres parties à la CEDH ayant exécuté une mission décidée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, en l’espèce la résolution 1244 adoptée le 10 juin 1999, était responsable, au regard de la Convention, du décès et des blessures subies par deux enfants qui jouaient avec des bombes à dispersion non explosées larguées par l’OTAN dans le cadre de la crise du Kosovo. Accueillant le moyen soutenu par les États défendeurs ayant contesté l’argument avancé par les requérants invoquant l’existence d’un lien juridictionnel suffisant au sens de l'article 1 de la Convention, la Cour a conclu que les actions étant attribuables à l’ONU, elle n’était pas compétente rationae personae pour examiner une violation ou non de la Convention.
Cette affaire illustre ainsi les limites pratiques de la protection offerte par la CEDH dans le contexte d’interventions de forces armées d’États membres du Conseil de l’Europe à l’étranger. Or, depuis les années 1990, la gestion des conflits a donné lieu à l’intervention de membres de forces armées dans le cadre d’opérations impliquant une diversité d’acteurs. Il en est ainsi dans le cadre otanien ou onusien avec les opérations de paix, ou encore, dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne, pratique bien assise depuis le début des années 2000. Dans ce dernier cas, la pluralité de normes sur le fondement desquelles opèrent les forces armées d’États européens peut constituer un obstacle à la protection de droits, la jurisprudence de la Cour dans l’affaire Bosphorus rendant l’engagement de la responsabilité de l’État une entreprise titanesque pour les requérants[97]. C’est là le défi d’articulation de normes que pose la promotion de l’État de droit dans les relations internationales, entre des règles visant à protéger la souveraineté de l’État en matière de règlement des différends et celles visant à protéger les droits de la personne, y compris dans le cadre de la gestion des conflits[98].
Dans de tels contextes, il serait souhaitable qu’une interprétation tenant compte d’un éventuel déni de justice pour les victimes permette à la Cour d’aller plus loin dans l’encadrement de la justice militaire. En effet, le recours devant la Cour peut être le dernier rempart pour des victimes qui assistent, impuissants, à l’impunité de fait assurée pour des violations de leurs droits dans le contexte de cette diversité d’acteurs opérants selon des règles allant plus dans le sens de la protection de l’État et des organisations internationales en cause, souvent protégées par leurs immunités. Ce faisant la Cour pourrait contribuer à éviter un déni de justice entourant de crimes commis dans des opérations impliquant les forces armées dans des circonstances où le système de justice ne garantit pas un procès équitable permettant de réparer les dommages causés aux victimes à l’étranger. C’est notamment le cas de commissions militaires soulevant des soupçons d’indépendance et d’impartialité vis-à-vis de l’exécutif [99]. Dès lors, si l’élargissement des critères d’application de la juridiction extraterritoriale des États parties à la CEDH demeure un terrain glissant, il pourrait toutefois contribuer à la lutte contre l’impunité et présenter une vertu pédagogique susceptible de limiter les violations de droits dans le cadre d’opérations militaires à l’étranger, la recherche de la paix ne pouvant se faire sans une protection effective des droits humains[100].
Cette responsabilité de l’État mérite également d’être doublée d’une volonté plus poussée d’engager la responsabilité individuelle par la justice militaire des États d’envoi de troupes à l’étranger, en misant également sur la possibilité de contrôle par les autorités judiciaires, des enquêtes menées et des décisions adoptées. Dès lors, l’enjeu pour les acteurs internationaux est d’envoyer un message clair relatif à la protection des droits et la lutte contre l’impunité, avec des mécanismes appropriés dans le cadre de la justice militaire, pour ne pas nourrir des contradictions entre un discours progressif sur les droits et des règles classiques qui empêchent de réparer des violations de droit commises à l’étranger.
***
Ainsi examiné, c’est sur une double exigence que semble se fonder l’encadrement de la justice militaire au regard de l’État de droit. D’une part, garantir l’accès à la justice selon les règles du procès équitable pour les membres de forces armées tombant sous la compétence de la juridiction militaire semble devenir une norme de conduite pour les États. D’autre part, la CEDH permet au Conseil de l’Europe de s’inscrire dans une quête internationale visant à limiter la justice militaire qui se doit d’être indépendante et impartiale, sa compétence devant être limitée aux membres de forces armées. Reste que le droit international est tributaire de la volonté de l’État qui se montre pusillanime lorsqu’il s’agit de questions particulièrement sensibles comme la justice militaire. C’est sur ce dernier point qu’il importe de circonscrire la contribution de la CEDH à l’encadrement de la justice militaire.
