Dans la crise environnementale actuelle, il s’avère primordial de développer des avenues de recherche critiques du droit de l’environnement. Malgré certaines avancées, il semble que le droit ne tient pas sa promesse de protection pour les générations présentes et futures, que l’on pense à la problématique des changements climatiques, au déclin de la biodiversité, au problème de la gestion des déchets et de la pollution, etc. Le Laboratoire pour la recherche critique en droit (LRCD) a tenu les 13 et 14 juin 2016 un colloque bilingue de grande envergure intitulé « Terre à terre : environnement et approches critiques du droit », à l’Université de Sherbrooke. Ce colloque visait justement à s’interroger sur les raisons pour lesquelles le droit de l’environnement, incluant le droit international, n’apporte que très peu de solutions aux problèmes environnementaux actuels. Il visait également à explorer des avenues, tant théoriques que pratiques, pour repenser la conception de la nature au sein du droit. Le colloque « Terre à terre : environnement et approches critiques du droit » fut le premier uniquement dédié à joindre les approches critiques du droit et le droit de l’environnement. Les approches critiques du droit s’intéressent aux relations de pouvoir qui sont présentes au sein des normes et des institutions juridiques. Contrairement aux approches dominantes en droit qui le conçoivent comme étant neutre et objectif, les approches critiques remettent en question les fondements mêmes des normes juridiques, dévoilent les contradictions inhérentes au droit et explorent des avenues pour mener à l’émancipation par rapport aux relations de pouvoir. Quoique les approches critiques prenant comme catégorie d’analyse la race, le genre, l’origine ethnique ou les peuples du tiers-monde soient développées en droit international, celles qui s’intéressent aux relations de pouvoir dans le contexte environnemental sont émergentes. Les actes du colloque qui font partie de ce numéro spécial permettent ainsi de donner un aperçu des recherches critiques en droit de l’environnement. D’abord, les textes d’Aliènor Bertrand et d’Hélène Mayrand visent à faire l’histoire ou la généalogie de l’environnement au sein du droit colonial et international. Une telle entreprise permet de déconstruire les principes fondateurs du droit, ainsi que de soulever ses contradictions, ses choix politiques et ses angles morts. Ensuite, le travail de Julia Dehm s’inscrit dans le courant de justice environnementale, un courant qui se concentre sur comment le droit international permet la marginalisation de certains groupes, entraînant par le fait même des effets environnementaux néfastes encore plus importants pour ceux-ci. Finalement, Rabah Belaidi et Sabrina Tremblay-Huet s’interrogent respectivement sur des possibilités concrètes de refontes du droit de l’environnement et des problèmes qui y sont liés. Aliènor Bertrand ouvre la réflexion en revisitant les sources historiques du droit de la propriété, par son article « A Colonial Factory of Property Rights: Contribution to an Archeology of Naturalism ». Mieux saisir les racines colonisatrices de l’appropriation des « ressources » permet de situer les maux contemporains liés à la conception juridique de la nature en tant qu’élément à approprier. L’auteure cherche ainsi à proposer une histoire alternative du droit de propriété, qui n’a pas pour point de départ la modernité, mais bien les premières entreprises colonisatrices. Inspirée des approches marxistes démontrant l’exploitation dans les relations sociales de production, cette histoire ramène au premier plan la logique de la colonisation, histoire influençant cette conception moderne de la propriété, si puissante de nos jours. Le régime juridique actuel qui émergea de cet historique, dont fait partie le droit de l’environnement de façon non dissociable, mène ainsi à plusieurs impasses et incohérences en matière environnementale. Hélène Mayrand situe ces problèmes au niveau des idéologies qui sous-tendent le droit …
Terre à terre : environnement et approches critiques du droit[Record]
Hélène Mayrand, professeure agrégée, Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke ; co-fondatrice et membre du Laboratoire pour la recherche critique en droit (LRCD).
Sabrina Tremblay-Huet, candidate au doctorat et chargée de cours, Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke ; co-fondatrice et membre du Laboratoire pour la recherche critique en droit (LRCD).