Le colloque qui a inspiré ce texte constituait une excellente occasion d’aborder l’importance et la pertinence du Système interaméricain des droits de la personne [ci-après le « Système » ou le « SIDP »], un sujet rarement discuté dans les milieux universitaires canadiens et qui est méconnu du grand public. C’est ce qui explique probablement, du moins en partie, le fait que le Canada ne soit pas encore un « partenaire à part entière » du Système. En effet, depuis que le Canada s’est joint à l’Organisation des États américains [ci-après l’« OEA »] en 1990, il n’a pas encore adhéré à la Convention américaine relative aux droits de l’homme [ci-après la « Convention américaine »] et ne reconnaît pas la compétence obligatoire de la Cour interaméricaine des droits de l’homme [ci-après la « Cour »]. Il reconnaît néanmoins son obligation internationale de respecter les droits humains, comme le prévoient la Charte de l’Organisation des États américains et la Déclaration américaine des Droits et Devoirs de l’Homme [ci-après la « Déclaration américaine »], ainsi que les fonctions de la Commission interaméricaine des droits de l’homme [ci-après la « Commission » ou la « CIDH »], y compris sa compétence pour formuler des recommandations aux États membres et pour recevoir et traiter des pétitions individuelles. Cela étant dit, en date de septembre 2017, très peu de recours individuels ont été intentés contre le Canada à la Commission, qui n’a rendu que trois décisions sur le fond, six sur la recevabilité et trois sur l’irrecevabilité concernant ce pays. La CIDH a également publié deux rapports thématiques sur le Canada, le premier portant sur le système canadien de détermination du statut de réfugié (2000), et le deuxième sur les disparitions et les meurtres de femmes autochtones en Colombie-Britannique. L’usage limité du SIDP par les Canadiens-nes peut évidemment s’expliquer de nombreuses façons. En effet, on peut estimer que la situation générale des droits de la personne au Canada est relativement bonne comparativement à celle d’autres États de l’OEA. De plus, le système judiciaire canadien, bien que loin d’être parfait, se révèle assez efficace et peut probablement traiter la plupart des problèmes en matière de droits de la personne au pays. Mais la principale raison est probablement que la majorité des Canadiens-nes, y compris la majorité des membres de la communauté juridique canadienne, ne connaît pas très bien le Système. Le sujet a attiré considérablement l’attention des Canadiens-nes dans les années 1990 et au début des années 2000, lorsque l’adhésion du Canada à la Convention américaine a fait l’objet de discussions dans plusieurs secteurs de la société. En effet, on se souviendra des deux rapports publiés sur la question par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, des nombreux rapports publiés par la société civile, ainsi que des consultations menées par des organismes fédéraux à l’époque. Depuis un certain temps, on semble constater au pays un regain d’intérêt pour le SIDP, plus particulièrement en ce qui a trait à l’adhésion possible du Canada à la Convention américaine, une avenue proposée par l’auteur depuis longtemps. Comme son titre l’indique, le présent article a pour but d’exposer en détail dix raisons pour lesquelles le Canada devrait adhérer à la Convention américaine relative aux droits de l’homme et reconnaître la compétence obligatoire de la Cour. 1. Le Canada devrait adhérer à la Convention américaine d’abord et avant tout parce que c’est la volonté manifestée par la majorité des Canadiens-nes consultés-es sur cette question, comme en font foi les rapports de 2003 et de 2005 du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui …
DIX RAISONS POUR LESQUELLES LE CANADA DEVRAIT ADHÉRER À LA CONVENTION AMÉRICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L’HOMME[Record]
B.C.L., LL.B., LL.M., professeur titulaire de droit à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Visiting Scholar, Faculty of Law & Centre for Global Studies, Université de Victoria, Président Rapporteur du Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, et Lauréat de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. M. Duhaime a travaillé auparavant comme avocat à la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des États américains.