En effet, la responsabilité internationale de l’État et de ses agents pour violations de droits de la personne dans le contexte d’opérations à l’étranger reste un défi pour la Cour. L’affaire Abdul Hanan c. Allemagne devant la Grande Chambre concernant une frappe aérienne létale en Afghanistan permettra de suivre l’orientation de la jurisprudence de la Cour, mais il serait souhaitable de voir une évolution des critères d’interprétation de la juridiction extraterritoriale de la Cour pour éviter des dénis de justice. De même, plus d’accent devrait être mis sur la civilisation de la justice militaire dans la coopération visant la réforme du secteur de la sécurité avec l’État en démocratisation. En effet, la justice militaire ne doit pas concurrencer la justice ordinaire, à une époque où des États peuvent être tentés de foncer le trait dans la gestion de crises. Au contraire, pour les États membres de l’Europe, les réformes de la justice militaire selon les exigences de l’État de droit conformément à la CEDH pourraient contribuer à l’efficacité opérationnelle de forces armées d’États européens. Par extension, des États partenaires non européens pourraient également être mieux sensibilisés sur les enjeux sous-jacents à la justice militaire dans la coopération internationale.
Appendices
Notes
-
[1]
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213 RTNU 221 à la p 233 (entrée en vigueur : 3 septembre 1953) [Convention européenne des droits de l’homme].
-
[2]
Statut du Conseil de l'Europe, 5 mai 1949, STE 001 (entrée en vigueur : 3 août 1949).
-
[3]
Luc Herschling, « Le regard d’un comparatiste : l’État de droit dans et au-delà des cultures juridiques nationales » dans SFDI, L’État de droit en droit international. Colloque de Bruxelles, Paris, Pedone, 2009 aux pp 41-67; Daniel Mockle, « L’État de droit et la théorie de la Rule of law » (1994) 35 : 4 C de D 823 à la p 843.
-
[4]
Jacques Chevallier, « L’État de droit et les relations internationales » (2006) 7:4 AFRI 1.
-
[5]
Brian Z Tamanaha, « The History and Elements of the Rule of Law» (2012) Sing JLS 232; Jacques-Yvan Morin, L’État de droit: émergence d’un principe du droit international, recueil de cours, t 254, Académie de droit international de La Haye, 1996; François Crépeau, « La multiplicité des forums judiciaires, condition de légitimité de la décision collective en droit international », dans Olivier Delas, René Côté, François Crépeau et al, dir, Les juridictions internationales : complémentarité ou concurrence ?, Bruxelles, Bruylant, 2005, 169 à la p 171.
-
[6]
Philippe Raynaud, Le juge et le philosophe. Essai sur le nouvel âge du droit, Paris, Armand Colin, 2010 à la p 85.
-
[7]
Céline Husson-Rochcongar, « La redéfinition permanente de l’État de droit par la Cour européenne des droits de l’homme » (2016) 37:2 Civitas Europa 183; Conseil de l’Europe, Guide sur l’article 6 de la Convention – Droit à un procès équitable (volet pénal), en ligne : <https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_6_criminal_FRA.pdf>.
-
[8]
Conseil de l'Europe, Commission européenne pour la démocratie par le droit, 106e sess plénière, Liste des critères de l’État de droit, Documents, Doc CDL-AD (2016), en ligne : <https://book.coe.int/fr/droit-constitutionnel/7018-pdf-liste-des-criteres-de-l-etat-de-droit.html >.
-
[9]
Voir le rapport de Louis Joinet, Question de l’administration de la justice par les tribunaux militaires, Doc off CES NU, 54e sess, E/CN.4/Sub.2/2002/4 (2002).
-
[10]
R c Généreux, [1992] 1 RCS 259.
