La justice pénale internationale a connu un développement intermittent qui s’est accéléré à la fin du 20e siècle. Trouvant ses fondements modernes dans la fin de la Seconde Guerre mondiale, par la création des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo pour juger les criminels nazis et les puissances de l’axe, son évolution connaîtra un ralentissement jusqu’à la fin de la guerre froide. De nouveaux conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda rappelleront les horreurs de la Seconde Guerre mondiale par des tueries de masse et des épurations ethniques, et pousseront le Conseil de sécurité des Nations unies à créer par résolutions deux nouvelles juridictions pénales internationales ad hoc en vue de rétablir et de maintenir la paix : le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPY) en 1993 et le Tribunal international pénal pour le Rwanda (TPIR) en 1994. Quelques années après la création de ces juridictions ad hoc suivra la création de la Cour pénale internationale (ci-après CPI ou la Cour) dont le Statut est adopté par des représentants de 120 États réunis à Rome le 17 juillet 1998. Cette dernière est permanente et a une vocation universelle. En parallèle à ces juridictions pénales internationales se sont développés d’autres mécanismes visant également la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes graves. On peut citer parmi ceux-ci les juridictions hybrides alliant caractères international et national (le Tribunal spécial pour le Liban, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, les Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens, la Chambre pour les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine, les Chambres africaines extraordinaires et la Cour spéciale pour la Centrafrique), la compétence universelle des juridictions nationales et les modes alternatifs de justice entrant dans une approche plus globale de justice transitionnelle. Pour revenir à la CPI, elle commémore cette année son vingtième anniversaire, ou plus précisément le vingtième anniversaire de l’adoption du Statut de Rome qui l’institue. Il convient donc de dresser le bilan de ces années d’existence et d’évoquer les faits qui ont marqué son fonctionnement. Sans en aborder tous les aspects, il convient d’évoquer dans ce cadre les aspects judiciaires et politico-judiciaires de ce bilan. Sur le plan judiciaire et juridique, la CPI compte aujourd’hui dix examens préliminaires en cours, quatre examens préliminaires clos avec décision de ne pas poursuivre et dix autres ayant débouché sur des décisions d’ouvrir une enquête. Elle compte aussi onze situations qui font l’objet d’une enquête, vingt-cinq affaires et quarante-et-une personnes mises en cause, dont huit en fuite, sept affaires closes, deux condamnations, six détenus, une personne en liberté provisoire, trois personnes non détenues et un acquittement. Trois affaires ont atteint le stade de réparations/compensations aux victimes. En plus de ces procédures judiciaires, il faut ajouter quelques avancées en matière des droits de la défense et l’intégration du crime d’agression dans la compétence ratione materiae de la Cour. On pourrait conclure de prime abord que le bilan judiciaire de la CPI est positif, car on peut observer un véritable tribunal international luttant contre l’impunité en poursuivant les auteurs de crimes graves. De nombreuses critiques assaillent la Cour, mais celle qui menace davantage son développement est sans doute la sélectivité apparente des situations et affaires auxquelles elle choisit de s’intéresser, ce qui a d’ailleurs conduit à des réactions politico-judiciaires. Le bilan politico-judiciaire renvoie principalement aux problèmes liés à l’obligation de coopération des États et organisations internationales avec la CPI. À ce sujet, la Cour a fait face principalement à l’opposition de certains États membres et à l’inaction du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU). Ce bilan est plutôt mitigé à cause de nombreuses controverses …
Regards critiques de jeunes chercheurs sur certains des grands enjeux de la justice internationale pénale[Record]
La directrice de ce numéro hors-série remercie la rédactrice en chef de la RQDI, Kristine Plouffe-Malette, de l’avoir invitée à assumer ce rôle et d’avoir mené ce projet à terme avec grande compétence. Elle remercie les auteurs et les évaluateurs anonymes de l’avoir nourri et ainsi avoir offert matière à réflexion aux lecteurs quant aux enjeux actuels de la justice internationale pénale. Enfin, elle remercie Aze Kerte Amoulgam, doctorant à la Faculté de droit de l’Université Laval, de sa précieuse aide dans la préparation de cette introduction.