Recensions

KARIM BENYEKhlef, Une possible histoire de la norme. Les normativités émergentes de la mondialisation, 2e ed, Montréal, Éditions Thémis, 2015[Record]

  • Alexandra Sweeney-Beaudry

Étudiante de 2e cycle en droit et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke.

Alors que la mondialisation place les États souverains dans une situation d’interdépendance et freine leur capacité normative, l’auteur rappelle l’urgent besoin d’élaborer de nouvelles normes qui seraient acceptées « par tous les acteurs et susceptibles de répondre aux véritables défis de la gouvernance globale ». Son ouvrage s’avère alors une tentative de surmonter l’insuffisance de la norme moderne par la proposition d’une solution : une gouvernance globale démocratique, supérieure à tout autre ordre juridique, qui saurait répondre aux besoins mondiaux en s’appuyant sur les intérêts collectifs des différentes nations Concrètement, l’ouvrage du professeur Karim Benyekhlef se divise en trois titres principaux : la norme moderne (I), la norme pré-moderne (II) et la norme postmoderne (III). Après avoir fait un survol de la modernité et des présupposés du positivisme juridique, l’auteur présente les attributs du droit moderne. Il montre la nette insuffisance du droit présenté comme étant autonome, formé de règles générales et abstraites, hiérarchisé et organisé de manière systémique et dont la légitimité s’assoit sur son origine démocratique. Le professeur Benyekhlef met ainsi de l’avant les limites de la théorie positiviste à saisir la complexité des normes contemporaines. Pour y pallier, il propose le pluralisme juridique comme « concept clé » capable de « décrire correctement les effets de la mondialisation sur le droit » et apte à « constituer un vecteur de résolution des divergences internormatives ». Partant, l’auteur annonce la diminution inévitable du monopole normatif de l’État, donc de sa souveraineté, dans des circonstances où la mondialisation impose un ensemble de limites à sa capacité d’élaborer le droit. L’ouvrage fait ensuite minutieusement état des limites de la norme moderne. Pour montrer concrètement ses « insuffisances théoriques et pratiques », l’auteur présente tour à tour deux domaines de droit où la souveraineté subit une indubitable pression normative : les droits de la personne et le commerce international. Ce volumineux chapitre peut a priori paraître démesuré lorsqu’il est comparé aux autres. Cependant, la disproportion semble nécessaire puisque les limites présentées permettent de mieux comprendre la transition de la norme, dévoilée dans les titres suivants. D’abord, les droits de la personne, élaborés dans un premier temps au niveau national, ont maintenant pris des dimensions internationales, mondiales et même globales et s’imposent à une majorité d’États souverains en encadrant leur compétence législative. L’auteur invoque d’ailleurs différents cas concrets qui permettent de réaliser la pression normative que subit un État qui désire prendre part à la communauté internationale. Il illustre également par un schéma le résumé des « quatre temps d’évolution » qu’ont connus les droits de la personne. Pareillement, le commerce international impose ses propres règles et limite tout autant la capacité normative des États souverains. Pour éclairer ses propos, l’auteur présente certains instruments juridiques « capables de plier l’État » et d’atteindre sa faculté d’élaborer des règles de droit. Bref, l’insuffisance du positivisme juridique à décrire les effets de la mondialisation sur le pouvoir normatif des États souverains montre qu’il y a lieu d’adopter une conception pluraliste du droit contemporain. Pour permettre à ses lecteurs d’en connaître davantage sur les sujets qu’il aborde dans le premier titre, l’auteur fournit à plusieurs endroits des listes contenant des sources supplémentaires. Au regard du contexte historique (chapitre I), le professeur Benyekhlef rend d’abord compte du caractère autonome de la norme. Selon lui, elle n’est pas créée par la seule volonté du législateur, mais bien par une multitude de facteurs distincts les uns des autres. De plus, il soutient que ses sources sont multiples, démontrant encore une fois fidèlement son adhésion au concept de pluralisme juridique. Cette direction s’éloigne en effet de la conception positiviste …

Appendices