-
[11]
Alvaro Garcé García y Santos, « Juridiction militaire et État de droit en Amérique Latine : notes historiques et défis en attente » dans Réciprocité et universalité : Sources et régimes du droit international des droits de l’homme, Mélanges en l’honneur du Professeur Emmanuel Decaux, Paris, Pedone, 2017, 553 à la p 554 [Mélanges en l’honneur du professeur Emmanuel Decaux].
-
[12]
Federico Andreu-Guzmán, « Juridictions militaires et droits de l’homme : les "Principes Decaux" » dans Mélanges en l’honneur du professeur Emmanuel Decaux, 527; Gilles Létourneau et Michel W Drapeau, Military Justice in Action: Annotated National Defence Legislation, 2e édition, Toronto, Carswell, 2015 à la p ix.
-
[13]
Claire Callejon, « Les principes des Nations Unies sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires : pour une justice militaire conforme au droit international » (2006) 6 Droits fondamentaux 1, en ligne : Centre de recherche sur les droits de l’homme et le droit humanitaire <https://www.crdh.fr?p=5045>; Alison Duxbury et Matthew Groves, dir, Military Justice in the Modern Age, Cambridge, CUP, 2016; Michael R Gibson, « International Human Rights Law and the Administration of Justice through Military Tribunals: Preserving Utility While Precluding Impunity », (2008) 4 J Int'l L & Int'l Rel 1; James W. Rant CB QC, « The Military Justice System and Human Rights » (2000) 145:2 The RUSI Journal 32; Peter Rowe, « The Impact of Human Rights Law on Armed Forces » (2006) 8:3 International Studies Review 504.
-
[14]
Projet de principes régissant l'administration de la justice par les tribunaux militaires, Rapport présenté par le Rapporteur spécial de la Sous-commission sur la promotion et la valorisation des droits de l'homme : Doc off CES NU, 62e sess, Doc E/CN.4/2006/58 (2006) au para 11 [Principes Decaux].
-
[15]
Voir Convention européenne des droits de l’homme, supra note 1, art 6.
-
[16]
Emmanuel Decaux, « La compétence matérielle des tribunaux militaires », présentation lors de l’Expert Consultation on Human Rights Consideration Relating to the Administration of Justice through Military Tribunals and the Role of the Integral judicial System in Combating Human Rights Violations, Genève, 24 novembre 2014, en ligne : <https://www.ohchr.org/Documents/Issues/AdministrationJustice/Consultation2014/PresentationDecaux.pdf>.
-
[17]
Comité des droits de l'homme, Observation générale n° 29. Observation générale sur l’article 4, Doc off CDH NU, 1950e sess, Doc CCPR/C/21/Rev.1/Add.11 (2001) au para 16; Les garanties judiciaires en période d’état d’urgence (Uruguay) (1987) Avis consultatif OC-9/87, Inter-Am Ct Hr (sér A) n° 9; L’habeas corpus en période de suspension des garanties (1987) Avis consultatif OC-8/87, Inter-Am Ct Hr (sér A) n° 8.
-
[18]
Engel et autres c Pays-Bas (1976), 22 CEDH (Ser A) au para 54 [Engel]; Grigoriades c Grèce (1997) VII CEDH (Sér A) au para 45; Tepeli et autres c Turquie, n° 31876/96 (11 septembre 2001) [Tepeli].
-
[19]
Sur les différents contours des droits de la défense : Principes Decaux, supra note 14, au principe 15 (Garantie des droits de la défense et procès juste et équitable).
-
[20]
Il en est ainsi du droit à la protection contre les détentions arbitraires (article 5), du droit à la vie privée (article 8), de la liberté d’expression (article 10), de la liberté de conscience et de religion (article 9) et de la liberté d’association (article 11). Voir à ce propos, Doc off CHDH Division de la recherche, Sécurité nationale et jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (2013), en ligne : <https://www.echr.coe.int/Documents/Research_report_national_security_FRA.pdf>; Alexia Gardin, « L’expression collective des militaires : vers une (r)évolution ? À propos de CEDH » (2014) 1 Revue des droits et libertés fondamentaux, en ligne : <http://www.revuedlf.com/droit-administratif/lexpression-collective-des-militaires-vers-une-revolution-a-propos-de-cedh-2-octobre-2014-matelly-c-france-et-adefdromil-c-france/>.
-
[21]
Nicolae Virgiliu Tănanase c Roumanie [GC], n° 41720/13 (25 juin 2019) aux paras 103, 188-189.
-
[22]
Engel, supra note 18 au para 85.
-
[23]
Suküt c Turquie, n° 59773/00 (11 septembre 2007); Tepeli, supra note 18.
-
[24]
RS c Allemagne, n° 19600/15 (28 mars 2017) au para 33.
-
[25]
Otelo Saraiva De Carvalho c Portugal, n° 9208/80, décision sur la recevabilité (10 juillet 1981).
-
[26]
Engel, supra note 1822 aux paras 4-35, 81-85; Öztürk c Allemagne, [1984] 73 CEDH (Sér A) 18 au para 50; Tepeli, supra note 18 à la p 12.
-
[27]
Engel, supra note 1822 au para 85.
-
[28]
Loizidou c Turquie (1995), 310 CEDH (Ser A) au para 71.
-
[29]
Conseil de l’Europe, Comité des ministres, Rapport explicatif. Les droits de l’Homme des membres des forces armées, Rec CM/Rec, 2010 aux pp 9-10, en ligne : <https://rm.coe.int/1680695bcd>.
-
[30]
Sur la Soft law en droit international, voir Andrew T. Guzman, « A Compliance- Based Theory of International Law » (2002) 90 Cal L Rev 1823; Dinah Shelton, « Soft Law » dans Handbook of International Law, Routledge Press, 2008; Anthea Roberts, « Traditional and Modern Approaches to Customary International Law: A reconciliation » (2001) 95 Am J Int’l L 757.
-
[31]
Engel, supra note 18 au para 89.
-
[32]
Julie Meunier, « La notion de procès équitable devant la Cour européenne des droits de l’homme » dans Hélène Ruiz Fabri, dir, Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs, Société de Législation comparée, Paris, 2003 aux pp 185-208.
-
[33]
Pellegrin c France [GC], n° 28541/95, [1999] VIII CEDH; Tepeli, supra note 18 à la p 13; position nuancée dans Martinie c France, n° 58675/00 (12 avril 2006) à la p 33.
-
[34]
Vilho Eskelinen et autres c Finlande [GC], n° 63235/00 (19 avril 2007) au para 62; Regner c République Tchèque [GC], no 35289/11 (19 septembre 2017) au para 107.
-
[35]
Nicolae Virgiliu Tănanase, supra note 21 au para 192.
-
[36]
Campbell et Fell c Royaume-Uni, [1984] 80 CEDH (Sér A) au para 76.
-
[37]
Comité des droits de l’homme, Affaire Miguel González del Río c Pérou communication (1992), 263/1987 CCPR/C/46/D/263/1987 au para 5.2.
-
[38]
Principes Decaux, supra note 14 aux paras 13-14.
-
[39]
Ibid au para 45; Kyprianou c Chypre [GC], n° 73797/01 (15 décembre 2005) au para 118.
-
[40]
Principes Decaux, supra note 14 aux principes 13 et 17; Claire Saas, « La justice militaire en France » (2007) 1:29 Archives de politique criminelle 183.
-
[41]
Chypre c Turquie [GC], n° 25781/94, [2001] IV CEDH aux paras 357-359.
-
[42]
Findlay c Royaume-Uni, [1997] I CEDH 281 au para 73 [Findlay]; Incal c Turquie, [1998] IV CEDH au para 65 [Incal].
-
[43]
Kyprianou c Chypre, supra note 39 au para 121.
-
[44]
Sur l’essentiel de ces principes : Conseil de l’Europe, Guide sur l’article 6 de la Convention, supra note 7 aux p 25-26.
-
[45]
Miller et autres c Royaume-Uni, n° 45825/99, 45826/99 et 45827/99 (2004) aux paras 30-31 [Miller].
-
[46]
Incal, supra note 42 au para 71.
-
[47]
Grieves c Royaume-Uni [GC], no 57067/00 (16 décembre 2003) au para 69 [Grieves].
-
[48]
Cooper c Royaume-Uni, n° 48843/99 (16 décembre 2003) au para 110.
-
[49]
Miller, supra note 45 aux paras 30-31.
-
[50]
Grieves, supra note 47 au para 69.
-
[51]
Sürek c Turquie, n° 26682/95 (8 juillet 1999) au para 74.
-
[52]
Ibrahim Gürkan c Turquie, n° 10987/10 (3 juillet 2012) au para 19.
-
[53]
Öcalan c Turquie, no 46221/99 (12 mai 2005) aux paras 114-115 [Öcalan].
-
[54]
Martin c Royaume-Uni, n° 40426/98 (24 octobre 2006) au para 44; Mustafa c Bulgarie, n° 1230/17 (28 novembre 2019) aux paras 28-37 [Mustafa].
-
[55]
Incal, supra note 42 au para 72.
-
[56]
Öcalan, supra note 53 au para 115.
-
[57]
Ergin c Turquie, n° 50691/99 (16 juin 2005) au para 49.
-
[58]
Mustafa, supra note 54 aux paras 28-50.
-
[59]
Boyan Gospodinov c Bulgarie, n° 28417/07 (5 avril 2018) aux para 54-60.
-
[60]
Geneviève Giudicelli-Delage, « Juridictions militaires et d'exception : perspectives comparées et internationales : rapport général, garanties procédurales et droit au recours » (2007) 29:1 Archives de politique criminelle 241.
-
[61]
Mindia Vashakmadze, « Understanding Military Justice: A Practice Note » (2018) DCAF, en ligne (pdf) : <https://www.dcaf.ch/sites/default/files/publications/documents/Military-Justice_Prictice-Note_eng.pdf>; Elisabeth Lambert Abdelgawad, dir, Juridictions militaires et tribunaux d'exception en mutation. Perspectives comparées et internationales, Éditions des Archives contemporaines, Paris, 2008.
-
[62]
Federico Andreu-Guzmán, supra note 12 aux p 527-28.
-
[63]
Ibid à la p 523.
-
[64]
Frédéric Sudre et Caroline Picheral, La diffusion du modèle européen du procès équitable, Paris, La Documentation française, 2003; Ludovic Hennebel, « Les références croisées entre les juridictions internationales des droits de l’homme », dans Julie Allard, Benoît Frydman, Ludovic Hennebel, dir, Le dialogue des juges : Colloque Les Cahiers de l’Institut d’études sur la justice, Bruxelles, Bruylant, 2007, aux pp 31-76; Elisabeth Lambert Abdelgawad, « Juridictions militaires et tribunaux d'exception en mutation : Perspectives comparées et internationales, Rapport de Synthèse » (2007) Mission de recherche droit et justice, en ligne : <http://www.gip-recherche-justice.fr/publication/view/tribunaux-militaires-et-tribunaux-dexception-en-mutation-face-au-droit-international/>.
-
[65]
Conseil de l’Europe, AP, 11e sess, partie 2, Les droits de l’Homme des membres des forces armées, Rec 1742 (2006) aux paras 4-5, en ligne : <http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=17424&lang=FR>.
-
[66]
Sur le rôle du Comité des ministres : Elisabeth Lambert Abdelgawad, « L’exécution des décisions des juridictions internationales des droits de l’homme: vers une harmonisation des systèmes régionaux » (2010) 3 Anuario Colombiano de Derecho Internacional 9; Sergio Salinas Alcega, « Le contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme suite au processus d’Interlaken : l’évolution technique d’un mécanisme politique » (2014) 27:2 RQDI 99.
-
[67]
Voir à ce propos : Conseil de l'Europe, Comité des Ministres, Résolution intérimaire relative à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 17 juillet 2001 dans l’affaire Sadak, Zana, Dicle et Dogan c la Turquie, Res DH (2002) 59, 794e réunion (2002); Conseil de l'Europe, Comité des Ministres, Résolution intérimaire relative aux actions des forces de sécurité en Turquie : Mesures supplémentaires de caractère général, Res DH (99) 434, 672e réunion (1999); Conseil de l'Europe, Comité des Ministres, Résolution relative à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 25 juillet 2002 (définitif le 25 octobre 2002) dans l'affaire Perote Pellon c l'Espagne, ResDH (2005) 94, 940e réunion (2005); Conseil de l’Europe, Comité des Ministres, Surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 2007.
-
[68]
Voir, dans le présent ouvrage: Dunja Mijatović et Anne Weber, « The Council of Europe Commissioner for Human Rights and the European Court of Human Rights: An Ever-Closer Relationship ».
-
[69]
Mulry Mondélice, « L’internationalisation du rôle des institutions nationales des droits de l’homme dans la promotion de l’État de droit sur la base des Principes de Paris : dynamiques nouvelles et défis de consolidation », dans Mélanges en l’honneur du Professeur Emmanuel Decaux, supra note 11 aux pp 1283-1300.
-
[70]
Thomas Hammarberg et Isil Gachet, « Human Rights Diplomacy and the Council of Europe Commissioner for Human Rights » dans Michael O’Flaherty, Zdzisław Kędzia, Amrei Müller et George Ulrich, dir, Human Rights Diplomacy: Contemporary Perspectives, Brill, Nijhoff, 2011, aux pp 101-128.
-
[71]
Commission pour la démocratie par le droit, Démocratie, Etat de droit et politique étrangère, Éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2003.
-
[72]
European Commission for Democracy through Law, Compilation of Venice Commission Opinions and Reports Concerning Courts and Judges, Council of Europe, 2015, en ligne : <https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-PI%282015%29001-e>; Simona Granata-Menghini, « La Commission de Venise du Conseil de l’Europe : méthodes et perspectives de l’assistance constitutionnelle en Europe », (2017) 56:2-3 Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel 69; Yadh Ben Achour, L’internationalisation du droit constitutionnel, Recueil de cours, Académie internationale de droit constitutionnel, 2007 à la p 21.
-
[73]
Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés par le septième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, Doc off AG NU, Doc NU A/RES/40/32 (1985), Doc NU A/RES/40/146 (1985).
-
[74]
Principes Decaux, supra note 14.
-
[75]
Gabriela Knaul, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats consacrés à la justice militaire, Doc off AG NU, 68e sess, Doc NU A/68/285 (2013).
-
[76]
Intégrité de l’appareil judiciaire, Doc off NU, Doc NU A/HRC/RES/19/31 (2012); Résumé des débats tenus pendant la consultation d’experts sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires et le rôle de l’ensemble de l’appareil judiciaire dans la lutte contre les violations des droits de l’homme, Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Doc NU A/HRC/28/32 (2015).
-
[77]
Comité sur les disparition forcées, Statement on Enforced Disappearance and Military Jurisdiction, 2015, en ligne: <https://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CED/Shared%20Documents/1_Global/INT_CED_SUS_7639_E.pdf>; Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 32, Article 14 : Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, Doc off NU, Doc NU CCPR/C/GC/3223 (2007) au para 22.
-
[78]
Observations finales concernant le troisième rapport périodique de la Belgique, Comité contre la torture, Doc off NU, Doc NU CAT/C/BEL/CO/3 (2014).
-
[79]
Alvaro Garcé García y Santos, supra note 12; Andrés González Serrano et María Isabel Melendez Salamanca, « La jurisdicción militar desde los fallos de la Corte interamericana en relación con Colombia », (2016) 11:1 Saber, Ciencia y Libertad 37; Ronald Naluwairo, « Improving the administration of justice by military courts in Africa: An appraisal of the jurisprudence of the African Commission on Human and Peoples Rights » (2019) 19 African Human Rights Law Journal 43; Ronald Naluwairo, « Military Courts and Human Rights: A critical Analysis of the Compliance of Uganda's Military Justice with the Right to an Independent and Impartial Tribunal » (2012) 12:2 African Human Rights Law Journal 448.
-
[80]
Ergin, supra note 57.
-
[81]
Maszni c Roumanie, n° 59892/00 (21 septembre 2006).
-
[82]
Principes Decaux, supra note 14 aux principes 1, 2, 5.
-
[83]
Mustafa, supra note 54 aux paras 16, 34-36.
-
[84]
Frédéric Charillon, Thierry Balzacq et Frédéric Ramel, Manuel de diplomatie, Paris, Presses de Sciences Po, 2018 aux pp 307-319; Henry Zipper de Fabiani, « La "diplomatie de défense", composante essentielle de la diplomatie préventive. Vers une nouvelle symbiose entre diplomatie et défense », (2002) 3 Annuaire français de relations internationales 614.
-
[85]
Noémi Mercier, « La justice militaire canadienne n’est pas indépendante », L’actualité (18 janvier 2016), en ligne : <https://lactualite.com/societe/la-justice-militaire-canadienne-nest-pas-independante/>.
-
[86]
Michel Drapeau, « Un réel renouveau, inimaginable il y a quelques mois encore, du système judiciaire militaire », 45e Nord.Ca (10 mai 2018), en ligne : <http://www.45enord.ca/2018/05/un-reel-renouveau-inimaginable-il-y-a-quelques-mois-encore-du-systeme-judiciaire-militaire/>.
-
[87]
Sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada relative à la justice militaire, voir : MacKay c La Reine, [1980] 2 RCS 370; R c Généreux, [1992] 1 RCS 259; R c Moriarity, [2015] 3 RCS 485; R c Stillman, 2019 CSC 40.
-
[88]
Voir par exemple : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme de l’OSCE et le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, Manuel sur les droits de l’homme et libertés fondamentales du personnel des forces armées, 2009, en ligne : <https://www.irsem.fr/data/files/irsem/documents/document/file/938/manuel%20DCAF.pdf>; Commission internationale de juristes, International Commission of Jurists, Military “justice” system: a glaring surrender of human rights, 2019, en ligne: <https://www.icj.org/military-justice-system-a-glaring-surrender-of-human-rights/>.
-
[89]
Içen c Turquie, no 45912/06 (31 mai 2011) aux paras 28-46.
-
[90]
Principes Decaux, supra note 14 aux paras 29-31.
-
[91]
Jean-Paul Costa, Des juges pour la liberté, 1ère édition, Paris, Dalloz, 2013.
-
[92]
Voir : Linos-Alexandre Sicilianos, « L’articulation entre droit international humanitaire et droits de l’homme dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme » (2017) 27:1 RSDIE 3; Nicolas Hervieu, « La jurisprudence européenne sur les opérations militaires à l’épreuve du feu » (2014) RDR hommes, en ligne : <http://journals.openedition.org/revdh/890>.
-
[93]
Banković et autres c Belgique et autres [GC], n° 52207/99 (23 décembre 2001) au para 54.
-
[94]
Al-Saadoon et Mufdhi c Royaume-Uni, n° 61498/08 (2 février 2010); Al-Jedda c Royaume-Uni [GC], n° 27021/08 (7 juillet 2011); Al-Skeini et autres ce Royaume-Uni, n° 55721/07 (7 juillet 2011); Hassan c Royaume-Uni, n° 29750/09 (16 septembre 2014).
-
[95]
Sur ces subtilités juridiques soulevées par la jurisprudence, voir Conseil de l’Europe, Guide sur l’article 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, Obligation de respecter les droits de l’homme. Notions de « juridiction » et d’imputabilité, (2020), en ligne : <https://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_1_FRA.pdf>.
-
[96]
Irlande Behrami et Behrami c France et Saramati c France, Allemagne et Norvège [GC], n° 71412/01 et n° 78166 (2007). Voir également Stichting Mothers of Srebrenica et autres c Pays-Bas, n° 65542/12 (2013).
-
[97]
Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi c Irlande, n° 45036/98 [2005] VI CEDH.
-
[98]
Anne-Marie Baldovin, « Impact de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’Homme sur la planification et l’exécution des opérations militaires à venir : Application extraterritoriale de la Convention, imputabilité des faits des troupes et fragmentation du droit international » (2011) 50 RDR militaire & Dr guerre 3-4.
-
[99]
Al Nashiri c Roumanie, n° 33234/12 (31 mai 2018) aux paras 719-722; Al Nashiri c Pologne, n° 28761/11 (24 juillet 2014) aux paras 565-569; Husayn (Abu Zubaydah) c Pologne, n° 7511/13 (24 juillet 2014) aux paras 555-561.
-
[100]
Jean Baptiste Jeangène Vilmer, « Droits humains et conflits armés » (2015) 42:2 Philosophiques 311.